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François Piquemal
Question N° 873 au Ministère de l’économie


Question soumise le 16 août 2022

M. François Piquemal attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur le non-respect de la loi concernant la publicité de produits financiers hautement spéculatifs par des influenceurs et influenceuses. En effet, si la loi Michel Sapin II a interdit cette pratique, on a pu constater ces dernières semaines, grâce à l'appel sur les réseaux sociaux du rappeur Booba ainsi qu'à des articles de presse, qu'elle était loin d'avoir disparu. Pire, des associations de victimes font part à M. le député de la persistance de ces publicités alors même qu'elles sont régulièrement signalées sur les réseaux sociaux. Ce ne sont malheureusement pas des pratiques marginales de la part de certains influenceurs ou influenceuses qui touchent parfois plusieurs millions de personnes pour des placements de produits dangereux générant des centaines de milliers voire des millions d'euros. Ces pratiques sont devenues un fonds de commerce à part entière, encouragées par des agents ou des managers qui cherchent à maximiser leurs profits sans aucune considération éthique. Il est donc légitime de s'inquiéter : à l'heure de l'explosion des réseaux sociaux comme TikTok ou Instagram dont les principaux utilisateurs ont entre 16 et 25 ans, c'est une audience souvent jeune qui se trouve exposée à cette publicité illégale. Public qui y sera d'autant plus sensible alors que les Françaises et les Français prennent de plein fouet la crise inflationniste. Ces escrocs n'hésitent pas à faire miroiter un mode de vie extraordinaire depuis Dubaï, ou d'autres destinations exotiques, afin de crédibiliser ces produits. Il est donc impératif que la loi soit respectée afin de protéger les citoyens. Il voudrait donc savoir comment l'État compte faire appliquer les lois françaises et se donner les moyens humains et financiers de sanctionner ces pratiques.

