Commission d'enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la constitution

Réunion du jeudi 13 avril 2023 à 9h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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Jeudi 13 avril 2023

La séance est ouverte à 9 heures.

(Présidence de M. Guillaume Vuilletet, président de la commission)

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mes chers collègues, nous reprenons ce matin les auditions de la commission d'enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales gérées par les articles 73 et 74 de la Constitution. Dans un premier temps, nous tiendrons une table ronde consacrée à la question du logement et de la vie chère outre-mer, regroupant un certain nombre d'intervenants.

Je souhaite dire deux mots au sujet de cette audition, qui m'apparaît fondamentale. Les débats sur le pouvoir d'achat ont animé le débat national et l'une de mes surprises a été de constater que la question du logement, d'une manière générale, reste assez peu abordée, alors même que le logement représente d'assez loin le premier poste de dépenses des Français. Évidemment, la situation n'est pas différente outre-mer. Comme souvent, lorsqu'il s'agit d'un problème général, il est plus fort en outre-mer. En l'espèce, comme nous avons pu le voir au travers des auditions de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), même si le coût d'usage des logements apparaissait un peu moins important que dans l'Hexagone, les coûts de construction et le coût intrinsèque du logement se révélaient beaucoup plus élevés. Je me souviens avoir entendu, lors d'un débat à l'occasion d'une semaine de contrôle à l'initiative du groupe socialiste, sauf erreur de ma part, que le prix moyen du logement à Fort-de-France comparable à celui à Lyon, alors qu'il n'existe pas forcément la même structure de revenus pour les personnes cherchant à accéder au logement.

Ce sujet dont nous débattons aujourd'hui à notre table ronde se situe au cœur de notre recherche. Nous pourrons aborder les questions du marché du logement, du coût de la construction et de la gestion des patrimoines.

Nous allons donc entendre :

– pour l'Union sociale pour l'habitat Outre-mer, Mme Sabina Mathiot, sa directrice,

– pour Action Logement, Mme Nadia Bouyer, sa directrice générale et M. Ibrahima Dia, son directeur outre-mer,

– pour CDC Habitat, M. Philippe Pourcel, directeur général adjoint en charge du réseau des outre-mer et Mme Anne Frémont, directrice des affaires publiques,

– pour la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM), M. Philippe Robin, président de la FNAIM Océan Indien,

– pour la Fédération des promoteurs immobiliers, M. Stéphane Sanz, président de la Fédération des promoteurs immobiliers de La Réunion,

– pour la Fédération française du bâtiment, M. Stéphane Brossard, président de la commission technique de la Fédération réunionnaise du bâtiment et des travaux publics.

Je tiens à excuser Mme Emmanuelle Cosse, présidente de l'Union sociale pour l'habitat, qui n'a pas pu se rendre disponible aujourd'hui. Nous l'entendrons plus tard au nom de l'USH.

Je souhaite la bienvenue à nos participants, que je remercie de prendre le temps de répondre à notre invitation. Je vous passe la parole pour une intervention liminaire de cinq minutes au maximum par organisation, qui précédera notre échange sous la forme de questions et de réponses à commencer par celles de notre rapporteur. Je vous remercie également de déclarer tout autre intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations. Auparavant, je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(Mmes Sabrina Mathiot, Anne Frémont, Nadia Bouyer et MM. Philippe Pourcel, Ibrahima Dia, Stéphane Sanz, Philippe Robin et Stéphane Brossard prêtent serment).

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Sabrina Mathiot, directrice de l'Union sociale pour l'habitat Outre-mer

Je vous remercie de me donner l'occasion de m'exprimer sur la question du logement, et du logement social en particulier dans le cadre de cette commission d'enquête.

En propos liminaire, j'aimerais poser le contexte et dire effectivement que les territoires d'outre-mer sont pluriels. Ils suivent des trajectoires économiques, démographiques et même de politiques et sociales différents et que par conséquent, les situations sont assez diverses d'un territoire à un autre. À cela s'ajoutent les modalités de rattachement institutionnel qui sont différentes et rendent la tâche d'autant plus complexe. Nous avons toujours prôné une espèce de territorialisation de ces politiques de l'habitat, qu'elles soient pensées par territoire. Vous me permettrez d'une part d'avoir des propos relatifs aux politiques de l'habitat pour l'ensemble des territoires et, d'autre part, d'insister sur la différence des situations.

En matière d'habitat public, en tout cas de politique publique de l'habitat social, ces politiques ont démarré tardivement, en rapport à l'Hexagone, dans les outre-mer. Les politiques sociales s'inscrivent pour partie dans les politiques de l'habitat, et le pacte a été appliqué de façon différente et différenciée sur ces territoires. Par conséquent, l'évaluation des politiques de l'habitat qui, à bien des égards, se fait souvent au prisme de la ligne budgétaire unique (LBU) – l'action n°1 du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » de la mission budgétaire outre-mer, correspond selon nous à une approche assez incomplète. Nous appelons à cette vigilance systémique, qui intègre à la fois les interventions des aides de l'État à travers la LBU, la dépense fiscale à travers la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) réduite, mais également la défiscalisation et le crédit d'impôt. Ce sont aussi les crédits gérés en prestations sociales liées au logement par le biais du programme budgétaire 109 « Aide à l'accès au logement » liées aux aides au logement. Il est très important de porter un regard global sur ces trois éléments.

Au-delà, les programmes pluriannuels, qui sont très structurants dans les visions d'un territoire, ou en tout cas dans les politiques d'aménagement du territoire, interviennent également de manière importante. Je citerai l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) et l'Agence nationale de l'habitat (ANAH).

Il s'agit vraiment de dresser un regard complet sur les politiques de l'habitat et de ne pas se concentrer sur le seul angle de la LBU, qui, somme toute, ne construit pas majoritairement les politiques de l'habitat, bien plus larges.

Les bailleurs ici présents s'attacheront sans doute à évoquer les questions techniques liées au foncier. Nous connaissons les problématiques comme l'indisponibilité du foncier, la cherté des coûts de la construction. Le caractère insulaire, à quelque chose près pour la Guyane, et l'éloignement accentuent les difficultés. Nous voyons bien l'impact de la crise de la Covid-19 sur les prix de la construction. De même, la crise russo-ukrainienne a eu un impact beaucoup plus important sur les territoires, entraînant des ruptures de stocks de matériaux et générant une tension évidente. Les territoires sont au final petits, éloignés et rapidement impactés par le contexte international.

Il apparaît nécessaire de regarder de très près l'intervention des textes réglementaires sur les politiques de l'habitat menées outre-mer. Nous reviendrons peut-être sur les questions techniques. J'ai envie de donner deux ou trois exemples pour appuyer mon propos.

Parmi ces critères, que nous avons déjà eu l'occasion de présenter au Sénat, figurent ceux des zonages et des aides personnalisées au logement (APL), réalisés via des arrêtés. Ils interviennent grandement dans les budgets octroyés en outre-mer. Je donne un exemple concret. La situation du logement dans les zones géographiques 1, 2 et 3 intervient dans le calcul des APL. Je vous fournirai dans ma note les différences entre un ménage situé dans les outre-mer et un ménage dans l'Hexagone, même si un amendement a été récemment voté grâce à votre mobilisation à l'Assemblée nationale. Un couple avec deux enfants, soumis à un loyer de 500 euros et disposant d'un revenu de 15 000 euros perçoit 293 euros en métropole et 283 euros dans les outre-mer. Une personne isolée avec un enfant reçoit 238 euros contre 227 euros dans les outre-mer. Il reste quelques ajustements à apporter aux APL. Les textes réglementaires échappent finalement au législateur et nous sont défavorables.

Dans une proportion plus importante, je cite l'intervention du zonage A, B et C en politique fiscale. Un couple dont le revenu s'établit à 3 501 euros et qui demeure à Saint-Denis de La Réunion n'a pas le droit au prêt à taux zéro (PTZ) pour l'accession à la propriété, qui est en panne aujourd'hui sur l'ensemble des territoires alors qu'il faut encourager l'accession pour libérer la tension sur le marché locatif. Si le même couple habitait à Ajaccio, alors que la cité corse se trouve dans la même configuration, il toucherait, en prêt à taux zéro, 85 000 euros sur 25 ans avec un différé de 15 ans. Il est ainsi en mesure d'acquérir tout de suite un bien immobilier.

Ces zonages, qui interviennent dans les politiques fiscales, méritent d'être revues. De nombreux écarts, pour ne pas parler d'inégalités, sont instaurés par ces voies. Je pense qu'il est vraiment nécessaire de s'y atteler.

Des programmes pluriannuels demandent à progresser en termes d'intervention en outre-mer. Je le dis et le répète : ils sont structurants dans les politiques d'habitat outre-mer. L'ANRU comme l'ANAH doivent intervenir en outre-mer, où les territoires sont plus vulnérables. Les structures des ménages y apparaissent très fragiles. Vous connaissez les déciles, les taux d'effort du logement pour nos territoires, qui peuvent aller jusqu'à 55 % sur les premiers déciles. Par conséquent, il nous appartient de mener de politiques plus agressives et engagées. Des écarts se font jour sur les grilles appliquées en outre-mer. La solution est de veiller à une présence ultramarine dans les organes de gouvernance et les programmes pluriannuels.

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Philippe Pourcel, directeur général adjoint en charge du réseau des outre-mer de CDC Habitat

CDC Habitat est un intervenant récent dans les outre-mer, depuis 2018. Aujourd'hui, nos huit filiales assurent la gestion de 94 000 logements, soit la moitié des logements sociaux outre-mer. Nous sommes conscients de la tension des marchés locatifs et nous restons convaincus que le développement du logement social permet d'abord la régulation et ensuite de fournir une offre alternative profitable à la tension des marchés.

Depuis cinq ans, nous avons lancé 14 000 chantiers de logements dans les cinq départements d'outre-mer (DOM), dont 9 500 sont toujours en cours. Ces territoires ont besoin d'une production dynamique du fait de leur forte tension démographique, s'agissant en particulier de la Guyane et Mayotte, mais également La Réunion. Nous devons accompagner ces sujets.

En proportion dans les outre-mer, la production de logements est plus rapide qu'en France métropolitaine, au regard du nombre d'habitants ou du parc existant. Cette production s'avère insuffisante par rapport aux besoins, mais elle est de moitié plus importante que celle des sociétés HLM en métropole.

Aujourd'hui, nos enjeux, au-delà du développement capacitaire, consistent à apporter une amélioration qualitative en matière de réhabilitation des logements, de qualité de ce que nous produisons et d'évolution de la prestation rendue. Nous avons beaucoup développé le service au client, dont l'accès au droit ou l'aide à l'insertion. Nous développons actuellement un important réseau de gardiens et de concierges pour accélérer le traitement des réclamations, améliorer la qualité du rendu et la réactivité. Nous avons pu améliorer les capacités financières supplémentaires grâce à la réduction de la vacance et des impayés, la maîtrise des frais généraux. Nous avons également suivi l'axe important de maîtrise des coûts de construction, à peu près tenu jusqu'en 2022. L'année 2022 s'est révélée un peu compliquée en raison du contexte international et nous avons été impactés sur les prix, encore plus qu'en métropole, au vu des particularités des circuits d'approvisionnement et des sujets de concurrence.

Nous constatons aujourd'hui des sujets importants sur les coûts de revient, liés aux contraintes spécifiques ultramarines (cyclones, séismes) qui renforcent les coûts organiques de construction. Il faut aussi citer les sujets liés au coût et à la rareté du foncier. À cette situation s'ajoutent les sujets normatifs. Les règles supplémentaires s'appliquent outre-mer, où peu de règles nationales sont remises en cause. Nous obtenons donc un effet normatif, qui est plutôt cumulatif. Je mentionne également le problème de l'insularité, qui touche également la Guyane, même si ses barrières sont des fleuves. Ces phénomènes d'insularité impactent quand même durablement les coûts de transport et la faiblesse de la concurrence.

Jusqu'à 2022, un certain nombre de financements ont été mis en place, qu'il s'agisse de la TVA, du crédit d'impôt ou de la LBU. Ils compensaient les contraintes et les coûts de revient. La Cour des comptes a d'ailleurs indiqué que ces prix de revient apparaissent entre 10 et 15 % supérieurs à ceux de la métropole, selon que l'on intègre, ou pas, l'Île-de-France, alors même que nous construisons des logements sans isolation de façade ni même de système de chauffage. Ils sont rarement pourvus d'un ascenseur ou d'un parking enterré. Les ouvrages construits sont plutôt moins équipés que ceux de la métropole et, malgré cette réalité, les surcoûts se situent entre 10 à 15 %. La situation était acceptable, jusqu'à la tension des prix constatée à partir de la mi-2022. Elle constitue un problème réel. Il nous faudra distinguer la part durable et la part conjoncturelle. De nombreuses initiatives ont été initiées dans les dispositifs d'aide. Nous sommes arrivés dans le secteur concomitamment aux Assises de l'outre-mer. Depuis, nous avons vu l'extension du crédit d'impôt aux réhabilitations en zone quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV), la mise en place de l'APL foyer, qui permettra de solvabiliser et de développer les résidences sociales et séniors. Nous comptons beaucoup sur le sujet des équivalences normatives, qui permettront d'éviter le marquage « CE » – « Conformité européenne » – pour acheter dans l'environnement régional, en considérant que les Brésiliens doivent savoir aussi bien construire des logements que nous. Ils ont probablement plus de comparaisons possibles au système constructif en Guyane qu'en Creuse ou en Dordogne. Je comprends que ce sujet arrive en phase de finalisation et il semble important de continuer à le pousser.

