M. Pierre Morel-À-L'Huissier interroge M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur la défense extérieure contre l'incendie. À la suite du rapport Maurey-Montaugé de 2021, le parlement, à l'initiative du Sénat, a décidé de s'emparer de ce sujet 10 ans après la loi Warsman. Les problèmes sont multiples et le premier est financier, les maires s'estimant incapables, financièrement, de procéder aux travaux nécessaires à l'alimentation des points d'eau incendie (PEI) dont ils ont la charge. Par ailleurs, la loi de 2011 et son décret d'application ont départementalisé le référentiel de défense extérieure contre l'incendie, avec la création du RDDECI (règlement départemental de la Deci), établi en concertation avec les maires, puis arrêté par le préfet après avis du conseil d'administration du SIS. Or leur mise en œuvre est très inégale et les sénateurs ont voté unanimement pour l'intégration du RDDECI au Sdacr (Schéma départemental d'analyse et de couverture des risques). Enfin, le texte propose de créer une commission départementale, composée de maires, chargée du suivi et de l'évaluation de ces règles. Elle évaluera les conséquences en matière budgétaire, d'urbanisme et de développement économique et pourra proposer au préfet des modifications du règlement. Si la ministre a reconnu « une insuffisante concertation dans certains territoires » et que les élus « restent souvent sans appui sur ce sujet complexe », il semblerait que le Gouvernement ait des réserves sur ce texte de loi voté unanimement par les sénateurs. Aussi, il lui demande quelles sont les raisons qui poussent le Gouvernement à considérer que la fusion des RDDECI et des Sdacr ne serait pas opportune. Il lui demande également les raisons de son opposition au développement d'une nouvelle commission départementale, principalement composée de Maires et en quoi la Commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité, composée de neuf représentants de l'État pour seulement trois maires et trois conseillers départementaux, serait un lieu plus approprié pour ces débats. Il lui demande enfin si le Gouvernement entend porter ce texte de lui-même à l'Assemblée nationale.
La défense extérieure contre l'incendie (DECI) a pour objet d'assurer, en fonction des besoins résultant des risques à prendre en compte, l'alimentation en eau des moyens des services d'incendie et de secours (SIS). Elle est placée sous l'autorité du maire ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) chargé d'un pouvoir de police administrative spéciale. La loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 et son décret d'application n° 2015-235 du 27 février 2015 ont profondément réformé les normes applicables en matière de DECI. Antérieurement fixées par voie de circulaire, notamment la circulaire n° 465 du 10 décembre 1951, elles posaient des règles uniformes pour l'ensemble du territoire, notamment en matière de distance des points d'eau incendie. Depuis la réforme de 2011 finalisée en 2015, les normes de la DECI ne sont plus uniformes dans l'ensemble du territoire national, mais résultent d'une analyse locale permettant de les adapter au mieux aux spécificités territoriales. Ainsi, le cadre juridique national de la DECI ne fixe aucune valeur de volume ou de débit des points d'eau incendie, pas plus qu'il ne fixe de distance entre ces points d'eau. Toutes ces valeurs sont désormais déterminées dans le règlement départemental de défense extérieure contre l'incendie (RDDECI) arrêté par le préfet de département après avis du conseil d'administration du service d'incendie et de secours. Par ailleurs, les communes ou les EPCI peuvent mettre en place un schéma communal ou intercommunal de DECI. Il permet notamment de détailler la DECI du territoire, de l'adapter aux particularismes et de prioriser ou de planifier sur plusieurs années les équipements à mettre en place. Le Gouvernement n'envisage pas la remise en cause des principes fondateurs de cette réforme en revenant à la fixation de normes en matière de DECI qui s'appliqueraient uniformément dans l'ensemble du territoire national. Toutefois, des difficultés de mise en œuvre dans certains départements à dominante rurale ont été relevées et mises en relief dans plusieurs rapports sénatoriaux ou gouvernementaux. Elles