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Hubert Wulfranc
Question N° 1229 au Ministère de l’économie


Question soumise le 13 septembre 2022

M. Hubert Wulfranc interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la suppression des espèces dans le réseau de la direction générale des finances publiques autorisée par l'article 201 de la loi de finances du 28 décembre 2018. Alors que le plafond des règlements en espèces aux guichets de la DGFIP était passé de 3 000 euros à 300 euros au 1er janvier 2014, il était encore possible jusqu'à présent pour les particuliers de régler leurs créances (impôts, amendes et produits locaux et hospitaliers) au Trésor public en numéraire. Si cette première mesure avait permis de réduire les flux d'accueil aux guichets du réseau de la DGFIP, ceux-ci n'avaient pas disparu pour autant. Pour atteindre l'objectif du « zéro cash », la DGFIP a tout d'abord autorisé en 2020 le paiement des créances publiques auprès du réseau des buralistes partenaires agréés et de la Française des jeux, bien souvent incapable de traiter les situations complexes, amplifiant par là même le processus de privatisation du service public de recouvrement de l'impôt (la TVA et l'impôt sur le revenu étant déjà recouvert par les entreprises). Une privatisation qui passe un nouveau cap en 2022, avec la disparition des paiements en espèces dans le réseau de la DGFIP, seuls les paiements par chèque et par carte bancaire étant encore maintenus. La disparition des espèces aux guichets des antennes de la DGFIP impacte également les administrés bénéficiant de secours d'urgence émis principalement par les départements et les communes. Ces aides, souvent versées en espèces aux guichets du réseau de la DGFIP, visent à soutenir les personnes en difficulté dans les plus brefs délais, principalement pour se loger ou se nourrir. La suppression de ce mode de versement complexifie la vie des personnes aidées, en particulier de celles ne pouvant ouvrir de compte bancaire ou interdites bancaires inscrites au fichier central des chèques de la Banque de France. La disparition du numéraire dans le réseau de la DGFIP impacte également les régies des services publics des collectivités territoriales, des établissements publics industriels et commerciaux et des centres hospitaliers. Les régisseurs publics devront dorénavant se tourner auprès des bureaux de poste agréés pour retirer et déposer des espèces en lieu et place du réseau de la DGFIP. Cela complexifie le travail des régisseurs, qui ne pourront plus déposer les espèces et les chèques au même endroit. En outre, cela génère des coûts supplémentaires pour les collectivités locales, qui doivent acquérir des sacs scellés pour effectuer les opérations de transfert de fonds en numéraire. Le coût du marché confié à la Banque Postale avoisine les 10 millions d'euros. Chaque opération de paiement chez un buraliste, quel que soit son montant, est facturé 1,5 euros hors taxe à l'État. Cela génère des coûts de recouvrement exorbitants dès lors qu'il s'agit le plus souvent de titres de recettes de faible montant. Les personnes se rendant aux urgences d'un hôpital sont tenues de s'acquitter d'un forfait des 19,61 euros. En l'absence d'une complémentaire santé cette somme reste à la charge du patient, qui peut régler cette somme auprès du buraliste. Le taux d'intervention de recouvrement s'élève alors à 7,65 %. Des paiements fractionnés peuvent conduire pour une même facture à multiplier les 1,5 euros par le nombre d'opérations. À cela s'ajoute le coût du marché passé avec la Française des jeux et la Confédération des buralistes. 41 millions d'euros ont été budgétés au projet de loi de finances 2022 pour rémunérer ces marchés ainsi que les frais de carte bancaire. Si des économies sont réalisées sur les frais de transports de fonds, celles-ci ne peuvent compenser le surcoût de la privatisation des missions de recouvrement de créances publiques précitées. La DGFIP admet elle-même publiquement que la recherche d'économies n'est pas l'objectif recherché à court terme, reconnaissant une explosion des coûts. En 10 ans, la DGFIP a perdu 21 % de ses effectifs. La suppression du numéraire dans le réseau des finances publiques permet officiellement de réorienter les agents concernés vers des tâches dites « à plus forte valeur ajouté ». Elle va de pair avec la réorganisation du réseau de proximité de la DGFIP, présentée comme une modernisation, qui se traduit par la quasi-disparition des trésoreries généralistes, au profit d'agences spécialisées et de points de contacts de proximité qui masquent tant bien que mal une dégradation du service public. Selon l'Institut Rousseau, la réduction des effectifs et le basculement sur les tâches permettant d'assurer un rendement budgétaire à court terme, notamment par la recherche prioritaire du compromis avec le contribuable, via le recours à la transaction, ainsi que la recherche de rentabilité financière au moindre coût budgétaire, ont fait perdre de son caractère dissuasif et répressif au contrôle fiscal. Les nouvelles modalités de contrôle fiscal sont dès lors susceptibles de se traduire par une baisse des rentrées fiscales à moyen et long terme pour l'État, les contribuables fraudeurs éventuellement identifiés risquant, au pire, d'être tenus de restituer les sommes détournées au Trésor public assorties d'intérêts de retard et d'une majoration pouvant être négociés à l'occasion d'une transaction. Dans ce sens, l'Institut Rousseau indique que les rappels d'impôts ont diminué de 51,8 % depuis 2015 tandis que les encaissements effectifs ont été réduits de 36,1 % sur la même période. Dans l'hypothèse où le ministère n'envisagerait pas de rétablir les moyens humains de la DGFIP pour maintenir un réseau de trésorerie généraliste de proximité dense, ainsi que pour lutter contre la fraude fiscale (13 700 agents publics supplémentaires seraient nécessaires pour lutter plus efficacement contre la fraude fiscale selon l'Institut Rousseau), M. le député demande à M. le ministre si celui-ci envisage, a minima, de maintenir un réseau de guichets relevant de la DGFIP acceptant les versements en espèces dans chaque département. Concernant la question des régisseurs publics désormais orientés vers les bureaux de la Banque Postale pour retirer ou verser des espèces, il lui demande si les agences de la Banque Postale pourraient également accepter les dépôts de chèques afin de rationaliser le travail et les déplacements des régisseurs, à défaut de maintenir les opérations en espèce dans le réseau de proximité de la DGFIP.

