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Pierre Morel-À-L'Huissier
Question N° 6651 au Ministère du travail


Question soumise le 21 mars 2023

M. Pierre Morel-À-L'Huissier appelle l'attention de M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion sur le développement du télétravail et la cadre juridique qui encadre cette pratique. Il n'y a pas de droit au télétravail en France contrairement à un imaginaire collectif, celui-ci reste toujours basé sur le volontariat et soumis à l'accord synallagmatique entre l'employeur et le salarié. L'accord-cadre de 2002 et l'ANI de 2005 précisent clairement ces aspects. La seule évolution consistant pour l'employeur de devoir motiver son refus. Cela dit, le recours au télétravail en dehors des cas particuliers de la pandémie, de situations spécifiques telles qu'une femme enceinte ou une personne en situation de handicap, laisse encore beaucoup de zones d'ombre dans son application. Aussi, il lui demande de lui préciser les modalités actuelles du télétravail en matière de contrôle du temps de travail, de définition des accidents du travail, du droit à la déconnexion, de la prise en charge de l'équipement d'un domicile et de l'achat d'équipements informatiques et des différents forfaits acceptés par l'URSSAF. Il lui demande également de lui préciser si l'employeur dispose d'un droit de visite dans le domicile du télétravailleur. Toutes ces précisions sont utiles au regard de la jurisprudence judiciaire et doivent être portées à la connaissance de l'ensemble des travailleurs.

Réponse émise le 20 juin 2023

La crise sanitaire a considérablement accru la place du télétravail dans la vie des entreprises et de leurs salariés. Son extension est sans précédent, en janvier 2021, 27 % des salariés le pratiquent, contre 4 % en 2019 (cf. Télétravail durant la crise sanitaire, 10 février 2022, DARES ANALYSES N°9).  La législation applicable au télétravail a été rénovée par l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017. Depuis cette date, la régulation collective du recours au télétravail est privilégiée pour répondre au plus près aux besoins de l'entreprise et des salariés. Il peut ainsi être mis en place soit par accord collectif, soit dans le cadre d'une charte élaborée par l'employeur. En l'absence de charte ou d'accord collectif, lorsque le salarié et l'employeur conviennent de recourir au télétravail, ils formalisent leur accord par tout moyen.  En 2021, plus de 4 100 accords d'entreprise comportant des dispositions relatives au télétravail ont été signés (contre 2 610 en 2020), soit une augmentation de 54 %. Avec plus de 2 600 accords, les petites et moyennes entreprises (dont l'effectif est inférieur ou égal à 300 salariés) représentent un peu moins des deux tiers des accords signés sur la période (64% en 2021, 62% en 2020). Les entreprises de plus de 300 salariés ont, quant à elles, signé près de 1 300 accords (935 en 2020) (cf. Bilan de la négociation collective 2021).  Après la période où le télétravail à temps plein s'est imposé en raison de la pandémie, le travail hybride, mixant distanciel et présentiel s'est davantage répandu. Ce modèle permet de pérenniser les avantages du télétravail (autonomie et équilibre des temps de vie pour le salarié, productivité, responsabilité environnementale et sociétale, coté entreprise), et d'en atténuer les inconvénients (risques psycho-sociaux et affaiblissement du collectif de travail).  L'expérience inédite du télétravail durant la pandémie a démontré que cette pratique pouvait également avoir un effet bénéfique sur la néo-natalité, à la fois pour la santé des mères et les nouveau-nés. Le télétravail pour les femmes enceintes dans leur dernier trimestre, lorsque cela est possible, permettrait un meilleur déroulé de l'accouchement et une reprise du travail plus facile pour les mères. Depuis le 27 décembre 2021, la loi visant à accélérer l'égalité économique et professionnelle prévoit désormais que l'accord collectif ou la charte de l'employeur doit préciser les modalités d'accès au télétravail des salariées enceintes.  S'agissant de la réglementation du temps de travail, le télétravailleur est dans la même situation que le salarié en présentiel : les dispositions relatives à la durée maximale quotidienne, aux durées maximales hebdomadaires, au temps de repos, au temps de pause et au décompte des heures de travail s'appliquent. Si le salarié n'est pas sous convention de forfait, un système de décompte du temps de travail doit être mis en place. En matière de droit à la déconnexion, la crise sanitaire a été l'occasion de faire un focus sur les risques psychosociaux que peut parfois générer le télétravail, notamment la surcharge de travail et le risque de l'hyperconnexion. Le quatrième plan santé au travail (2021-2025) prévoit d'accompagner le déploiement du télétravail pour en faire un levier de la qualité de vie et des conditions de travail (actions d'information, de sensibilisation et de formation à destination notamment des TPE-PME et des branches professionnelles). L'accord national interprofessionnel du 26 novembre 2020 réaffirme la règle de prise en charge des frais professionnels du télétravailleur par l'employeur. Le remboursement des dépenses engagées par le salarié, pour les besoins de son activité professionnelle, peut s'effectuer sur la base de frais réels sur présentation de justificatifs ou sur la base d'un forfait. L'allocation forfaitaire éventuellement versée par l'employeur pour rembourser le salarié est réputée utilisée conformément à son objet et est exonérée de cotisations sociales, dans la limite de seuil déterminée par la réglementation et revalorisés chaque année en fonction de l'inflation avec un barème diffusé par l'URSSAF Caisse nationale. De manière générale, l'employeur reste tenu de son obligation de sécurité à l'égard du salarié placé en télétravail. Pour autant les mesures mises en place peuvent différer selon que les conditions de travail demeurent sous la maîtrise de l'employeur (salarié en présentiel) ou relèvent de la vie personnelle du salarié. Ainsi, à l'action directe de prévention peuvent être privilégiées des actions d'information et de formation, d'assistance etc.  Il existe enfin une présomption d'accident du travail en cas d'accident survenant durant les plages horaires de télétravail qui sont définies dans l'accord collectif ou la charte. La prise en charge d'un tel accident est alors identique à celle d'un accident survenu dans les locaux de l'employeur.  Le cadre juridique repose en grande partie sur le dialogue social, lequel a montré sa robustesse pendant la crise sanitaire et ses capacités d'innovation. La législation actuelle permet ainsi, dans le cadre du dialogue social, de faire évoluer ce mode d'organisation dans le respect des besoins des organisations, des caractéristiques des activités menées et des attentes des salariés. Ce nouveau mode de travail est encore aujourd'hui en construction et requiert la souplesse permise par l'accord collectif. Le propre de l'accord collectif est d'être un texte vivant, fruit d'un équilibre, à questionner dans la durée et à réajuster au besoin. Pour l'ensemble de ces raisons, il n'est donc pas envisagé de modifier la législation.

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