Nous avons également noté une tendance durable à hausse de la LBU, l'utilisation pragmatique du Fonds régional d'aménagement foncier et urbain (FRAFU) pour aider à la production de logements et à l'aménagement préalable. La dernière loi de finances laisse voir une prolongation de certains dispositifs fiscaux, qui apportent quand même une certaine visibilité sur une trajectoire de développement. Ces sujets nous paraissent importants.

Je note deux points pour le futur, peut-être. D'abord, un amendement au projet de loi de finances pour 2023, qui portait sur l'extension du crédit d'impôt aux réhabilitations hors QPV, n'a pas été adopté. Ce sont ensuite la crise ukrainienne et l'envolée des cours des matériaux depuis l'été 2022. Nous constatons que ces cours baissent sur les marchés internationaux, mais pas les répercussions dans les appels d'offres. De toutes les façons, certains coûts resteront supérieurs à leur niveau d'avant crise, du fait qu'une partie des coûts de construction provient de la main-d'œuvre. Les augmentations de salaires liées à l'inflation ne seront pas supprimées. Ensuite, les matériaux nécessitant beaucoup d'énergie, à l'instar de l'acier ou de l'aluminium, resteront plus chers qu'en 2020. Nous avons quand même ces points d'attention, même si, pour partie, la bosse d'inflation constatée sur les coûts de construction l'année dernière peut se résorber.

Les sujets non budgétaires nous paraissent aussi importants, dont celui du foncier. La production foncière reste faible et nous avons peu de foncier bonifié pour permettre la construction de logements sociaux.

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Nadia Bouyer, directrice générale d'Action Logement

Je vous remercie d'avoir placé le sujet du logement au cœur de la problématique de la vie chère. Les territoires ultramarins sont aujourd'hui très exposés à un certain nombre d'aléas, qu'il s'agisse des crises économiques mondiales ou des risques. Je ne reviendrai pas davantage sur le constat puisque de nombreuses informations ont déjà été fournies. Je rappelle quand même que le taux de pauvreté est plus élevé dans ces territoires, où nous vivons cet enjeu de la vie chère au quotidien, en essayant de mener des actions pour proposer des logements abordables. C'est l'un des facteurs principaux du pouvoir d'achat des ménages. Chez Action Logement, 41 % de notre parc, composé de 46 000 logements dans les outre-mer, sont situés en quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV). Les occupants de ce parc sont vraiment plus pauvres que nos occupants du parc social à l'échelle nationale. Nous voyons que six ménages sur dix se situent sous les 40 % des plafonds du logement social alors qu'en métropole, nous nous situons à quatre ménages sur dix. Il ressort que 60 % des ménages en outre-mer vivent très modestement contre les 40 % en métropole. Ces personnes apparaissent plus fragilisées par rapport au contexte de la vie chère.

Le lien avec l'emploi est distendu parmi nos locataires puisque seul un tiers des majeurs occupe un emploi. Cette situation suppose un enjeu de retour à l'emploi et d'insertion professionnelle. Lorsque nous regardons les ménages ayant emménagé récemment, plus de la moitié se compose de familles monoparentales. À l'échelle nationale, nous nous situons plutôt à 30 %. Les contextes familiaux laissent souvent voir des mères seules avec des enfants.

Devant cette situation, comment faire du logement un levier de sécurisation pour nos concitoyens ? Il s'agit de sécuriser aussi bien leur parcours de vie que leur développement. Action Logement mène à ce titre quatre types d'intervention. Tout d'abord, il convient d'agir pour produire des logements abordables, améliorer les conditions de vie à travers notre parc et nos filiales. Nous sommes aujourd'hui implantés dans les cinq départements et régions d'outre-mer (DROM), au plus près des territoires. Nous avons des filiales à La Réunion, en Martinique et en Guadeloupe. Récemment, nous avons créé une société de HLM à Mayotte, AL'MA, pour répondre à la très forte demande de logements abordables. Il existe déjà un opérateur de la Caisse des dépôts et consignations, mais un deuxième opérateur intervient désormais au regard des très nombreux enjeux et besoins de logements abordables. Enfin, nous avons lancé, avec l'Établissement public foncier de Guyane, une société immobilière commune, la Société immobilière et foncière d'aménagement de la Guyane (SIFAG), dont l'objet social est de traiter majoritairement ces bâtis de cœur de ville très dégradés afin de pouvoir proposer du logement abordable. Il s'agit aussi de contribuer à la production de logements abordables en Guyane.

L'année dernière, nous avons produit 3 000 logements agréés, dont 1 000 en productions neuves et 2 000 en réhabilitation. C'était l'une des questions du questionnaire indicatif reçu : « Avez-vous, comme prévu en 2022, rénové plus de 1000 logements dans les territoires ultramarins ? ? » En fait, nous en avons réhabilité 2 000 à travers notre plan de rénovation sur l'ensemble du patrimoine d'Action Logement, dont les outre-mer. Nous nous appuyons sur un autre levier d'action, que sont les financements apportés par Action Logement Services. Depuis 2019, Action Logement a mis en place un plan d'investissement volontaire dans les territoires d'outre-mer, avec un financement de 1,5 milliard d'euros sur la période 2019-2022. Environ 900 millions d'euros ont été engagés. Le plan se poursuit en 2023 pour soutenir l'ensemble des acteurs de la production de logements abordables, donc les bailleurs sociaux, mais aussi les investisseurs privés qui contribueront à améliorer l'habitat. Les axes ont été définis avec chacun des territoires en fonction de leurs besoins. Les mêmes financements ne sont pas apportés à La Réunion, en Guadeloupe, à Mayotte, en Guyane ou en Martinique.

Au-delà des financements, nous apportons un soutien spécifique à l'innovation en outre-mer. Nous avons beaucoup à apprendre de ces territoires en matière d'innovation. Nous avons accompagné 70 projets, dont d'innovation technique. Philippe Pourcel parlait des enjeux liés aux questions normatives pour accompagner les avis techniques, mais je pense aussi à la construction en milieu tropical et à l'innovation sociale.

Enfin, nous intervenons, et c'est l'objet d'Action Logement, sur l'axe de l'emploi et du logement, c'est-à-dire l'accès au logement des jeunes, les prêts à l'accession pour les salariés, les aides spécifiques.

Le dernier champ d'intervention concerne les guichets uniques, qui accompagnent l'accession sociale à la propriété. Je voulais rebondir sur les propos de Sabrina Mathiot, en indiquant que nous constatons aujourd'hui une panne de l'accession sociale à la propriété dans les territoires d'outre-mer, en raison principalement de l'augmentation des taux d'intérêt. Elle bloque un certain nombre de partenaires bancaires pour apporter le complément de financement. L'accession sociale, outre-mer, bénéficie toujours de l'APL accession, ce qui est une vraie chance. Je cite également la LBU, les prêts d'Action Logement, mais le petit volet complémentaire est bloqué, ce qui pose une problématique. Il faudrait peut-être revoir ces critères pour permettre aux ultramarins d'accéder à la propriété. Lorsqu'on constitue un patrimoine, il y a cet enjeu de pouvoir d'achat quand on a fini de rembourser son emprunt.

Nous menons une politique très volontariste, comme je l'ai dit, en matière de rénovation, avec le souhait d'accompagner les démarches de décarbonation du parc. L'ambition est d'atteindre l'autonomie énergétique de notre parc social d'outre-mer. Ce sont des territoires ensoleillés, offrant la capacité de recourir à l'autoconsommation, notamment solaire. C'est aussi un enjeu. Nous disposons des solutions techniques, mais il reste encore des améliorations organisationnelles et juridiques à apporter.

Contre la vie chère, il convient de continuer à développer le logement abordable sur l'ensemble des territoires. En Guadeloupe ou en Martinique, on nous dit que la population diminue et qu'il semble justifié de moins construire. Néanmoins, le parc social y est très ancien et l'enjeu consiste à le réhabiliter. Quelquefois, il faut savoir déconstruire pour reconstruire du neuf de qualité, avec des usages plus confortables. C'est aussi un point de vigilance sur l'accélération de l'acte de construire afin de répondre aux besoins des habitants.

L'accélération des réhabilitations constitue un enjeu très fort, à travers un soutien appuyé au crédit d'impôt hors QPV qui nous serait utile. Aujourd'hui, nous lançons des réhabilitations hors QPV, mais un tel soutien permettrait d'accélérer davantage le mouvement. Il s'agit aussi de produire des logements avec des typologies un peu différentes de celles dont nous avons l'habitude. Nous rencontrons des problématiques de vieillissement dans ces territoires, que nous connaissions moins auparavant. Il en ressort de nouveaux enjeux d'habitat pour les seniors, mais aussi pour les jeunes. Cette ambition suppose de regrouper des compétences de gestion des nouvelles résidences sur le territoire. Enfin, l'enjeu de cohésion sociale vise à accompagner le bien-vivre ensemble dans les quartiers.

S'agissant de l'habitat privé, nous faisons face à un enjeu de résorption des bidonvilles et des habitats anciens dégradés. Il nous faut donc soutenir la régularisation foncière, la sortie de l'indivision et accompagner la mutation de ce parc très dégradé.

La démarche suppose enfin de travailler avec l'ensemble de la filière BTP sur ces enjeux de qualité pour montrer que, collectivement, nous produisons du beau et du mieux à des coûts abordables.

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Stéphane Sanz, président de la Fédération des promoteurs immobiliers de La Réunion

Je vous remercie de nous donner la parole au sujet de la problématique du logement en outre-mer. Je ne parlerai que de La Réunion, étant le président de la Fédération des promoteurs immobiliers de La Réunion. Les précédents intervenants ont déjà soulevé la problématique et ce qu'ils reportent sur le logement social se porte également sur le logement privé. Nous constatons une forte augmentation des coûts, due à la crise sanitaire et au conflit entre l'Ukraine et la Russie. Ces évènements n'ont pas facilité l'accès à une partie de nos matériaux et en ont fortement augmenté le coût. Les répercussions sur les coûts de construction ont été assez violentes, que ce soit pour le logement libre ou le logement social. La Fédération des promoteurs immobiliers de La Réunion fait partie des constructeurs de logements sociaux en vente en l'état futur d'achèvement (VEFA) pour les bailleurs sociaux locaux.

Nous rencontrons également une problématique de foncier, vous l'avez rappelé. Le foncier se fait rare, nous sommes sur une île, entre mer et montagne. L'arrivée de l'objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN) à La Réunion nous fait poser de nombreuses questions sur ce qu'il sera encore possible de construire dans les prochaines années. Nous espérons observer une baisse du prix des matériaux dans les prochains mois afin de soulager une partie des coûts de travaux. L'augmentation de 18 à 19 % entre 2018 et 2021 n'a pas été suivie dans les coûts de vente. Nous sommes quand même très proches de la limite du marché. Comme vous le savez, nous avons rencontré en début d'année des problématiques liées au financement de ces logements. Une part importante de nos logements n'a pas pu être financée, ayant conduit à des problèmes de vente et ayant obligé une partie des promoteurs à ralentir leur activité. Cette situation contribue à une espèce d'augmentation du coût des logements. Selon la règle de l'offre et de la demande, ce qui est rare est très cher et les ménages ne parviennent pas forcément à se loger convenablement. On nous remonte régulièrement dans nos réseaux de vente que les jeunes couples percevant une rémunération individuelle entre 2 000 et 2 200 euros ne trouvent pas de logement du fait que les banques ne les accompagnent pas à cause des prix de vente. Il ressort que près de 35 % des dossiers de réservation – nous ne faisons que de la VEFA – ont été annulés en raison notamment des problèmes de financement liés à l'augmentation des coûts de travaux, qui ont fortement influencé les coûts de vente. Les banques ne peuvent plus assurer leur suivi normal.

Nous travaillons en collaboration avec les bailleurs sociaux et nos collègues de la FFB locale, représentée aujourd'hui par Stéphane Brossard, en vue de trouver des solutions. J'ai entendu l'une des personnes évoquer le retrait de la norme « CE » et nous le demandons de vive voix depuis des années. Vous avez pris l'exemple du Brésil mais, à notre échelle, l'Afrique du Sud serait un fournisseur. Ce pays construit également des logements et son marché ne semble pas s'écrouler. Peut-être y trouverions-nous des matériaux avec lesquels travailler. Nous cherchons toutes les solutions possibles et restons ouverts à la discussion.

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Philippe Robin, président de la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM) Océan Indien

Nous représentons les bailleurs privés de la FNAIM à La Réunion, où nous comptons 65 adhérents. Nous ne construisons pas et ne sommes donc pas liés à tous ces phénomènes que l'on connaît. Nous pensons qu'il existe des solutions relatives aux coûts de fret en baissant le nombre de taxes et l'octroi de mer. Ces baisses permettraient à nos promoteurs de lancer les constructions.

