Intervention de Ian Boucard

Réunion du mardi 25 octobre 2022 à 17h15
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIan Boucard :

Monsieur le garde des sceaux, vous avez récemment déclaré que la justice, c'était difficile à rendre. Je vous rejoins totalement. Il faut donc lui donner des moyens à la hauteur des ambitions affichées. Comme chaque année, la majorité présidentielle et le Gouvernement se félicitent d'un budget de la justice présenté comme exceptionnel et historique, alors que chacun sait que rien ne va changer fondamentalement pour les justiciables. En 2023, la plupart de nos concitoyens devront toujours attendre près de deux années pour qu'une décision de justice soit rendue : cela n'est pas acceptable.

Il est vrai que le budget de la justice augmente chaque année – ni plus ni moins que le budget général. Cette augmentation sera-t-elle suffisante pour que la justice soit mieux rendue ? Assurément non. Malgré les hausses des crédits intervenues ces dernières années, notre système judiciaire se dégrade petit à petit, en raison notamment de crédits d'investissement qui ne peuvent pas être dépensés. En trois ans, une année complète de crédits n'a pas été dépensée. Le covid-19 n'explique pas tout : alors que 15 000 places de prison étaient prévues pendant le premier quinquennat, ce chiffre a été ramené à 7 000 places d'ici à la fin de l'année 2022, avec peut-être 8 000 places supplémentaires à l'horizon 2027. Alors que nous arrivons à la fin de la première échéance, seules 2 081 places ont été ouvertes, et il ne devrait y en avoir que 2 000 supplémentaires en 2023. Le compte n'y est pas ! Nos prisons sont délabrées et indignes, avec un taux d'occupation qui ne fait qu'augmenter, passant de quasiment 120 % en 2020 à 126 % en 2021. Quant à l'année 2022, elle s'annonce encore plus compliquée avec une estimation à 129 %.

Le temps d'attente pour les justiciables est insupportable. Le délai moyen de traitement pour les affaires civiles est passé de 17,9 mois en 2020 à 19,1 en 2021 pour la Cour de cassation, et de 17 mois à 17,5 mois en cour d'appel, soit plus d'un an et demi avant que ces juridictions ne prennent une décision. Ces lenteurs difficilement acceptables ne font qu'augmenter d'année en année.

Il y a néanmoins des points positifs dans ce projet de loi, notamment en ce qui concerne les créations d'emplois. En 2023, le ministère bénéficiera de la création de 2 253 équivalents temps plein (ETP), dont 1 220 dans les services judiciaires pour renforcer la justice de proximité et résorber la vacance d'emploi dans les greffes, 809 dans l'administration pénitentiaire pour l'ouverture de nouveaux établissements et 92 pour la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Toutes ces créations d'emplois ne seront pas de trop au regard de l'augmentation du nombre d'affaires à juger, de la paupérisation de nos prisons et du manque de sécurité latent.

En juin 2022, il y avait 241 361 personnes prises en charge par l'administration pénitentiaire, dont 71 678 placées sous écrou. Heureusement, les 43 000 agents des services pénitentiaires, dont près de 30 500 personnes de surveillance et 5 000 personnels des Spip (service pénitentiaire d'insertion et de probation) sont présents chaque jour pour contribuer à la réinsertion des détenus et assurer leur sécurité. Je souhaite d'ailleurs leur rendre hommage, car ils font beaucoup avec peu de moyens, tout en étant la cible de violences de la part de la population carcérale. Ces violences, en constante augmentation, nécessitent des investissements de sécurité beaucoup plus conséquents que ceux prévus dans le projet de budget pour 2023.

Enfin, la réforme du code de procédure pénale est réclamée à la fois par les forces de l'ordre et par une bonne partie de l'institution judiciaire. À une question de ma part sur ce sujet lors du Beauvau de la sécurité, vous m'aviez répondu, avec votre verve habituelle, que cela ne se réformait pas d'un coup de baguette magique. Cette réponse a désormais un an et demi et aucune réforme sérieuse ne vient pointer le bout de son nez. Où en sommes-nous de cette réforme, qui ne coûterait pas un euro de plus ?

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