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Patrick Vignal
Question N° 3905 au Secrétariat d'état à la mer


Question soumise le 13 décembre 2022

M. Patrick Vignal attire l'attention de M. le secrétaire d'État auprès de la Première ministre, chargé de la mer, sur la situation des pêcheurs à l'anguille en mer Méditerranée. Depuis septembre 2007 et le règlement de la Commission européenne instituant des mesures de reconstitution du stock d'anguilles, l'État français a mis en œuvre un plan de gestion sur cette espèce avec des déclinaisons par façade. Les pêcheurs français ont été les bons élèves de cette régulation et travaillent au quotidien avec les scientifiques spécialistes du sujet. Ils font aujourd'hui face à une nouvelle volonté de réglementation européenne qui étendrait de 3 à 6 mois consécutifs la fermeture de cette pêche, alors-même qu'ils sont en concurrence avec une activité extra-européenne qui en serait, elle, favorisée. La pêche à l'anguille représentant près de 80 % de leurs revenus, cette nouvelle réglementation risquerait de détruire la filière. Il lui demande par quels moyens le Gouvernement entend soutenir ces pêcheurs français.

Réponse émise le 20 décembre 2022

La défense des intérêts du secteur de la pêche est une priorité pour le Secrétariat d'État chargé de la mer. Il a pour ambition de construire, avec les professionnels, un modèle de pêche d'avenir qui non seulement garantit la souveraineté alimentaire de la France mais aussi qui défend ses emplois partout sur le territoire. Au-delà de ses atouts économiques majeurs pour notre pays, la pêche fait partie de l'identité territoriale de notre pays, structure les ports, les villes et les espaces littoraux. Les pêcheurs sont, de surcroît, les premiers observateurs des conséquences des activités humaines sur le métier de marin pêcheur. Ils ont conscience que la disparition de la ressource entraînerait, par la suite, une disparition de leur activité. La protection de la biodiversité ne doit donc pas signifier l'exclusion progressive des pêcheurs de l'espace maritime. C'est pourtant la position de la Commission européenne qui a souhaité interdire la pêche à l'anguille, durant six mois consécutifs, sur les périodes de migration, pour tous les stades d'évolution de l'espèce (civelle, anguille jaune, anguille argentée). Cette proposition équivalait à un arrêt total de la pêche de l'anguille car, en France, les périodes d'ouverture de la pêche couvrent quasi systématiquement les périodes de migration. Elle mettait en péril 770 entreprises de pêche et 5 400 emplois. Cette proposition était par ailleurs inadaptée à la complexité de cette pêcherie en ce qu'elle imposait des mesures uniformes à tous les bassins (en Atlantique et en Méditerranée) et pour tous les stades d'évolution de l'espèce. Elle aurait fait, en outre, porter entièrement la responsabilité de la chute de la population d'anguille sur les pêcheurs. La Commission européenne ne prenait en effet pas en compte les nombreuses pressions anthropiques qui pèsent sur la capacité de l'anguille à se reproduire et à se développer. Ainsi, outre la pêche, les turbines des barrages ainsi que la pollution constituent les plus importants facteurs de mortalité qui affectent - avec les maladies – la population de l'anguille. L'interdiction complète de la pêche à l'anguille n'aurait donc eu aucun sens si les autres facteurs de mortalité de l'anguille n'étaient pas traités. La Commission européenne ne prenait pas non plus en compte l'ensemble des efforts réalisés par les pêcheurs tels que les plans de gestion ou même l'interdiction de la pêche à la civelle sur certains territoires. Elle oubliait que 60% de l'activité de pêche de l'anguille et de la civelle sont dédiés au repeuplement. Les civelles sont en effet pêchées puis nourries et, une fois adultes, elles sont relâchées dans des espaces dans lesquels la population d'anguille est en dégradation. Cette action, conjuguée aux relâchés d'anguilles argentées, favorise la migration des anguilles, impossible naturellement à cause de la fragmentation écologique et la dégradation de la qualité des eaux des fleuves et estuaires. Cette position était d'autant plus inacceptable que devant la Commission de gestion de pêche de Méditerranée, la Commission européenne a déjà accepté des fermetures avec des modalités plus flexibles. Ce durcissement de la position de la Commission européenne auprès des États membres aurait donc favorisé les États non européens de ce bassin géographique. Le Gouvernement a donc fait de ce sujet l'une des priorités des négociations qui se sont ouvertes à Bruxelles pour le Conseil des ministres européens de la pêche des 11 et 12 décembre 2022. La France a rallié huit autres États membres (Espagne, Italie, Grèce, Lettonie, Pologne, Pays-Bas, Portugal et Suède) pour contester la proposition de la Commission et promouvoir, dans une déclaration conjointe, un modèle de gestion durable de la pêche de l'anguille, prenant également en compte le constat des scientifiques sur l'état très dégradé de l'anguille. Grâce à cette action, conjointe, la France a donc pu bénéficier d'un vrai rapport de force qui a permis de faire pencher la balance en sa faveur. Les négociations menées ont ainsi permis de moduler la nouvelle période de fermeture de six mois en prenant en compte les différents contextes régionaux et le cycle de vie complexe de cette espèce migratrice. Cette période de 6 mois pourra être adaptée de manière consécutive ou non, selon les stades de développement de l'espèce et en fonction des différentes unités de gestion pour maintenir une activité de pêche adaptée à chaque bassin. Les nouvelles mesures de fermeture s'appliqueront majoritairement à partir de mars 2023 afin de ne pas interrompre les campagnes de pêches qui sont en cours. Le Gouvernement a donc réussi à sauver cette pêche ancestrale que la Commission européenne voulait fermer.

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