Depuis quelques années, nous subissons les hausses de loyer. La Réunion peut être divisée en quatre secteurs : le nord, l'ouest, le sud et l'est, où les prix moyens sont différents. Quelles sont les solutions pour baisser les coûts ? Il faudrait déjà combattre Airbnb. Dans l'ouest de l'île, il devient difficile de se loger et de trouver un loyer correct dans le parc des logements privés. Ce combat contre Airbnb permettrait à des couples de se loger normalement, à des prix décents.

Comme l'a indiqué Stéphane Sanz, nous constatons une baisse des livraisons d'appartements neufs. Il devient difficile, pour les ménages dont les deux membres du couple travaillent, de trouver des prêts.

Je répondrai plus tard à vos questions relatives au logement privé.

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Stéphane Brossard, président de la commission technique de la Fédération réunionnaise du bâtiment et des travaux publics, représentant la Fédération française du bâtiment (FFB)

Mon périmètre d'intervention ne concerne que la construction et la rénovation, en tant qu'acteur et représentant des entreprises présentes à La Réunion. Notre secteur d'activité pèse environ 19 000 emplois. Nous sommes donc un acteur social majeur de l'île et c'est notre première responsabilité.

J'entre dans le détail du coût, qui constitue le sujet du jour. Le coût d'une construction est lié à trois éléments principaux. Le premier, et vous l'avez cité, concerne la main-d'œuvre. Notre convention collective est spécifique à l'île de La Réunion et notre secteur est le seul à disposer d'une convention outre-mer. Nos grilles salariales sont revues tous les ans par une commission placée sous l'égide de la direction du travail et de la préfecture. Nous sommes arrivés au terme du processus de cette année après deux mois et avons abouti à un accord d'augmentation des salaires à plus de 4,1 %, qui reprend l'inflation de 2022. Ce phénomène impactera forcément le coût global du prix final. Notre dialogue social est parfois tendu, mais cette année, aucune grève n'a été décidée, ce qui est un exploit au vu du contexte social général très enflammé. Le coût de la main-d'œuvre constitue un élément essentiel.

Viennent ensuite les produits et la façon de les mettre en œuvre. Pour 90 %, ces produits de construction sont exogènes, importés. Lorsque le fret augmente, nous en ressentons directement l'impact. Une telle situation est apparue après la crise de la Covid-19 et la guerre en Ukraine. L'augmentation du coût de l'énergie impacte directement le coût global d'importation. Nous ne parlons pas du tout du prix du matériau lui-même. Nos sources d'approvisionnement sont principalement européennes. D'un point de vue réglementaire, nous utilisons des produits estampillés « CE », en précisant que des produits issus hors du périmètre européen peuvent être marqués « CE ». Il ne s'agit que d'un marquage et d'un label.

L'élément le plus important qui concentre la gamme des produits possibles pour les entreprises réunionnaises correspond aux avis techniques. Ils sont délivrés par un organisme unique, le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB). Ce système génère, quelque part, une concentration de produits disponibles et une lenteur d'agrément. Les industriels pourraient mettre en œuvre des produits originaires de La Réunion, mais ils sont contraints de consulter le CSTB pour obtenir ce fameux avis technique. Ce premier monopole est créé par le CSTB. Il en résulte des difficultés en termes de vitesse, d'approvisionnement et de coûts du fait que les produits soient limités entre l'offre et la demande.

Le coût global de la construction intègre celui de l'énergie. Ici aussi, nous constatons une situation de monopole d'Enedis (anciennement ERDF). Nous avons aussi un tarif unique de carburant et nous subissons ses augmentations régulières.

En raison de ce système, l'ouverture, dans le sens du marché, n'est pas forcément possible. Je pense que nous sommes tous persuadés, autour de cette table, qu'il est envisageable d'avoir recours à une autre méthode de construction et de trouver des solutions qui répondent aux contraintes. Ce sont les contraintes d'éloignement, mais aussi de spécificités climatiques. Nous avons créé à ce titre une commission miroir du Bureau national de normalisation des techniques de la construction (BNTEC), qui permet d'amender les documents techniques unifiés (DTU) et d'avoir des mises en œuvre de produits adaptés afin de baisser la sinistralité. Cette mesure, mise en place il y a cinq ans, a été diligentée et proposée par le rapport d´information n° 601 de la délégation sénatoriale aux outre-mer sur les normes en matière de construction et d'équipements publics dans les outre-mer du 29 juin 2017. Ce rapport listait 35 mesures, mais, en 2023, seules cinq d'entre elles sont réellement effectives. Il serait opportun de reprendre le rapport, et c'est l'une de nos propositions. Les crises que nous venons de traverser n'ont fait qu'amplifier les problèmes diagnostiqués bien en amont. Il convient de revenir à une méthode de travail facilitant les aspects normatifs et réglementaires. Vous avez la main sur cet aspect réglementaire, c'est-à-dire que nous avons des réglementations spécifiques, la fameuse règlementation thermique aération acoustique DOM (RTAA-DOM) qui intègre des éléments différents des réglementations nationales. Il faut que cette règlementation atteigne enfin ses objectifs. C'est l'une des mesures du rapport sénatorial, qui, malheureusement, n'a pas été mise en œuvre.

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Nous n'avons pas la main sur le réglementaire et c'est bien ce qui crée la séparation des pouvoirs. Je laisse la parole à notre rapporteur pour une première série de questions.

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Ma première série de questions s'adresse à l'Ushom. Pourriez-vous nous dresser un panorama des outils de financement du logement outre-mer ? Lors d'un colloque au Sénat le 26 septembre 2022, vous avez présenté une étude sur les écarts constatés entre les politiques de l'habitat menées outre-mer et celles de l'Hexagone. Pourriez-vous nous en dire plus ? Par quel mécanisme ces écarts ont été instaurés puisque les lois sont votées au Parlement ?

J'interroge CDC Habitat sur les problématiques de concierge rencontrées avec la Société immobilière de la Martinique (Simar). Ils ont fait appel à vous puisque, apparemment, les attributions de leur mission sont appelées à évoluer. Ils deviennent des prestataires de nettoyage par ce que les charges sont récupérables sur les locataires. Est-ce à dire que vous augmenterez les loyers ? Changez-vous les missions de vos salariés pour avoir les moyens de récupérer une partie de leur salaire sur les charges récupérées de locataires ? Est-ce le cas concrètement ? Il me semble que si cette prestation n'est pas assurée par vous, elle l'est par d'autres, des prestataires, qui sont payés. En termes de licenciement, qu'est-ce que cela représente concrètement ?

Pour Action Logement, le groupe est apparemment à double tête puisque nous trouvons Action Logement Services et Action Logement Immobilier. Action Logement Services est financé par les contributions des entreprises de France afin de rendre des services aux salariés en matière de logement. J'aimerais connaître les liens qui existent entre ces deux entités et s'il y a des flux financiers des entreprises vers cette filiale immobilière, d'augmentation de capital notamment. Des distributions de dividendes ou de conventions de frais généraux alimentent-elles le groupe depuis les territoires ?

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Sabrina Mathiot, directrice de l'Union sociale pour l'habitat Outre-mer

J'ai mentionné la LBU, en tout cas les politiques votées, la défiscalisation et, en intervention sociale, les APL. Je n'intègre pas dans cette liste le programme 177 logements d'urgence. Je ne parle que du logement social pour être précise. Ce sont par ailleurs les programmes pluriannuels à travers les interventions de l'ANRU et de l'ANAH. Je vous donne ici le panorama des interventions publiques en la matière.

Pour la LBU, nous sommes passés de 274 millions d'euros en 2010 à 238 millions aujourd'hui, avec une augmentation du périmètre de l'intervention de la LBU. Il est important de le préciser. Les objectifs fixés dans les rapports adjoints au projet de loi de finances sont assez déconnectés des réalités des coûts de construction. Le bailleur pâtit souvent d'un retour d'appel d'offres infructueux, les entreprises ne répondant pas du fait de la déconnexion.

Le deuxième travers est que nous ne parvenons pas à baisser les loyers alors que les revenus des ménages sont très faibles par rapport à ceux de l'Hexagone. Je vous fournirai la grille de loyers. En moyenne, le prix de location mensuel par mètre carré s'établit à 6,23 euros pour un logement social en Guadeloupe, 5,72 euros en Martinique, 6,44 euros en Guyane, 6,22 à La Réunion, 8,76 euros à Mayotte contre 6,05 euros pour la moyenne des logements sociaux. Je rappelle que le parc social d'outre-mer a un âge moyen de 19 ans contre 39 ans dans l'Hexagone. Les bailleurs sociaux, en moyenne, n'ont pas l'assise financière pour apporter des fonds propres dans les opérations et faire baisser les coûts. Ce n'est pas une mauvaise volonté, mais une question de mécanisme financier. Soit la puissance publique en apporte plus, soit le locataire doit le payer, quand bien même ses revenus sont faibles.

Sur la défiscalisation, nous sommes passés de 302 millions à 202 millions d'euros. C'est la raison pour laquelle nous parlons de la nécessité d'étendre le crédit d'impôt en dehors des zones de QPV, d'autant que le zonage QVP est en renégociation. La géographie prioritaire est vraiment à discuter, elle a un véritable impact sur nos politiques de l'habitat et aussi sur les politiques économiques, les politiques sport pour les jeunes, les dispositifs de formation. Je vous fournirai notre note produite à cet effet.

J'ai parlé précédemment des écarts de traitement. Le zonage 1, 2 et 3 a été établi en 1978 et apparaît assez déconnecté de nos réalités. Il produit donc des écarts dans les APL. Le zonage A, B et C intervient dans la taxe sur les logements vacants (TLV), la politique fiscale et les loyers de l'ANAH.

Pour le programme budgétaire 109, dédié aux aides aux logements, je tiens à dire que les APL ne s'appliquent pas dans les outre-mer. Nous avons les allocations de logement à caractère social (ALS) et les allocations de logement à caractère familial (ALF). En 2020, nous avons perdu 52 millions d'euros et nous continuons de descendre dans les aides au logement. Il faut être très attentif sur ces budgets.

Des différences se font jour sur le plafond de ressources pris en compte pour être éligible au logement social et, par conséquent, pour le paiement du supplément de loyer de solidarité. Un couple avec deux enfants touchant 38 200 euros paye le supplément de loyer de solidarité (SLS) dans n'importe quel département des outre-mer. En métropole, pour un montant de 42 400 euros, le même couple ne paye pas le même SLS. C'est un sujet à discuter.

Le décret du 22 décembre 2014 relatif aux modalités de détermination des quartiers prioritaires de la politique de la ville particulières aux départements d'outre-mer a impacté le zonage QPV dans les outre-mer. La pauvreté est caractérisée par parcelles standardisées de 200 mètres de côté selon la méthode des carroyages. Nous avons donné des explications au Sénat. Ce zonage doit être absolument revu. S'il était vraiment instauré de façon égale, sans écart, le crédit d'impôt serait déployé sur l'ensemble des territoires, ce qui répondrait en partie à toutes les problématiques du parc social.

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Philippe Pourcel, directeur général adjoint en charge du réseau des outre-mer de CDC Habitat

Comme je le disais, nous déployons sur l'ensemble de l'outre-mer un réseau de gardiens-concierges. Ils répondent aux attentes des locataires en termes de réactivité de gestion et à l'obligation réglementaire. En Martinique, les personnes dépendaient d'une société extérieure et assuraient une partie des fonctions de gardien, mais pas la totalité. Nous avons simplement appliqué la loi en mettant en place 45 gardiens en Martinique. Les fonctions n'étant pas les mêmes que celles préexistantes à travers la société prestataire, nous n'avons pas procédé à une reprise automatique du personnel, mais nous avons proposé aux salariés d'intégrer la société immobilière de la Martinique (Simar), c'est-à-dire de devenir les salariés de la Simar et non pas d'un prestataire. Plus de 90 % d'entre eux ont répondu favorablement. Ce dispositif a été mis en place en accord avec les salariés, selon le respect de la règlementation. Il a été calculé pour ne pas faire peser de charges supplémentaires en charges récupérables auprès des locataires.

Si j'étends ce sujet à l'ensemble des DOM, ce sont près de 300 empois que nous créerons au sein de cette filière de gardiennage.

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Nadia Bouyer, directrice générale d'Action Logement

J'apporte une petite explication sur l'organisation du groupe. Nous rassemblons aujourd'hui plusieurs entités. Action Logement Services (ALS) collecte la participation des employeurs à l'effort de construction. La participation est versée par l'ensemble des entreprises privées ou agricoles ayant plus de 50 salariés comme prévu par la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « loi Pacte ». ALS distribue ensuite cette participation des employeurs sous différentes formes, puisqu'elle est aussi versée via des subventions ou des prêts dans un cadre conventionnel défini avec l'État. La convention est quinquennale. Le plan d'investissement dont je vous parlais a intégré la convention quinquennale par avenant. La précédente convention quinquennale 2018-2022 est arrivée à sa fin et nous n'avons pas encore de convention 2023-2027. Pour cette année, nous avons établi, selon la loi, un budget dans la continuité de 2022. Aujourd'hui, nous rencontrons d'ailleurs une petite difficulté en l'absence de cette convention pour profiter de visibilité.

