Intervention de Rima Abdul-Malak

Réunion du mercredi 19 octobre 2022 à 21h35
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Rima Abdul-Malak, ministre de la culture :

Le budget que nous vous proposons pour 2023 est historiquement haut pour le ministère de la culture. Il progresse de près de 7 % par rapport à 2022, avec 4,2 milliards d'euros de crédits budgétaires hors audiovisuel public. Nous consacrons à ce dernier 3,8 milliards d'euros, soit une hausse de 114 millions d'euros.

S'ajoute à ce budget une somme assez conséquente, d'environ 770 millions d'euros, de taxes et ressources affectées au financement du cinéma, de la musique et du théâtre privé, par le biais de l'Association pour le soutien du théâtre privé. Abondent également les crédits socles du ministère, le loto du patrimoine pour près de 20 millions d'euros chaque année, ainsi que divers crédits d'impôt représentant 2 milliards d'euros. Au total, 11 milliards d'euros sont consacrés à la culture, sans compter les apports de ministères comme le ministère de l'éducation nationale, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche ou le ministère des armées, qui gère plusieurs musées.

La politique culturelle peut se déployer grâce à l'engagement total et passionné des 29 000 agents du ministère de la culture – un peu plus de 9 100 dans l'administration centrale et l'administration déconcentrée, au sein des directions régionales des affaires culturelles (Drac) et des services à compétence nationale –, et presque 20 000 chez les opérateurs.

Le ministère de la culture forme près de 37 000 étudiants dans une centaine d'établissements d'enseignement supérieur. Cette année, j'ai une attention particulière pour les écoles d'architecture, qui représentent un vivier d'environ 20 000 étudiants répartis dans toute la France. Ils sont les bâtisseurs et les penseurs de l'architecture de demain, ce qui est crucial à un moment où la transition écologique doit s'accélérer.

Le présent projet de budget se veut à la fois de résilience et d'action. Malgré les deux dernières années marquées par les soubresauts de la pandémie, l'ensemble des filières de la culture n'ont cessé d'innover. Elles ont maintenu le lien avec les publics et préservé le renouvellement de la création. Pour 2023, nous avons défini sept grandes priorités, de manière à rendre plus visible la répartition des 271 millions d'euros de crédits supplémentaires.

La première priorité est de pousser plus loin l'accès à la culture pour tous, notamment pour les enfants, les adolescents et les jeunes. Cela passe par une politique ambitieuse d'éducation artistique et culturelle aux côtés du ministère de l'éducation nationale, avec des crédits en hausse de 4 millions d'euros ; le déploiement encore plus ambitieux du pass culture dès le collège, grâce à 9,5 millions d'euros supplémentaires, sans compter la participation du ministère de l'éducation nationale ; le maintien de la dynamique de la lecture comme grande cause nationale, avec plus de 100 millions d'euros pour soutenir les bibliothèques, le réseau des librairies et les manifestations littéraires, et pour lancer une nouvelle plateforme accessible à toutes les personnes en situation de handicap et référençant les livres adaptés à chacun des handicaps. Des budgets spécifiques seront versés au Centre national du livre pour inciter les éditeurs à adapter davantage de livres. Des aides seront également mises en place pour faciliter le transport des livres, à hauteur de plus de 1 million d'euros – nous avons en effet relevé des difficultés d'acheminement vers les territoires d'outre-mer et, à l'international, vers les librairies francophones.

La deuxième priorité est la souveraineté culturelle, qui relie les enjeux de la création dans le monde physique et dans le monde numérique – pour moi, ils doivent aller de pair. Continuer à développer notre innovation et à porter la voix de la France dans tous les espaces virtuels, immersifs, de réalité augmentée et du métavers est crucial. Le plan France 2030 nous donnera les leviers pour le faire. Affirmer parallèlement la force de la création et son lien avec les publics dans le monde réel est tout aussi important. Nous allons donc poursuivre le programme inédit de commandes publiques inventé en pleine crise pour repenser sous d'autres formats le soutien aux artistes. Grâce à Mondes nouveaux – c'est son nom –, des projets ont été créés dans les territoires, dans du patrimoine bâti, dans des sites du patrimoine naturel ou dans des lieux proposés par les artistes. Une saison 2 s'ouvrira à partir de 2023, dotée d'une enveloppe de 30 millions d'euros sur trois ans, dont 10 millions d'euros disponibles dès l'année prochaine.

Je souhaite également lancer un plan en faveur des métiers d'art et du renforcement des manufactures. Tous les territoires ont des savoir-faire et des traditions qui se transmettent de génération en génération. Ils ont besoin de lieux pour s'épanouir et de formations.

La souveraineté culturelle recouvre aussi l'enjeu de la langue française et de son développement à travers le monde. Au printemps 2023, ouvrira la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts. Vous aurez probablement des questions à ce sujet, ce qui me permettra d'y revenir de manière plus détaillée.

Troisième priorité, le patrimoine : à protéger, à valoriser ou à réinventer quand des usages nouveaux permettent de faire revivre des bâtiments. Les travaux de restauration et de mise en sécurité des cathédrales, qui figurent parmi les priorités du Gouvernement depuis plusieurs années, se verront affecter 22 millions d'euros supplémentaires. Les collectivités territoriales font l'objet d'un vrai effort d'accompagnement à travers le fonds incitatif et partenarial, créé sous le précédent quinquennat et qui permet de grouper nos forces et celles des régions pour préserver le patrimoine local.

Le soutien à l'archéologie sera renforcé par l'augmentation des aides aux collectivités habilitées à réaliser des diagnostics et celle du budget des fouilles programmées. L'archéologie préventive est indispensable pour lancer de nombreux chantiers. Avec le plan de relance, les demandes ont augmenté et nous devons revoir nos subventions.

