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Danielle Simonnet
Question N° 3546 au Ministère du ministère de l’intérieur et des outre-mer


Question soumise le 29 novembre 2022

Mme Danielle Simonnet attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur les conditions de régularisation des livreurs des plateformes. Pour la majorité sans-papiers, ils sont à l'origine d'une importante mobilisation depuis le 12 septembre 2022 afin de sensibiliser les pouvoirs publics sur la nécessité d'actualiser la circulaire du 29 novembre 2012, dite « circulaire Valls » . La circulaire Valls, qui spécifie les conditions d'une régularisation par le travail, réserve cette possibilité aux seuls salariés, titulaires de bulletins de salaires à leur nom ou sous alias. La grande majorité des travailleurs des plateformes numériques, étant considérée comme travailleurs indépendants sous statut d'auto-entrepreneurs, en sont donc exclus, même s'ils sont en capacité de prouver leur ancienneté sur le territoire et la réalité de leur activité professionnelle. Fortement mobilisés pendant les périodes de confinement en 2020 et 2021, ils font partie des travailleurs qui ont largement contribué à en atténuer les effets. Lors de la publication de la circulaire en 2012, les plateformes numériques de livraison n'étaient pas encore en activité : la situation de ces travailleurs constitue un angle mort et souligne la nécessité d'actualiser cette circulaire. C'est pourquoi, sans préjuger du statut de ces travailleurs (auto-entrepreneurs ou salariés), Mme la députée propose d'en modifier le contenu dans le but d'intégrer les factures et preuves de paiement émises par les plateformes dans la liste des pièces justifiant une activité professionnelle en France et de dispenser les travailleurs de produire un CERFA lors de leur première demande de titre de séjour et de travail. Condamnés à rester sans-papiers bien que justifiant de l'activité nécessaire pour prétendre à une régularisation par le travail, ces travailleurs restent à la merci du trafic de sous-location de comptes, qui prospère sur leur misère. Elle souhaiterait donc savoir ce qu'il prévoit afin de faire évoluer la circulaire du 29 novembre 2012 et se tient à sa disposition pour mettre en lien les services du ministère avec les principaux concernés.

Réponse émise le 5 mars 2024

L'article L. 435-1 du Code de l'entrée, du séjour et du droit d'asile permet à l'administration de délivrer à un ressortissant étranger en situation irrégulière, dont l'admission au séjour se justifie au regard de motifs exceptionnels, une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié », « travailleur temporaire » ou « vie privée et familiale ». Aucune disposition législative ne permet la délivrance d'un titre de séjour "entrepreneur/profession libérale" au titre de la procédure d'admission exceptionnelle. Ainsi, la mise en œuvre de procédures de régularisation exceptionnelles visant spécialement les étrangers qui travailleraient sous le régime de l'auto-entreprenariat n'est légalement pas possible. Ils peuvent néanmoins toujours déposer un dossier pour obtenir, s'ils en remplissent les conditions, un titre « salarié », « salarié temporaire » ou « vie privée et familiale ». La circulaire ministérielle du 28 novembre 2012 comporte les principes et les modalités que l'administration peut mettre en œuvre pour régulariser, à titre exceptionnel, un ressortissant étranger au titre du travail dans le respect des dispositions de l'article L. 435-1 précitées. Cette circulaire donne des orientations générales aux préfets, comme l'a encore rappelé le Conseil d'État dans son avis du 14 octobre 2022, notamment pour l'instruction des demandes de titres de séjour des étrangers dans le cadre de l'obtention des cartes de séjour temporaire « salarié » et « salarié temporaire ». Les étrangers travaillant dans le secteur économique des plateformes numériques ont massivement recours au régime de l'auto-entreprenariat et ne peuvent pas être concernés, à ce titre, par les dispositions de l'article L. 435-1 du CESEDA et les orientations générales de la circulaire du 28 novembre 2012. Il est par ailleurs rappelé que la carte « entrepreneur/profession libérale » ne s'obtient pas en produisant des factures et des preuves de paiement mais en ayant notamment obtenu un avis favorable de la plateforme de main d'œuvre étrangère sur la viabilité du projet économique proposé, permettant à l'étranger d'en tirer des moyens d'existence suffisants. Compte tenu de ces éléments, il convient de préciser qu'en cas de requalification de la relation de travail par une juridiction en salariat, rien ne s'opposerait à ce que le salarié d'une plateforme sollicite sa régularisation exceptionnelle au titre de l'article L. 435-1 du CESEDA afin d'obtenir un titre de séjour « salarié ». Le préfet appréciera alors la situation particulière de l'étranger, notamment au regard des orientations générales fixées par la circulaire du 28 novembre 2012. Par ailleurs, le plan national de lutte contre le travail illégal (2023-2027) a été présenté aux partenaires sociaux le 22 mai 2023 lors du comité interministériel anti-fraude consacré à la lutte contre le travail illégal. Un de ses objectifs est de lutter contre les faux statuts ayant pour effet de priver les salariés de leurs droits et de nuire à une concurrence loyale entre les entreprises. Ce plan mentionne précisément que, compte tenu des enjeux que revêt l'économie des plateformes numériques, un partage de stratégies communes de veille et d'action sur les plateformes numériques et d'informations sera recherché, notamment au sein des groupes opérationnels nationaux anti-fraude (GONAF), pour renforcer l'efficacité des contrôles. Enfin, la loi pour contrôler l'immigration et améliorer l'intégration du 26 janvier 2024, inscrit l'inaccessibilité du statut d'entrepreneur individuel aux étrangers ressortissants de pays autres que ceux de l'Union européenne et ne disposant pas d'un titre de séjour les autorisant à exercer cette activité professionnelle.

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