Parmi ses interventions, ALS finance l'ensemble du secteur du logement, soit des aides aux personnes physiques, c'est-à-dire les salariés, soit des aides aux personnes morales, des bailleurs du groupe, mais aussi en dehors. Ce sont des subventions et des dotations au capital. ALS finance aussi 72 % de l'ANRU et contribue au programme « Action cœur de ville », avec une quinzaine de communes éligibles en outre-mer.

Il existe des flux financiers entre ALS et Action Logement Immobilier (ALI). ALS finance les opérations portées par des filiales d'ALI à travers les prêts du plan d'investissement volontaire (PIV) notamment pour l'outre-mer, mais ALS apporte aussi des dotations en capital aux filiales immobilières à travers la structure faîtière du groupe Action Logement, qui détient 100 % de deux filiales. Tous les flux y sont contrôlés et passent par une autorisation du groupe au niveau des dotations en capital.

De quelle manière ALI dimensionne-t-elle ses dotations pour ses filiales ? ALI est une holding de participation et elle mène chaque année des dialogues de performance avec les filiales pour étudier leur plan à moyen terme sur les dix prochaines années et regarder leur structure capitalistique et besoin de financement. Cette démarche permet de fixer les objectifs de construction. Une ligne dans la convention quinquennale permet de doter en capital les filiales.

En matière de distribution des fonds, la participation de l'employeur à l'effort de construction (PEEC) représente 14 millions d'euros en outre-mer. La part redescendue dans les territoires, grâce à l'effort du PIV, est vingt fois supérieure ces dernières années. Nous avons pu mutualiser l'intervention d'ALS de cette manière. Pour ALI, il existe un système de dividendes qui remonte des filiales immobilières vers la holding, mais les dividendes des sociétés HLM restent très cadrés. Le code de la construction et de l'habitation fixe des caps, qu'il n'est pas possible de dépasser. Nous la limitons de notre côté, en ajoutant un cap supplémentaire pour empêcher la remontée de dividendes dès lors que les sociétés ne bénéficient pas d'un autofinancement suffisant. Nos sociétés ultramarines remontent peu de dividendes. À l'inverse, elles en reçoivent beaucoup grâce à cette péréquation puisque tous les dividendes reçus par ALI sont ensuite réinvestis dans les filiales. Cela permet de remonter des fonds de filiales en meilleure santé pour les faire redescendre vers des filiales plus fragiles. Nous pourrons vous donner le détail des flux.

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De nombreuses interventions m'ont interpelé. J'aimerais d'abord évoquer la rareté du foncier. Sur une île, la terre est rare et représente la vraie richesse, mais force est de constater des incohérences, comme le fait d'abandonner nos terres pour construire des centres commerciaux à tout va. Le seul parking du centre commercial de Sainte-Marie pourrait permettre de loger environ 300 personnes.

S'agissant des normes d'achat, le fer sud-africain est quatre ou cinq fois moins cher. J'ai longuement échangé là-dessus avec la Fédération régionale du bâtiment et des travaux publics (FRBTP). L'ensemble des députés qui se sont réunis en Guyane en janvier se sont dit favorables aux échanges avec la zone sur les matériaux de construction, ce qui pourrait contribuer à diminuer le coût fini du logement.

Ma question s'adresse à la CDC Habitat. Vous avez parlé des règles normatives et pouvez-vous indiquer ce qu'elles sont ? Elles apparaissent en totale incohérence avec nos territoires d'outre-mer, avec un impact final lourd sur le prix du loyer et donc sur le porte-monnaie des résidents réunionnais, guadeloupéens, martiniquais et mahorais. Je pense que cela concerne parfois les normes liées au climat. Pourrions-nous nous préciser ces normes afin que nous puissions les supprimer dans nos territoires ?

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Je ne doute pas que les acteurs du bâtiment privé, et M. Brossard en particulier, aient des choses à nous raconter à ce sujet. Je passe d'abord la parole à Philippe Naillet et vous répondrez ensuite aux questions.

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Je vous remercie pour la qualité de vos interventions.

Nous avons un enjeu quantitatif, un enjeu par rapport au prix du loyer. Il faut toujours avoir à l'esprit que nos locataires du logement social en territoire ultramarin sont plus pauvres que ceux de l'Hexagone.

Il faut aussi intégrer le phénomène du vieillissement de nos populations. Chez nous, le maintien à domicile est privilégié et la réflexion doit porter sur l'amélioration des logements. Il s'agit par exemple de changer une baignoire, permettre d'installer un lit médicalisé dans une chambre. À La Réunion, nous trouverons dans 30 ans autant de personnes âgées de plus de 65 ans que de jeunes de moins de 25 ans. Un chiffre récent nous semble inquiétant. Il indique qu'entre 2015 et 2050, il y aura trois fois plus de personnes en situation de dépendance à La Réunion. Il faut donc avoir cet enjeu qualitatif pour guider nos actions.

Concrètement, je pose deux questions. Monsieur Pourcel, vous évoquez la base même du logement, c'est-à-dire le foncier. Vous avez mentionné la quasi-inexistence du foncier bonifié. Quelles pistes pouvons-nous suivre au regard de cette réalité ?

Ma question suivante s'attache à la pratique de la VEFA, très utile à un moment pour produire du logement social. En toute objectivité, estimez-vous que la VEFA a contribué à l'augmentation du coût du loyer ? Ces dix dernières années, les loyers ont davantage augmenté que les ressources de nos locataires.

Je partage l'avis de M. Brossard. Il convient de se pencher sur le CSTB, qui n'est plus une clé, mais un verrou.

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Philippe Pourcel, directeur général adjoint en charge du réseau des outre-mer de CDC Habitat

Je réponds à la première question relative aux aspects normatifs, mais je pense que M. Brossard ou M. Sanz pourra également contribuer à la discussion.

Je peux citer les aspects acoustiques, thermiques et de ventilation. Nous constatons des situations un peu extravagantes. Nous dépendons de prescriptions acoustiques alors que nous sommes enclins à vivre les fenêtres ouvertes. C'est déjà une incohérence structurelle.

Concernant les pentes, l'application brutale des normes d'accessibilité nous pousse à réaliser des ouvrages assez invraisemblables, avec des rampes interminables par exemple. Des sujets d'accessibilité se posent au regard de la topographie de nos territoires, ainsi que des sujets de transcription de règles nationales qui ne suivent pas de logique d'application.

Je pourrai diffuser auprès des membres de la commission nos fiches consacrées à ce sujet, qui s'appliquent toujours. Plutôt que de simplifier les normes, on a ajouté à une norme d'accessibilité le fait de passer d'obligation d'ascenseur des bâtiments d'habitation collectifs neufs de plus de trois étages (R+4) aux bâtiments comportant plus de deux étages (R+3). Les normes ont été simplifiées alors que les prescriptions ont augmenté.

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Je ne commente pas les notions d'accès par ascenseur. La loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite « loi Élan », qui a suscité un grand débat, a correspondu à une sorte de contrepartie et de passage de la notion de logement adapté, qui n'a pas été sans conséquence sur les coûts de construction, à celle de logement adaptable, ce qui n'est pas tout à fait la même chose. Il a fallu trouver une sorte d'équilibre à cet égard.

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Philippe Pourcel, directeur général adjoint en charge du réseau des outre-mer de CDC Habitat

Je réponds à Philippe Naillet sur les aspects de foncier bonifié. Le foncier bonifié suppose déjà la présence de foncier. Plusieurs pistes d'analyse se dessinent. S'agissant du ZAN, la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ouvre des opportunités aux régions pour inscrire des amendements à cette règle dans leurs schémas d'aménagement. Il serait intéressant de les indiquer directement dans la loi. Dans les territoires concernés par la pression démographique, des questions se posent sur la logique du ZAN, qui se tamponne à d'autres contraintes en outre-mer. Je cite par exemple la contrainte de ne pas construire de logements sociaux dans les QPV. Je crois qu'il existe deux ou trois fois plus de QPV en outre-mer qu'en métropole. Nous ne pouvons pas construire dans les QPV, nous ne pouvons pas déclasser les terrains. Il faut aussi mentionner la contrainte particulière, qui est celle liée aux coûts des opérations de désamiantage, d'un niveau extravagant, du fait du transport des déchets pour y être traités en métropole.

Si nous ne pouvons pas lancer les opérations de rénovation urbaine en raison des coûts de démolition élevés, si nous ne pouvons pas ouvrir des terrains à l'urbanisation et si les terrains, encore plus largement que dans autres départements, se retrouvent impactés par la loi du 3 janvier 1992 sur l'eau et la loi du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dire « loi Littoral », il faudra se demande où nous serons en mesure de construire.

De nombreuses collectivités d'outre-mer sont déjà au-dessus des taux de logements sociaux imposés par la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain, dite « loi SRU ». Il serait utile de savoir comment les inciter à continuer à produire du logement social. Une nouvelle fois, la question sur les zones ouvertes à la construction finira par se poser.

L'autre point est en rapport avec le Fonds régional d'aménagement foncier et urbain (FRAFU). Les collectivités ultramarines font face à des contraintes financières fortes. Bonifier le foncier et les bilans de zone d'aménagement concerté (ZAC) sans crédit d'investissement disponible rend la démarche inaccessible à certaines collectivités. Je ne sais pas quel mécanisme de substitution pourrait être trouvé.

Les établissements publics fonciers (EPF) fonctionnent bien en Guyane et commencent à être déployés à Mayotte. Dans les autres territoires, les besoins sont peut-être de nature différente, mais il faudrait quand apporter des abondements à ces EPF pour avoir plus de capacités à bonifier les montages dès lors que certaines collectivités ne peuvent pas le faire directement. Ce serait un vrai sujet. Depuis cinq ans à La Réunion, nous n'avons pas identifié la moindre ouverture de ZAC. La programmation foncière à travers des opérations d'urbanisme est le point majeur pour développer le foncier. Ces contraintes viennent se superposer. Si on ne construit pas dans les communes carencées, dans les QPV, dans les zones impactées par la Loi Littoral ou sur les terrains agricoles déclassés, où construire ?

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Il convient de citer également les terrains frappés d'indivision successorale.

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Philippe Pourcel, directeur général adjoint en charge du réseau des outre-mer de CDC Habitat

Pour les VEFA, nous n'avons de différence de prix significative entre les prix de revient en VEFA et les prix d'ouvrage en maîtrise d'ouvrage interne.

Il faut continuer de travailler sur la qualité des services des ouvrages livrés, comme c'est le cas à La Réunion. Nous avons de vrais sujets de désordre constructif, que ce soit des immeubles construits en propres ou achetés en VEFA. Ces sujets renvoient à un travail à mener sur les normes, les organisations professionnelles et les formations.

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Sabrina Mathiot, directrice de l'Union sociale pour l'habitat Outre-mer

La question foncière est effectivement prégnante et différente d'un territoire à l'autre. Des outils pourraient être déployés, mais peinent à l'être parce qu'ils ne sont pas adaptés. L'Office foncier solidaire (OFS) aurait pu être un outil, mais il ne donne pas le droit à l'application des APL ni au crédit d'impôt dans le cadre de la construction du logement social. Nous vous avons envoyé, lors de la loi de finances, les amendements qui auraient pu rendre cet outil opérationnel. Nous en revenons toujours à la question du financement.

Sur les normes et le marquage CE, j'appelle à la vigilance. Ce n'est pas tout de dire que l'on va permettre les matériaux qui ne sont pas CE s'ils appellent des surprimes en matière de dommage ouvrage dans le bilan des bailleurs sociaux. Cela veut dire qu'il faut retoucher la loi du 4 janvier 1978 relative à la responsabilité et à l'assurance dans le domaine de la construction dite « loi Spinetta » qui touche à la question de l'assurance dommages ouvrage.

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Stéphane Brossard, président de la commission technique de la Fédération réunionnaise du bâtiment et des travaux publics, représentant la Fédération française du bâtiment (FFB)

On a tendance à tout mélanger en matière de normatif. Il faut distinguer le normatif du réglementaire. Le normatif concerne principalement les normes de type DTU qui régissent les manières de construire et de mettre en œuvre les matériaux. Les avis techniques entrent dans le périmètre du normatif et vous avez les conformités de produits, dont le label CE.

Notre stratégie est d'avoir un approvisionnement en matériaux plus ouverts qu'actuellement. Je ne reviens pas sur les contraintes de la fermeture du marché que le système, et je ne nomme personne, a produit en outre-mer.

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Je vous demande nommer les choses puisque nous sommes au cœur des problèmes qui contribue au niveau des prix. Je veux bien cette information.

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Stéphane Brossard, président de la commission technique de la Fédération réunionnaise du bâtiment et des travaux publics, représentant la Fédération française du bâtiment (FFB)

Le fait d'avoir des avis techniques délivrés par un seul organisme, centralisé au niveau national, créé des difficultés dans l'obtention d'une gamme plus ouverte de produits disponibles. Nous pourrions pourtant de profiter d'une politique d'offres et de demandes plus maîtrisée.

