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Xavier Breton
Question N° 1685 au Ministère auprès de la première ministre


Question soumise le 4 octobre 2022

M. Xavier Breton attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur le rapport de la mission interministérielle faisant un bilan de la loi du 13 avril 2016 visant à lutter contre le système prostitutionnel. Il reflète des évolutions inquiétantes. S'il semble difficile d'évaluer le nombre de personnes prostituées, 40 000 selon l'OCRTEH (l'Office central pour la répression de la traite des êtres humains), la tendance est à une diminution du nombre de personnes se prostituant dans la rue et un transfert vers internet, qui devient prépondérant. Il est cependant constaté une aggravation de la précarité pour la prostitution dans la rue. Le rapport insiste aussi sur l'augmentation du « proxénétisme des cités ». Les résultats sont mitigés sur les parcours de sortie. Ces parcours, visant à aider les personnes quittant la prostitution, étaient un des piliers de la loi de 2016. Leur mise en place a été très lente. En 2019, seuls 300 parcours ont été autorisés. Peu de dossiers sont déposés et ils concernent essentiellement des personnes étrangères s'étant prostituées dans la rue. En cause, la peur des représailles et le faible montant de l'aide : 330 euros par mois. De plus, seuls 30 % des départements disposent de places d'hébergement fléchées, en nombre souvent insuffisant. L'autre point noir est l'augmentation de la prostitution des mineurs, une « progression préoccupante ». L'OCRTEH ne comptait que 6 mineurs victimes en 2010 mais 147 en 2018. Des chiffres éloignés de ceux des parquets de Paris et Marseille qui, à eux seuls, en comptabilisent 500, quand les associations parlent de 6 000 à 10 000 enfants concernés. Aussi, il lui demande ce qui est prévu pour une mise en place efficace de lutte contre la prostitution, s'il est envisagé de créer des structures d'accueil spécialisées et comment garantir la mise à l'abri des enfants prostitués.

Réponse émise le 28 février 2023

La loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 vise à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et accompagner les personnes prostituées. Ce texte s'articule autour des axes suivants : la lutte contre le proxénétisme, notamment sur internet et via la protection renforcée des victimes apportant leur concours dans les procédures judiciaires ; la dépénalisation des personnes prostituées et l'accompagnement de celles qui souhaitent sortir de la prostitution par la création d'un parcours de sortie de la prostitution (PSP) ; la prévention des pratiques prostitutionnelles et du recours à la prostitution, par un renforcement des actions de réduction des risques pour les personnes en situation de prostitution et par une meilleure information de la réalité de la prostitution chez les jeunes ; l'interdiction de l'achat d'acte sexuel et la responsabilisation des clients de la prostitution. La déclinaison au niveau local du PSP est suivie par les équipes territoriales aux droits des femmes et à l'égalité via l'animation des commissions départementales de lutte contre la prostitution, présidées par le préfet. L'entrée dans le parcours de sortie fait l'objet d'une autorisation du préfet et conditionne l'ouverture de droits spécifiques créés par la loi : un accompagnement social et professionnel par les associations agréées, la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour (APS) pour les personnes étrangères et l'attribution d'une aide financière à l'insertion sociale et professionnelle (AFIS) pour les personnes qui ne peuvent pas bénéficier des minima sociaux. Le déploiement du dispositif, dans chaque département, a supposé au préalable l'objectivation au niveau local du phénomène lié à la lutte contre le système prostitutionnel par des diagnostics territoriaux. Il appartient, en effet, aux commissions départementales de rendre un avis sur les demandes d'engagement et de renouvellement dans un parcours de sortie de la prostitution et d'insertion sociale et professionnelle qui lui sont soumises par les associations agréées à cet effet. Il revient aux préfets de décider d'autoriser ou de refuser les demandes d'engagement ou de renouvellement à la lumière de l'avis de la commission. Cette démarche a été plus ou moins longue selon les départements. Au-delà des disparités locales liées à l'ampleur du phénomène, sont entrés en ligne de compte le degré de connaissance et d'analyse de cette question, ou bien encore la nécessité d'identifier les acteurs institutionnels et les relais associatifs pertinents.  Le déploiement du dispositif a par ailleurs dû intégrer les délais induits par la procédure d'agrément des associations par les services de l'Etat, préalable à leur rôle dans le dispositif et à leur participation aux commissions départementales. Les préalables requis pour son déploiement, en particulier au niveau local, étant particulièrement exigeants, la montée en charge s'est faite de manière progressive. Au 1er septembre 2022, 87 commissions départementales étaient installées sous l'autorité des préfets (55 au 30 novembre 2018, 62 au 15 mars 2019, 75 début 2020 et 80 début 2021) dont 51 avec parcours de sortie de la prostitution (32 en mars 2019, 45 en mars 2020 et 48 au 1er janvier 2021 et 119 associations sont agréées pour la mise en œuvre du parcours de sortie de la prostitution. 529 parcours de sortie de la prostitution ont été autorisés par décision préfectorale (446 au 1er janvier 2022), soit une augmentation de 18 % en 8 mois en 2022. Une circulaire interministérielle du 13 avril 2022 a, par ailleurs, rappelé aux préfets la nécessité d'installer une commission dans les départements dépourvus et la volonté d'augmenter le nombre de personnes prises en charge dans les PSP. Conformément au décret du 22 octobre 2022, l'AFIS a été revalorisée rétroactivement à hauteur de 4 % à compter du 1er juillet 2022. Son montant varie en fonction du nombre d'enfants à charge. Par ailleurs, en application de la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées, une information est délivrée dans les établissements du secondaire sur les réalités de la prostitution et les dangers de la marchandisation du corps. Plus globalement, les associations partenaires mettent en œuvre des actions de prévention notamment en direction des jeunes visant à prévenir le risque prostitutionnel, tant en ce qui concerne l'entrée dans la pratique prostitutionnelle que le recours à la prostitution. A titre d'exemple, le Mouvement du Nid a réalisé 3 vidéos sur l'enrôlement des jeunes vers la prostitution via les outils numériques et sur la pornographie, qui servent de support à ses interventions dans les établissements scolaires. De plus, compte tenu de l'augmentation des annonces de prostitution de la part de jeunes gens sur internet, les associations nationales, comme le Mouvement du Nid et l'Amicale du Nid, développent, notamment via les fonds de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, des actions de maraudes virtuelles sur les sites de petites annonces et les réseaux sociaux.  Enfin, dans le cadre du plan national de lutte contre la prostitution des mineurs, deux appels à projets relatifs aux maraudes numériques et aux lieux d'accueil et de prise en charge, ont permis de financer en 2022 une cinquantaine de projets portés par les associations et répartis sur l'ensemble du territoire.

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