Intervention de Jérôme Legavre

Réunion du mercredi 19 octobre 2022 à 17h05
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Legavre :

Nous examinons les mesures concernant l'école alors que le Gouvernement vient d'actionner l'article 49.3, quintessence de la démocratie.

Permettez-moi de commencer par un exemple. Les parents du lycée Alfred-Nobel de Clichy-sous-Bois se plaignent que leurs enfants, inscrits en voie professionnelle, soient privés de cours de mathématiques et d'anglais depuis la rentrée. Leur inquiétude grandit, comme le stress des élèves devant l'échéance des examens et des inscriptions sur Parcoursup. Comment assurer les remplacements et rattraper les centaines d'heures de cours perdues ?

Cette situation est tout sauf exceptionnelle, elle est désormais la règle. Selon une enquête du Syndicat national des personnels de direction de l'éducation nationale (SNPDEN), principal syndicat de chefs d'établissements, un mois après la rentrée, 35 % des établissements comptent au moins un poste d'enseignant vacant ; 32 % font état d'au moins une absence longue non remplacée. Dans le premier degré et dans plusieurs départements, les équipes de remplaçants sont déjà à sec. Cette situation inacceptable revient, de fait, à nier le droit à l'instruction dû à tous les élèves du pays. Elle résulte directement des politiques destructrices de l'école conduites depuis des années, et considérablement aggravées par votre prédécesseur, monsieur Blanquer. L'urgence est donc de changer de cap.

Nous avons examiné avec la plus grande attention les mesures de ce PLF. Le schéma d'emploi révèle que 2 100 postes d'enseignants sont supprimés, dont 1 117 dans le premier degré, et 481 dans le second degré, de l'enseignement public. Cela s'ajoute aux 7 900 suppressions de postes du quinquennat précédent. Il en va de même pour toutes les catégories de personnels, tant de vie scolaire que de santé scolaire, alors même que les besoins sont urgents.

Par ailleurs, de très nombreux parlementaires, d'appartenances différentes, ne cessent de vous alerter sur le sort des élèves en situation de handicap. Vous annoncez 4 000 emplois d'AESH supplémentaires, mais combien de postes seront-ils réellement pourvus ? Il nous est impossible de contrôler la ligne budgétaire concernée. Sur le terrain, on manque partout d'AESH et on sait pourquoi : ces personnels touchent, et continueront de toucher un salaire de misère – 800 euros par mois en moyenne – pour un temps, imposé, de 24 heures hebdomadaires.

Plus de 4 000 postes d'enseignants n'ont pas été pourvus à l'issue des concours cette année. D'où vient ce manque inédit ? De la dégradation continue des conditions de travail et d'une rémunération totalement insuffisante. Vous annoncez une revalorisation de 10 % des salaires des enseignants, mais celle-ci inclut l'augmentation de 3,5 % de la valeur du point d'indice, bien en deçà du taux d'inflation. À partir de septembre 2023 – il faudra donc attendre un an –, les enseignants recevront en moyenne 172 euros brut par mois en plus. On est bien loin des 10 % !

Ajoutons que 300 millions d'euros seront attribués aux enseignants qui accepteront des tâches supplémentaires, sans rapport avec l'enseignement. Vous leur proposez donc de travailler plus pour perdre moins.

Pendant ce temps, des cadeaux continuent d'être fait à l'enseignement privé sous contrat, une fois de plus privilégié.

Cette privatisation rampante est d'ailleurs l'objet réel de la réforme de la voie professionnelle, contre laquelle les professeurs de lycées professionnels se sont massivement mis en grève hier. Vous décidez de réduire drastiquement le temps d'enseignement dans les lycées, alors que cet enseignement a été institué après la guerre pour soustraire la jeunesse à la tutelle des patrons. Vous savez que les jeunes en apprentissage réussissent moins bien que ceux qui sont sous statut scolaire, mais vous décider de favoriser l'apprentissage afin de fournir une main-d'œuvre gratuite aux entreprises et de remplacer des salariés par des apprentis sous-payés.

Il nous sera impossible de voter ces crédits. Nos amendements sont issus de deux propositions de loi. Ils visent à organiser des concours exceptionnels de recrutement, à créer un prérecrutement des personnels de l'Éducation nationale, à revaloriser réellement les salaires de 10 %, à créer un corps d'AESH dans la fonction publique. Entendrez-vous ces propositions ? Renoncerez-vous à la réforme de la voie professionnelle ?

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