Nous proposons de créer, d'abord La Réunion ou aux Antilles, des organismes de conformité produit délocalisés. La sinistralité fait partie de nos préoccupations premières. Il faudrait pouvoir travailler sur la performance du produit, son équivalence en termes de produit européen. Nous faisons face à des contraintes climatiques spécifiques. Le Centre d'innovation et de recherche du bâti tropical (CIRBAT) à La Réunion est capable de réaliser des essais air, eau et vent (AEV) que ne fait pas le CSTB. Ces essais AEV intègrent la pression du vent cyclonique. Nous sommes donc capables de confirmer, bien au-delà de ce que fait le CSTB, la conformité d'un produit, notamment de menuiserie. Nous pourrions avoir le marché de l'océan Indien et celui de l'Atlantique à travers la mise en place de deux organismes locaux de conformité produit. Nous avons les experts et une université dotée d'un laboratoire, le laboratoire PIMENT (physique et ingénierie mathématique pour l'énergie, l'environnement et le bâtiment) déjà pourvu de compétences grâce aux jeunes Réunionnais. Il faudrait pouvoir travailler dans ces organismes pour garantir une conformité vis-à-vis de l'exigence demandée avant la mise en œuvre des produits. Nous demandons cette autorisation.

Nous savons bien ce qu'est la règlementation à La Réunion. La situation est différente aux Antilles du fait de la règlementation thermique martiniquaise (RTM) ou guadeloupéenne (RTG). Nous avons la réglementation thermique, acoustique et aération DOM (RTAA-DOM), qui génère des surcoûts au regard de l'obligation de moyens, et non pas de performances. Nous sommes obligés de mettre des moyens d'isolation, de protection solaire, d'ouverture de façade. En raison du climat tropical humide et cyclonique, il nous faut garantir l'étanchéité des façades. Qu'avons-nous avec l'arrivée de la RTAA-DOM ? Une multiplication des sinistres liés à des façades ouvertes. Les passerelles de distribution sont latérales et ouvertes aux ventes, notamment aux alizés, en permanence. Cette situation climatique génère des infiltrations et des migrations d'humidité.

Je vous propose de lire le rapport rédigé par des experts d'assurance, qui se penche sur vingt ans de pathologies à La Réunion. Il est riche d'enseignement.

Nous essayons de trouver des solutions. C'est la raison pour laquelle nous travaillons sur les DTU. Les additifs sur les DTU nationaux permettraient d'intégrer ces problèmes de généralisation des sinistres par la mise en place de la RTAA-DOM et de l'accessibilité aux personnes à mobilité réduite (PMR), avec la suppression des seuils les coursives soumises aux intempéries. Nous avons eu une accumulation de sinistres importants.

Je reviens sur l'accessibilité PMR. Elle a supprimé les seuils, mais a créé les rampes. Sur une orographie générale de 15 % à La Réunion, vous voyez le coût et le surcoût de terrassement sur des terrains rocheux. Les lots voirie et réseaux divers (VRD) ont pris entre 25 et 30 %. Le foncier est cher et l'aménager devient très cher. Le coût de construction se surenchérit avec cette RTAA-DOM. Le coup de grâce est d'avoir une règlementation sismique alors que nous n'avons pas de séisme ni de désordre lié aux séismes. Il est dit que le sismique ne s'applique pas aux logements, mais aux établissements recevant du public (ERP). Lorsque vous construisez des logements, vous prévoyez des boutiques au pied des immeubles, éventuellement une crèche, et l'ensemble du bâti entre dans la règlementation sismique. Il en ressort un surcoût de 4 %, alors que nous voyons que des opérations ne sont pas menées en raison de surcoûts généralisés inférieurs à 3 %. Les exigences réglementaires sont au-delà de la capacité du marché de les absorber.

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Je remercie nos invités pour leurs explications denses et claires. Ils ont déjà répondu à quelques-unes de mes questions. Quel serait l'intérêt d'avoir un organisme de foncier solidaire (OFS) sur l'ensemble des territoires ? Il a été expliqué que cette démarche n'arrangerait pas les choses. Il faut permettre à une partie de nos populations d'accéder aux logements lorsque nous connaissons la précarité locale.

Quelles seraient les mesures qu'il faudrait mettre en place pour permettre d'accéder aux logements, alors qu'ils sont beaucoup plus chers ? Un effort doit être consenti en faveur de l'aménagement des parcs de logements, où, assez souvent, on ne trouve pas d'espaces d'épanouissement pour les jeunes, ce qui génère parfois des difficultés d'inclusion sociale.

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Nadia Bouyer, directrice générale d'Action Logement

Pour nuancer cette question des désordres constructifs, vous l'avez bien dit, il y a eu un effet RTAA-DOM, avec une multiplication des sinistres. Il faut aussi mentionner l'effet d'apprentissage des acteurs. Dans le l'inconscient ou le conscient collectif, notamment à La Réunion, il existe cette idée que les professionnels ne construisent pas bien. Il est important d'objectiver cela. Une initiative me semble utile, celle de l'observatoire de la sinistralité partagé avec l'ensemble des acteurs. Il est appelé à se mettre en place avec l'Agence qualité construction, et donc les assureurs, pour permettre de renforcer les préconisations sur les évolutions futures et d'adapter les DTU voire les évolutions réglementaires.

Les organismes de foncier solidaire entrent dans la gamme des outils qu'Action Logement souhaite solliciter à Mayotte pour notre nouvel opérateur. Il doit pouvoir devenir OFS afin de permettre le prêt d'accession sociale à la propriété.

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Il ne faut pas oublier que ce sont les entreprises du territoire qui financent les établissements publics fonciers. Il convient donc de trouver un équilibre.

Par ailleurs, le zonage réglementaire revient aux collectivités locales, au sens des règlements de l'urbanisme.

Nous parlons du logement social, vous en êtes des acteurs importants, mais nous parlons aussi d'attractivité du territoire et du maintien des compétences. Le tissu urbain n'est-il pas un facteur à regarder dans cette attractivité ? L'une des questions posées consiste à savoir pourquoi les jeunes diplômés ultramarins quittent leur territoire, notamment en Martinique. Le tissu urbain ne joue-t-il pas un rôle en la matière ? Une question se pose-t-elle sur le logement intermédiaire, et pas uniquement le logement social ?

De l'autre côté du spectre, vous avez abordé les sujets de résolution des bidonvilles et des logements indignes et informels. J'aimerais connaître votre ressenti sur ce sujet, qui pèse sur la pauvreté.

Existe-t-il une difficulté locative liée à la solvabilité des personnes qui peuvent être logées ? Pèse-t-elle sur les perspectives de programmes et sur l'accès aux crédits. Nous avons mentionné les difficultés liées aux APL, mais il faut aussi parler du crédit bancaire normal.

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Stéphane Sanz, président de la Fédération des promoteurs immobiliers de La Réunion

Vous soulevez le problème de l'intermédiaire, qui se pose. Nous l'appelons aussi l'intermédiaire social libre. Nous rencontrons de plus en plus de difficultés à produire du social et du très social, en relation avec les propos de M. Brossard sur le bilan économique des opérations. Nous nous dirigeons naturellement vers l'intermédiaire, qui n'est pas beaucoup plus facile à produire. Les loyers étant un peu plus élevés, les opérations s'équilibrent plus facilement pour les bailleurs sociaux.

Sur la partie libre, les problèmes se posent aussi. Nous vivons, à la Réunion, l'ère des propriétaires. Lorsqu'un logement est ouvert à la location, vous recevez une vingtaine de demandes en deux ou trois jours. Quelque part, le propriétaire fait le choix de son locataire et rencontre moins de problèmes d'impayés puisqu'il sélectionne les meilleurs dossiers. Cette situation pose un problème majeur à ceux dont les dossiers ne sont pas les meilleurs et rencontrent par conséquent des problèmes pour se loger. La raison est simple. Je me suis renseigné sur ce fameux cycle « ère locataires et ère propriétaires ». À l'époque de la loi du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer, dite loi Girardin, nous étions dans l'ère des locataires, avec 200 demandes de location pour le double de logements. Les locataires dictaient les règles du jeu et du marché. Aujourd'hui, le problème s'est inversé. Il faudrait revenir à une espèce d'équilibre entre ces deux cycles afin que le marché trouve un rythme régulier.

On produit de moins en moins, avec une perte de production de 20 % sur le logement neuf depuis 2016. L'article 5 de la loi du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, dit loi Pinel outre-mer, redonne un élan au logement libre grâce aux investisseurs. On recommence à produire de manière forte. En 2020 ou 2021, le marché rechute, se traduisant par moins de 600 logements neufs livrés chaque année, un niveau inacceptable puisqu'il en faudrait bien davantage. Je vous renvoie à l'étude de l'Insee sur le nombre de logements nécessaires à La Réunion entre 2013 et 2035. Nous sommes très loin du compte.

L'intermédiaire répond en partie aux problématiques locatives. Joue-t-il sur l'attractivité du territoire ? J'aurais tendance à le penser. L'absence de nouvelles ZAC depuis des années doit nous pousser à considérer la politique d'aménagement du territoire de La Réunion de manière globale.

Vous avez parlé d'OFS et, à ce titre, l'étude actuellement menée par le Territoire de la Côte Ouest porte sur la mise en place potentielle d'un OFS à La Réunion. La Fédération avait porté ce sujet il y a deux ou trois ans, ce n'était pas le bon moment pour en parler. Nous suivons cette démarche avec beaucoup d'attention.

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Les questions de démembrement de la propriété forment une piste intéressante à suivre.

En tant que FNAIM, vous êtes administrateur de biens et gérez les rapports entre bailleurs et locataires. Voyez-vous des tensions particulières dues à un décalage entre la capacité de paiement des locataires potentiels et les desiderata des bailleurs ? Je reprends l'expression de M. Sanz, qui parlait de l'ère des propriétaires et l'ère des locataires. De quelle manière ressentez-vous cette situation ?

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Philippe Robin, président de la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM) Océan Indien

Comme le disait Stéphane Sanz, nous dépendions, de 2006 à 2009, de la loi Girardin avec souvent beaucoup plus d'offres à proposer à nos locataires qu'aujourd'hui. La tendance s'est inversée. Nous avons très peu d'offres, en raison notamment du nombre de logements neufs proposés chaque année. Nous manquons de logements.

Le prix du loyer dans le neuf est plafonné par la loi Pinel, qui se situe à 10,38 euros par mètre carré dans le logement social. En libre, ce montant serait nettement supérieur. Comme je l'ai dit, La Réunion est partagée en quatre zones et plus le logement est grand plus le prix diminue légèrement. À l'ouest, pour un T1 ou un T2, nous nous situons au-delà de 16 ou 17 euros le mètre carré, alors que dans l'est, on se rapproche des 11 ou 12 euros. Vous voyez la différence.

Y a-t-il aujourd'hui plus d'impayés qu'avant ? Pas forcément. Un nombre croissant de bailleurs privés fait appel à des garanties de loyer impayé. Ce sont souvent ces assurances qui choisissent le locataire. Ce n'est même plus nous qui sommes à l'origine de ces dossiers. D'ailleurs, nous sollicitons les propriétaires à prendre une telle assurance parce que nous savons qu'il y aura de plus en plus de dossiers à gérer.

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Nadia Bouyer, directrice générale d'Action Logement

Je réponds à votre question sur l'attractivité des territoires. Comment faire revenir les jeunes qui sont partis suivre leurs études en métropole ? Il manque ce segment de logements intermédiaires lorsqu'on revient et qu'on prend un emploi. C'est l'un des axes du plan d'investissement volontaire, notamment à La Réunion, afin de développer les logements intermédiaires. Nous en avons financé plus de 3 000, ce qui montre le besoin.

En Martinique, nous proposerons, au sein de notre filiale immobilière, 50 logements dédiés à la mobilité, c'est-à-dire destinés aux personnes qui arrivent pour occuper un emploi. Elles pourront y vivre en attendant de trouver un logement pérenne. La démarche se fait en lien avec la collectivité de Martinique, en apportant ces logements intermédiaires.

Vous avez parlé des bidonvilles. Le sujet est très compliqué en ingénierie. Nous étions à La Réunion et Mayotte la semaine dernière. Nous produisons du logement social pour reloger des personnes qui sont aujourd'hui dans un habitat informel. Il faut du logement locatif très social (LLTS). Douze familles vont entrer prochainement dans ces logements. Même parmi ces habitants, nous aurons du mal à faire entrer certaines familles, qui devront apprendre à payer la facture d'électricité. Elles viennent d'un milieu informel, où il n'y a pas cette relation entre le bailleur et le locataire. Il en résulte une nécessité d'accompagnement social, l'une des cordes que les bailleurs sociaux doivent ajouter à leur métier. Il ne s'agit pas seulement de produire, mais aussi d'accompagner ces personnes.

