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Sébastien Peytavie
Question N° 4296 au Ministère de la santé


Question soumise le 20 décembre 2022

M. Sébastien Peytavie alerte M. le ministre de la santé et de la prévention sur la pénurie d'amoxicilline en cours dans le pays. Depuis plus de 10 ans, les professionnels de santé tirent la sonnette d'alarme sur l'augmentation constante des risques de pénurie de médicaments. En 2021, l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a ainsi reçu plus de 2 440 signalements de pénuries. Aujourd'hui, c'est à l'amoxicilline, premier antibiotique prescrit en France, d'être en risque de rupture partout en Europe. Cette pénurie d'amoxicilline, médicament essentiel de l'arsenal médical, est une menace réelle aussi bien pour la santé des Françaises et Français que pour le système de soin. C'est une charge supplémentaire pour le personnel soignant, déjà en proie à des conditions de travail désastreuses. Parce que les ruptures d'amoxicilline touchent principalement les usages pédiatriques, elles mettent à mal ces unités déjà sous fortes tensions depuis plusieurs semaines. Les associations pédiatriques estiment d'ailleurs que la pénurie d'amoxicilline constitue un risque supérieur à celui de l'épidémie de bronchiolite. Un risque qui, jusqu'à présent a été minimisé et pris à la légère par le Gouvernement qui semble n'avoir pas retenu la leçon des dernières crises géopolitiques et sanitaires sur les approvisionnements. La pénurie de masques lors de l'éclatement de la pandémie de coronavirus a été révélatrice de la vulnérabilité du pays, alors qu'il demeure en situation de dépendance pharmaceutique et industrielle. Parce que cette pénurie est, elle aussi, principalement liée à la forte dépendance de la France au marché mondial et non à « un mouvement social chez Sanofi » comme le déclarait M. le ministre le 13 décembre 2022 sur France Info, l'ANSM prévoit que ces tensions pourraient durer jusqu'en mars 2023. Et c'est justement parce que le Gouvernement demeure dans une vision court-termiste que nous sommes et resterons vulnérables aux fluctuations du marché. Si les antibiotiques ne sont pas automatiques, cela reste un droit de pouvoir en bénéficier lorsque son état de santé l'impose. Une réponse ambitieuse et réaliste, à cette chronique d'une pénurie annoncée implique donc de passer d'une logique de rentabilité à celle de la planification, en sortant les stocks de médicaments essentiels du marché privé, déjà très opaque et dans la recherche permanente de l'enrichissement. Alors que 80 % des principes actifs des médicaments prescrits en Europe sont produits en Inde ou en Chine, la France doit s'extraire de sa dépendance aux marchés extérieurs, qui d'ailleurs renforcent ses émissions de CO2 et relocaliser la production de médicaments. Suite à la crise sanitaire, une unité de production de paracétamol a été relocalisée sur le territoire et sera mise en service d'ici à 2023. Les enjeux de sécurité sanitaire et de droit fondamental à la santé exigeraient que ce dispositif soit étendu pour une production nationale d'amoxicilline. Il l'interroge ainsi sur les mesures envisagées en matière de prévision structurelle des besoins en médicament et sur les pistes qui sont privilégiées, d'une part, pour assurer l'approvisionnement en amoxicilline et, d'autre part, pour assurer la souveraineté pharmaceutique du pays.

