Intervention de Damien Maudet

Réunion du mardi 18 octobre 2022 à 21h35
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDamien Maudet :

Le 12 mars 2020, Emmanuel Macron nous disait : « Ce que révèle cette pandémie, c'est que la santé gratuite, sans conditions de revenus, de parcours ou de profession, notre État-providence ne sont pas des coûts, des charges, mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe. » Je crois qu'en 2020, et on peut tous être d'accord, Emmanuel Macron avait les bons mots. Il était en phase, en vérité, avec ce que demandait la population. Et d'ailleurs, si pour beaucoup de soignants le covid-19 a été un moment de souffrance, il a aussi été un moment d'immense espoir. L'espoir d'un État qui se préoccuperait enfin de la santé. Fini le Président qui vient expliquer aux soignants qu'il n'y a pas de problème de financement, mais que ce ne sont que des problèmes d'organisation. Fini le Président qui, lorsqu'il dit aux médecins qu'il compte sur eux, ces derniers peuvent lui répondre : « vous pouvez compter sur nous, mais l'inverse reste à prouver... ».

Mais bon, comme le disait Clemenceau, on ne ment jamais autant que durant les guerres ou les élections. Ça tombait bien, on était en guerre et pas très loin des élections. Et donc, que s'est-il passé depuis ces bons mots ? Les soignants ont tenu, ou tenté de tenir, et le Gouvernement a trahi. Oui, il a trahi et, collectivement, tous ses membres ont trahi.

Que s'est-il passé depuis 2020 ? Les plans hospitaliers n'ont pas cessé ; les restrictions budgétaires existent encore ; les soignants sont dégoûtés et finissent par partir vers le libéral, l'intérim, voire par changer de métier. D'ailleurs, Olivier Véran nous a même expliqué, dans Le Journal du Dimanche, qu'il allait contacter Pôle emploi pour essayer de les convaincre de revenir. À tel point qu'en octobre 2021, avant un autre pic de l'épidémie, le Conseil scientifique faisait état de 20 % de lits fermés faute de soignant. D'ailleurs, même sur les réanimations, qui étaient la variable d'ajustement du confinement – plus elles étaient saturées, plus on était confinés –, la Cour des comptes expliquait qu'entre juillet et octobre 2020, elle n'avait pas relevé de décision annonciatrice de modification structurelle pour les soins critiques. Et qu'aucune décision n'avait été prise qui pourrait indiquer que les pouvoirs publics envisageaient une évolution.

Sur les autres services, ce n'est guère mieux : les lits d'hospitalisation complète ferment, comme le confirment les chiffres de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), qui ont été rectifiées ensuite : 4 900 lits supprimés en 2020 et 4 300 lits supprimés en 2021. Ce sont les chiffres de la Drees, donc de votre ministère...

Aujourd'hui, que préparez-vous ? Des économies et des concertations. Des économies, comme si nous n'avions pas eu de covid-19, pas eu de fermeture des urgences cet été, comme si tout s'était bien passé. Alors qu'il a été expliqué à la Commission des comptes de la sécurité sociale qu'il faut augmenter l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam), de 4 % par an, pour suivre l'évolution des besoins, on nous propose, dans la programmation budgétaire pour 2024-2025, de passer sous les 3 %. Traduction : premièrement, vous sous-investissez dans l'hôpital ; deuxièmement, vous économisez sur l'hôpital et sur la santé.

Mais nous avons de la chance puisque, en parallèle, il y a le Conseil national de la refondation (CNR). Après avoir acté le budget, après avoir préparé votre budget de la sécurité sociale, après avoir avoué que vous alliez utiliser l'article 49, alinéa 3, vous menez des concertations ! Vous concertez, après avoir décidé de tout. Tout est déjà gravé dans le marbre et vous voulez faire croire aux gens qu'on peut encore discuter.

Pour éviter ces discussions qu'à mon avis, de toute façon, vous n'avez pas tellement envie d'avoir, mon groupe politique a organisé, cet été, le recueil de doléances dans quatre-vingts établissements de santé. L'opération, qui s'appelait « Allô Ségur », nous a permis de recueillir cinq cents témoignages. Je vous livre les résultats, pour nous faire gagner du temps.

Les deux tiers des soignants sont soumis à des risques psychosociaux. Les soignants font leur métier, mais ils ont souvent l'impression de maltraiter les gens. Il y a une perte de sens. Certains nous expliquent qu'ils passent leur temps à s'excuser, parce qu'ils n'ont pas le temps de s'occuper des patients. À Limoges, il n'y a pas si longtemps, une personne a passé quatre-vingt-seize heures sur un brancard. On nous raconte que des chimiothérapies sont déprogrammées au dernier moment. Imaginez le stress que cela peut provoquer ! Je pourrai vous faire parvenir le rapport si vous le souhaitez...

Plutôt que de mener des concertations, j'aimerais retrouver le François Braun de 2019, que je vous cite : « Un plan Macron pour les urgences s'impose [...] , pour que les urgentistes ne soient plus les funambules d'un système de soins abandonnique, pour que l'hôpital public retrouve sa place en tant que pilier de la République. L'avant-garde de l'hôpital et souvent du système de soins vous alerte sur cette nécessité historique. L'hôpital public brûle à petit feu, les soignants sont sacrifiés sur l'autel d'une finance aveuglée par l'activité et une tarification désuète. »

Si jamais vous retrouvez le François Braun de 2019, ramenez-le nous, nous en aurions bien besoin...

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