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Lise Magnier
Question N° 9821 au Ministère de la justice


Question soumise le 11 juillet 2023

Mme Lise Magnier appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur la reconnaissance de la pénétration vulvaire comme un viol. D'après la loi, le viol recouvre toutes les pénétrations sexuelles, pas uniquement les pénétrations vaginales ou anales. Cependant, il semblerait que les juges qualifient très souvent la pénétration vulvaire comme une agression sexuelle et non comme un viol. Les pénétrations vaginales ou anales ne peuvent être considérées comme les seules bornes qui auraient été dépassées. La pénétration vulvaire sans consentement constitue tout autant que les pénétrations vaginales et anales une violation du corps des femmes et, en cela, ne peut être qualifiée uniquement d'agression sexuelle. Aussi, elle demande au Garde des Sceaux, ministre de la justice, quelles actions il compte mettre en œuvre afin que la pénétration vulvaire sans consentement soit reconnue comme un viol et non comme une agression sexuelle.

Réponse émise le 5 décembre 2023

Le Gouvernement attache la plus grande importance à la lutte contre les infractions sexuelles, notamment celles commises au préjudice des femmes et des enfants. La loi du 3 aout 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes a ainsi conduit à des évolutions significatives de l'arsenal législatif existant, notamment en allongeant le délai de prescription des crimes sexuels commis sur mineur ou en précisant la notion de contrainte morale et la définition du délit d'atteinte sexuelle du mineur de quinze ans, dont les peines avaient été aggravées. La circulaire du 3 septembre 2018 relative à la loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes rappelle l'importance donnée à l'efficacité de la répression de toutes les formes de violences sexuelles et sexistes, et spécialement celles dont les femmes et les enfants sont victimes. La force de cet engagement s'est également traduite avec la diffusion de la dépêche du 26 février 2021 relative au traitement des infractions sexuelles susceptibles d'être prescrites qui marque encore une intensification et une médiatisation particulière de la lutte contre les violences sexuelles, particulièrement celles faites aux mineurs. C'est dans cette logique que la loi du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste a été adoptée et introduit notamment une modification de la prescription. La restitution des travaux de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Eglise et les travaux en cours de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants confirment la place centrale des parquets, destinataires des signalements, dans la lutte contre ces infractions. La lutte contre les violences sexuelles faites aux femmes s'est, quant à elle, illustrée par le renforcement de la répression des faits constitutifs d'outrages sexistes par la loi du 24 janvier 2023 portant création d'un nouvel article 222-33-1-1 dans le code pénal, érigeant à compter du 1er avril 2023 en délit l'infraction d'outrage sexuel et sexiste aggravée, qui constituait antérieurement la contravention de 5ème classe d'outrage sexiste aggravé. Plus récemment, afin d'assurer un traitement plus rapide des procédures criminelles et de limiter la pratique de la correctionnalisation, les lois de programmation pour la justice du 23 mars 2019 et celle du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire ont prévu l'expérimentation puis la généralisation de la cour criminelle départementale. Outre le renforcement de l'arsenal législatif intervenu au cours des dernières années et notamment la redéfinition du crime de viol intervenu à la suite de l'adoption de la loi du 21 avril 2021, le ministère de la justice sensibilise régulièrement les procureurs généraux et procureurs de la République à l'attention devant être portée aux victimes d'infractions sexuelles, tant au stade de l'enquête, qu'au stade de la poursuite et du jugement de ces infractions. La circulaire du 25 novembre 2017 relative au traitement des plaintes déposées pour des infractions sexuelles invite ainsi les parquets généraux et parquets à veiller à la qualité du recueil de la plainte de la victime, à instaurer un circuit de traitement identifié et un suivi attentif des plaintes, à assurer un accompagnement des victimes de faits par nature traumatisants en sollicitant la mise en œuvre d'une évaluation personnalisée en application de l'article 10-5 du CPP. A ce titre, la prise en compte des intérêts des victimes au cours de la procédure pénale a motivé la publication du décret n° 2022-656 du 25 avril 2022, lequel prévoit notamment, dans un nouvel article D-1-10 du code de procédure pénale, que l'évaluation des victimes de violences au sein du couple ou de violences sexuelles et sexistes requise ou ordonnée par le procureur de la République ou le magistrat instructeur est réalisée par une association d'aide aux victimes dont les professionnels ont été spécifiquement formés à la prise en charge des victimes de ces infractions. Ce décret prévoit, de façon générale, au sein d'un nouvel article D.15-3-2 du code de procédure pénale, que le procureur qui classe sans suite une procédure en application de l'article 40-2 du code pénal, doit dorénavant informer la victime qu'elle peut demander une copie du dossier. S'agissant de la qualification des infractions sexuelles, il importe de rappeler que la définition juridique de l'acte de pénétration, élément matérialisant un viol et la distinction qu'il opère de tout autre acte sexuel matérialisant une agression sexuelle, relève de la loi. Ainsi, d'une part, l'article 222-22 du code pénal dispose que « constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise ou, dans les cas prévus par la loi, commise sur un mineur par un majeur ». Cette définition a été enrichie par celle issue de la loi du 5 août 2013 qui a créé l'article 222-22-2 du même code qui prévoit que « constitue également une agression sexuelle le fait d'imposer à une personne, par violence, contrainte, menace ou surprise, le fait de subir une atteinte sexuelle de la part d'un tiers ou de procéder sur elle-même à une telle atteinte ». D'autre part, l'article 222-23 du code pénal définit le viol comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d'autrui ou sur la personne de l'auteur par violence, contrainte, menace ou surprise ». La différence entre le viol et l'agression sexuelle est ainsi légalement établie, le premier étant compris comme un acte de pénétration, la seconde renvoyant à tout acte de nature sexuelle sans pénétration. Est classiquement admis que constitue un viol une pénétration d'un sexe par un autre sexe, une pénétration par un objet ou encore dans un autre organe. La Cour de cassation adopte depuis un arrêt du 21 février 2007 (Crim. 21 février 2007, no 06-89.543), une conception objective ne reposant plus sur le contexte sexuel de la pénétration. Dans un arrêt du 14 octobre 2020, n° 20-83.273, la chambre criminelle a rejeté le pourvoi à l'encontre de la décision écartant le viol à propos d'un cunnilingus imposé, en validant l'appréciation souveraine des juges du fond qui considéraient notamment que n'était pas établi « une introduction volontaire – de la langue – au-delà de l'orée du vagin, suffisamment profonde pour caractériser un acte de pénétration ». Enfin, le législateur est intervenu à plusieurs reprises pour clarifier l'étendue de la définition du viol. La loi du 3 août 2018 a ainsi ajouté l'hypothèse de la pénétration exercée sur la personne de l'auteur et la loi du 21 avril 2021 a étendu la définition du viol à tout acte de pénétration bucco-génital, étant précisé que l'acte de pénétration s'entend scientifiquement comme tout acte d'introduction dans un orifice, vaginal, anal ou buccal.

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