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Lise Magnier
Question N° 8562 au Secrétariat d'état à la biodiversité


Question soumise le 6 juin 2023

Mme Lise Magnier attire l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur la réparation et la reconstruction de 10 000 chaussées de moulins partiellement ou totalement détruites. Un projet de règlement européen prévoirait de détruire 25 000 km de retenues d'eau de rivières européennes. En France, depuis douze ans, environ 10 000 chaussées de moulins ont été partiellement ou totalement détruites avec des conséquences non négligeables sur la préservation des eaux, leur stockage dans les nappes alluviales et profondes mais aussi pour les milieux naturels. Ces petits barrages permettent de rehausser le niveau des eaux en ralentissant les écoulements. Ils préserveraient des millions de m3 d'eau douce, amortissent les phénomènes de crues et jouent un rôle clé dans le stockage des eaux de pluie. Aussi, elle lui demande pourquoi, malgré le vote de l'article 49 de la loi « climat et résilience », les administrations en charge de la gestion de l'eau continuent à prôner la destruction des retenues en rivière et quelle sera la position de la France face au projet de règlement européen en la matière.

Réponse émise le 17 octobre 2023

La biodiversité aquatique est particulièrement fragilisée en France : 39 % des espèces de poissons sont menacées, et 19 % présentent un risque de disparition. La fragmentation des cours d'eau fait partie des pressions responsables du déclin de cette biodiversité. Dans ce contexte, le Gouvernement réaffirme l'importance de la politique de restauration de la continuité écologique des cours d'eau. La Stratégie Biodiversité 2030 de la Commission européenne en fait également un enjeu majeur, qui apparaît aussi dans sa proposition de règlement pour la restauration de la nature. La politique de restauration de la continuité écologique concilie les enjeux de restauration des fonctionnalités des cours d'eau avec le déploiement de la petite hydroélectricité, la préservation du patrimoine culturel et historique, ou encore les activités sportives en eaux vives. À ce jour, la politique de priorisation mise en œuvre par le Gouvernement a permis d'identifier les cours d'eau sur lesquels il était important de procéder à de la restauration écologique. Ils représentent 11 % des cours d'eau. Sur ceux-là, la politique est de procéder prioritairement à des interventions sur environ 5 000 ouvrages sur les 25 000 obstacles à l'écoulement qu'ils comptent. La solution technique retenue consiste majoritairement à aménager l'ouvrage (mise en place d'une passe à poisson, d'une rivière de contournement, abaissement du seuil…), plutôt qu'à le supprimer. Depuis 2012, environ 1 400 effacements d'ouvrages ont été financés par les agences de l'eau sur ces 11% de cours d'eau, soit seulement 1 % de l'ensemble des ouvrages obstacles à l'écoulement des cours d'eau français. L'indication « partiellement détruit » ou « entièrement détruit » dans le référentiel des obstacles à l'écoulement de l'Office français de la biodiversité (OFB) ne signifie en effet en aucun cas que l'ouvrage en question a été volontairement effacé par l'homme. Dans la très grande majorité des cas, ces ouvrages ont été détruits naturellement au cours du temps car anciens et non entretenus par leurs propriétaires. De nombreuses études et publications scientifiques démontrent l'intérêt d'effacer des petits ouvrages en cours d'eau, tant pour la survie et la reproduction des poissons migrateurs que pour l'amélioration générale des fonctionnalités des rivières, de leur biodiversité et de la qualité des eaux. Le conseil scientifique de l'OFB a produit une note exposant des éléments de réponse à certains arguments contradictoires sur le bien fondé du maintien et de la restauration de la continuité écologique dans les cours d'eau (2018). Les barrages sur les cours des rivières tendent à réduire l'infiltration de l'eau dans les sols, et ne sont donc pas synonymes d'une plus grande disponibilité de la ressource en eau. Au contraire, ces pratiques favorisent l'évaporation, le réchauffement de l'eau, et sa désoxygénation, qui favorisent les phénomènes d'eutrophisation. C'est pourquoi la restauration de la continuité des cours d'eau concourt à la construction d'un territoire résilient à la sécheresse et aux canicules, ainsi qu'à la qualité de l'eau, y compris à objectif de potabilisation, pour les eaux superficielles mais également souterraines. En outre, les petits seuils ne protègent généralement pas contre les inondations car les retenues qu'ils forment n'ont pas la capacité de stocker une partie du volume de la crue, et ne peuvent donc pas réduire ses effets. Au contraire, les seuils peuvent aggraver les petites inondations à leur amont car ils rehaussent la ligne d'eau et facilitent ainsi les débordements. Ils peuvent aussi causer des sur-inondations en aval en cas de rupture. Ainsi, de nombreux effacements ou arasements de seuils ont pour objectif principal de réduire le risque inondation pour les riverains, avec des résultats très satisfaisants. L'article 49 de la loi dite « Climat et résilience » d'août 2021 précise effectivement que, s'agissant des moulins à eau, l'effacement des seuils ne peut désormais plus constituer une solution dans le cadre de l'accomplissement des obligations relatives au franchissement par les poissons migrateurs et au transport suffisant des sédiments. En conséquence, depuis la publication de la loi, les services préfectoraux ne sont plus en mesure de prescrire l'effacement d'un ouvrage situé sur un cours d'eau prioritaire comme solution de rétablissement de la continuité écologique. Des effacements sur ces cours d'eau restent cependant possibles pour d'autres motifs, notamment sanitaires ou de sécurité hydraulique.

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