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Patrick Vignal
Question N° 4340 au Ministère de la justice


Question soumise le 20 décembre 2022

M. Patrick Vignal appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur la hausse significative constatée par les services du ministère de l'intérieur et des outre-mer des faits de violences conjugales pour l'année 2021. Un rapport publié ce jeudi 15 décembre 2022 fait ainsi état d'une hausse globale de 21 % par rapport à 2020 avec jusqu'à 31 % d'augmentation pour les viols conjugaux. C'est notamment le cas dans la région occitane, avec le département des Pyrénées-Orientales se situant dans les dix départements avec le taux de violences conjugales recensées pour 2021. S'il est conscient des mesures prises pour améliorer l'accompagnement judiciaire des victimes et mettre en place des peines adaptées à ces faits, il lui demande quelles mesures supplémentaires le Gouvernement entend mettre en œuvre pour inverser cette tendance et notamment limiter la récidive d'individus condamnés pour des faits de violence conjugales.

Réponse émise le 12 septembre 2023

La lutte contre les violences sexuelles et sexistes et contre les violences conjugales reste une des priorités d'action du Gouvernement et constitue une priorité de politique pénale du ministère de la Justice. Il ne saurait se déduire de la seule hausse de 21 %, en 2021, du nombre de plaintes recueillies pour des faits de violences conjugales, telle qu'évaluée par le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) dans une étude rendue publique le 15 décembre 2022, une hausse du phénomène des violences conjugales. Une telle variation nécessite, en effet, d'être mise en perspective avec les mesures engagées ces dernières années pour inciter les victimes de violences conjugales à signaler les faits et favoriser leur dépôt de plainte. Face aux difficultés de certaines victimes à se rendre dans un commissariat ou une brigade de gendarmerie, des efforts sont ainsi continuellement déployés afin de permettre aux enquêteurs de se déplacer à leur contact, notamment à leur domicile, au sein d'un établissement de santé ou de tout lieu de nature à favoriser le recueil de leur plainte, et ce 7 jours sur 7, à toute heure du jour et de la nuit. La signature de protocoles locaux entre les procureurs de la République et les structures hospitalières permet à ce titre aux victimes de violences conjugales de déposer plainte au sein des services hospitaliers en concentrant en un point unique le lieu du dépôt de plainte et de l'examen médical diligenté au soutien de cette plainte. Outre les établissements de santé, de nouveaux lieux de permanences se sont développés, par exemple dans les Maisons France Service. Au-delà de l'accompagnement renforcé des victimes de violences conjugales, la prévention de la récidive constitue un axe majeur de la politique pénale prioritaire conduite en cette matière. Conformément aux circulaires du 9 mai 2019 et du 28 janvier 2020, le recours accru, à tous les stades de la procédure pénale, à la mesure d'éviction du conjoint violent et le cas échéant, pour les situations d'addiction, à une obligation de soins, s'est accompagné dans la pratique de la multiplication des solutions d'hébergement des auteurs de violences concernés par une telle décision, particulièrement par le développement de partenariats locaux. Ainsi, la mise en place de contrôles judiciaires renforcés, avec une éviction associée à un hébergement et une prise en charge globale du prévenu, permet de rendre efficiente l'éviction du domicile conjugal ordonnée en urgence à l'issue de la garde-à-vue et du défèrement, tout en garantissant la protection immédiate de la victime et l'accompagnement de l'auteur dans son parcours de réinsertion. En ce sens également, le dispositif de contrôle judiciaire renforcé avec placement probatoire, dit CJPP, est expérimenté depuis octobre 2020 au sein des juridictions de Colmar et Nîmes, puis a été étendu à huit autres juridictions depuis 2021, sous le pilotage de la direction de l'administration pénitentiaire et de la direction des affaires criminelles et des grâces. Ce dispositif spécifique vise une prise en charge continue de l'auteur, depuis le stade des poursuites jusqu'à l'exécution des peines, et permet de lui imposer l'obligation de respecter un placement dans un lieu d'hébergement associé à un suivi étroit et pluridisciplinaire d'ordre sanitaire, social, éducatif ou psychologique. Parallèlement, les centres de prises en charge des auteurs de violences conjugales (CPCA) ont été largement déployés sur l'ensemble du territoire national. Ils ne visent pas à se substituer aux prises en charge existantes mais à en améliorer l'efficacité en favorisant l'articulation des interventions judiciaires, sociales et sanitaires dans un objectif de prévention de la récidive et de protection des victimes. Aujourd'hui, 30 CPCA sont déployés et opérationnels sur l'ensemble du territoire national. L'ensemble des dispositifs ainsi déployés à ce jour pour améliorer la prise en charge des victimes et lutter plus efficacement contre la récidive des auteurs de violences conjugales, témoigne du plein engagement du Gouvernement pour faire face à ces enjeux. En outre, le ministère de la Justice apporte son plein et entier soutien aux dispositions portées par plusieurs propositions de loi récentes, poursuivant l'objectif d'une lutte toujours plus efficace contre le phénomène des violences conjugales. Cela a notamment été le cas lors des travaux relatifs à la proposition de loi créant une aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales, déposée par madame la sénatrice Valérie Létard, qui a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale et le Sénat et a été récemment promulguée (loi n° 2023-140 du 28 février 2023). De même, le Gouvernement s'associe pleinement aux efforts déployés par le Parlement dans le cadre des débats relatifs à la proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et co-victimes de violences intrafamiliales, déposée par Madame la députée Isabelle Santiago. Ainsi, le Gouvernement a saisi le Sénat pour un examen rapide de ce texte, qui s'est tenu le 21 mars 2023. Le Sénat a adopté cette proposition de loi le même jour, qui chemine donc de manière particulièrement efficace dans le cadre de la navette parlementaire. Ce texte doit notamment permettre d'étendre le mécanisme de suspension de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale, qui trouvera ainsi à s'appliquer en cas de poursuite, mise en examen ou condamnation d'un parent pour un crime contre l'autre parent, mais également en cas de crime ou d'agression sexuelle incestueuse contre son enfant. Cette proposition de loi vise également à rendre systématique, sauf décision spécialement motivée, les décisions de retrait de l'autorité parentale, dans les mêmes situations. Enfin, comme annoncé par Madame la Première ministre, le Gouvernement conduit une réflexion, dans le cadre du plan interministériel pour l'égalité entre les femmes et les hommes (2023-2027), relative à la création d'une ordonnance de protection immédiate au bénéfice de la victime de violences conjugales et de ses enfants.

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