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Bruno Fuchs
Question N° 5549 au Ministère de l’économie


Question soumise le 14 février 2023

M. Bruno Fuchs appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur l'intérêt partagé de rendre l'euro monnaie officielle de la Polynésie française, tant du point de vue économique des polynésiens eux-mêmes, que vis-à-vis de l'enjeu d'une affirmation de l'influence française dans la zone Indopacifique. Après le passage à l'euro en métropole, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis-et-Futuna ont conservé le franc CFP. Si les milieux économiques avaient soutenu très tôt l'introduction de l'euro, le choix du régime monétaire, demeurait la décision de ces collectivités. M. le député rappelle que l'éventualité d'un passage à l'euro en outre-mer a longtemps été lié au sort du référendum en Nouvelle Calédonie. Or à l'issue des trois consultations, l'indépendance n'a pas été le souhait des Calédoniens ouvrant ainsi le champ des possibles. Il est bien conscient que la procédure juridique pour obtenir l'autorisation de passer à l'euro en Polynésie française est loin d'être simple, nécessitant d'abord obtenir l'accord de la Nouvelle Calédonie et de Wallis et Futuna et ensuite que de nombreuses modalités nécessaires soient satisfaites au niveau de l'Union européenne et de la Banque centrale européenne, avant même que le gouvernement français le valide. M. le député souligne que si l'indopacifique polarise des tensions géopolitiques, il représente aussi de véritables enjeux économiques mondiaux. Il insiste sur le fait que les trois quarts de la zone économique exclusive française se concentrent dans l'Indopacifique ce qui appui l'enjeu en matière d'influence stratégique. Il s'agit de renforcer la capacité française d'assurer et de défendre l'intégrité de sa souveraineté, la protection de ses ressortissants, de ses territoires et de sa ZEE. Un passage à l'euro conforterait la prévalence des normes internationales existantes pour établir un cadre de concurrence équitable. Parallèlement la confiance dans la monnaie ne manquerait pas de générer un surcroit d'investissements dont les polynésiens seraient les premiers bénéficiaires. Ce nouveau contexte permettrait de répondre plus facilement aux besoins en matière de connectivité et d'infrastructures, de soutenir les efforts des entreprises françaises dans la zone indopacifique et enfin d'approfondir les partenariats en matière de recherche et d'innovation. L'Indopacifique est enfin le théâtre rêvé pour un renforcement de l'engagement de l'Union européenne, or sous l'impulsion française, le passage à l'euro en serait le meilleur levier. Malgré les modalités et contraintes institutionnelles, M. le député est, par ailleurs, convaincu que le passage à l'euro, constituerait pour la Polynésie française le choix d'un régime de change optimal avec toutes ses implications économiques positives. Fort de ces constats, il souhaite qu'il puisse lui indiquer quelles sont les probabilités d'un rapide passage à l'euro dont pourrait bénéficier le « Fénua » et lui exposer le calendrier d'une telle éventualité ainsi que la motivation du Gouvernement à œuvrer à cette fin.

Réponse émise le 21 mars 2023

La Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna et la Polynésie française constituent des territoires privilégiés de la politique de la France et de l'Union européenne dans la région Indopacifique. Au sein de la République, les collectivités du Pacifique se caractérisent par l'existence d'un régime monétaire unique. Le privilège de l'émission monétaire du franc Pacifique a été confié par l'Etat à l'Institut d'émission d'Outre-mer (IEOM). Sa parité fixe avec l'euro (1000 francs CFP = 8,38€) est établie par décret. En cela, il convient de noter que le franc Pacifique est une monnaie crédible et donc que tout risque de change avec l'Euro est écarté. Les agences de notations internationales n'ont par ailleurs jamais mis en exergue une quelconque fragilité résultant de ce sujet. La politique monétaire du franc Pacifique, mise en œuvre pour le compte de l'Etat par l'IEOM, est adaptée aux spécificités des collectivités. Depuis 2019, la modernisation des instruments de politique monétaire de l'IEOM et le déploiement de lignes de refinancement ont permis de financer l'économie des collectivités et les banques locales, confrontées à un déficit de ressources clientèles. Mi-janvier 2013, l'encours total de refinancement de l'IEOM atteignait 1,5 Md€, soit environ 8% du PIB des collectivités. La politique monétaire de l'IEOM constitue aujourd'hui un atout pour les collectivités et pour la place bancaire locale. Malgré la normalisation de sa politique monétaire, le conseil de surveillance de l'IEOM maintiendra un encours de refinancement adapté à la conjoncture des collectivités. Il convient par ailleurs de noter que les collectivités du Pacifique sont étroitement associées à la gouvernance du franc Pacifique. Un représentant de chaque collectivité siège ainsi au conseil de surveillance de l'IEOM. Plus largement, une attention spécifique a été portée aux symboles identitaires partagés ou spécifiques de chaque collectivité lors du renouvellement de la gamme de billets en 2014 et de la gamme de pièces en 2020. Le passage à l'Euro des collectivités du Pacifique n'est aujourd'hui pas un scénario envisagé ni par l'Etat, ni par les collectivités elles-mêmes. L'Etat conditionne toutefois la mise en œuvre d'un tel scénario à une adoption simultanée des trois collectivités ainsi qu'à leur accord formel. Si l'évolution du régime monétaire était souhaitée par les collectivités, la procédure d'adoption pourrait reposer sur l'article 219-3 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) c'est-à-dire la conclusion d'un accord monétaire entre d'une part, la France agissant pour le bénéfice de cette collectivité du Pacifique, d'autre part l'Union européenne. L'adoption de l'Euro par les collectivités du Pacifique nécessiterait l'accord de l'ensemble de nos partenaires européens de l'Eurosystème.

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