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Thomas Portes
Question N° 12415 au Ministère des ministère de l’Europe et des affaires étrangères


Question soumise le 24 octobre 2023

M. Thomas Portes interroge Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur l'intensification des liens entre l'entreprise française Carrefour et les colonies israéliennes. En mai 2023, lors de son assemblée générale des actionnaires, Carrefour affirmait ne pas disposer de magasins dans les colonies. Or un rapport produit en 2022 par des syndicats, ONG et associations tels que la Confédération générale du travail (CGT), L'Union syndicale Solidaire, la Ligue des droits de l'homme (LDH), l'AFPS ou encore la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine démontre que le groupe français est fortement impliqué dans les territoires colonisés. Il apparaît que le 6 mars 2022, le groupe Carrefour a conclu un accord avec deux sociétés israéliennes, Electra Consumer Products et Yenot Bitan, lui permettant de distribuer ses produits dans des magasins qui finiraient, in fine, par être transformés en magasins Carrefour. Parmi les 150 magasins concernés, huit sont situés dans des colonies israéliennes, Yenot Bitan étant présent dans les colonies de Ariel, Alfie Menashe, Ma'ale Adumin, Beit El, Kokhav Ya'akov, Modi'in- Maccabim-Re'ut, Modi'in Illit et Neve Ya'akov. Aussi, Carrefour a passé de nouveaux accords avec des sociétés israéliennes, acteurs directs de la colonisation : la banque Hapoalim qui figure dans la liste de l'ONU des 97 entreprises complices de la colonisation et la société Juganu, start-up de la high tech. L'ONU a publié en 2013 une liste de types d'activités pouvant amener des entreprises - israéliennes ou multinationales - à être considérées comme complices des violations des droits humains liées à la colonisation des territoires palestiniens. Parmi ces activités mises en cause, il y a « l'offre de services et de prestations contribuant à l'existence et à l'entretien des colonies de peuplement ». Aussi, depuis la loi du 27 mars 2017 dite « relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre », les entreprises doivent établir et mettre en œuvre des plans de vigilance visant à identifier en amont les risques, notamment en matière de violations des droits de l'homme, auxquelles elles sont exposées ainsi que les mesures prises pour la prévention et la réduction de ces risques. Or la société Carrefour tire directement profit de la colonisation, d'une part par les services qu'elle fournit aux magasins de Yenot Bitan qui y sont implantés et les redevances qu'elle en tire et d'autre part, par la vente de ses produits de la marque Carrefour. Ainsi, elle développe ses activités en méconnaissant le droit international et le droit français. Il lui demande donc ce qu'elle entend faire pour s'assurer que l'entreprise française Carrefour se conforme aux normes et aux principes internationaux.

Réponse émise le 26 mars 2024

La France, comme nombre d'Etats, considère que la politique de colonisation menée par Israël est illégale au regard du droit international, y compris la résolution 2334 (2016) du Conseil de sécurité, qu'elle nuit à la recherche d'une paix juste et durable et menace la solution des deux États. La colonisation fait en outre peser un risque d'annexion par le fait accompli et contribue à l'aggravation des tensions sur le terrain. La France condamne régulièrement les annonces et les incidents liés à la colonisation, en Cisjordanie comme à Jérusalem-Est. La France appelle, dans ses contacts politiques et diplomatiques comme publiquement, les autorités israéliennes à reconsidérer ces décisions et à abandonner cette politique de colonisation afin de préserver la solution des deux États. La France a pris des sanctions contre les colons extrémistes et violents et souhaite que des sanctions similaires soient également prises au niveau de l'Union européenne. La France informe également les entreprises françaises et les sensibilise aux risques juridiques, économiques et réputationnels, qu'elles encourent en poursuivant des projets dans les colonies israéliennes, qui sont illégales au regard du droit international. Ainsi, la France a publié en coordination avec ses partenaires européens des messages clairs à l'attention des citoyens et des entreprises qui seraient engagés dans des activités économiques ou financières dans les colonies israéliennes, ou envisageraient de le faire. Ces messages leur sont rappelés régulièrement par l'ensemble des services concernés. Il convient de rappeler, de manière générale, que la responsabilité de la France ne saurait être engagée à raison d'activités d'entreprises françaises qui ne lui sont pas attribuables. Plus généralement, la France s'engage pour un renforcement de la conduite responsable des entreprises en France comme des entreprises françaises à l'international. Dans le cadre du dispositif existant sur la responsabilité des entreprises françaises : - au plan national, les entreprises françaises sont tenues au devoir de vigilance en matière de violations des droits de l'Homme, droits sociaux, santé et sécurité au travail et d'environnement, conformément aux dispositions de la loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre ; - à l'échelle de l'Union européenne, la France a été particulièrement engagée dans les négociations relatives à un projet de directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité qui est désormais au stade des trilogues ; - au plan international, plusieurs textes établissent des standards de diligence raisonnable pertinents pour identifier, gérer et prévenir les risques d'impacts négatifs sur les droits de l'Homme. Il s'agit en particulier, des Principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales mis à jour en 2023, du Guide de l'OCDE sur le devoir de diligence (2018), de la Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale de l'OIT (2017), des Conventions fondamentales de l'Organisation internationale du travail (OIT) et des Principes directeurs de l'ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l'Homme (2011).

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