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Fabrice Brun
Question N° 12814 au Secrétariat d'état à la biodiversité


Question soumise le 14 novembre 2023

M. Fabrice Brun alerte M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les dangers de la prolifération de l'espèce des grands cormorans en France, notamment en Ardèche. En effet, l'arrêté du 29 octobre 2009, « fixant la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire », a considéré le grand cormoran comme une espèce protégée. Or il semblerait que ce prédateur nuise à la biodiversité et aux populations de poissons présentes notamment dans les cours d'eau de l'Ardèche, de la Loire et du Haut-Allier ; une difficulté supplémentaire pour les truites farios, les ombres communs et les saumons atlantiques, qui rencontrent déjà des problèmes de reproduction et de population. Oiseaux d'origine maritime, les cormorans remontent les cours d'eau et les rivières et nidifient jusque très loin dans les terres, faute d'une nourriture suffisante sur les côtes françaises. Nombreux furent les signalements des organisations piscicoles et des fédérations de pêche face au risque qu'ils représentent. Selon le rapport Kindermann édité en 2009, leur consommation journalière serait d'environ 500 grammes de poisson, soit un besoin bien supérieur aux autres espèces d'oiseaux piscivores. Aussi, depuis 1996, un arrêté annuel pris par le ministère de l'environnement permettait de réguler ces populations de cormorans hivernants pour éviter une prédation trop importante. Cette régulation ne mettait pas leur population en danger ; la preuve, cette dernière a augmenté de 8 % entre 2018 et 2021. Pourtant, malgré ces constatations, l'arrêté du 19 septembre 2022 « fixant les plafonds départementaux dans les limites desquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant les grands cormorans pour la période 2022-2025 » a mis en place l'arrêt des tirs de régulation pour la période de 2022-2025 dans le département de l'Ardèche. L'espèce peut ainsi prospérer sans possible régulation. Avec des prélèvements considérables sur la faune piscicole. Aussi face à cette situation et au vu de la mise en danger de la biodiversité des rivières, M. le député demande à M. le ministre la mise en œuvre de mesures de régulation efficaces visant à mieux équilibrer cette espèce sur le territoire. Il lui demande également s'il va engager une réflexion globale sur les moyens d'équilibrer durablement la population de ces prédateurs.

Réponse émise le 28 novembre 2023

Le grand cormoran est une espèce autochtone protégée au niveau national, qui bénéficie également au niveau européen du régime général de la protection de toutes les espèces d'oiseaux (directive oiseau). Son régime alimentaire est piscivore. La population de la sous-espèce Phalacrocorax carbo sinensis s'était significativement réduite jusque dans les années 1970. Depuis lors, le nombre moyen de grands cormorans a augmenté jusqu'à atteindre un niveau relativement stable depuis 2013 et oscillant autour de 100 000 individus présents. Afin de contrôler l'impact que le grand cormoran occasionne sur les piscicultures et, le cas échéant, sur les poissons sauvages, un système dérogatoire à la protection stricte permet de mener des opérations de régulation dans des conditions fixées dans l'arrêté ministériel cadre du 26 novembre 2010. Ainsi, un arrêté pris tous les trois ans, fixe les plafonds départementaux dans les limites desquelles les dérogations peuvent être accordées. L'arrêté couvrant la période 2022/2025, a été publié le 1er octobre 2022. Il est lui-même décliné en arrêtés départementaux annuels ou triennaux définissant les personnes habilitées, les périodes et les zones de tir autorisées. L'élaboration de l'arrêté triennal 2022/2025 est intervenue dans le contexte d'annulation d'arrêtés préfectoraux relatifs aux dérogations sur les cours d'eau et plans d'eau, suite à diverses requêtes déposées ces dernières années. Plus d'une quinzaine d'arrêtés ont été annulés et plusieurs contentieux sont en attente de jugement. Les décisions des tribunaux administratifs font état de motivations insuffisantes des arrêtés car ils ne démontrent pas la présence, dans les cours d'eau, d'espèces de poissons menacées, l'impact du grand cormoran sur les espèces protégées ou la mise en œuvre de solutions alternatives. Dès lors, les conditions de dérogation requises ne sont pas remplies. En conséquence, lors des travaux préparatoires à l'élaboration de l'arrêté, des réflexions ont été engagées avec l'ensemble des partenaires concernés par le grand cormoran (représentants des pisciculteurs et pêcheurs, associations de protection de la nature, experts, administration) afin de permettre la sécurisation des actes juridiques et d'éviter que les futurs arrêtés préfectoraux ne soient à nouveau annulés. Au terme de la période de consultation, il a été décidé de ne pas établir dans l'arrêté 2022/2025 de plafonds pour les cours d'eau et plans d'eau et de n'y rendre aucune dérogation possible. En effet, en l'état, les éléments disponibles ne permettaient pas de démontrer l'impact du grand cormoran sur les espèces piscicoles menacées et de remplir les conditions de dérogation. L'arrêté du 19 septembre 2022 permet donc que les dérogations soient accordées pour protéger les seules piscicultures, dans 58 départements, avec un plafond annuel de 27 892 individus autorisés à la destruction. Les craintes des pêcheurs et de leurs fédérations de ne plus bénéficier de dérogations, notamment lorsque certaines rivières présentent des enjeux particuliers en raison de la présence de certaines espèces piscicoles patrimoniales et sensibles, ont été signalées. Aussi, si des études étaient produites localement et démontraient l'impact de l'espèce sur l'état de conservation des espèces de poissons protégées ou menacées, l'arrêté 2022/2025 pourrait être complété, au cours de la période triennale, afin de mettre en place des plafonds sur les cours d'eau et plans d'eau concernés dans les départements. La justification de cet impact local permettrait en effet de remplir les conditions nécessaires à l'octroi des dérogations. Un protocole-cadre national a été discuté avec la Fédération nationale de la pêche en France (FNPF) et quatre départements pilotes ont été retenus pour le mettre en œuvre. Les premiers résultats de ces études sont attendus au cours des mois à venir. Enfin, au regard des menaces qui pèsent sur les milieux aquatiques, une vigilance est nécessaire pour que soit mis en œuvre l'ensemble des moyens permettant de restaurer et maintenir leur équilibre. En effet, au-delà de la prédation exercée par le grand cormoran sur les espèces piscicoles, d'autres enjeux importants, tels que la continuité écologique, la lutte contre les pollutions et les espèces exotiques envahissantes, doivent faire l'objet d'une attention particulière.

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