Intervention de Jean-Paul Lecoq

Séance en hémicycle du jeudi 17 novembre 2022 à 9h00
Accord france-royaume-uni relatif à la sureté des navires à passagers dans la manche — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Lecoq :

Le débat sur l'accord entre la France et le Royaume-Uni relatif à la coopération sur les questions de sûreté maritime et portuaire s'agissant spécifiquement des navires à passagers dans la Manche ne semblait pas forcément nécessaire. Le groupe des députés communistes et ultramarins envisage de voter pour cet accord qui permettra de faciliter la sécurité à bord des navires transmanche.

Concrètement, cet accord permettra à des agents de l'État du pavillon d'être armés et de protéger les navires dans les eaux territoriales de l'autre État partie. Cela ne semble pas poser de problème – les débats en commission ont d'ailleurs été consensuels.

Évidemment, les images terribles et insoutenables des migrants se jetant à la mer pour tenter désespérément de rejoindre l'Angleterre ont choqué et ce sont certainement elles qui ont déclenché ce débat. La Manche a toujours été, et sera toujours, un espace d'échanges humains et commerciaux, pacifiques comme militaires d'ailleurs, mais elle est depuis des années le lieu où se jouent des drames humains terribles. Notre Manche est un cimetière.

La question qui est posée, c'est celle de la sécurité des parcours migratoires mais aussi, bien sûr, de l'architecture des accords migratoires européens, profondément injustes et mal faits. Les accords de Dublin sont injustes et devraient faire l'objet d'une profonde réforme. L'Union européenne devra se montrer davantage porteuse de valeurs humanistes qu'elle ne l'a fait jusqu'à présent, tout comme notre gouvernement à l'occasion des débats sur la future loi sur l'immigration qui sera présentée ici même au premier semestre 2023.

Cependant, il existe encore un très grand nombre de problèmes liés à la Manche et qui concernent la cohabitation entre la France et le Royaume-Uni. Par exemple, l'enjeu gigantesque de la pêche, qui oppose nos deux États, reste encore à régler. Espérons que les relations diplomatiques entre la France et le Royaume-Uni s'amélioreront et que ce contentieux finira par être soldé, dans l'intérêt de nos pêcheurs.

Plus globalement, la France doit aussi travailler sur sa politique maritime. Son immense zone économique exclusive est très mal surveillée. Des moyens militaires devraient être déployés pour surveiller ces eaux territoriales – une idée que nous défendrons dans le cadre de la future loi de programmation militaire. Nous dépensons trop pour la dissuasion nucléaire alors que nous ne sommes même pas capables de défendre notre territoire, quotidiennement pillé.

La France devra aussi renforcer son engagement pour la protection des océans, comme l'a dit mon collègue Moetai Brotherson, avant-hier, durant les questions au gouvernement. Mon groupe a défendu systématiquement ce point de vue et continuera à le faire, comme il continuera à se mobiliser contre la privatisation de la sécurité. La possibilité, ouverte par l'article 7 de l'accord, de mobiliser des agents de sécurité privée constitue pour nous le point noir de ce document.

Dès 2014, à l'occasion de l'examen d'un projet de loi relatif aux activités privées de protection des navires, le groupe des députés communistes et ultramarins avait fait part de cette inquiétude par la voix de mon collègue André Chassaigne. Cette loi a ouvert une brèche en permettant le recours à des milices privées pour protéger les intérêts des grandes entreprises ; nous le regrettons. La sécurité est un enjeu régalien de souveraineté et devrait le rester. Car, systématiquement, dès que l'on privatise les missions de sécurité, la recherche du profit engendre des abus voire des atrocités. On l'a vu dans toutes les guerres du XXIe siècle, depuis le scandale américain de l'entreprise Blackwater en Irak jusqu'aux exactions du groupe russe Wagner en Afrique.

Aujourd'hui, les armées étatiques se professionnalisent, leurs budgets sont sous pression et on estime que les tâches simples peuvent être externalisées : l'austérité fait une fois de plus gagner de l'argent aux entreprises. J'espère donc que l'article 7 ne sera pas utile et que vous serez vigilants sur ce point, monsieur le secrétaire d'État, comme vos successeurs. D'ailleurs, si nous avions pu amender le traité, nous vous aurions proposé de supprimer cet article.

Nous souhaitons que la coopération entre la France et le Royaume-Uni dans le cadre de la sécurisation des parcours transmanche reste une mission publique – le député du Havre que je suis sera attentif à la façon dont cet accord sera appliqué.

Cette inquiétude mise à part, le groupe Gauche démocrate et républicaine votera pour ce texte.

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