Réponse émise le 14 février 2023

Le député fait part de ses préoccupations concernant le plan de suppression des espèces dans le réseau de la direction générale des finances publiques (DGFIP) autorisé par l'article 201 de la loi de finances du 28 décembre 2018. S'agissant du volet des retraits et dépôts d'espèces auprès de La Banque Postale (LBP) mis en place au printemps 2021, les motifs d'insatisfaction soulignés doivent être examinés au regard des avantages procurés par cette réforme, qui introduit un maillage territorial plus dense, permettant à tous les régisseurs de réaliser leurs opérations à proximité immédiate, y compris en territoire rural, ce qui ne pourrait être assuré par le réseau comptable de la DGFIP ; la disponibilité des bureaux de poste étant par ailleurs plus importante avec des plages d'ouverture étendues. L'externalisation de la prestation a permis d'améliorer significativement le maillage territorial des lieux de dépôts et retraits qui est aujourd'hui très supérieur à celui de la DGFIP puisque la prestation est assurée par plus de 3 500 bureaux de poste couvrant 2 778 communes. Ces points de proximité garantissent les conditions d'accueil des utilisateurs tout en répondant à des conditions satisfaisantes de sécurité. La disponibilité des services auprès des administrés est également à souligner sur le volet « Paiement de proximité », permettant le paiement en espèces des factures d'impôts, produits locaux et amendes auprès du réseau des buralistes. Le « Paiement de proximité », généralisé en juillet 2020, compte aujourd'hui plus de 13 000 points de paiement, soit près de la moitié des buralistes, implantés sur 4 800 communes. La satisfaction des usagers est clairement traduite dans les différentes enquêtes conduites depuis la mise en place du dispositif. S'agissant du versement des secours d'urgence, les travaux importants conduits en concertation avec les associations d'élus locaux ont permis de définir un large panel de dispositifs alternatifs aux versements en espèces, parmi lesquels les collectivités émettrices de secours peuvent sélectionner la solution la plus adaptée au contexte local. Les prestataires externes intervenant dans ces dispositifs ont un savoir faire reconnu et ont par ailleurs spécialement développé des systèmes d'information modernisés, simplifiés permettant de sécuriser les flux financiers et comptables. Les caisses résiduelles maintenues dans chaque département, généralement à proximité des tribunaux d'instances pour la conservation des scellés judiciaires, permettent également à la DGFIP d'entretenir une action de proximité auprès des administrés. En l'espèce, elles autorisent les versements en numéraires complémentaires aux dispositifs de versement des secours existants. S'agissant des chèques, ils sont déposés par les régisseurs auprès des comptables publics, en même temps que le dépôt mensuel et obligatoire des pièces justificatives, afin de maintenir le lien entre régisseurs et comptables publics. Les dépôts de chèques relevant des régies titulaires de comptes de dépôts de fonds au Trésor (DFT) sont effectués auprès du service de traitement des chèques (STC). Globalement le nouveau réseau de proximité (NRP) a entraîné une réorganisation du maillage territorial de la DGFIP et a permis de relocaliser des services en dehors des métropoles ; à titre d'exemple, en 2021, 21 services ont été transférés en dehors des grandes agglomérations, au cœur des territoires. Cette réorganisation n'a pas été effectuée au détriment du service public car elle a permis aux services de la DGFIP de gagner en efficacité dans l'exercice de leurs missions que ce soit au titre de l'amélioration des délais de paiement de la dépense ou du recouvrement des créances des collectivités locales. Enfin, les situations complexes évoquées continuent à faire l'objet d'un suivi attentif de la part de l'ensemble des services de la DGFIP pour le compte des collectivités locales.

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