Nous avons d'autres problématiques, comme à Saint-Laurent-du-Maroni en Guyane, où nous ne trouvons pas de petites grappes d'habitats informels. Ce sont vraiment des surfaces très importantes, où vivent des milliers de personnes. La méthode à appliquer est plutôt celle de régularisation foncière. Comment refait-on un découpage parcellaire et comment rendre ces gens propriétaires ? Il convient surtout de viabiliser les surfaces. Il faut des fonds pour accompagner la viabilisation. Nous avons mis en place des prêts à taux zéro, qui peuvent atteindre les 100 000 euros. Ils permettent de terminer ou d'améliorer son habitat. Néanmoins, la démarche ne fonctionne pas très bien, quasiment pas en Guyane. À Mayotte, elle commence à porter ses fruits. Nous avons reçu 200 dossiers de personnes qui souhaitent terminer leur logement. Sur ces 200 demandes, 40 sont transformées en trois ans. Beaucoup d'entre eux n'ont pas le titre de propriété. Il y a cet enjeu de régularisation foncière, même si nous avons fait preuve de souplesse dans nos critères.

Nous avons une dynamique en place et il faut pouvoir la poursuivre dans la durée et agir sur tous les leviers. Nous pouvons accompagner la personne sur place ou bien construire dans un lieu rapproché.

S'agissant des ZAC, j'ai rencontré un maire la semaine dernière, qui exprime sa volonté de construire à La Réunion, mais ses projets de ZAC sont bloqués. Il faut savoir comment soutenir ces maires bâtisseurs. Nous revenons à un champ de contraintes urbanistiques énormes, comme la loi sur l'eau, les pentes, la loi Littoral. Il faut prévoir un lieu dans ces territoires permettant de décliner ces règles d'urbanisme à ces spécificités. Il aiderait grandement à ravoir une vision d'aménagement. Le champ et les enjeux environnementaux sont tels qu'il est facile de bloquer tous les projets. Il nous reste trois ans avant la fin de mandat des maires et ces sujets seraient intéressants. Ce que vous dites sur les DTU pourrait être décliné sur l'urbanisme également.

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Philippe Pourcel, directeur général adjoint en charge du réseau des outre-mer de CDC Habitat

J'ai peu parlé d'intermédiaire, mais c'est un créneau important dans la régulation du marché et dans l'équilibre entre propriétaires et locataires. C'est une part minoritaire dans l'absolu de la production au regard de la sociologie. Dans les territoires en développement, l'offre est absente. En Guyane, on construit des logements pour des gardiens de prison, pour l'extension du centre hospitalier de Saint-Laurent-du-Maroni. Ce sont des secteurs sans offres à proposer à ces personnes, qui ne vont pas nécessairement correspondre aux plafonds du logement social. Pour autant, ils seront nécessaires à l'évolution du territoire. La même constatation vaut pour les établissements d'enseignement qui ouvrent à Mayotte. Il faut loger les professeurs et les personnels techniques. Là encore, les gens vont entrer, ou pas, dans les plafonds du logement social. C'est un vrai sujet d'offres.

Il convient de conserver, dans le parc locatif, les logements issus de la sortie de périodes de défiscalisation. Aujourd'hui, nous faisons face à des complexités pour monter ces opérations. Dans certains cas, nous ne pouvons pas les conventionner une deuxième fois alors même que nous aurions un intérêt manifeste à garder ces logements dans le parc locatif pour réguler l'offre et les marchés locatifs.

S'agissant des bidonvilles, des expérimentations sont en cours à Mayotte et en Guyane, à travers des logements adaptés. Nous verrons quel sera le modèle de logement, qui sera une marche vers la sortie du bidonville, et quelle sera la nature des prestations pour ces produits pour qu'ils puissent être reproductibles en masse. À Mayotte, on parle de reproductions en masse. En Guyane, le système est un peu différent. Les constructions spontanées sont plus en dur et plus proches de ce que nous qualifions de logements. Un sujet de régularisation serait plus opérant qu'un sujet de reconstruction.

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Sabrina Mathiot, directrice de l'Union sociale pour l'habitat Outre-mer

Le budget au sein de la LBU consacré aux bidonvilles est passé de 13 % en 2010 à 8 à 9 % en 2020. Après la loi du 27 décembre 2018 visant à faciliter la sortie de l'indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer, dite « loi Letchimy », les collectivités se sont outillées, mais les opérations peinent à démarrer. Je cite aussi l'instruction du Gouvernement du 25 janvier 2018 visant à donner une nouvelle impulsion à la résorption des campements illicites et des bidonvilles, qui est circonscrite à l'Hexagone, alors que la loi du 14 décembre 1964 tendant à faciliter aux fins de reconstruction ou d'aménagement, l'expropriation des terrains sur lesquels sont édifiés des locaux d'habitation insalubres et irrécupérables, communément appelés "bidonvilles", dite « loi Debré », est née à La Réunion. D'où l'importance de cette programmation pluriannuelle plan logement 3, qui devra être signée, pourquoi pas par la Première ministre, pour obtenir un engagement fort. Le caractère pluriannuel est d'autant plus nécessaire. On demande à Action Logement de faire des plans d'investissement pluriannuels, on demande aux bailleurs de faire des plans stratégiques patrimoniaux, on appelle à faire la même chose au niveau des politiques publiques.

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Stéphane Brossard, président de la commission technique de la Fédération réunionnaise du bâtiment et des travaux publics, représentant la Fédération française du bâtiment (FFB)

Je suis dans la construction à La Réunion depuis 30 ans et je n'ai vu une production aussi faible en logement social, intermédiaire et libre. On descend en dessous de 2 000 logements cumulés sur l'ensemble du secteur d'activité alors qu'on a connu, dans le passé, jusqu'à 8 000 à 10 000 logements construits par an. C'est une catastrophe économique et ce sera une catastrophe sociale. Nous demandons de travailler sur les trois piliers dont j'ai parlé, dont le coût de la main-d'œuvre en baissant les charges et non les salaires. Nous demandons depuis trois ans la compétitivité renforcée pour le secteur du BTP. On nous dit que c'est un problème de concurrence, mais on est train de favoriser le travail au noir qui est la première des concurrences. Il faut donc impérativement baisser le coût du travail. Il faut ensuite revenir à un système dérogatoire de cinq ans, c'est le minimum pour lancer les opérations et pouvoir déroger à la règlementation « produit » et par rapport à nos propositions d'organisme local de conformité. Nous voulons des réglementations adaptées, comme la règlementation performancielle, que nous voulons tout de suite.

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J'ai de nombreuses questions et j'attendrai donc des réponses écrites.

Pour l'Ushom : pourriez-vous donner trois ou quatre mesures pour dynamiser la production et la réhabilitation des logements au niveau de la conduite des politiques de l'habitat et au niveau opérationnel ? Pensez-vous que le bail solidaire est une solution en outre-mer ? Que pensez-vous de la ventilation de la LBU par territoire, mais aussi du transfert de la LBU aux collectivités ?

Pour CDC Habitat : je vous demanderai de me fournir la partie du règlement qui impose que les concierges deviennent des hommes et des femmes de ménage. Vous avez dit qu'il n'y aurait pas de charges récupérables et donc d'augmentation du loyer des locataires par rapport à cette modification d'organisation que vous mettez en place. Donnez-nous une attestation qui dit que dans les cinq ans qui viennent, les charges de loyer n'augmenteront pas pour les locataires de la Simar suite à ce changement d'organisation.

Vous n'avez pas répondu à la question du nombre des hommes et des femmes de ménage, qui font le travail que devront faire les concierges, et qui seront licenciés. Il faut surtout me donner les montants précis d'économies que vous allez réaliser en mettant en place cette mesure.

Vous êtes propriétaires de bailleurs sociaux, donc de CDC Habitat. Quels sont les liens entre ces deux entités ? Y a-t-il des distributions de dividendes et de conventions de frais généraux qui alimentent le groupe depuis le territoire ? Merci de nous fournir, s'ils existent, ces dividendes.

Pour Action Logement : je demande également de nous communiquer la partie des dividendes. Vous avez mentionné les moyens financiers importants qui descendent et il serait intéressant d'avoir un tableau croisé pour permettre une analyse fine de la situation.

Avec la crise énergétique et l'augmentation du coût de l'énergie, vous avez mis en place, pour les locataires défavorisés, une aide qui monte jusqu'à 600 euros, mais qui n'a pas été déployée en outre-mer. Pourquoi ? Nous n'avons peut-être pas le froid, mais nous avons la chaleur. La climatisation fait partie des dépenses d'énergie obligatoires compte tenu des niveaux de chaleur actuels.

Sur le reliquat outre-mer de 1,5 milliard, c'est-à-dire 600 millions d'euros sur le plan d'investissement volontaire, que comptez-vous faire ? Quel usage avez-vous prévu de faire de ces 600 millions d'euros restants qui n'ont pas été consommés ?

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Pourquoi cette aide de 600 millions n'a-t-elle pas été déployée en outre-mer ? Nous n'utilisons pas le chauffage, mais certains habitants sont contraints d'utiliser la climatisation.

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Stéphane Sanz, président de la Fédération des promoteurs immobiliers de La Réunion

Je souhaite juste rebondir sur les propos de Stéphane Brossard. Le fait que l'on produise beaucoup moins s'accompagne d'un effet pernicieux. Les entreprises qui avaient la capacité de faire des logements collectifs en volumes, au-delà de 50 ou 60 logements deviennent de plus en plus rares. Ces entreprises se scindent en entités de 5, 10 ou 15 salariés et elles ne peuvent plus prétendre à répondre aux appels d'offres relatifs au logement social, privé ou intermédiaire. Nous parlons d'appels d'offres infructueux, qui deviennent de plus en plus communs.

J'alerte sur l'outil de production. Le fait qu'on ne produise pas assez fait qu'on ne peut pas maintenir un certain nombre d'entreprises à flot. Elles deviennent de petites entreprises spécialisées en réhabilitation, sans pouvoir répondre aux appels d'offres.

Vous connaissez le principe de l'offre et de la demande. Quand des gens demandent à faire construire et que peu d'entreprises peuvent répondre, les prix augmentent, car il risque d'y avoir des pénalités de retard. De manière déstructurée, on vient réaugmenter ce coût. Le fait de continuer à produire pour maintenir les entreprises à flot est important.

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Je vous remercie pour vos contributions et vous invite à répondre par écrit au questionnaire qui vous a été envoyé, ainsi qu'aux questions posées par le rapporteur.

Puis la commission auditionne M. Hervé Mariton, ancien ministre de l'Outre-mer, président de la Fédération des entreprises des outre-mer (FEDOM), et M. Laurent Renouf, délégué général de la FEDOM.

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Nous poursuivons nos auditions en entendant les représentants de la Fédération des entreprises des outre-mer (FEDOM) : M. Hervé Mariton, son président, par ailleurs ancien député et ancien ministre des outre-mer, et M. Laurent Renouf, délégué général.

Messieurs, je vous souhaite la bienvenue et vous remercie de prendre le temps de répondre à notre invitation. Je vous passe la parole pour une intervention liminaire d'environ 10 minutes, qui précédera notre échange sous forme de questions et réponses, à commencer par celles de notre rapporteur.

Je vous remercie également de déclarer tout autre intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations. Auparavant, je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(MM. Hervé Mariton et Laurent Renouf prêtent serment).

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Hervé Mariton, ancien ministre de l'outre-mer, président de la Fédération des entreprises des outre-mer (Fedom)

M. le président, Mmes et MM. les députés, nous venons devant dans le cadre de cette commission d'enquête sur le coût de la vie outre-mer en tant que Fédération des entreprises des outre-mer. La Fedom est une association à but non lucratif, dont l'objet est la défense des entreprises ultramarines et la promotion des économies des outre-mer au service de l'ensemble des entreprises et sur l'ensemble des territoires ultramarins, autour d'une conviction, celle qu'il n'y a pas d'avenir des outre-mer sans développement des entreprises. La Fedom est composée d'adhérents, structures d'entreprise ou entreprises adhérant directement, qui élisent un conseil d'administration qui lui-même élit le président.

Sur la structuration et la gouvernance de la Fedom, nous avons cinq vice-présidents, dont deux sont issus des milieux de la distribution ou des entreprises grossistes. S'agissant des plus grands groupes de distribution, je cite le groupe Bernard Hayot (GBH), qui participe activement à un certain nombre de commissions de la Fedom. Il ne détient pas de mandat au sein du conseil d'administration du bureau de la Fedom. J'évoque un autre distributeur important de moindre dimension, le groupe SAFO. Son président, François Huyghues Despointes, est membre du conseil d'administration de la Fedom et je crois que vous l'auditionnez cet après-midi.

La Fedom est organisée autour de commissions et sur ses cinq commissions, le plus grand nombre de présidents est issu des milieux de l'industrie, du tourisme et du service. Je signale que notre commission maritime et énergie est coprésidée, jusqu'à présent, par un représentant de CMA CGM.

Nous ne sommes pas un institut d'analyse économique ou d'information statistique. Certains de nos travaux mobilisent des données, mais il y a, comme souvent, des limites justifiées par le secret des affaires, la carence des données outre-mer et le non-dépôt assez fréquent des comptes.

Le coût de la vie est le résultat d'équilibres et de déséquilibres. Il est différent d'une région à l'autre. Au sein même de la République, le coût de la vie est différent d'une région à l'autre. Le coût de la vie dans la Drôme est très différent de celui du 7ème arrondissement de Paris. Le coût de la vie est en effet plus élevé outre-mer, dans des termes différents d'un territoire à l'autre. C'est une donnée qui pose un certain nombre de difficultés inégales selon les personnes et les entreprises. Les fonctionnaires sont, à certains égards, accompagnés par la sur-rémunération, et il est probable que les entreprises elles-mêmes vivent différemment ce coût plus élevé, selon qu'il s'agit de leurs ventes ou de leurs intrants.

