Intervention de Alexandre Portier

Réunion du mercredi 19 octobre 2022 à 17h05
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexandre Portier :

Quand on aborde l'étude d'un budget de plus de 59 milliards d'euros, le risque est de se perdre et de confondre les moyens avec les fins. L'école est d'abord une mission d'intérêt général et un projet républicain ; elle résulte ensuite des moyens humains et matériels consacrés à leur mise en œuvre. Ainsi, en matière d'instruction publique et d'enseignement, c'est bien la fin qui justifie les moyens.

L'enveloppe dédiée à l'enseignement scolaire est en hausse de 6,5 %. Avec une trajectoire de 1,9 milliard d'euros en année pleine, ce budget prévoit une augmentation, juste et bienvenue, du salaire des enseignants. Il est inacceptable que les têtes les mieux faites de notre pays, avec un bac + 5, commencent leur carrière à 1 450 euros net. L'effort et le travail doivent payer, et ce principe devrait être assumé au cœur même de la méritocratie républicaine. Cependant, la promesse d'une revalorisation inconditionnelle n'est pas tout à fait tenue : les augmentations n'entreront en vigueur qu'en septembre. Quand parviendra-t-on aux 2 000 euros net annoncés ?

Il nous faut plus d'enseignants, mieux payés et mieux formés. Mais le malaise enseignant, monsieur le ministre, ne tient pas qu'à des chiffres, il est aussi dû au manque de reconnaissance. Quand ils rencontrent un problème, les enseignants s'entendent trop souvent répondre : « pas de vagues ». Peu d'entre eux croient encore au soutien de l'institution. Les anciens se sentent isolés au quotidien dans leur pratique. Lors de votre dernière audition, je vous ai interrogé sur l'autorité, Maxime Minot sur la médecine du travail. Aucun élément de réponse n'est contenu dans ce budget.

Qu'en est-il des infirmiers et des assistants de service social (ASS) de l'Éducation nationale, dont le malaise est profond ? Depuis 2017, les départs se multiplient, en partie à cause de la faiblesse des salaires.

Nous saluons la création de 4 000 postes d'AESH, mais quid des pratiques de terrain qui posent question ? J'ai cité les pôles inclusifs d'accompagnement localisés (Pial), mais nous pourrions évoquer la généralisation des AESH mutualisés, qui masquent des réalités de terrain moins réjouissantes. Les chiffres annoncés font écran et cachent des prises en charge de qualité aléatoires.

Le projet de l'école nous semble illisible. Inclusion, égalité filles-garçons, harcèlement scolaire, sport, valeurs de la République, lutte contre le fondamentalisme : l'école fait un peu de tout. Le fait-elle bien ? Ce n'est pas sûr. Revient-il aux enseignants, professeurs des écoles et directeurs d'établissements de porter ces sujets ? C'est encore moins sûr. Qui trop embrasse mal étreint.

Comment transmettre les savoirs fondamentaux quand rien n'est fait pour remédier en profondeur à l'effondrement de la maîtrise du français, quand on assiste à des errements incompréhensibles qui entraînent la suppression puis le rétablissement des mathématiques en terminale ? Où en est l'autonomie des établissements – les retours sur l'expérimentation conduite à Marseille sont bien discrets ?

Les moyens financiers ne permettent pas de résoudre tous les problèmes. Il faut d'abord un projet, une stratégie et un cap. Ce budget en manque, il peine donc à nous convaincre. Nous cherchons la cohérence de votre projet et ce n'est pas le fonds d'innovation pédagogique, énième saupoudrage, qui nous aidera à la trouver.

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