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Paul-André Colombani
Question N° 241 au Ministère de l’économie


Question soumise le 26 juillet 2022

M. Paul-André Colombani alerte M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la situation grave d'inflation des prix des carburants en Corse, qui fait peser une pression économique insoutenable sur les ménages corses. La Corse est un territoire caractérisé par un coût de la vie courante supérieur dans toutes ses composantes à celui des autres territoires, un salaire moyen identifié comme le plus bas de France métropolitaine, avec un différentiel de - 440 euros, et un taux de précarité supérieur à toutes les régions du continent, avec notamment 18,5 % des ménages vivant sous le seuil de pauvreté - soit le taux le plus élevé de métropole. La moitié des personnes en Corse ont un niveau de vie annuel inférieur à 20 670 euros, contre 21 650 euros au niveau national, et la dégradation du niveau de vie des Corses ne cesse de s'amplifier, notamment du fait de la forte augmentation du prix des carburants depuis 2020, prix largement supérieurs à ceux de la France métropolitaine. En effet, l'utilisation plus fréquente de la voiture conjuguée à des temps d'accès souvent plus long a un impact sur le budget de la plupart des foyers : en 2008, 28 % des ménages étaient considérés en situation de vulnérabilité énergétique liée aux déplacements (dépenses de carburants), proportion la plus élevée de France (10,2 %). À ce jour, les mesures mises en place par le Gouvernement dans l'ensemble de la métropole ont eu un effet insuffisant en matière de lutte contre la cherté des carburants en Corse, dont les prix atteignent aujourd'hui un niveau oscillant entre 2,18 et 2,22 euros/l, soit en moyenne plus de 10 centimes au-dessus des prix constatés sur le continent. De plus, l'Autorité de la concurrence, dans son avis 20-A-11 en date du 17 novembre 2020, note que « sur le plan concurrentiel, le secteur est par ailleurs très concentré : à l'aval, la vente au détail dans les stations-service se caractérise par un oligopole de trois réseaux de distribution : chacune des 133 stations-service de l'île est rattachée à l'un d'entre eux. Cette situation risque de perdurer, l'entrée de nouveaux concurrents étant soumise à des barrières à l'entrée importantes. En effet, d'une part, le développement de stations-service exploitées par les grandes et moyennes surfaces ou de stations-service discount se heurte aux réticences des entreprises et des pouvoirs publics face au développement de ce mode de distribution en Corse. D'autre part, à l'amont, les dépôts pétroliers sont contrôlés exclusivement par une entreprise verticalement intégrée. Celle-ci bénéficie d'un monopole de fait sur l'approvisionnement et le stockage des carburants en Corse et contrôle une « infrastructure essentielle » : ses dépôts sont un point de passage obligatoire à toute activité de distribution de carburant en Corse. L'organisation actuelle de l'approvisionnement des carburants en Corse ne permet pas à un simple usager (s'il n'est pas actionnaire des dépôts pétroliers par ailleurs) de s'approvisionner directement auprès des fournisseurs de son choix. Ces spécificités constituent une barrière à l'entrée sur le marché pour tout nouvel acteur souhaitant s'approvisionner auprès de ses propres fournisseurs de produits pétroliers raffinés pour les distribuer en Corse ». Ainsi, depuis l'analyse réalisée par l'Autorité de la concurrence en 2009, la situation du marché de la distribution de carburants a sensiblement évolué. Si, à cette époque, l'entrée du groupe Rubis avait conduit à « léger rééquilibrage des parts de marché [...] », l'Autorité de la concurrence note « qu'un mouvement inverse de concentration s'est fait jour depuis ». Dès lors, une telle situation de monopole implique la nécessité pour le Gouvernement de pratiquer une régulation des prix, conformément à l'article 410-2 du code du commerce, qui dit que « dans les secteurs ou les zones où la concurrence par les prix est limitée en raison soit de situations de monopole ou de difficultés durables d'approvisionnement, soit de dispositions législatives ou réglementaires, un décret en Conseil d'État peut réglementer les prix après consultation de l'Autorité de la concurrence ». En 1985, il a été mis un terme à la régulation des prix par l'État sur l'ensemble du territoire. Cependant, sur le continent, les prix pratiqués par la grande distribution ont permis une régulation du marché des carburants. En Corse, comme à La Réunion, la grande distribution ne commercialise par les carburants car elle ne maîtrise par leur importation, ce qui est pour elle une condition indispensable à son entrée sur le marché. C'est pourquoi, conformément à la demande formulée par l'Assemblée de Corse, il est nécessaire d'envisager la mise en œuvre d'un cadre législatif et réglementaire adapté aux contraintes et besoins spécifiques de la Corse, territoire insulaire, en matière de contrôle des situations de monopole et des seuils de concentration, de fixation du prix des carburants et de fiscalité, s'inspirant notamment des articles L. 410-2, L. 410-3 et 752-27 du code de commerce, tels que visés dans le rapport de l'Autorité de la concurrence du 20 novembre 2020, ainsi que des décrets Lurel. Aussi, il apparaît essentiel que la régulation des prix des carburants en Corse concerne l'intégralité des segments de la chaîne de distribution insulaire et aille même au-delà (achat aux producteurs, stockage au sein des dépôts pétroliers du continent, acheminement en Corse et stockage local) ,et ce afin d'éviter que les acteurs bénéficiant d'une situation de monopole ne se contentent de décaler leurs surmarges en aval des segments réglementés dans le but de contourner les mesures de régulation des prix des carburants. Dans l'attente des résultats de l'enquête actuellement en cours de l'Autorité de la concurrence, qui devrait fournir les éléments permettant la mise en œuvre de solutions pérennes de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles dans le secteur des carburants en Corse, il lui demande donc s'il entend décider d'une régulation immédiate des prix des carburants sur l'île et ce afin répondre à la situation d'urgence absolue dans laquelle se trouve aujourd'hui la Corse.

