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Fabrice Brun
Question N° 4679 au Ministère de la transition énergétique


Question soumise le 17 janvier 2023

M. Fabrice Brun attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie, sur l'augmentation sans précédent du prix de l'électricité et de la nécessaire désindexation du prix de l'électricité sur celui du gaz. En effet, depuis septembre 2021, les prix de gros de l'électricité, liés au prix du gaz, ont été multipliés par dix. Cette situation découle des règles de formation du prix de l'électricité sur le marché européen, prix aligné sur le coût de production de la dernière centrale appelée pour équilibrer le réseau européen, c'est-à-dire fonctionnant au gaz. Le pouvoir d'achat des Français comme la pérennité économique des entreprises sont aujourd'hui fortement impactés par cette indexation désormais mortifère. Or au regard de l'inflation galopante des tarifs de l'énergie, il ne semble pas tenable de continuer à indexer ce prix de l'électricité sur celui du gaz. En ce sens, l'Espagne et le Portugal sont sortis du mécanisme européen au printemps 2022. Surtout au vu du fait que l'électricité coûte 47 euros le mégawattheure à produire mais est vendue jusqu'à dix fois ce prix, aux artisans notamment. De plus, à la mi-septembre 2022, la Présidente de la Commission européenne Mme Ursula Von der Layer, affirmait que « La conception actuelle du marché de l'électricité ne rend plus justice aux consommateurs, ils devraient récolter les fruits des énergies renouvelables à bas coût. Il faut donc découpler les prix de l'électricité de l'influence dominante du gaz ». Aussi, si cette mesure venait à être adoptée, elle permettrait de faire considérablement baisser les factures des consommateurs et des entreprises, du fait notamment que la France possède une forte capacité de production d'énergie décarbonnée grâce à son parc nucléaire, pour lequel tout doit être entrepris pour qu'il fonctionne à nouveau à pleine capacité. Considérant ces éléments, il lui demande ce que le Gouvernement compte mettre en œuvre pour sortir au plus vite du prix européen de l'électricité et de la désindexation des prix de cette énergie sur celui du gaz.

