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Cécile Untermaier
Question N° 1891 au Ministère de la santé


Question soumise le 4 octobre 2022

Mme Cécile Untermaier attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur le remboursement des traitements préventifs de la migraine sévère, dit traitements anti-CGRP. En France, 12 % des adultes souffrent de migraine, avec une prédominance féminine de trois femmes pour un homme. La maladie évolue par crises récurrentes et sévères qui impactent considérablement la vie professionnelle et familiale du patient. Une nouvelle classe de médicaments appelés antagonistes du peptide lié au gène de la calcitonine (CGRP) et commercialisés sous le nom d'Aimovig par le laboratoire Novartis ou Emgalité par le laboratoire Lily ont été reconnus comme des médicaments représentant une avancée majeure pour la prise en charge de la migraine sévère. Expérimentés au centre antidouleurs du centre hospitalier universitaire (CHU) de Lille, ils ont permis d'obtenir « des résultats spectaculaires dans plus de 70 % des cas » selon des neurologues les ayant prescrits dans ce cadre-ci. Ces traitements coûteux (entre 400 et 600 euros par mois) qui s'administrent sous forme d'auto-injection ne sont pas remboursés par la sécurité sociale en l'absence d'accord entre le Gouvernement et les laboratoires concernés. Dans la plupart des pays européens où ce traitement est autorisé sur le marché depuis deux ans (Danemark, Slovaquie, Espagne, Italie, Allemagne et Belgique), il est remboursé pour tout ou partie par l'État. Aussi, elle lui demande si une réflexion sur ce sujet est engagée par le Gouvernement et dans quel délai et sous quelles conditions un tel traitement serait pris en charge par la sécurité sociale.

Réponse émise le 13 décembre 2022

Trois spécialités pharmaceutiques, indiquées dans le traitement de fond de la migraine, appartenant à la nouvelle classe des anti-CGRP (calcitonine gene related peptide), ont obtenu une autorisation de mise sur le marché en 2018 et 2019. Il s'agit d'AIMOVIG®, erenumab, AJOVY®, fremanezumab et EMGALITY®, galcanezumab, exploités respectivement par les laboratoires Novartis, Teva et Lilly. Un accord sur le prix n'a pas été trouvé lors des négociations de prix entre le Comité économique des produits de santé (CEPS) et les laboratoires exploitants, ils ne sont donc pas pris en charge par l'assurance maladie. La migraine est une maladie douloureuse et invalidante qui peut se traduire par un handicap et une dégradation marquée de la qualité de vie, notamment pour les patients souffrant de migraine sévère. La Commission de la transparence (CT) de la Haute autorité de santé (HAS) chargée d'évaluer l'intérêt thérapeutique de ces produits dans le panier de soins remboursables a souligné lors de son analyse l'existence de différents traitements actuellement pris en charge dans le traitement de fond de la migraine et pouvant être considérés comme des comparateurs cliniquement pertinents de ces nouvelles spécialités de la classe des anti-CGRP. Ces comparateurs permettent une prise en charge de l'ensemble des stades de la pathologie avec des traitements de première et seconde intention (Lopressor, Seloken, Avlocardyl, Epitomax) mais également des traitements de recours (Sanmigran, Nocertone et Sibelium) ainsi que des alternatives non médicamenteuses pouvant aussi être mobilisées pour la prise en charge des patients. Malgré la démonstration d'une efficacité clinique par rapport à un placebo alors qu'il existe des comparateurs médicamenteux et d'une quantité d'effet modérée uniquement dans une sous-population, cette même commission a octroyé à EMGALITY®, AJOVY®, AIMOVIG®, un Service médical rendu (SMR) important dans une population plus restreinte que celle de l'AMM limitée aux patients atteints de migraine sévère avec au moins 8 jours de migraine par mois, en échec à au moins deux traitements prophylactiques et sans atteinte cardiovasculaire. Pour ces 3 médicaments, la Commission de la Transparence considère également une absence d'amélioration de service médical rendu (ASMR V) au regard de la quantité d'effet modeste sur la variation du nombre de jours de migraine par mois dans la migraine épisodique et chronique, de l'absence de données robustes de qualité de vie et en dépit de nouvelles données comparatives versées par les laboratoires au moment de la réévaluation dans une population non recommandée à la prise en charge. Conformément aux dispositions de la loi, la fixation du prix d'un médicament tient compte principalement de l'amélioration du service médical rendu par le médicament. Les discussions tarifaires entre le Comité économique des produits de santé (CEPS) et les laboratoires exploitant ces spécialités se sont ainsi fondées sur les critères légaux, réglementaires et conventionnels qui définissent le cadre de négociation, une spécialité d'ASMR V ne pouvant être inscrite au remboursement que dans le cas où elle génère une économie dans les coûts de traitement. Malgré plusieurs propositions de la part du CEPS, ces discussions n'ont pu aboutir du fait des prétentions tarifaires extrêmement élevées des industriels au regard des dépenses actuellement engagées pour le traitement médicamenteux de la migraine. Face à l'impossibilité pour les industriels de formuler des propositions tarifaires compatibles avec les dispositions législatives, réglementaires et conventionnelles se traduisant par un échec des négociations, de l'existence de 7 autres médicaments pris en charge dans le traitement de la migraine, du risque de tolérance à long terme (risques cardiovasculaires et immunogénicité) et de l'absence de réponse supplémentaire au besoin médical partiellement couvert, ces 3 antimigraineux anti CGRP n‘ont pas pu être inscrits sur les listes des médicaments remboursables. Néanmoins, cette non-inscription ne préjuge pas de l'issues de nouvelles négociations qui pourraient se tenir à la demande d'un des laboratoires s'il souhaite s'inscrire dans le cadre réglementaire, ou encore après soumission à la commission de la Transparence de nouvelles données permettant l'octroi d'une ASMR revalorisée. Le ministère de la santé et de la prévention est pleinement conscient du besoin médical qui subsiste pour traiter des patients en impasse de traitement souffrant de migraine, qui du fait de sa grande prévalence et du retentissement qu'elle induit, est classée par l'Organisation mondiale de la santé parmi les vingt maladies ayant le plus fort impact sociétal. Le ministère espère vivement que les laboratoires seront en mesure de déposer de nouvelles données démontrant l'intérêt du produit par rapport à des comparateurs médicamenteux ou accepteront de négocier dans le cadre règlementaire existant. Au-delà, des travaux récents mettent en lumière l'impact de l'inhibition de la protéine HDAC6 dans la réduction de la douleur liée à la migraine et ouvrent également la voie au développement de nouvelles alternatives thérapeutiques dans cette pathologie.

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