Intervention de Sarah Tanzilli

Réunion du mardi 25 octobre 2022 à 17h15
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSarah Tanzilli, rapporteure pour avis :

Le budget qui nous est présenté aujourd'hui s'inscrit dans une dynamique de renforcement des moyens de la justice inédite sous la Ve République, et dont nous pouvons être fiers. Il est un signal majeur adressé à notre administration judiciaire. Pour renforcer l'attractivité des corps des magistrats et des greffiers, il prévoit ainsi une revalorisation importante des rémunérations. Pour améliorer le fonctionnement de notre justice et soulager les personnels, il prévoit la création de 1 220 postes en 2023, dont 200 magistrats et 191 greffiers. Pour anticiper l'arrivée de promotions plus importantes permettant d'atteindre l'objectif de 1 500 magistrats et 1 500 greffiers supplémentaires d'ici la fin du quinquennat, nous renforçons les moyens de l'École nationale de la magistrature et de l'École nationale des greffes.

Pour ce qui concerne les quatre programmes liés à la justice judiciaire et à l'accès au droit, ces engagements forts se traduisent par l'augmentation de 7,2 % des crédits de paiement, traduction budgétaire des revalorisations et des recrutements, mais aussi de l'augmentation des crédits pour les associations d'aide aux victimes et les structures d'accès au droit.

Cette année, la thématique de cet avis budgétaire porte sur l'accès au droit et l'accompagnement des personnes victimes de violences intrafamiliales.

L'une des clés pour garantir que les victimes puissent exercer leurs droits est de multiplier les lieux et les dispositifs où elles seront en contact avec un professionnel susceptible de les accueillir et de les orienter. Les commissariats et les gendarmeries ont ainsi mis en place des procédures pour que la victime de violences conjugales puisse se signaler sans avoir à verbaliser la raison de sa venue. Le travail des associations d'aide aux victimes est, de ce point de vue, fondamental et je me réjouis donc que le budget alloué à ces associations augmente de plus de 11 % cette année. Des outils ont également été élaborés pour aider les professionnels en contact avec de potentielles victimes à évaluer correctement la situation : le ministère de l'intérieur a, par exemple, diffusé une grille d'évaluation du danger, qui comporte une vingtaine de questions.

Comme j'ai pu constater au cours des auditions auxquelles j'ai procédé, depuis le Grenelle des violences conjugales, en 2019, la lutte contre les violences conjugales a changé d'échelle. Des progrès réels ont été accomplis en matière d'accueil des victimes, grâce à ces outils, aux formations mises en place, à la meilleure coordination des acteurs au moyen des COPIL VIF, ou comités de pilotage dédiés aux violences intrafamiliales, pilotés par les juridictions, et surtout grâce aux moyens déployés – puisque l'enveloppe budgétaire allouée aux victimes de violences intrafamiliales a doublé entre 2020 et 2023, passant, comme l'a rappelé M. le ministre, de 8 à plus de 16 millions d'euros.

Des progrès peuvent encore être faits, notamment en formant encore plus largement les professionnels qui sont en contact avec les victimes, notamment les professionnels de l'enfance, en particulier les enseignants et les ATSEM – agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles –, qui sont en première ligne pour détecter les enfants victimes de violences dans le cercle familial et libérer leur parole.

L'accès au droit passe également par la connaissance des dispositifs de protection des victimes de violences intrafamiliales, au premier rang desquels les ordonnances de protection, première réponse judiciaire, qui n'est pas conditionnée au dépôt d'une plainte. Le nombre de demandes d'ordonnance de protection a augmenté de 73,4 %, entre 2018 et 2021, pour s'établir à 5 921, ce qui illustre la montée en puissance de ce dispositif. Le nombre de téléphones grave danger déployés a, lui aussi, explosé en quelques années, avec une augmentation de 700 % entre 2017 et 2022. L'objectif de 5 000 téléphones déployés sur tout le territoire devrait pouvoir être atteint d'ici à la fin de l'année.

Pour ce qui est de l'accès au droit et de l'accompagnement des victimes de violences intrafamiliales, en particulier mineures, le travail accompli par les administrateurs ad hoc est fondamental. Le rôle de ces administrateurs est de représenter un mineur dans une procédure judiciaire lorsque les représentants légaux de ce dernier ne sont pas en capacité de le faire ou que leurs intérêts divergent des siens. Or, leur nombre a tendance à stagner, voire à diminuer, et les conditions de leur indemnisation n'ont pas été revalorisés depuis 2007.

La protection des victimes de violences intrafamiliales doit aussi progresser sur le volet de la prise en charge des conjoints violents. Les centres destinés à cette fin, dont les premiers ont été ouverts après le Grenelle des violences conjugales, sont désormais au nombre de trente sur la totalité du territoire. Parallèlement à cela, l'expérimentation menée sur le contrôle judiciaire avec placement probatoire, lancée en 2020, qui permet l'éloignement du conjoint violent et sa prise en charge en présentiel, se voit prolongée d'une année. Nous aurons certainement à nous pencher sur l'articulation et la pérennisation de ces dispositifs. Il est donc nécessaire, pour les victimes, que nous poursuivions la création de lieux d'accueil des conjoints violents, condition indispensable du maintien au domicile conjugal, lorsqu'elle le souhaite, de la victime et de ses enfants.

Monsieur le ministre, après cette brève présentation de mes travaux, j'en viens à quelques questions.

Agir sur l'attractivité de la carrière de greffier est devenue une nécessité, comme l'atteste le taux de vacance de 7 % qui touche cette filière. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les travaux engagés pour réformer cette dernière ? La création d'une catégorie A des greffiers, qui permettrait de renforcer cette attractivité, est-elle envisagée ? Quelles seraient les implications budgétaires d'une telle évolution ?

Envisagez-vous de réévaluer les conditions d'exercice des administrateurs ad hoc, qui jouent un rôle fondamental dans la défense des intérêts de l'enfant victime ?

Intégrer les frais de signification au défendeur de la décision d'acceptation de l'ordonnance de protection dans les frais de justice, comme cela me l'a été suggéré à plusieurs reprises au cours des auditions auxquelles j'ai procédé, serait de nature à renforcer l'effectivité de la décision de justice. Est-ce envisageable ?

Plusieurs de mes interlocuteurs ont fait état de difficultés rencontrées avec les bracelets anti-rapprochement, qui émettraient des alarmes intempestives. Le ministère mène-t-il des actions correctrices ?

Pouvez-vous me confirmer que le groupement d'intérêt public nouvellement créé France enfance protégée lancera bientôt une campagne de sensibilisation sur les violences sexuelles commises sur les mineurs ? Cette question me paraît prioritaire, compte tenu du nombre de mineurs victimes chaque année de violences sexuelles, estimé à 160 000 par la Ciivise, la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants.

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