Bénéficieront également de 20 millions d'euros supplémentaires pour leur rénovation et leur modernisation des établissements culturels dépendant du Centre des monuments nationaux, comme la cité de Carcassonne ou les tours de La Rochelle, ainsi que des grands musées, comme Orsay ou le théâtre national de la danse à Chaillot, qui ont besoin de travaux pour améliorer leurs performances énergétiques.

Notre quatrième priorité se porte sur les médias, leur pluralisme et leur indépendance, car l'accès de nos concitoyens à une information fiable est un enjeu majeur pour l'avenir de notre démocratie. Après tous les débats que nous avons eus cet été au sujet de la suppression de la redevance et de son remplacement par un nouveau canal de financement, nous avons tenu nos engagements : le budget apporte une compensation à l'euro près, à la fois de la redevance et des effets fiscaux liés au changement de financement. Il prend également en compte une large part de l'inflation. L'audiovisuel public bénéficie donc de 114,4 millions d'euros de crédits supplémentaires, soit un total de 3,8 milliards d'euros.

Le budget dédié à la presse et à la radio est également en hausse de plus de 20 millions d'euros. Du fait de la réforme de la distribution de la presse que nous avons engagée pour encourager le développement du portage de préférence au postage, la filière a besoin d'un accompagnement – il s'élève à 17 millions d'euros. Le ministère de la culture est, en outre, très attaché à l'expression radiophonique locale et au pluralisme. Le soutien aux radios associatives, qui existent un peu partout en France, sera augmenté de pratiquement 2 millions d'euros.

Notre cinquième priorité est l'emploi, car notre politique culturelle, pour accompagner les futurs talents, s'appuie sur des compétences. Le ministère de la culture dispose d'un réseau exceptionnel d'établissements d'enseignement supérieur aux enjeux très prioritaires à mes yeux. C'est pourquoi leur budget est augmenté de 32 millions d'euros et une attention particulière est apportée aux étudiants qui se trouvent en difficulté sociale, notamment dans les écoles d'architecture et les écoles d'art. L'enveloppe destinée aux bourses sur critères sociaux augmentera de 7,5 millions d'euros. Le budget prévoit, en outre, 9 millions d'euros pour accompagner le fonctionnement des établissements, par exemple dans la mise en œuvre de réformes organisationnelles, et 15 millions d'euros pour financer des travaux de mise aux normes et d'amélioration des performances énergétiques.

Les moyens humains du ministère seront aussi confortés : la masse salariale augmentera de 38 millions d'euros pour atteindre 532 millions d'euros – la trajectoire des emplois est stable. La transformation numérique du ministère sera poursuivie, avec plus de 4 millions d'euros, de même que notre plan de soutien aux artistes auteurs.

J'ai intitulé la sixième priorité : renforcer l'ancrage territorial du ministère et ses coopérations internationales. Le ministère de la culture doit devenir encore plus agile, rester en lien constant avec les élus locaux et les collectivités, sans perdre de vue la force culturelle de la France dans le monde et la nécessité de développer des projets de coopérations nouvelles pour renouveler le dialogue avec les autres pays et les autres cultures.

Lors de mon audition par votre commission, j'avais évoqué la création d'un fonds d'innovation territoriale pour offrir un nouveau cadre partenarial d'expérimentation avec les collectivités. Destiné à accompagner les projets qui ne remplissent pas les conditions d'attribution des aides habituelles, ce fonds sera doté de 5 millions d'euros en 2023.

Dans la perspective des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, nous avons décidé, avec Amélie Oudéa-Castéra et le comité d'organisation des Jeux, de créer l'Olympiade culturelle. L'objectif est de faire monter une ferveur culturelle et sportive dans le pays au cours des prochains mois. Des projets seront menés un peu partout en France, notamment dans les villes qui accueilleront le passage de la flamme. Le budget sera de 3 millions d'euros en 2023 et au moins autant en 2024. Je pourrai aborder notre politique internationale si vous avez des questions.

Notre dernière priorité – dans mon propos mais pas du tout dans l'ordre de nos préoccupations – est la transition écologique. J'ai, dès mon discours de passation avec Roselyne Bachelot, insisté très fortement sur ce point. Au sein de mon équipe, ma directrice adjointe de cabinet a été désignée pour suivre cet enjeu transversal et des groupes de travail ont très rapidement été mis en place au sein du ministère, notamment pour obtenir des remontées d'informations de la part des établissements culturels.

Dans le budget pour 2023, nous avons pu obtenir 56 millions d'euros pour faire face à l'explosion des coûts de l'énergie dans les établissements publics qui dépendent du ministère de la culture. Nous accompagnerons aussi ceux qui, malgré tous leurs efforts de sobriété, sont de telles passoires thermiques qu'ils se retrouveront dans des situations critiques.

Au-delà de cette enveloppe de 56 millions d'euros, l'accélération de la transition écologique se traduit dans l'ensemble de nos budgets d'investissement. Au total, ceux-ci s'élèvent à 663 millions d'euros en 2023, soit une augmentation de 66 millions d'euros par rapport à l'an dernier. Dans la mesure du possible, les crédits seront fléchés vers des travaux contribuant à l'isolation thermique et à l'amélioration des performances énergétiques des bâtiments. Le Centre national de la musique bénéficiera de 900 000 euros supplémentaires pour aider la filière à investir dans la transition écologique.

En conclusion, notre budget est ambitieux, en hausse et axé sur quelques priorités qui me tiennent très à cœur.

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