Réponse émise le 30 mai 2023

La crise des prix de l'énergie rencontrée depuis 2022 découle en premier lieu d'une situation de tension inédite de l'approvisionnement en énergie résultant de trois facteurs :  - la crise ukrainienne et la volonté de la Russie d'utiliser l'approvisionnement énergétique comme une arme de guerre ont entraîné des tensions sans précédent sur les marchés du gaz depuis 2022 et, par voie de conséquence, sur les marchés électriques européens qui a conduit l'Europe à se priver de 30 % de son approvisionnement en gaz ; - la production nucléaire a atteint un niveau historiquement bas en 2022, en baisse de plus de près d'un quart par rapport à l'année précédente, du fait de l'effet conjugué du programme de visites décennales plus dense résultant du vieillissement du parc (grand carénage), des conséquences du phénomène de corrosion sous contrainte (CSC) sur une quinzaine de réacteurs, découvert fin 2021 mais également des répercussions des différents mouvements sociaux ayant affecté les activités de maintenance ; - nous avons rencontré à l'été 2022 un épisode de sécheresse inédit ayant conduit à un niveau de production hydroélectrique le plus bas en près de 45 ans. C'est donc avant tout une situation de tention sur l'approvisionnement physique en énergie qui a conduit la France à se retrouver en situation importatrice nette d'électricité en 2022, et qui a causé cette crise de prix, dont l'effet a été décuplé en 2022 par une règle de formation du prix de l'électricité sur le marché européen ayant conduit à une déconnexion entre les prix payés par les consommateurs et les coûts de production. Pour faire face à cette augmentation sans précédent des prix des énergies, le Gouvernement est pleinement mobilisé et a mis en place différents dispositifs d'aide dont bénéficient les consommateurs selon leur nature, grâce notamment au cadre temporaire introduit par la Commission européenne. Pour l'électricité, le Gouvernement a décidé de maintenir en 2023 le niveau de la part d'accise sur l'électricité (ex-TICFE) au minimum communautaire pour tous les consommateurs sauf ceux qui bénéficient déjà de taux très réduits ou d'une exonération (très gros consommateurs). Le Gouvernement a également prolongé en 2023, grâce au cadre introduit par la Commission européenne, le bouclier tarifaire individuel sur l'électricité et instauré un bouclier collectif, à l'instar de celui existant pour le gaz, avec effet rétroactif au 1er juillet 2022. Le dispositif d'amortisseur électricité est également en place depuis le 1er janvier pour les PME, les collectivités et les entités majoritairement financées par des ressources publiques. Le guichet unique d'aide au paiement des factures de gaz et d'électricité pour les entreprises est aussi prolongé jusqu'à la fin 2023. Le dispositif de captation de la rente inframarginale permis par la Commission européenne, a de son côté contribué au budget général de l'Etat et donc au financement de ces mesures, au bénéfice final des consommateurs français. L'ensemble de ces mesures apporte une réponse conjoncturelle efficace à la situation de crise de l'énergie totalement inédite que nous traversons. Toutefois, le Gouvernement estime qu'une réforme structurelle du marché européen de l'électricité est nécessaire pour limiter la volatilité des prix et protéger les consommateurs sur le long terme. A sa demande, la Commission européenne a proposé une évolution du cadre de marché. Cette proposition est actuellement discutée au sein du Conseil et du Parlement européen. La ministre de la Transition énergéétique participe de manière active à ces travaux avec l'ambition d'arriver à un accord européen d'ici la fin de l'année. Le principal effet recherché de cette réforme est le développement d'instruments permettant de réduire l'exposition des consommateurs aux coûts des combustibles fossiles en rapprochant leurs factures d'électricité des coûts de production de long terme. Cela permettra d'envoyer le signal nécessaire pour à la fois déclencher des investissements dans des moyens de production décarbonnés et permettre aux consommateurs d'investir dans l'efficacité, la sobriété et l'électrification de leurs usages. Cette réforme est donc essentielle à l'atteinte de nos ambitions climatiques et nous aurons l'occasion de revenir devant le Parlement pour la mettre en œuvre. Contrairement à ce qui est indiqué dans la question, l'Espagne et le Portugal ne sont en aucun cas sortis du marché de l'électricité européen au printemps 2022. Ces deux Etats membres ont en revanche mis en oeuvre un dispositif temporaire national permettant de répliquer les effets recherchés par la réforme du marché de l'électricité européen. Ces deux Etats membres ont pu mettre en oeuvre cette mesure temporaire à leur niveau national du fait qu'ils sont très peu interconnectés avec le reste de l'Europe, à la différence notamment de la France. A cet égard, aucun Etat membre de l'Union européenne n'est sorti du marché de l'électricité européen, ou n'a même manifesté l'intention d'en sortir. Au contraire, des Etats en dehors de l'Union européenne acceptent les règles du marché électrique européen du fait des gains permis par une plus grande intégration de leur marché avec le marché européen. C'est notamment le cas du Royaume-Uni ou de la Suisse. Une sortie du marché de l'électricité européen, aurait pour la France des effets catastrophiques tant sur notre sécurité d'approvisionnement, en nous privant de capacité d'échanges fluides avec nos voisins qui ont été notamment indispensables pour passer l'hiver dernier sans Ecowatt orange ou rouge, que pour l'atteinte de nos objectifs climatiques, en nous privant de capacité d'importation d'électricité bas carbone. Enfin, il convient d'apporter des mesures concrêtes aux enjeux énergétiques, à leur source, c'est à dire au travers des marges physiques accrues dans notre sytème énergétique et au travers de la sortie la France des énergies fossiles, qui représentent encore plus de 60 % de notre mix énergétique. Pour cela, le Gouvernement mène une politique ambitieuse passant par la sobriété et l'efficacité énergétiques, ainsi que par le développement massif des moyens de productrion d'énergie décarbone avec l'accélération des projets d'énergie renouvelable, et une relance forte de l'énergie nucléaire. A cet égard, la loi d'accélération du déploiement des énergies renouvelables et la loi d'accélération des procédures nucléaires y contribuent très favorablement.

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