Intervention de Pap Ndiaye

Réunion du mercredi 19 octobre 2022 à 17h05
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Pap Ndiaye, ministre :

Je commencerai par la hausse des rémunérations, que vous avez tous évoquée. Les 635 millions d'euros concernent les quatre derniers mois de l'année 2023. En année pleine, la hausse avoisinera les 2 milliards d'euros. Cette revalorisation ne concerne pas que le début de carrière – cela aurait pour effet de perpétuer le faux plat que nous cherchons précisément à casser. Elle concerne bien les vingt premières années de carrière, et peut-être un peu plus. Ainsi, les 2 000 euros net en début de carrière augmenteront au fur et à mesure, si bien que la hausse de rémunération, à cinq ans d'ancienneté, tournerait autour de 13 à 14 %.

Se pose ensuite la question de la fin de carrière. Nous proposons un passage facilité en hors classe, qui concerne pour l'instant 25 % des enseignants, et en classe exceptionnelle, qui touche 7 % d'entre eux. Nous souhaitons augmenter ces chiffres, ce qui aura des effets sur les rémunérations, grâce au passage hors échelle ; cette progression salariale finale aura aussi des effets sur la retraite.

J'ai entendu que certains enseignants débutants seraient rémunérés plus que d'autres professeurs qui auraient plusieurs années d'expérience. Cela est bien sûr hors de question, et nous travaillons à une grille qui reflète des augmentations de rémunérations importantes pour les vingt premières années de carrière.

Par ailleurs, le problème d'attractivité du métier ne peut se résoudre grâce à la seule hausse des rémunérations. Il serait naïf de le penser et d'ailleurs, à l'échelle européenne, des pays où les enseignants sont beaucoup mieux rémunérés qu'en France – comme l'Allemagne – rencontrent aussi des difficultés. La question des salaires, bien que très importante, n'est donc pas la seule, et d'autres sujets comptent tels que les carrières ou le format du travail des enseignants, qui peuvent être seuls devant une classe ou travailler de manière plus collective. Nous souhaitons avancer sur ces éléments.

J'en viens aux nouvelles missions, dont les caractéristiques seront précisées lors des concertations avec les organisations syndicales. J'insiste sur un point : un certain nombre de ces nouvelles missions sont déjà assurées par les enseignants. Ainsi, il ne s'agit pas d'ajouter des missions de façon purement quantitative, mais aussi de rémunérer un travail déjà accompli par les professeurs.

Ces nouvelles missions et leur contenu feront donc l'objet d'échanges, qui se concentreront sur l'accompagnement et l'orientation des élèves – qui est sans doute un point faible du secondaire – ou sur les remplacements de courte durée. Nous n'avons pas d'idée préconçue quant à ces nouvelles missions. Leur contenu reste ouvert, mais elles doivent permettre d'améliorer concrètement le fonctionnement des écoles, collèges et lycées.

En ce qui concerne les AESH, les notificateurs ne sont pas les personnels de l'Éducation nationale mais les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Les notifications sont nombreuses, y compris à la dernière minute, avec des variations selon les départements. Malgré les ouvertures de postes, nous rencontrons des difficultés de recrutement et il nous faut conduire une réflexion globale, en lien avec les départements et les MDPH en particulier, qui reconnaissent leurs propres difficultés face aux demandes des familles.

Il existe un problème plus général, lié à l'embolie du système de prise en charge des élèves à besoins particuliers. En effet, il manque beaucoup de places dans les instituts médico-éducatifs (IME) – 19 000 selon les derniers chiffres –, et certains élèves sont envoyés dans le milieu ordinaire, dans des classes Ulis elles-mêmes surchargées, ce qui entraîne le glissement d'autres élèves vers les classes ordinaires. Nous ne pourrons pas répondre à cette question en nous contentant de créer des postes d'AESH : il nous faut réfléchir plus globalement à notre objectif général, et à l'acte II de l'école inclusive.

Je vous suis sur la question des conditions de travail des AESH. Je note que nous avons progressé puisque environ 20 % d'entre eux sont « cédéisés », et ont ainsi la perspective d'une possible progression de carrière, ce qui n'était pas le cas dans le passé. Néanmoins, nous devons faire mieux, notamment en matière de formation, même si une formation de 60 heures est déjà prévue.

Par ailleurs, nous devons réfléchir à leur temps de travail. Mais nous nous heurtons à une difficulté bien connue : nous ne pouvons pas rémunérer directement le temps périscolaire – l'arrêt du Conseil d'État du 20 novembre 2020 est clair. Nous travaillons donc à la mise en œuvre d'un mécanisme, qui doit encore être confirmé d'un point de vue juridique, qui permettrait de rémunérer à la fois le temps scolaire et les temps périscolaires, à travers une fiche de paie unique, les collectivités remboursant ensuite au ministère de l'Éducation nationale la partie correspondant au temps périscolaire. Ainsi, nous pourrions offrir aux AESH qui le souhaitent la possibilité de travailler 35 heures hebdomadaires. Cette tâche est complexe d'un point de vue administratif et juridique, mais nous savons que les 24 heures ou moins de travail hebdomadaire n'offrent pas de rémunérations suffisantes. Par ailleurs, les AESH travaillant en éducation prioritaire bénéficieront d'augmentations.