Je veux porter quelques points d'intention. Vous avez posé ce débat important. Nous constatons déjà un assez haut niveau d'administration des économies ultramarines. L'État et les collectivités locales ont des outils d'intervention qu'ils mobilisent souverainement. Il nous paraît important de ne pas faire émerger d'attente qu'il serait trop difficile de satisfaire dans un cadre raisonnable de mécanisme de l'économie. Cette administration de l'économie peut avoir un certain nombre d'effets appréciés par certains, mais elle a aussi un certain nombre d'effets négatifs. Je prends l'exemple des billets d'avion, qui est un des points d'intention sur le coût de la vie. Un récent rapport de la délégation sénatoriale aux outre-mer du 30 mars 2023 sur la continuité territoriale a formulé, parmi ses propositions, l'idée d'un plafonnement des prix pour les ressortissants des outre-mer en période de pointe. Au regard du mode de fonctionnement des compagnies aériennes, je ne sais pas comment un tel dispositif pourrait opérer.

Il y a quelques mois, le prix du kérosène a augmenté aux Antilles. Il a été expliqué que cette augmentation permettait de limiter l'augmentation du prix de l'essence et des carburants pour l'automobile. Il y a dans cette décision, telle que nous la percevons à la Fedom, une certaine opacité. Est-ce l'État ou la Société anonyme de la raffinerie des Antilles (SARA) à l'origine de cette décision ? Votre commission d'enquête pourrait peut-être aider à élucider cette situation. La conséquence est de contribuer au renchérissement du prix du billet d'avion, supporté à la fois par la clientèle ultramarine et les touristes.

En ce qui concerne les observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR), j'ai pris, lors de mon passage au ministère des outre-mer rue Oudinot, les décrets du 2 mai 2007 mettant en place les observatoires des prix et des revenus (OPR). Le terme de marges n'y figurait pas. L'évolution législative a introduit cette notion dans ses observatoires. La question du contrôle est parfois posée. Un observatoire, me semble-t-il, observe. Il peut avoir certaines capacités de renseignement et d'investigation dans le cadre légal et réglementaire posé, mais pas nécessairement de l'ordre du contrôle. S'il s'agit d'ouvrir à toujours plus d'initiatives et de concurrence les économies ultramarines, il faut être attentif à encourager ces initiatives, mais pas uniquement par des subventions ou des avantages fiscaux, quand bien même ceux-ci sont bienvenus et importants. Nous avons besoin de chefs d'entreprise dans un cadre qui ne soit pas suradministré, dans le respect des règles de la concurrence et du rôle de l'Autorité de la concurrence ou des autorités locales de concurrence dans certains territoires.

Nous pensons qu'il existe des marges de progrès, par exemple sur l'adaptation de l'outil de production. Aujourd'hui, cet outil, en taille et en capacité machine, n'est pas toujours le mieux adapté. Je plaide pour que les réflexions et les démarches concrètes d'adaptation de l'outil de production au numérique, ce qu'on appelle l'industrie 4.0, s'installent dans les industries ultramarines. Cette réflexion est partagée par nos adhérents. Pour le moment, cette matière n'évolue pas beaucoup.

La part du numérique dans l'économie d'aujourd'hui est sans doute une voie de progrès, dans la mesure où l'un des éléments du coût de la vie, la distance, joue moins par construction. Cela ne veut pas dire que le numérique résolve tout et qu'il soit présent partout. Par exemple, la distribution numérique ne fonctionne pas très bien, il y a peu de commerce électronique, entre autres par que le client de ce commerce demande une livraison rapide. Pour le coup, le numérique ne parcourt pas les derniers milliers de kilomètres.

Il existe sans doute aussi une voie de progrès dans la mobilisation des compétences. Si nous sommes capables de mieux mobiliser les compétences en outre-mer en faisant en sorte que les jeunes formés restent, qu'ils reviennent ou même que les compétences de l'extérieur des territoires viennent aussi, ce serait de nature à améliorer le fonctionnement de l'économie et à réduire le coût de la vie. Ces compétences sont rares et difficiles à mobiliser.

L'un des enjeux de progrès est la sécurité économique. Les délais de paiement des collectivités locales et des hôpitaux forment un sujet massif. Ces délais de paiement entraînent une raréfaction de l'offre, un retrait d'un certain nombre d'acteurs, voire un retrait du territoire d'un certain nombre d'acteurs nationaux, qui considèrent que les marchés sont trop compliqués. Il y a, du fait des délais de paiement, une forme de prime de risque. Elle peut d'ailleurs être étendue à d'autres réseaux.

La sécurité a été évoquée devant vous par la présidente de la chambre de commerce et de l'industrie (CCI) de Mayotte. Il y a des dépenses supplémentaires et donc un coût supplémentaire lié à la sécurité. J'ai discuté avec certains de nos adhérents aux Antilles et le déroulement de certains mouvements sociaux a provoqué des coûts supplémentaires importants en termes de sécurité. Il y a une tendance à l'augmentation des primes de risque sécuritaire. Il y a un risque social, un risque démographique lié à la baisse de population de certains territoires, un risque politique, un risque climatique. Bref, les primes de risques contribuent au coût de la vie.

S'agissant des marges de progrès sur l'amélioration de la logistique, les ports ont des plans d'investissement. Ce sont des enjeux importants pour améliorer l'efficacité et diminuer le coût du stockage et de l'ensemble des manutentions, qui ajoutent beaucoup au coût du transport.

En ce qui concerne les marges de progrès dans l'encouragement à l'emploi, le coût de la vie correspond à la mise en relation des prix de ce qu'on achète et des revenus. Le sujet n'est pas tant que les salaires seraient si bas, il est qu'il y a trop peu de gens qui ont un salaire, avec un niveau de chômage, dont celui des jeunes, trop élevé. Nous proposons, et nous avons formulé cette proposition au gouvernement dans la perspective du comité interministériel des outre-mer prévu le mois prochain, la facilitation et l'assouplissement du titre emploi service entreprise (TESE) outre-mer. Le souhait est d'encourager la reprise d'emploi, de corriger la part prise aujourd'hui par le travail informel. De même, nous encourageons les conditions de contrepartie au revenu de solidarité active (RSA) et l'entrée dans le marché du travail. Le département de La Réunion a pris des initiatives dans ce domaine. Le Président de la République a ouvert, il y a quelques mois, le débat sur l'évolution du RSA.

Je veux rappeler, en parallèle des voies de progrès, des éléments qui sont objectivement complexes, comme l'évolution des routes maritimes, avec des signes d'inquiétude. La régionalisation de la mondialisation, à l'œuvre aujourd'hui, peut introduire des difficultés supplémentaires sur les routes maritimes. La Réunion et Mayotte peuvent s'en trouver affectées.

Je cite aussi les éléments complexes dans la structure de consommation. Le fait que le consommateur ultramarin souhaite une consommation la plus proche possible du consommateur métropolitain est peut-être un élément de renchérissement du coût de la vie. Est-ce le consommateur qui le souhaite ou bien est-ce le distributeur qui y a intérêt ? Il y a probablement une part des deux. En tout cas, la réalité est là.

Inversement, dans le même ordre de réflexion, le renforcement de l'autonomie alimentaire peut, sur certains postes de coût de la vie, baisser ce coût et, sur d'autres, au contraire, l'augmenter.

Je veux aborder un instant la question de l'octroi de mer. Il nous paraît important, dans l'idée même d'un chemin vertueux d'évolution de l'économie, que la recette soit davantage portée vers l'investissement des collectivités locales. Sur ce sujet complexe, notre analyse est qu'il serait périlleux de chahuter un système qui a ses avantages et ses imperfections sans connaître un point d'atterrissage évidemment plus vertueux et plus efficace. Or, aujourd'hui, en tout cas à notre connaissance, personne n'a présenté de point d'atterrissage plus vertueux et plus efficace. Cela ne veut pas dire qu'il n'existe pas de marges de progrès paramétriques, sur les taux par exemple, s'agissant en particulier des produits de première nécessité. Les collectivités régionales ont une marge dans la fixation des taux et cette marge est davantage mise à profit à La Réunion pour faire en sorte que les taux d'octroi de mer soient plus faibles sur les produits les plus basiques.

La transparence dans les conditions de définition des taux pourrait sans doute être améliorée, de sorte que le monde économique y soit mieux associé.

La question complexe de la relation avec l'environnement régional se pose. Il y a l'hypothèse que les débouchés régionaux, et parfois les approvisionnements régionaux, puissent permettre de mieux faire pression sur le coût de la vie. Néanmoins, il faut prendre en compte les contraintes de normes, les enjeux de soutien aux productions locales et le patriotisme économique régional. Cela vaut vis-à-vis des investisseurs et des flux de produits. Vous voyez combien cette question est complexe.

En conclusion, je souhaite souligner qu'il nous paraît important, pour faire pression sur le coût de la vie, que le marché soit attractif pour les entreprises. Il l'est sûrement pour les entreprises qui exercent, mais il ne l'est pas au point, par exemple, que les distributeurs nationaux soient implantés directement outre-mer. Ils ont pu l'être parfois, rarement, ils ne le sont pas aujourd'hui. Or, sur d'autres territoires en métropole, nous trouvons à la fois des franchisés et des marques qui opèrent directement. Il n'y a pas d'opérations directes aujourd'hui en outre-mer.

Il convient que le marché soit attractif pour les salariés, bien sûr, avec un juste niveau de régulation. C'est pour nous le rôle important de l'autorité de la concurrence. C'est aussi l'enjeu du pouvoir du consommateur. L'idée consiste à dire qu'il est important de ne pas casser ce qui existe. La part du privé dans le produit intérieur brut des outre-mer n'est pas à ce point importante que l'on puisse ne pas considérer les entreprises qui ont le mérite d'y exercer.

Y a-t-il des voies de progrès ? Oui. J'ai essayé d'en décrire quelques-unes. Nous pensons qu'il n'y a pas de solution miracle et que c'est au moins autant dans l'exercice du marché, dans les tensions du marché, dans le poids du consommateur, dans le rôle du régulateur, dans l'évolution de l'économie que les progrès peuvent être obtenus sur le coût de la vie plutôt que par des interventions publiques excessives. J'ai pris l'exemple du transport aérien. Au motif de protéger, on finit par recevoir des critiques très fortes des passagers eux-mêmes.

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Je n'ai pas très bien compris le rôle concret de la Fedom. Vous êtes un représentant d'une liste d'entreprises adhérentes. Je souhaiterais que vous puissiez préciser le rôle effectif et opérationnel de la Fedom, nous donner la liste complète des entreprises adhérente à la Fedom, avec l'actionnariat de ces entreprises et le nom de leur dirigeant. Il faudrait aussi nous dire quel est le poids des grands groupes dans votre Fedom. Très directement, êtes-vous une structure de lobbying ?

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Hervé Mariton, ancien ministre de l'outre-mer, président de la Fédération des entreprises des outre-mer (Fedom)

Le rôle de la Fedom est de porter des intérêts d'entreprises et de structures d'entreprises. Les CCI ultramarines sont toutes membres de la Fedom et donc au travers des CCI, les chambres des métiers le sont aussi. Via ces structures, la Fedom représente un très grand nombre d'entreprises ultramarines. Nous ne représentons pas le secteur agricole, mais ce sont des centaines de milliers d'acteurs économiques qui se trouvent ainsi représentés à la Fedom, dont la plupart, ressortissants de CCI ou de chambres de métiers, sont de très petites entreprises.

Les membres fondateurs de la Fedom sont les instances dans les départements d'outre-mer (DOM) historiques du Mouvement des entreprises de France (Medef) et des Moyennes et petites industries (MPI) ou l'Association pour le développement industriel de La Réunion (Adir). Depuis sa fondation en 1986, il y a maintenant plus de trente-cinq ans, la Fedom s'est élargie à des instances locales de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), à toutes les CCI, aux chambres de métiers, à des fédérations de branches dans le domaine du BTP, mais aussi du tourisme, à des clusters dans le domaine du digital. Nous avons des adhérents individuels, qui peuvent des entreprises ultramarines ou des entreprises nationales opérant en outre-mer ; nous avons aussi, je viens de l'évoquer, des structures fédératives.

Le rôle de la Fedom est de défendre ces entreprises et de les promouvoir. Nous avons par exemple été très actifs pendant la période de la crise de la Covid-19 pour plaider en faveur des entreprises auprès des autorités gouvernementales pour l'adaptation des mesures Covid aux entreprises ultramarines. Les calendriers ne sont pas les mêmes outre-mer qu'en métropole. Par exemple, la saison touristique n'est pas la même. Quand l'affaire paraissait réglée pour les entreprises touristiques en métropole, elle ne l'était pas nécessairement pour les entreprises touristiques outre-mer. Les périodes d'épidémie n'ont pas été les mêmes. Nous pouvions constater, dans certains territoires, des problèmes d'organisation. La Fedom a donc été en relation permanente avec le ministère des outre-mer, avec les différents ministères de Bercy pour défendre la cause des entreprises ultramarines.

