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Olivier Falorni
Question N° 9139 au Ministère du ministère de la justice


Question soumise le 20 juin 2023

M. Olivier Falorni attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les moyens de réduire la population carcérale dans les prisons françaises. En effet, au 1er mai 2023, la France a enregistré le plus grand nombre de détenus jamais recensé dans ses centres pénitentiaires : 73 162. En progression de 3 % sur une année, cette dynamique pose de nombreuses difficultés, notamment au regard du nombre de places, limité à 60 867. En parallèle, il est important de rappeler que 26,9 % des prisonniers sont en attente de leur procès, expliquant en partie pourquoi sept maisons d'arrêt ont un taux d'occupation supérieur à 200 % ; leur taux d'occupation moyen culmine à 142,9 %. En Charente-Maritime, la maison d'arrêt de Rochefort-sur-Mer a un taux d'occupation de 225 %. Ces exemples démontrent que la situation ne cesse d'empirer, mois après mois, malgré les alertes sur les conditions dramatiques de surpopulation. Face à ce constat, la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté a estimé qu'« il est inutile d'attendre que la prison puisse réinsérer quiconque dans une situation qui rend infernal également, le travail du personnel pénitentiaire ». Conditions de détention insalubres, vétusté des locaux, multiplication des incidents et des rixes, mal-être chez le personnel pénitentiaire et perte de sens du métier de conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation, les maux se multiplient. Pour y répondre, le Gouvernement a annoncé la création de 15 000 places supplémentaires d'ici 2027. Mais si la mise en œuvre de ce plan progresse, il accuse un retard important, comme l'a rappelé la Cour des comptes dans son rapport annuel publié en avril 2023, où elle relève que les 7 000 places qui devaient être livrées avant la fin de l'année 2022 n'ont pas été construites en intégralité. C'est pourquoi il lui demande comment il entend lutter contre la surpopulation carcérale et ainsi améliorer les conditions de détention et favoriser la réinsertion des détenus.

Réponse émise le 27 février 2024

Le ministère de la Justice poursuit son engagement afin de lutter contre la surpopulation carcérale et d'améliorer les conditions de détention. L'ambitieux programme immobilier de livraison de 15 000 places supplémentaires de prison, décidé par le président de la République, doit permettre d'atteindre un taux d'encellulement individuel de 80 % sur la totalité des établissements du parc pénitentiaire. Les établissements sont implantés dans les territoires qui connaissent les taux de surpopulation les plus importants, à savoir principalement dans les grandes agglomérations. Au 1er janvier 2024, 19 établissements ont été livrés représentant 6 076 places brutes, soit 4 103 places nettes, une fois prises en compte les fermetures d'établissements. Parmi les derniers établissements livrés, trois l'ont été en 2022 pour un total de 360 places, et dix l'ont été en 2023 pour un total de 1 662 places nettes. En 2024, la moitié des établissements du programme 15 000 sera opérationnelle.  Ce programme se caractérise par une typologie diversifiée d'établissements pénitentiaires pour mieux adapter les régimes de détention au profil des personnes détenues selon leur parcours, leur peine et leur projet de réinsertion : des maisons d'arrêt à sécurité adaptée, mais également des structures d'accompagnement vers la sortie (SAS). Ces établissements ont vocation à accueillir des personnes condamnées dont le reliquat de peine est inférieur ou égal à deux ans et proposent un régime de détention adapté, orienté autour de la responsabilisation de la personne détenue, afin de préparer efficacement son retour à la vie libre et d'éviter la réitération de son comportement délinquant. Enfin, trois établissements tournés vers le travail dénommés Inserre (insérer par des structures engendrant la responsabilisation et la réinsertion par l'emploi) seront également livrés. Outre la création de nouvelles places, les récentes évolutions législatives sont intervenues afin de favoriser le recours aux alternatives à l'incarcération, qui constituent des leviers de régulation des effectifs en milieu fermé. Elles permettent également de mieux prévenir la récidive et de favoriser la réinsertion des personnes placées sous-main de justice. Les dispositions de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ont pour objectif de renforcer le sens et l'efficacité des peines prononcées en limitant le recours aux courtes peines d'incarcération, en favorisant les aménagements de peine ab initio pour les peines inférieures ou égales à 1 an et en prohibant les peines d'emprisonnement inférieures à un mois. Dans la continuité, la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire est venue réaffirmer le principe selon lequel la détention provisoire doit demeurer exceptionnelle. Ses dispositions visent à favoriser le recours à l'assignation à résidence sous surveillance électronique. Elle introduit également une mesure de libération sous contrainte de plein droit pour les personnes détenues en fin de peine, applicable depuis le 1er janvier 2023. Cette mesure d'exécution de peine, sous réserve de disposer d'un hébergement, permet une sortie à 3 mois de la fin de peine pour les peines inférieures à deux ans. Les personnes ainsi libérées sont suivies et contrôlées en milieu ouvert par le service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP). Cette mesure a pour principal objectif de lutter contre les sorties sèches des personnes détenues qui favorisent la récidive. Un travail de fond a également été engagé afin de favoriser le recours à la peine de travail d'intérêt général (TIG). Plusieurs modifications du cadre normatif ont été successivement opérées, dans le but d'élargir les possibilités de recours au TIG et d'en simplifier les modalités d'exécution. Le nombre de places de TIG est ainsi passé de 18 000 en janvier 2019 à plus de 36 000 à la fin de l'année 2023. De plus, un plan d'actions ayant pour but de promouvoir le TIG, portant tant sur la meilleure connaissance des dispositifs que sur les modalités d'organisation des services, a été déployé. Sa mise en œuvre est en cours depuis le début de l'année 2023. La loi d'orientation et de programmation pour la Justice de 2023-2027, définitivement adoptée par le Parlement le 11 octobre 2023, prévoit dans ce cadre de renforcer le prononcé du TIG, notamment grâce à l'accueil au sein des structures privées de l'économie sociale et solidarité, des personnes condamnées à cette mesure. Par ailleurs, le ministère de la Justice veille au maintien du dialogue entre les acteurs judiciaires et pénitentiaires. Un outil de pilotage destiné à nourrir les échanges entre les chefs de cours et les directeurs interrégionaux des services pénitentiaires a, à cette fin, été élaboré afin de poursuivre l'accompagnement des juridictions dans la mise en œuvre des dispositions de la loi de programmation pour la justice et de favoriser les alternatives à la détention lorsque cela est possible. Entre l'été 2022 et l'automne 2023, les directeurs de l'administration pénitentiaire, des affaires criminelles et des grâces, ainsi que des services judiciaires, ont également rencontré l'ensemble des chefs de cour et de juridictions de chaque direction interrégionale des services pénitentiaires afin d'échanger notamment sur la surpopulation carcérale et d'identifier les leviers existants pour lutter contre cette problématique. Conformément à la circulaire de politique pénale générale du 20 septembre 2022, le dialogue entre les acteurs judiciaires et pénitentiaires s'est, en outre, intensifié dans les cadres institutionnels prévus, tels que les commissions régionales d'application des peines ou les commissions d'exécution des peines, qui ont notamment permis d'aboutir à la conclusion de protocoles locaux. Enfin, la direction de l'administration pénitentiaire, particulièrement vigilante à la régulation des effectifs des établissements les plus surencombrés, mène une politique volontariste d'orientation des personnes détenues vers les établissements pour peine, y compris lorsqu'elles ont de faible reliquat de peine.

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