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Lise Magnier
Question N° 1569 au Ministère de la justice


Question soumise le 27 septembre 2022

Mme Lise Magnier attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation des créanciers lors de la prononciation d'une liquidation judiciaire par le tribunal compétent. En effet, la procédure judiciaire dans ce domaine est gouvernée par le principe d'égalité des créanciers qui trouve son origine dans l'article 2093 du code civil de 1804. La réalité est cependant que les créanciers sont complétement inégaux en fait comme en droit. La priorité du remboursement va aux créanciers privilégiés comme les services fiscaux, les services judiciaires ou les caisses de sécurité sociale. Les créanciers bénéficiant d'une garantie de paiement ou d'une sûreté leur assurant une priorité de paiement sont ensuite payés. En revanche, les créanciers chirographaires qui ne disposent pas d'une priorité de paiement sont les derniers à être payés, si toutefois il reste encore de quoi payer. La législation actuelle créée une rupture d'égalité de traitement entre les créanciers. Ainsi, les propriétaires qui louaient les locaux à l'entreprise liquidée ou encore les fournisseurs ne sont quasiment jamais payés. Cette situation peut entraîner dans certains cas leur faillite car ils ont perdu une somme conséquente et ils ne seront jamais payés. En outre, il est à rappeler qu'après le jugement de clôture pour insuffisance d'actif, les créanciers ont l'interdiction d'entamer des poursuites contre le débiteur, sauf exceptions. Le débiteur ne peut donc pas être poursuivi pour le paiement de créances qui faisaient partie de la procédure et n'a pas évidemment à les payer spontanément. Face à cette situation, les créanciers chirographaires se sentent désemparés. La grande majorité des chefs d'entreprise est de bonne foi ; toutefois, on peut constater que certains margoulins sont devenus de véritables professionnels de l'insolvabilité. La législation a prévu qu'en cas de liquidation, le tribunal compétent peut prendre une sanction contre le dirigeant d'entreprise et lui interdire de gérer une société pendant un certain temps. Bien souvent, cette mesure n'est pas respectée ou contournée. Elle lui demande si des mesures vont être prises pour protéger les Français face à ces professionnels de l'insolvabilité et le cas échéant, quelles mesures le Gouvernement entend mettre en œuvre à cet égard.

Réponse émise le 7 mars 2023

Lorsqu'une entreprise se trouve en état de cessation des paiements, c'est à dire qu'elle ne peut plus payer ses créanciers à l'échéance, et que son redressement est jugé manifestement impossible, le tribunal compétent (tribunal de commerce ou tribunal judiciaire) prononce à son égard la liquidation judiciaire. Un mandataire judiciaire est alors désigné aux fonctions de liquidateur pour réaliser les actifs de l'entreprise et en répartir le produit entre ses créanciers. A cet égard, l'article 2093 du Code civil énonce un principe d'égalité entre créanciers en disposant que « les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers ; et le prix s'en distribue entre eux par contribution (…) ». Ce principe connait toutefois des tempéraments, prévus par ce même texte, qui précise in fine que le principe d'égalité s'applique « à moins qu'il n'y ait entre les créanciers des causes légitimes de préférence ». Ainsi, dès l'origine du texte en 1804, les créanciers munis de sûretés réelles échappaient à la masse, qui rassemblait les seuls créanciers chirographaires, c'est à dire ceux qui ne bénéficiaient d'aucune garantie particulière pour le recouvrement de leur créance. En cas de faillite, le principe d'égalité ne trouvait donc à s'appliquer qu'entre créanciers chirographaires, après que les créanciers privilégiés avaient réalisé leur sûreté. Il n'a donc jamais été absolu. Dans le droit positif actuel, l'ordre des répartitions est régi par l'article L. 643-8 du code de commerce, que l'ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 est venue clarifier. Les créanciers sont donc classés suivant un ordre prévu par la loi. Ainsi, les salariés, à raison du caractère alimentaire de leur créance, sont préférés à tous les autres créanciers. Les frais de justice, en ce qu'ils sont nécessaires au déroulement de la procédure, viennent en rang favorable. Il en est encore ainsi du bailleur. Le principe d'égalité trouve donc en réalité à s'appliquer non pas entre tous les créanciers, mais au sein d'une même catégorie de créanciers, lors des répartitions. Tous les créanciers, au demeurant, sont placés sur un pied d'égalité lors de l'ouverture de la procédure, puisqu'ils sont soumis à la discipline collective, qui interdit les poursuites individuelles et les oblige à déclarer leur créance.  Afin de lutter contre les professionnels de l'insolvabilité, la loi prévoit un certain nombre de mesures. Ainsi, en dépit du principe de non-reprise des poursuites individuelles après la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif, les poursuites individuelles peuvent reprendre si la faillite personnelle a été prononcée à l'encontre du débiteur ou si le chef d'entreprise a déjà fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif dans les cinq années qui précédent. Par ailleurs, des sanctions peuvent être prononcées par le tribunal saisi de la procédure collective à l'encontre du dirigeant. Il peut s'agir de sanctions professionnelles visant à évincer le dirigeant de la vie des affaires, telles que l'interdiction de gérer – pour une durée pouvant aller jusqu'à quinze ans – dont il convient de rappeler que la violation est réprimée pénalement de deux ans d'emprisonnement et 375 000 € d'amende. Il peut également s'agir de sanctions patrimoniales conduisant le tribunal à mettre à la charge du dirigeant, reconnu fautif, tout ou partie du passif de l'entreprise. Dans cette dernière hypothèse, le produit de l'action en comblement de passif est réparti au marc-le-franc entre tous les créanciers, sans considération de la catégorie à laquelle ils appartiennent.

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