Intervention de Roger Chudeau

Réunion du mercredi 19 octobre 2022 à 17h05
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoger Chudeau :

Tout le monde connaît les villages que le prince Potemkine fit ériger en 1787 lors du voyage en Crimée de la Grande Catherine : des façades en bois hâtivement peintes dissimulaient la misère. Vous êtes, monsieur le ministre, le Potemkine du macronisme déclinant. Ce budget n'est qu'une accumulation de faux-semblants, qui dissimulent mal l'état alarmant du système éducatif.

Vous annoncez fièrement une augmentation de 3,7 milliards d'euros mais à quoi cette somme est-elle employée ? En effet, 1,7 milliard d'euros est consacré à la revalorisation du point d'indice ; le glissement vieillesse technicité (GVT) coûte 770 millions d'euros – des dépenses qui sont sans rapport avec la politique éducative proprement dite. Reste 1,9 milliard d'euros en année pleine pour augmenter de 10 % le traitement des jeunes professeurs. Avec une inflation de 7 %, cela fait peu et ne ressemble pas à une avancée sociale remarquable !

Notons au passage de petites mesquineries. Vous dites donner la priorité au primaire, mais sur les 2 000 postes supprimés, 1 100 sont des postes de professeurs des écoles. L'augmentation du traitement des débutants n'entrera en vigueur qu'au mois de septembre.

Le mystère plane encore sur la seconde augmentation, qui sera réservée aux professeurs ayant conclu un « pacte ». Avec vous-même ? Avec monsieur Macron ? Les professeurs ne signent pas de pacte, ce sont des agents de l'État, recrutés à l'occasion de concours difficiles – nous sommes tous deux agrégés et savons de quoi il s'agit –, leur travail est défini par des textes réglementaires. Il n'y a ni pacte ni contrat, nous ne sommes pas aux États-Unis d'Amérique ! Voulez-vous diviser le corps enseignant entre ceux qui touchent le minimum syndical et les superprofs qui auront signé ?

Mais parlons de l'essentiel, les élèves et leurs résultats. Vous poursuivez le dédoublement des classes de l'éducation prioritaire, mais vous devriez savoir que, sans changement de pédagogie, la baisse du nombre d'élèves par classe ne produit pas mécaniquement de progrès. De plus, l'éducation prioritaire ne concerne que 20 % des écoliers de France.

Vous envisagez de réfléchir à l'avenir du collège dont vous découvrez, un peu tard, qu'il est depuis plus de trente ans l'enfant malade du système scolaire. Le baccalauréat Blanquer tourne à la farce et vous ne voulez pas y toucher.

Ce budget, qui est le premier de l'État par son ampleur, qui devrait être un investissement stratégique, aux enjeux vitaux pour l'avenir de la nation, n'est pas un budget de mission : c'est un budget de gestion.

Vous savez pourtant que les maux dont souffre le système éducatif sont de nature systémique. Le Président de la République lui-même a dit : « Quelque chose ne va pas dans notre organisation ». Hélas, vous semblez vous interdire toute action susceptible d'améliorer les apprentissages. Vous déclarez par exemple, urbi et orbi, que ce n'est pas en augmentant les horaires que l'on améliorera les performances scolaires ; où avez-vous donc acquis cette certitude ?

Savez-vous que les écoliers de 1945, ceux du Conseil national de la résistance (CNR) – le vrai –, ceux du plan Langevin-Wallon, avaient 30 heures de cours hebdomadaires, 188 jours de cours par an, soit 1 128 heures annuelles ? Aujourd'hui, les écoliers ont 24 heures de cours hebdomadaires, 144 jours de cours par an, soit 864 heures annuelles. Dans le même temps, nos enfants passent plus de 1 200 heures par an sur les écrans, véritables fabriques de crétins. Vous devriez réfléchir à tout cela, comme à la révision de la grille des enseignements, qui devrait se faire au profit quasi exclusif du français et des mathématiques, au moins jusqu'au CM1. Vous devriez aussi réviser les obligations réglementaires de service (ORS) des professeurs.

Nous en débattrons peut-être dans l'hémicycle. Pour l'heure, nous ne renoncerons pas et nous défendrons de nombreux amendements visant à restaurer l'efficacité et la dignité de l'école de la République.

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