Réponse émise le 4 avril 2023

L'amoxicilline est un antibiotique indiqué dans le traitement des infections suivantes chez l'adulte et l'enfant : sinusite bactérienne aiguë, otite moyenne aiguë, angine/pharyngite documentée à streptocoque, exacerbations aigües de bronchite chronique, pneumonie communautaire, cystite aiguë, bactériurie asymptomatique gravidique, pyélonéphrite aiguë, fièvre typhoïde et paratyphoïde, abcès dentaire avec cellulite, infections articulaires sur prothèses, éradication de Helicobacter pylori, maladie de Lyme, prophylaxie de l'endocardite. Cette molécule fait actuellement l'objet de tensions d'approvisionnement dans toute l'Europe, ainsi que dans d'autres marchés internationaux. Les formes les plus concernées sont les médicaments Clamoxyl (amoxicilline) et génériques (dosages 125 mg/5ml, 250 mg/5 ml et 500 mg/5 ml) et Augmentin (amoxicilline/acide clavulanique) et génériques (dosage 100 mg/12,5 mg/ml). Ce sont les antibiotiques les plus prescrits chez l'enfant. D'autres formes orales, plutôt destinées à l'adulte (comprimés, gélules, etc.), font également l'objet de tensions. A ce titre, l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a demandé aux laboratoires concernés d'augmenter leur capacité de production. Des contingentements quantitatifs ont été mis en place en ville et à l'hôpital pour gérer au mieux les stocks disponibles. L'ANSM a émis des recommandations à destination des patients et des professionnels de santé dans lesquelles elle met l'accent sur le bon usage de ces médicaments et rappelle que les antibiotiques n'ont aucune efficacité contre les infections virales, dont les bronchiolites, la grippe, la Covid-19, les rhinopharyngites et la grande majorité des angines et des otites. L'ANSM incite également à délivrer les médicaments selon la durée de traitement. En outre, l'ANSM a édicté de nouvelles recommandations, le 29 décembre 2022. A ce titre, les pharmaciens peuvent, à titre exceptionnel et temporaire, délivrer une préparation magistrale adaptée pour les enfants de moins de 12 ans si le médicament prescrit n'est pas disponible, à savoir : Amoxicilline en poudre pour suspension buvable dosée à 125 mg/5 ml ou 250 mg/5 ml. Cette délivrance doit s'accompagner de la remise d'une fiche d'utilisation aux parents ou aux patients. Ces ruptures sont notamment la conséquence de la recrudescence importante des pathologies hivernales non corrélée à une augmentation proportionnelle de la fabrication des produits disponibles. En outre, d'autres phénomènes expliquent ces situations de rupture telles que les difficultés d'approvisionnement en matières premières et notamment en excipients entrant dans la composition de cette spécialité. Les industriels sont tenus de prévenir et de gérer les ruptures de stock des médicaments qu'ils commercialisent. Ils doivent assurer un approvisionnement approprié et continu du marché national et prendre toute mesure utile pour prévenir et pallier toute difficulté d'approvisionnement. L'ANSM est également mobilisée afin d'assurer la continuité de l'accès aux médicaments pour les patients et les professionnels de santé. Elle évalue, valide et coordonne, si nécessaire, les actions qui doivent être menées par les industriels, lesquels demeurent responsables de la disponibilité des médicaments qu'ils commercialisent. Pour autant, compte tenu de l'augmentation des signalements de ruptures et risques de ruptures de stock constatée ces dernières années, indépendamment de la pandémie Covid-19, différents textes sont venus encadrer la gestion de ces ruptures. Dans un premier temps, la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé et son décret d'application du 20 juillet 2016 relatif à la lutte contre les ruptures d'approvisionnement de médicaments, ont introduit des mesures de prévention et de gestion des ruptures de stock au niveau national afin de redéfinir les instruments à la disposition des pouvoirs publics et de renforcer les obligations qui pèsent sur les acteurs du circuit de fabrication et de distribution. En ce sens, les industriels sont tenus d'informer sans délai l'ANSM de toute rupture ou risque de rupture de stock sur les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur (MITM) mentionnés à l'article L. 5111-4 du code de la santé publique, en précisant les délais de survenue, les stocks disponibles, les modalités de disponibilité et les délais prévisionnels de remise à disposition et l'identification de spécialités pouvant se substituer à la spécialité pharmaceutique en défaut. Par ailleurs, les entreprises exploitant les médicaments sont également contraintes d'élaborer et de mettre en œuvre des plans de gestion des pénuries (PGP) dont l'objet est de prévenir et de pallier toute rupture de stock de MITM. L'ANSM publie ainsi sur son site internet (www.ansm.sante.fr) la liste des MITM ne disposant pas d'alternatives thérapeutiques appropriées ou disponibles en quantité suffisante, pour lesquels une rupture ou un risque de rupture de stock est mis en évidence. Cette liste est accompagnée d'un certain nombre de documents d'information à l'attention des professionnels de santé et des patients, portant sur la situation relative à l'approvisionnement de la spécialité concernée ainsi que sur les mesures mises en œuvre pour assurer les traitements. Enfin, le fait pour un industriel de ne pas respecter ses obligations l'expose le cas échéant à des sanctions financières prononcées par l'ANSM. Dans un deuxième temps, la loi du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé a rendu possible le remplacement de médicaments par les pharmaciens d'officine en cas de rupture d'un MITM, facilitant ainsi la continuité du traitement des patients. Dans le prolongement de cette loi, le ministère chargé de la santé a élaboré une feuille de route 2019-2022 pour lutter contre les pénuries et améliorer la disponibilité des médicaments en France. Cette feuille de route prévoit tout d'abord la diffusion d'une information adaptée sur la disponibilité des médicaments, des fournisseurs jusqu'aux pharmaciens et vers les patients. Elle prévoit également la mise en œuvre de mesures visant à relocaliser les fabricants de matières premières et de médicaments en Europe et en France. A cette fin, des actions ont été menées pour améliorer l'attractivité financière de la France et du territoire européen. A cet égard, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 a encore renforcé la lutte contre les ruptures de stock de médicaments par la mise en place d'un PGP pour chaque MITM, la constitution d'un stock de couverture des besoins en médicaments et l'importation des alternatives thérapeutiques dans certains cas de pénuries. Les sanctions financières entourant ces obligations ont été renforcées. Les modalités de ces obligations ont été précisées par le décret du 30 mars 2021 relatif au stock de sécurité destiné au marché national, qui est entré en vigueur le 1er septembre 2021. A ce titre, le stock de sécurité doit être de deux mois de couverture des besoins pour les MITM et d'une semaine pour les autres médicaments. Ce stock de sécurité est porté à un mois pour les médicaments non MITM contribuant à une politique de santé publique définie par le Ministre chargé de la santé. Pour les MITM, le stock de sécurité peut dans certains cas être diminué ou, au contraire, augmenté. Des décisions en ce sens ont d'ores et déjà été prises par l'ANSM et elles sont disponibles sur son site internet : https://ansm.sante.fr/page/informations-relatives-au-decret-ndeg-2021-349-du-30-03-2021. Les stocks de sécurité doivent être mentionnés dans les PGP élaborés par les industriels, tout comme les risques relatifs au cycle de fabrication et de distribution de la spécialité concernée et la liste des spécialités pouvant constituer une alternative à la spécialité en défaut,  le cas échéant. En outre, les PGP peuvent prévoir d'autres sites de fabrication de matières premières à usage pharmaceutique et d'autres sites de fabrication des médicaments. Enfin, sur une initiative de la commission européenne, le règlement (UE) n° 2022/123 du 25 janvier 2022 a introduit des dispositions visant à prévenir et gérer les pénuries de médicaments et de dispositifs médicaux considérés comme critiques, en renforçant le rôle de l'Agence européenne des médicaments. Son entrée en application a été fixée au 1er mars 2022 pour les médicaments et au 2 février 2023 pour les dispositifs médicaux. Il s'agit là d'une première étape visant à mettre en place un cadre renforcé pour la notification et la surveillance des pénuries de médicaments et de dispositifs médicaux lors d'urgences de santé publique ou d'événements majeurs dans l'Union européenne.

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