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Pierre Morel-À-L'Huissier
Question N° 3233 au Ministère de la transition écologique


Question soumise le 22 novembre 2022

M. Pierre Morel-À-L'Huissier attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur le règlement REACH et la situation des producteurs d'huiles essentielles. Le règlement sur l'enregistrement, l'évaluation, l'autorisation et les restrictions des substances chimiques (REACH) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 requiert pour les fabricants et importateurs de substances chimiques à plus d'une tonne par an un enregistrement de leurs substances chimiques auprès de l'Agence européenne des produits chimiques. Toutes les substances sont concernées par le règlement REACH. Les huiles essentielles sont des liquides hydrophobes de composition complexe, dérivée de plantes, et c'est à ce titre que les fabricants et importateurs d'huiles essentielles doivent dans la plupart des cas enregistrer les huiles essentielles qu'ils mettent sur le marché européen et ce faisant, ils doivent déterminer les propriétés chimiques, toxicologiques et écotoxicologiques de ces huiles. Le terme « fabrication » a été défini dans le règlement REACH comme étant « une production ou extraction de substances à l'état naturel » et le règlement estime que l'extraction des huiles essentielles correspond à une activité de fabrication au sens de ce règlement. Cette réglementation provoque beaucoup d'inquiétudes pour les professionnels et de difficultés de mise en œuvre sur le terrain. Des mesures ont déjà été mises en place au niveau national pour aider les entreprises françaises, en particulier les plus petites d'entre elles, à appliquer le règlement REACH, notamment en appliquant une diminution des frais d'enregistrement des dossiers. Face aux inquiétudes, la Commission européenne a annoncé la nécessité de réviser la réglementation REACH. Pour ce faire, elle a publié une feuille de route le 4 mai 2021 qui a fait l'objet de premières discussions fin juin 2021 au sein du CARACAL, comité réunissant les autorités compétentes de tous les États membres. Ce premier stade de discussions est toujours en cours et la Commission n'a pas encore publié de proposition législative. En parallèle, plusieurs consultations se sont tenues avec les acteurs de la filière afin de faire valoir leur positionnement et de présenter leurs propositions. Comme c'est le cas pour un grand nombre de substances chimiques couvertes par le règlement REACH, les huiles essentielles présentent une variabilité dans leur composition exacte, notamment selon le producteur et le site considérés. Pour autant, la catégorisation qui est faite aujourd'hui des huiles essentielles comme « produits chimiques » apparaît comme obsolète, la filière ayant largement évolué depuis le classement lors du traité de Rome. Couramment produite par un procédé d'entraînement à la vapeur d'eau (procédé reconnu d'ailleurs comme naturel par le règlement REACH), la dénomination huile essentielle désigne ainsi aujourd'hui exclusivement le produit naturel issu de la plante via un entraînement à la vapeur d'eau. Aussi, M. le député demande à M. le ministre s'il est envisagé par le Gouvernement de reconsidérer la catégorie à laquelle appartient cette production comme un produit agricole au sens de l'article 38 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : « les produits du sol, de l'élevage et de la pêcherie, ainsi que les produits de première transformation qui sont en rapport direct avec ces produits ». Dans le cas contraire, il lui demande si un nouveau statut spécifique est envisagé au niveau européen. Il lui demande plus largement ce qui est ressorti des concertations publiques nationales et internationales et ce qui est envisagé par la Commission européenne au sein de la réforme à venir. Il lui demande enfin si un système de labels est envisagé au niveau national pour les producteurs d'huiles essentielles les plus vertueux afin de les exclure du règlement REACH.

Réponse émise le 14 février 2023

Le règlement REACH vise à sécuriser l'utilisation des substances chimiques vis-à-vis de la santé humaine et de l'environnement. Les huiles essentielles sont aujourd'hui soumises à ce règlement européen, sauf si elles entrent dans le champ d'une exemption (par exemple : substances présentes dans la nature et non chimiquement modifiées et qui sont extraites par des moyens mécaniques ou à base d'eau). Le Gouvernement n'est pas favorable à une exclusion totale des huiles essentielles des règlementations européennes sur les produits chimiques. Le ministre chargé de l'agriculture l'a indiqué à la filière en 2021 et la position sur le sujet reste inchangée. Des exemptions de certaines dispositions des règlements sur les produits chimiques pourraient être négociées, au cas par cas, avec à l'appui des éléments de preuves scientifiques montrant la spécificité des huiles essentielles. Des informations obtenues de la profession, il ne semble pas qu'aujourd'hui, les huiles essentielles contiennent des substances extrêmement préoccupantes. En ce qui concerne la possibilité que les huiles essentielles puissent être considérées comme des produits agricoles au sens de l'article 38 du Traité de fonctionnement de l'Union européenne et échapper aux règles régissant les produits chimiques au sein du marché intérieur (dont celles du règlement REACH), les acteurs des huiles essentielles avaient formulé la même demande auprès de la Commission européenne en novembre 2021. Thierry Breton, Commissaire européen au marché intérieur, avait confirmé que les règlements REACH et le règlement sur la classification, l'étiquetage et l'emballage des substances et des mélanges s'appliquaient aux huiles essentielles, quand bien même elles sont considérées comme des produits agricoles. Les inquiétudes de la filière des huiles essentielles sont prises en compte par le Gouvernement qui a mis en place dès les premières alertes, en septembre 2021, un comité interministériel de suivi sur la révision de REACH, révision qui devrait être initiée cette année. Son objectif est d'identifier les possibles enjeux de la révision des deux règlements pour la filière, les voies possibles de négociations à Bruxelles, de préparer les réponses aux diverses consultations lancées et de travailler en toute transparence. Les services du MTECT participent à ce comité, aux côtés des services des ministères de la santé, de l'agriculture, du travail et de l'économie. FranceAgriMer a ainsi financé une étude dressant un état des lieux des connaissances disponibles sur l'évaluation des dangers recensés des constituants de différentes huiles essentielles produites en France et sur l'impact technico-économique de l'évolution des règlementations sur la filière. Ce rapport a été présenté le 9 novembre dernier et est désormais publié sur le site de FranceAgriMer. Ces résultats pourront être présentés aux institutions européennes (Commission, ECHA) pour travailler à des adaptations des règlementations pour prendre en compte les spécificités des huiles essentielles.

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