Réponse émise le 20 septembre 2022

Les consommateurs et épargnants sont attirés par certains placements financiers, présentés comme plus rémunérateurs que les placements et livrets classiques. Une recrudescence d'offres frauduleuses de placements et services financiers (investissements, épargne etc) a, de fait, été constatée par les pouvoirs publics. Les services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ont ainsi été destinataires d'environ 700 signalements et plaintes relatifs aux produits et services financiers en 2021, soit une augmentation de près de 15 % entre 2019 et 2021, et cette tendance semble se confirmer en 2022. Les réseaux sociaux, et en particulier les influenceurs, constituent dans ce contexte un relai majeur de publicité pour les offres de trading en ligne, crypto-actifs ou de Forex, et amplifient leur visibilité par des promesses d'amélioration prodigieuse du train de vie. C'est un public jeune, généralement de milieu modeste, qui est ainsi ciblé par le marketing d'influence dans le secteur financier. Les autorités de régulation compétentes, soit la DGCCRF, l'Autorité des marchés financiers (AMF) et l'Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) sont pleinement mobilisées, chacune dans leurs champs de compétences respectifs, afin de protéger les épargnants, en particulier les plus fragiles. À cette fin, la DGCCRF peut intervenir et poursuivre les pratiques frauduleuses au titre de ses compétences générales dans le cadre du contrôle des règles du droit de la consommation relatives à l'information du consommateur, aux pratiques commerciales déloyales, notamment trompeuses, ainsi qu'à l'interdiction des ventes pratiquées « à la boule de neige », fréquemment observées en matière de commercialisation de produits financiers. En outre, le législateur a introduit, depuis 2016, un dispositif spécifique d'interdiction de la publicité portant sur certains produits financiers risqués, tels que le Forex ou les options binaires, dont le respect est vérifié par la DGCCRF. Le champ d'application de ce dispositif a été élargi, en 2019, aux services sur actifs numériques, tels que les crypto-actifs, par la loi pour la croissance et transformation des entreprises (PACTE). Dans un contexte de recrudescence des arnaques observée dès 2020, il est apparu nécessaire de renforcer encore l'action des pouvoirs publics, notamment en intensifiant la coopération entre les différentes autorités de contrôle compétentes. Ainsi, une « task-force de lutte contre les fraudes et escroqueries » a été mise en place, dès le mois d'avril 2020, à l'initiative du ministère de l'économie, des finances et de la relance. Cette task-force interministérielle, regroupant notamment la DGCCRF, l'AMF et l'ACPR, a vocation à agir contre les pratiques frauduleuses présentant des risques importants pour la protection des épargnants et des consommateurs. Le guide de prévention des fraudes et escroqueries financières, destiné aux consommateurs et entreprises, publié en mars 2021, a notamment été mis à jour en juillet 2022, et vise à rappeler les attitudes réflexes qu'il convient de développer pour mieux déjouer les escroqueries. S'agissant des problématiques liées aux contenus diffusés par des influenceurs sur les réseaux sociaux, qui font actuellement l'objet d'une attention toute particulière, la DGCCRF coordonne étroitement son action avec les services de l'AMF. Les services d'enquêtes de la DGCCRF diligentent dans ce cadre, de façon régulière, des contrôles ayant pour objet de vérifier la loyauté des pratiques d'information et de commercialisation déployées par les opérateurs intervenant dans ce secteur et s'adressant aux consommateurs français. Les marchés des crypto-actifs et des contrats financiers risqués ont, par ailleurs, fait l'objet de contrôles réguliers ces dernières années. Les résultats des investigations conduites ont ainsi donné lieu à la transmission de lettres d'avertissement aux opérateurs de différents secteurs et à l'engagement de procédures pénales. À titre d'exemple, en 2021, à la suite de la diffusion sur un réseau social d'une « story » plébiscitant une plateforme proposant des services de « trading » en ligne, la DGCCRF a sanctionné une influenceuse, qui ne déclarait pas son intention commerciale, pour pratiques commerciales trompeuses. Enfin, l'action des autorités de contrôle est parfois compliquée par le fait que les entreprises à l'origine des publicités litigieuses sont implantées à l'étranger et atteignent le public français via internet. Aussi le législateur a-t-il décidé en 2020 de doter les agents de la DGCCRF d'un pouvoir permettant d'assurer une intervention efficace contre les pratiques frauduleuses sur internet, dès lors que l'auteur de la pratique ne peut pas être identifié ou qu'il n'a pas déféré à une mesure d'injonction qui lui a été précédemment notifiée. Il peut ainsi être ordonné l'affichage d'un message d'avertissement visant à informer les consommateurs du risque grave de préjudice pour leurs intérêts que représente un contenu illicite en ligne. Cette injonction peut être adressée aux opérateurs de plateformes en ligne, c'est-à-dire aux personnes qui exercent une activité de classement ou de référencement (sites comparateurs, moteurs de recherche) ou encore de mise en relation de plusieurs parties (places de marché), mais aussi aux fournisseurs d'accès àiInternet ou aux navigateurs. Pour les infractions les plus graves (pratiques commerciales trompeuses, par exemple), la DGCCRF peut dorénavant enjoindre aux opérateurs de plateformes en ligne le déréférencement des interfaces en ligne dont les contenus sont manifestement illicites ou ordonner aux opérateurs de registre ou aux bureaux d'enregistrement de domaines de prendre une mesure de blocage d'un nom de domaine, et ce, afin de protéger au mieux les intérêts des consommateurs français. Le non-respect de ces mesures est puni d'une sanction pouvant aller jusqu'à un an d'emprisonnement et 250 000 euros d'amende. Au regard de la résurgence des phénomènes d'escroqueries financières liés au développement de la « fin-influence », la DGCCRF, sous l'autorité du Ministre de l'économie, des finances, et de la souvraineté industrielle et numérique, maintiendra une vigilance toute particulière sur ces secteurs.

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