J'en viens à la question du dédoublement. Les classes de grande section de maternelle sont presque 75 % à être dédoublées ; toutes seront concernées à la rentrée 2023. Pour être pleinement efficace, le dédoublement nécessite des changements de pédagogie et une formation des enseignants. Nous serons très attentifs aux résultats des évaluations nationales des élèves de sixième, qui seront connus bientôt, puisqu'il s'agit des premières cohortes à avoir bénéficié, en éducation prioritaire, du dédoublement des CP et des CE1.

Le problème n'est pas de créer des postes de médecins scolaires, mais de faire en sorte qu'ils soient pourvus. En effet, 30 % des postes ne sont pas pourvus, et cette part est bien plus élevée dans certains départements, notamment ruraux, comme les Vosges. La médecine scolaire, comme d'ailleurs la médecine du travail, n'attire plus les internes.

Le métier d'infirmier scolaire a été fortement revalorisé ces dernières années, grâce à des augmentations de rémunérations en 2021 et en 2022. La prochaine interviendra fin 2022, avec un effet rétroactif au 1er janvier 2022, pour une revalorisation de 700 euros en moyenne. Par ailleurs, neuf postes d'infirmiers sur dix sont pourvus : la situation est donc assez différente de celle de la médecine scolaire.

Quant au fonds d'innovation pédagogique, que plusieurs d'entre vous ont évoqué, les 150 millions correspondent à une « mise de départ ». L'enveloppe s'élèvera à 500 millions sur l'ensemble du quinquennat. Les établissements ne seront pas mis en concurrence : tous les projets pédagogiques, dès lors qu'ils sont bien construits, seront financés. Un grand nombre d'écoles et d'établissements ont déjà manifesté leur intérêt – 600 les deux premières semaines, 1 000 sans doute à la veille des vacances d'automne. C'est un très bon démarrage. J'ai d'ailleurs assisté à des concertations très intéressantes, dans un collège et dans une école, qui réunissaient l'ensemble de la communauté éducative pour réfléchir à ce qui pouvait être fait.

La généralisation du pass culture à tous les collégiens va s'opérer, pour la part collective, puisque les élèves de sixième seront concernés en 2023. Je rappelle que pour une classe, cela peut représenter jusqu'à 800 euros. Depuis la rentrée, nous observons une forte hausse des établissements ayant réservé une activité dans ce cadre et nous avons fait mieux, au cours du mois qui vient de s'écouler, qu'entre janvier et juin 2022. Il s'agit là d'un démarrage spectaculaire, dont nous nous réjouissons.

Une question très juste a été posée sur le transport scolaire, dont le coût est de nature à bloquer des projets de sortie culturelle. Nous souhaiterions que, dans la mesure du possible, les frais de transport puissent être couverts par le pass culture. Je conçois que cela ne soit pas simple et que le ministère de la Culture ait un avis différent, mais nous sommes disposés à avancer sur ce sujet.

Par ailleurs, je partage vos remarques à propos de l'EAC. De multiples initiatives existent ; j'observe que, dans les concertations qui s'ouvrent, de nombreux projets concernent la culture. Vous avez ainsi mentionné le dispositif Quart d'heure de lecture, un moment très intéressant et très suivi dans de nombreux établissements. Beaucoup d'autres choses sont faites et, si vous le souhaitez, je serai heureux de revenir en détail sur les activités culturelles lors d'une prochaine audition.

J'en viens à la question des lycées professionnels, placés sous l'égide de la ministre déléguée. D'abord, il n'est pas question d'écraser l'enseignement, comme je l'ai entendu d'une manière un peu caricaturale, qui suggérerait l'idée d'un moloch capitaliste venant broyer les jeunes âmes. Un historien de l'éducation me rappelait hier, avec finesse, qu'au moment de la création des lycées professionnels, à l'époque de Jean-Pierre Chevènement, la part des stages était très faible, voire nulle. Depuis, dès que cette part augmente – et cela depuis bientôt quarante ans –, les mêmes protestations reviennent : on livre les enfants au libéralisme le plus échevelé, ils vont être broyés dans des mines et des usines terrifiantes, qui les attendent pour mieux les exploiter. C'est à chaque fois la même antienne.

L'augmentation des stages ne doit pas se faire au détriment des savoirs fondamentaux, et c'est un professeur d'histoire qui vous le dit : je ne suis pas disposé à ce que les enseignements de français, de langues, de mathématiques, d'histoire ou de philosophie passent à la trappe. Ce serait rendre un bien mauvais service aux lycéens mais aussi aux employeurs, comme ils ont pu le dire de façon insistante lors d'un déplacement du Président de la République aux Sables-d'Olonne. Nous tenons clairement aux savoirs fondamentaux.

Néanmoins, il faut prendre en compte cette réalité : deux ans après l'obtention de leur baccalauréat, la moitié des lycéens professionnels se trouvent sans emploi. Nous pourrions poursuivre en ce sens, mais c'est rendre service à nos lycéens que de nous soucier de leur avenir professionnel, de leur capacité à entrer bien armés sur le marché du travail, tout en étant fermes sur leur formation de futurs citoyens. Cette réforme, qui n'est pas budgétée dans le PLF, semble utile et elle sera discutée avec toutes les parties prenantes.

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