Intervention de le général d'armée Pierre Schill

Réunion du mercredi 12 octobre 2022 à 9h05
Commission de la défense nationale et des forces armées

le général d'armée Pierre Schill, chef d'état-major de l'Armée de Terre :

En 2023, 170 millions d'euros supplémentaires du BOP Terre seront affectés au MCO des véhicules. Cette croissance significative de 20 % suit l'inflexion à la hausse entamée depuis la LPM. Le MCO assure une disponibilité technique de nos véhicules, suivant des cibles définies. Outre la disponibilité technique des équipements, les dépenses induites par leur utilisation sont prises en compte. L'augmentation du budget de MCO contribuera à la hausse de notre niveau de préparation opérationnelle. Le PAP 2022 portait à 64 % la part de volume d'activité de notre armée. Nous atteindrons 70 % l'année prochaine. Enfin, le MCO de l'armée française est réparti en trois tiers, entre les hélicoptères, les véhicules blindés les plus lourds, et le reste de nos équipements.

La fidélisation de nos militaires est primordiale. L'armée de Terre est constituée de contractuels, qui représentent la majorité de nos effectifs. Nos militaires, et notamment nos militaires du rang, sont recrutés vers l'âge de vingt ans. Notre intention est de les conserver pour une durée minimum de sept ans. Dans le cadre de la réforme des retraites, le maintien de cette durée des services est important, car il permet aux militaires de toucher leur pension à liquidation immédiate. Pour les conserver dans nos rangs pendant au moins sept ans, notre réflexion repose notamment sur le sens de leur action et sur leur activité. Il est important que le métier pour lequel ces militaires se sont engagés corresponde à leur activité réelle. Les conditions de vie, notamment pour ces jeunes à qui nous devons l'hébergement, jouent également un rôle dans la fidélisation des effectifs. Le plan Famille, qui portait aussi sur l'hébergement dans les casernements, doit être poursuivi.

Pour fidéliser, la réflexion porte sur l'équilibre entre les contraintes et les intérêts de ce métier. Au-delà du seul facteur de la rémunération, pour conserver nos militaires dans nos rangs, en particulier lorsqu'ils avancent en âge, nous devons davantage prendre en compte les questions liées à la mobilité, à l'accès à la propriété, à l'emploi du conjoint, à l'éducation des enfants et à l'accès à la santé.

Nous menons une politique de féminisation de nos armées. Je souhaite que l'armée de Terre favorise les aménagements qui permettent aux femmes la conciliation entre leurs vies personnelle et professionnelle – c'est notamment l'objet d'une des mesures du plan Famille qui prête une attention particulière à la question de la garde des enfants. Ainsi, la limite d'âge au concours d'entrée de l'école de Guerre a été supprimée, il est donc désormais possible de reporter la candidature à ce concours et d'en décaler également l'entrée en scolarité.

L'objectif du doublement des réserves a été confirmé par le ministre des Armées, et nous devons réfléchir aux ressources nécessaires pour y procéder. La professionnalisation de nos réserves pourra dès lors être engagée. Il existe plusieurs façons d'employer les réservistes dans l'armée de Terre. D'une part, les compléments individuels de réserve, qui occupent des postes à part entière au sein du fonctionnement des armées, doivent bénéficier de davantage de visibilité sur le volume d'activité et sur le temps d'engagement qui leur sera demandé. D'autre part, les réservistes en unités constituées qui doivent être correctement équipés et entraînés.

Vous avez évoqué la différence entre l'hypothèse d'engagement majeur et le conflit de haute intensité. L'expression d'hypothèse d'engagement majeur est issue des livres blancs successifs et des contrats opérationnels. Il existe des situations dans lesquelles une unité militaire puissante devrait s'engager dans un combat où elle risque de subir des dommages très importants, alors même que le pays n'est pas à proprement parler en guerre. C'est ce que l'on peut appeler la haute intensité comme ce fut le cas lors de l'engagement des États-Unis en Irak en 2003.

La transition énergétique est un enjeu de société et un enjeu opérationnel. La sobriété énergétique de nos véhicules ainsi que leur discrétion acoustique et thermique sont un impératif pour l'armée de Terre. Néanmoins, il semble difficile de trouver à court terme une alternative efficace au moteur thermique pour des engins militaires. Nous poursuivons cependant nos recherches. S'agissant du foncier, des ressources sont mobilisées pour l'isolation de nos bâtiments et l'amélioration de leur performance énergétique, ce qui permettrait également de réaliser des économies.

Les systèmes hard kill détectent l'arrivée d'un missile, et le disloquent par une explosion provoquée à l'extérieur du char afin de diminuer la pénétration du blindage du véhicule. Ce dispositif sera intégré aux chars LECLERC, comme sur les GRIFFON et les JAGUAR. Dans l'attente du projet de MGCS franco-allemand à horizon 2030-2035, nous souhaitons procéder à des modernisations des LECLERC.

Nous ne touchons pas suffisamment les jeunes urbains, qu'ils soient ou non issus des quartiers sensibles ou prioritaires. Les jeunes franciliens qui rejoignent l'armée de Terre ne sont pas plus nombreux que ceux de l'outre-mer. Des efforts doivent être menés dans notre recrutement sur ce point.

Le dimensionnement des forces spéciales est intimement lié à la masse générale de notre armée de Terre. Chacun de nos régiments propose à un ou deux jeunes de rejoindre nos forces spéciales. La proportion entre nos trois régiments de forces spéciales et l'ensemble de l'armée de Terre me paraît satisfaisante. Nous portons une attention particulière en matière d'équipement de nos forces spéciales, tant sur les équipements très lourds que sur les plus petits équipements.

Le repyramidage de l'armée de Terre fait partie de notre démarche de modernisation générale. Nous souhaitons accroître le taux d'encadrement de nos militaires. L'ENSOA doit par conséquent former davantage de sous-officiers. Nous étudions les solutions pour lui en donner les moyens. Nous devrons probablement délocaliser une partie des formations et des promotions en dehors de Saint-Maixent.

Les effectifs présents en Roumanie ne seront pas triplés, mais atteindront plutôt le millier d'hommes. Surtout, ces effectifs seront renforcés par le changement de gamme des véhicules, grâce au déploiement de chars LECLERC, chars lourds, et de véhicules blindé de combat d'infanterie.

Dix-huit mois sont nécessaires à la fabrication des canons CAESAR. Comme dans d'autres domaines, ce délai d'approvisionnement industriel est courant. Nexter a dimensionné sa chaîne de fabrication pour produire les canons à une cadence accrue, que nous cherchons à négocier. La réduction de ces délais serait en tout cas pertinente.

Enfin, vous avez évoqué la présentation de l'IHEDN (Institut des hautes études de défense nationale). Pour répondre à l'émergence de nouveaux besoins, il faudra sans doute nous appuyer sur des ressources externes et des redéploiements internes. Néanmoins, la préparation de l'avenir ne doit pas nous faire oublier que la France dispose déjà d'une belle armée de Terre, qui se tient prête à l'action.

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