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Philippe Latombe
Question N° 13374 au Ministère du ministère de la culture


Question soumise le 5 décembre 2023

M. Philippe Latombe appelle l'attention de Mme la ministre de la culture sur l'attribution des aides à la création par la SCPP. Selon l'article R. 321-6 du code de la propriété industrielle, l'aide à la création s'entend comme un concours apporté : « 1° à la création d'une œuvre, à son interprétation, à la première fixation d'une œuvre ou d'une interprétation sur un phonogramme ou un vidéogramme ; 2° à des actions de défense, de promotion ou d'information engagées dans l'intérêt des créateurs et de leurs œuvres ». Les dépenses consacrées à la création artistique ont donc vocation à favoriser la diversité musicale, les nouveaux talents et les projets innovants. Or, en matière de volume de crédits alloués, les gros producteurs et les artistes confirmés bénéficient d'une part substantielle des aides, comme le souligne la Commission de contrôle des organismes de gestion des droits d'auteur et des droits voisins. Dans son rapport annuel de juin 2023, cette dernière s'interroge d'ailleurs sur l'utilité d'aides importantes attribuées par la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP) à des albums posthumes ou à des projets portés par des artistes installés, « dont l'équilibre économique ne paraît pas nécessiter de soutien particulier ». On peut donc légitimement considérer, comme le font d'ailleurs les rapporteurs, que ces choix s'écartent de l'intention du législateur. Les données chiffrées analysées dans ce rapport s'arrêtant à 2021, M. le député souhaite connaître la liste des artistes qui ont bénéficié des aides à la création en 2022 et pour l'année 2023 en cours, ainsi que les montants dont ils ont bénéficié. Il aimerait aussi savoir si elle envisage de réduire la part du budget d'action artistique et culturelle consacrée à des projets portés par des artistes confirmés.

Réponse émise le 7 mai 2024

Les organismes de gestion collective des droits d'auteur et des droits voisins (OGC) sont des personnes morales, constituées selon l'article L. 321-1 du code de la propriété intellectuelle (CPI) « sous toute forme juridique » et « dont l'objet principal consiste à gérer le droit d'auteur ou les droits voisins » de leur ayant droit qui leur sont confiés dans le cadre de la gestion collective obligatoire ou volontaire. Ces organismes associent les membres dont ils gèrent les droits à leur gestion. Conformément à l'article L. 324-17 du CPI, les OGC utilisent une part des sommes collectées pour le compte de leurs membres à des actions d'aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant, au développement de l'éducation artistique et culturelle et à des actions de formation des artistes. Il s'agit des montants collectés au titre des sommes irrépartissables provenant de la copie privée, la rémunération équitable pour les droits voisins, la radiodiffusion pour les droits d'auteur ainsi qu'à 25 % des collectes au titre de la redevance pour copie privée. Certains budgets d'action culturelle bénéficient également de l'apport de sommes volontaires complémentaires relevant des budgets généraux des OGC, et votés par leur assemblée générale. Ces sociétés déterminent librement la façon dont elles affectent les sommes en cause, dans le respect des dispositions de l'article L. 324-17 du CPI mentionné supra. et sous réserve de la validation de leurs instances décisionnelles respectives. Conformément aux articles L. 326-1 et L. 326-2 du CPI relatifs à leurs obligations de transparence, les OGC recensent le montant et l'affectation de l'ensemble de ces ressources affectées au titre de l'action artistique et culturelle sur une base de donnée électronique centralisée, d'une part, le site « aidescreation.org », régulièrement mise à jour et mise à disposition du public gratuitement, ainsi qu'au sein d'une liste incluse dans leur rapport annuel de transparence respectif, d'autre part. En tout état de cause, les ressources affectées à l'action artistique et culturelle ne sont pas de nature publique, ces dernières provenant de l'exploitation de droits et étant administrées par des personnes privées. Il ne revient donc pas à la ministre de la Culture de déterminer la destination et les modalités de distribution de ces aides. La commission de contrôle des OGC (ci-après, la « Commission ») peut toutefois, dans les conditions prévues par le législateur, exercer un contrôle et émettre des observations sur ces dernières. Le rapport annuel de la Commission pour l'année 2023 s'attache à examiner les conditions dans lesquelles les budgets d'action culturelle sont utilisés par les organismes de gestion collective des droits des producteurs de phonogrammes. Il relève, à cet égard, une forte concentration des budgets au profit de producteurs et d'artistes installés, dont l'équilibre économique ne paraît pas nécessiter de soutien particulier. En dépit des considérations économiques avancées par les producteurs de phonogrammes afin de justifier cette pratique, il convient de rappeler que l'objectif « d'aide à la création » posé par le législateur à l'article L. 324-17 du CPI implique une sélectivité particulière et une exigence de redistribution, notamment en direction des jeunes talents, objectifs qui ne sont pas totalement satisfaits lorsque ces aides sont affectées à des projets portés par des artistes confirmés. Il appartient donc aux OGC de producteurs de phonogrammes de veiller, en écho aux préconisations de la commission et sous son contrôle, à mieux concilier la finalité des dispositions législatives et les motivations économiques qui fondent le système d'affectation actuel. À ce titre, il importe de relever que les OGC de producteur ont maintenu en 2024 l'affectation d'une partie de leur budget d'action culturelle pour le financement du Centre National de la Musique (CNM), lequel est doté d'une mission d'intérêt général visant à soutenir l'ensemble de la filière pour garantir la diversité, le renouvellement et la liberté de la création musicale. Le ministère salue le maintien de cette contribution et rappelle la nécessité pour les OGC de droits d'auteur et de droits voisins de revenir dans la mesure du possible aux engagements qui ont été pris lors de la création du CNM. Le rapport de la Commission effectue toutefois un autre constat, tenant à une chute importante des ressources disponibles issues des droits non répartissables, sous l'effet de la crise sanitaire et, surtout, de l'arrêt rendu le 8 septembre 2020 par la Cour de justice de l'Union européenne (Recorded Artists Actors Performers Ltd/Phonographic Performance (Ireland) Ltd e.a., C-265/19). Les budgets d'action artistique et culturelle, qui avaient fortement progressé au cours des années précédentes, se sont ainsi retrouvés amputés de plus d'un quart en 2021 par rapport à 2018. Aucune solution ne se dégage aujourd'hui au plan européen à ce sujet, malgré la forte implication des autorités françaises, notamment au sein du Conseil de l'Union européenne et de ses instances techniques. Dans ce contexte particulier, il convient d'éviter toute mesure de nature à fragiliser cette contribution importante et significative à la vitalité artistique et à la diversité culturelle en France.

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