tiennent pour l'essentiel à la fixation de règles départementales qui, pour certaines, ne sont pas adaptées à la diversité des territoires du département, qu'il s'agisse du type d'habitat (urbain, rural, isolé), du niveau et de l'éventail de risques à couvrir (feu de forêt) et enfin à celle des moyens, notamment financiers, des collectivités territoriales pour y faire face. La proposition de loi visant à adapter la défense extérieure contre l'incendie à la réalité des territoires ruraux, adoptée par le Sénat le 15 mars 2023, entend répondre à ces difficultés notamment en transformant le RDDECI en un volet spécifique du Schéma départemental d'analyse et de couverture des risques (SDACR) et en instituant une commission départementale de suivi et d'évaluation de la DECI exclusivement composée d'élus municipaux et des organes délibérants des EPCI compétents en la matière. Si le Gouvernement partage les préoccupations des parlementaires et une grande partie des observations sur les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre des règlements départementaux de DECI, il n'est pour autant pas convaincu par la nécessité de recourir à cette loi pour y remédier, tout d'abord du fait que la réglementation relative à la DECI ne relève pas du domaine de la loi tel que prévu à l'article 34 de la Constitution française, ensuite parce que le contenu de certaines des dispositions adoptées poserait de graves difficultés d'application. Ainsi, le SDACR et le RDDECI ne sont pas de même portée juridique et ne répondent pas à la même finalité. Le SDACR a une vocation de document stratégique et d'orientation de l'action et de la politique d'investissement des services d'incendie et de secours, qui l'engage sur l'ampleur de la couverture opérationnelle des risques du département et sert de fondement aux engagements financiers y afférents. Il s'agit d'un document travaillé en interne aux SIS, qui fait l'objet d'un engagement fort du conseil d'administration du SIS. En effet, le préfet ne peut arrêter un SDACR que sur avis conforme du conseil d'administration du SIS. L'avis conforme lie le préfet tant par le sens que par le contenu du SDACR qu'il approuve. Le SDACR n'est donc pas un acte de police administrative, mais un document fondamental dans le fonctionnement des SIS. Au contraire, le RDDECI est un acte réglementaire de police administrative. Il s'impose à tous et cadre l'exercice des maires dans leur pouvoir de police administrative spéciale de la DECI. Le Gouvernement entend œuvrer, notamment auprès des services d'incendie et de secours, à une meilleure articulation entre ces deux documents mais sans opérer leur fusion, qui serait inappropriée au vu de leur finalité et leur statut juridique différents. De même, si l'insuffisante concertation avant l'édiction du règlement départemental a été identifiée comme l'une des sources des difficultés de mise en œuvre de celui-ci dans certaines collectivités territoriales, la création d'une nouvelle commission, par la loi qui en régirait par ailleurs de manière détaillée les règles de composition et de fonctionnement, n'apparaît pas nécessaire. Le Gouvernement propose de confier, par voie réglementaire, cette fonction d'établissement d'un bilan de la DECI puis d'en assurer le suivi, à une instance existante et placée auprès du préfet de département, compétent en matière de DECI au titre de ces pouvoirs de police générale. La commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité (CCDSA) présente en effet l'intérêt de pouvoir comprendre différentes sous-commissions spécialisées dont, tant les compétences que la composition, peuvent être adaptées à la thématique concernée. Ainsi, en matière de DECI, il est tout à fait possible de créer une sous-commission de suivi dédiée au sein de la CCDSA avec une composition adaptée associant l'ensemble des acteurs territoriaux concernés dont les collectivités territoriales au premier chef. La mise en œuvre du plan d'action gouvernemental dans les prochains mois a pour objectif de permettre aux acteurs territoriaux de trouver en commun des solutions de défense contre le risque incendie réalistes, adaptées, novatrices et efficaces, garantissant la sécurité de nos concitoyens à des coûts acceptables.
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