Intervention de Raphaël Schellenberger

Séance en hémicycle du lundi 31 octobre 2022 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2023 — Écologie développement et mobilité durables

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRaphaël Schellenberger :

Madame la ministre, d'autres que vous auraient profité de la présentation de cette mission budgétaire pour plastronner en évoquant un budget historique pour le ministère de la transition énergétique, au motif qu'il est prévu de stabiliser ses effectifs après cinq années de baisse alors qu'il était, au premier semestre, le plus gros consommateur de cabinets de conseil du Gouvernement.

Vous ne le ferez pas, car l'hiver vient. Et, cet hiver, en guise de conclusion de la politique que vous et vos prédécesseurs menez depuis dix ans, vous allez demander aux Français de se chauffer moins, de s'éclairer moins, pour passer la saison.

Le bouclier que vous avez adopté en catastrophe pour plafonner les prix de l'électricité et du gaz, et faire face à la crise du secteur de l'énergie contribuera à l'explosion de notre déficit budgétaire en 2023, qui se creusera de près de 9 milliards d'euros.

Vous ne vous vanterez donc pas, car vous savez que le budget « brun » que vous nous présentez est largement la conséquence des erreurs commises dans le domaine de l'énergie par les gouvernements qui se sont succédé au cours des dix dernières années. Avec ce budget, vous continuez à suivre le mouvement : vous laissez les marchés et les États étrangers nous imposer leur vision plutôt que de reprendre les choses en main, souverainement.

Je pense d'abord, bien entendu, à l'explosion du montant des factures d'électricité, que vous auriez pu éviter en négociant avec plus de fermeté une véritable réforme des mécanismes de marché européens de l'électricité. Certains, au passage, ne manqueront pas de se satisfaire que les énergies renouvelables intermittentes sont désormais rentables et que l'État n'a plus besoin de dépenser dans ce domaine. Encore heureux, quand l'électricité a vu son prix multiplié par dix !

Est-il normal que nos entreprises et nos collectivités soient obligées de payer l'électricité au prix du gaz, soit jusqu'à 1 000 euros le mégawattheure alors que la production d'un mégawattheure ne coûte que 50 euros en France, notamment grâce à nos centrales nucléaires ? Est-il normal que nous regardions les trains passer quand des pays comme l'Espagne ou le Portugal ont réussi à négocier une sortie temporaire des règles européennes ? Est-il normal, enfin, de laisser toujours et encore Vladimir Poutine et la stratégie énergétique allemande imposer le prix de l'électricité en France ?

L'autre enjeu que révèle la crise énergétique, c'est bien sûr l'effondrement sans précédent de notre production d'électricité d'origine nucléaire. À la fin de l'été, les Français apprenaient avec stupeur que trente-deux de nos cinquante-six réacteurs nucléaires étaient à l'arrêt au moment d'aborder l'hiver. Alors que cette technologie faisait la fierté de notre nation et contribuait à son indépendance, nous avons tout abandonné ! L'absence de préparation du grand carénage, les moyens systématiquement retirés à EDF et le changement politique du patron de cette grande entreprise font office de bouc émissaire, car vous êtes responsables de ces choix.

La vérité, c'est que notre pays a, depuis des années, négligé ses centrales au profit d'un objectif illusoire de diversification de son mix énergétique. La vérité, c'est qu'on a cassé notre outil nucléaire, légué par le général de Gaulle et les présidents de la République qui lui ont succédé au cours des cinquante dernières années, et que les Français ne le savaient pas !

Vous avez de surcroît fermé, ces dernières années, 15 gigawatts de capacité de production d'électricité pilotable – discrètement, sans rien dire à personne. À cet égard, le scandale de Fessenheim est l'arbre qui cache la forêt : ce sont plusieurs décisions successives qui ont provoqué l'effondrement complet de notre système électrique. Vous ne savez pas écouter, et quel est le résultat ? La crainte d'un blackout cet hiver, qui nous conduit à remettre en toute dernière minute Saint-Avold en fonctionnement et à importer d'importantes quantités d'électricité allemande produite à partir de charbon.

Qui croire, madame la ministre ?

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