Réponse émise le 22 novembre 2022

L'évolution des prix à la consommation en Corse et la question de la cherté des prix des carburants fait l'objet d'une attention particulière du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. A ce titre, de nombreuses études ont été menées ces dernières années sur cette problématique, dont une mission de l'Inspection générale des finances relative à l'économie corse en 2018, et une saisine de l'Autorité de la concurrence (ADLC) qui a rendu un avis sur le niveau de concentration des marchés en Corse et son impact sur la concurrence locale en 2020. Cet avis constate notamment, qu'en dépit d'une fiscalité réduite sur les carburants (taux de la TVA à 13%), les prix des carburants en Corse sont supérieurs à ceux de la métropole en raison des particularités du marché de l'approvisionnement et de la distribution de carburants en Corse. Le député soutient l'une des propositions formulées par l'ADLC dans cet avis, à savoir le recours à la réglementation des prix prévue par l'article L. 410-2 du code de commerce. Néanmoins, le recours à une réglementation tarifaire a généralement des effets pervers. Notamment, la fixation d'un prix plafond conduirait vraisemblablement à un alignement des prix vers le haut, sur les prix pratiqués par les stations ayant les coûts les plus élevés. De fait, dans un tel régime de prix règlementé, le prix règlementé qui serait nécessaire pour préserver le maillage territorial de la Corse en stations-service pourrait n'être que peu différent du niveau de prix actuel. Par ailleurs, l'ADLC s'est saisie d'office le 15 décembre 2021 de pratiques présumées anti-concurrentielles dans le secteur de l'approvisionnement, du stockage et de la distribution des carburants en Corse. Si cette décision ne préjuge en rien de la culpabilité d'une quelconque entreprise, elle ouvrira toutefois la possibilité, si les services d'instruction suspectaient des pratiques anticoncurrentielles, de les poursuivre en notifiant des griefs aux entreprises ou associations d'entreprises concernées afin de faire cesser les éventuels effets de renchérissement des prix liés à ces pratiques. Cette saisine est donc de nature à contribuer à l'objectif poursuivi par les pouvoirs publics qui est d'assurer un fonctionnement concurrentiel optimal des marchés, garant de prix plus attractifs pour les consommateurs. Conscient des enjeux actuels qui concernent l'ensemble du territoire national, l'État prend également toutes les mesures nécessaires à la défense et au maintien du pouvoir d'achat des consommateurs notamment au travers des aides exceptionnelles d'acquisition des carburants.

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