Je prends un exemple plus récent, relatif à la crise de l'énergie. Le gouvernement a pris très tôt des mesures pour limiter les conséquences sur les entreprises industrielles de l'augmentation du prix du gaz. En outre-mer, nous n'utilisons pas de gaz dans le processus industriel, mais du gazole non-routier (GNR). Le dispositif gouvernemental n'avait pas prévu cet aspect. La Fedom a plaidé dans ce sens, a partagé ce point avec un certain nombre de parlementaires. La loi de finances rectificative pour 2022, que le Parlement a adoptée, comporte un amendement destiné à répondre aux besoins des entreprises industrielles des outre-mer consommatrices de gazole non-routier (GNR) et non pas de gaz.

Je cite un autre exemple. Nous avons partagé avec le gouvernement et l'administration l'importance d'assurer la visibilité dans la durée des dispositifs d'encouragement fiscal à l'investissement, la défiscalisation. La loi de finances pour 2023 a retenu un amendement parlementaire – et en toute transparence nous assumons d'avoir partagé avec des parlementaires – qui assure un meilleur horizon. Voilà quelques éléments.

S'agissant des grands groupes, j'ai précisé dans mon introduction que différentes entreprises du groupe GBH sont membres de la Fedom, que plusieurs cadres de ce groupe participent à des travaux de commission de la Fedom. Aucun d'entre eux n'est membre des instances de gouvernance de la Fedom, de notre conseil d'administration ou de notre bureau. J'ai cité une autre entreprise de distribution, de moindre importance, mais quand même d'une certaine importance, dont le patron est lui membre de la gouvernance de la Fedom. J'ai évoqué le fait que CMA CGM coprésidait l'une de nos commissions, mais au fil des changements de responsabilité des cadres de CMA CGM, il n'est pas certain, dans la nouvelle configuration, que cette responsabilité reste assumée par un cadre de CMA CGM.

Je réponds à votre question relative au travail de la Fedom. Notre travail est aussi celui de mise en avant et de promotion pour faire en sorte que l'ensemble de nos concitoyens et l'ensemble des parties prenantes à nos enjeux au plan national aient une vision positive des économies ultramarines, qui se raccrochent bien aux grands enjeux du moment. La Fedom organise actuellement un cycle de débats, d'échanges et de séminaires sur la transition énergétique. C'est un exemple de notre travail. Sur l'énergie, il y a un enjeu GNR que je viens d'évoquer. Nous avons agi pour contribuer à la correction d'une décision publique.

La Fedom exerce-t-elle une activité d'influence déclarée à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) ? La réponse est oui.

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J'ai également quelques questions à vous poser, davantage dans votre connaissance du tissu économique ultramarin. Je retiens ce que vous avez dit, vous n'êtes pas un centre statistique et votre essence n'est pas de produire des chiffres et des études qui viendraient créer une ressource en la matière. Pour autant, vous avez parlé de l'octroi de mer, en disant qu'il ne fallait pas remplacer une chose par une autre sans savoir quel était le point d'aboutissement. Considérez-vous que l'octroi de mer participe au renchérissement du coût de la vie en outre-mer ?

Un certain nombre de rumeurs et de légendes urbaines circulent, qui voudraient que la sur-rémunération des fonctionnaires d'État influe l'ensemble de la rémunération des cadres, qu'ils soient publics ou privés, et donc participe de cette façon à la cherté de la vie. Dans l'autre sens, ces sur-rémunérations permettent de soutenir l'activité et la demande locale et donc, de ce point de vue, elles seraient plutôt bénéfiques.

Un dernier point au titre des légendes urbaines, mais je préfère les aborder. Les difficultés de paiement des collectivités locales dans la commande publique aboutissent-elles à une forme de transformation du stock en flux et donc pèsent-elles sur le prix que les entreprises pourraient délivrer aux autres acteurs une sorte de péréquation pour pouvoir gérer les écarts de commande ?

Vous êtes désolé du fait que l'industrie 4.0 n'arrive pas à décoller. Quelles sont vos explications sur cette absence d'envol ?

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Hervé Mariton, ancien ministre de l'outre-mer, président de la Fédération des entreprises des outre-mer (Fedom)

S'agissant de l'octroi de mer, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) appliquée dans les départements et régions d'outre-mer affiche des taux inférieurs à ceux de la métropole. Parfois même, il n'y a pas de TVA. Le remplacement d'un octroi de mer par la TVA, dont j'ai compris que ce n'était pas trop apprécié par les collectivités locales, n'assurerait pas automatiquement la baisse des prix s'il s'agit d'obtenir un produit comparable. L'impôt n'est jamais payé par les marchandises ; il l'est par les consommateurs. S'il y a une masse à prélever, qu'elle soit prélevée par l'octroi de mer ou payée par la TVA, au bout du bout, c'est le consommateur qui paye.

Des réflexions de péréquation de l'octroi de mer sont menées, avec cette idée qu'il faudrait moins charger certains produits et davantage d'autres. Là aussi, au bout du compte, c'est le consommateur qui paye. On risque donc de perdre d'un côté en soutien à la production locale, l'une des missions importantes de l'octroi de mer, sans véritablement gagner en termes de pouvoir d'achat.

Nous disons nous-mêmes que les collectivités peuvent faire jouer les taux, par exemple sur les produits de première nécessité et que le jeu fonctionne davantage à La Réunion qu'aux Antilles. Je suis conscient qu'un sujet de recettes se pose au final pour les collectivités.

Y a-t-il des progrès ? Oui. Chacun des acteurs de la chaîne peut en prendre la responsabilité. Nous évoquons la question des produits de première nécessité. Peut-il y avoir davantage de transparence dans la fixation des taux, y compris pour améliorer le contexte de la concurrence ? La réponse est positive. Néanmoins, tout cela ne fait pas baisser le taux en tant que tel, c'est seulement une amélioration de l'outil.

En matière de sur-rémunération des fonctionnaires, je ne vois pas beaucoup de raisons qu'elle fasse augmenter les prix. La sur-rémunération solvabilise une clientèle qui peut payer plus, aide à assurer une part des chiffres d'affaires et stimule la demande. C'est un bon signe pour les acteurs économiques. Mais cette sur-rémunération n'a aucune raison de peser à la baisse sur le niveau des prix, elle introduit un effet s'agissant des cadres et elle peut avoir un effet d'éviction de la main-d'œuvre. À Mayotte, nous avons discuté avec des représentants du BTP il y a plus d'un an sur la situation des cadres qui arrivent dans l'île avec des contrats d'entreprise et qui finissent par basculer vers des emplois au sein de l'Éducation nationale, compte tenu en plus de l'importance de la demande d'enseignants. Entre le métier de professeur en lycée professionnel et celui de cadre en entreprise, ils font leur choix.

J'ai souligné dans mon introduction qu'il s'agissait d'une affaire d'équilibre et de déséquilibre. La sur-rémunération est sûrement justifiée en fonction de nombreux critères, et elle ne peut pas ne pas avoir d'effets. Elle concerne au demeurant une part significative des salariés et des fonctionnaires. Ce n'est pas marginal.

La même constatation vaut pour les délais de paiement. Je ne sais pas vous dire quel est l'impact exact des délais de paiement sur le prix. Il n'y a aucune raison que de mauvais délais de paiement amènent une baisse du prix. Cela pose des problèmes de trésorerie, les marchés deviennent moins attractifs, certains acteurs peuvent fuir. S'il s'agit d'avoir davantage de concurrence, qui aide à faire baisser les prix, les gens doivent être certains d'être payés dans des délais raisonnables, ce qui n'est pas toujours le cas.

S'agissant de l'industrie 4.0, nous avons mené des discussions à l'échelle nationale et localement avec des responsables des Relais de France 2030. Il est important que le gouvernement plaide pour que les procédures nationales soient plus accessibles. Je pense aussi que c'est un travail de conviction, de pédagogie interne. Le président de la Fedom est au service de ses adhérents et il ne lui est pas interdit de porter le message pour essayer de faire bouger le système. C'est ce que j'essaye de faire.

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Je remercie le président de la Fedom, qui nous fait toujours l'amitié de contribuer à nos travaux parlementaires pour mieux comprendre la situation économique de nos territoires et mieux appréhender les besoins de nos entreprises.

J'aimerais que l'on puisse voir la réalité des choses, les marges des entreprises. L'octroi de mer s'accompagne d'une histoire, tout comme la sur-rémunération des fonctionnaires d'État de 40 %, mais il y a aussi une histoire sur les marges des entreprises, sur le stockage.

Vous pourriez nous dire quel est l'impact de la loi sur la lutte contre la vie chère en matière de prix et de marges. Y a-t-il, dans la structure même de notre organisation économique, une possibilité forte d'entente des entreprises ? Tout cela ne contribuerait-il pas à faire grimper les prix ?

L'objectif de cette commission est d'identifier les leviers à activer pour faire baisser les prix.

Vous avez évoqué les délais de paiement. Quels seraient les délais moyens ? Quel est le niveau de stock de dettes des entreprises et des hôpitaux ? Cela pourrait-il, in fine, faire baisser les prix à la consommation ? Le problème se trouve à ce niveau.

Que feriez-vous pour relancer une certaine production ? Nous ne pouvons pas nous contenter d'une balance commerciale située entre 8 et 12 %. Quelle serait l'incidence d'une augmentation des salaires sur le coût de la vie dans nos territoires ?

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Je précise qu'une partie des réponses pourra être apportée par écrit compte tenu du temps imparti à cette audition.

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Il me semble nécessaire de préciser que l'objet de la Fedom est d'abord de défendre les intérêts économiques des entreprises ultramarines, ce qui pose le cadre et les limites de notre échange.

Cela dit, j'ai trois questions ou remarques à formuler. Bien sûr, vous faites du lobbying, vous intervenez sur les textes législatifs, c'est votre rôle et cela ne doit pas être contesté, chacun occupe son rôle. Le nôtre est de défendre l'intérêt général. Néanmoins, la vie chère n'est pas une chose nouvelle dans les territoires ultramarins. Il y a les causes structurelles, il y a certainement, et c'est l'objet de cette commission d'enquête, des effets d'opportunité qui font que les prix sont plus élevés. Il faut aussi parler d'un phénomène nouveau, l'inflation, que nous n'avons pas connu depuis longtemps. Lorsque nous lisons les études et les enquêtes, l'affirmation consiste à dire que l'inflation risque d'être durable. Quelles sont vos préconisations et recommandations ? Les territoires ultramarins ne peuvent pas se contenter du discours qui consiste à dire que l'inflation est moins élevée en outre-mer que dans l'Hexagone, du fait que les prix y sont plus élevés. Avoir 3,9 % sur 130 euros n'est pas la même chose que d'avoir 3,9 % sur 100 euros. Quelles recommandations faites-vous à vos adhérents ? De quelle manière anticipez-vous l'inflation ? Elle aura forcément un impact sur la consommation. Si, d'un côté, les prix augmentent, et de l'autre côté, les revenus n'augmentent pas, il faut s'attendre à un impact sur la consommation.

La vie chère concerne les prix, mais aussi la faiblesse des revenus. Il faut donc encourager nos entreprises. La question des fonds propres pour nos entreprises ultramarines constitue un vrai sujet. La faiblesse des fonds propres est structurelle et empêche le développement des entreprises.

Enfin, le dispositif tiré de l'article 73 de la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer permet jusqu'en mars une forme d'expérimentation. Sur les marchés publics, un tiers de la commande publique peut être réservé aux entreprises locales, notamment la sous-traitance, pour un niveau de 300 ou 400 000 euros. Le dispositif n'a pas fonctionné. Pourquoi ? Quelles pistes reste-t-il ?

Je partage l'analyse qui consiste à dire que la cherté de la vie s'explique par la faiblesse des revenus. Il faut de l'activité, des emplois, des salaires justes pour contribuer à l'amélioration de la situation sociale dans nos territoires.

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Hervé Mariton, ancien ministre de l'outre-mer, président de la Fédération des entreprises des outre-mer (Fedom)

Sur le point précis de la mise en œuvre de l'article 73 de la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer, je laisserai M. Laurent Renouf vous répondre.

Le coût réel d'acheminement et du stockage représente l'une des raisons des surcoûts d'aujourd'hui, au-delà du strict transport maritime. Les problèmes de stockage et les problèmes de gestion des espaces de stockage sur les ports peuvent faire l'objet de marges de productivité significatives. Les grands ports, comme ceux de Fort-de-France et de Pointe-à-Pitre, nourrissent des perspectives d'évolution. Il y a de l'efficacité et de la productivité à gagner dans la chaîne logistique, en particulier sur la dimension portuaire.

S'agissant des ententes et des accords éventuels, il existe des gendarmes dédiés. À la Fedom, nous défendons les entreprises. Nous sommes attachés à la liberté du commerce et de l'industrie. J'ai parlé tout à l'heure du risque d'une suradministration des économies ultramarines, ce qui ne dispense pas de la nécessité du gendarme et du rôle qui peut être celui de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et de l'Autorité de la concurrence spécifique, selon l'article 74. En préparant cette audition, j'ai regardé l'avis de l'Autorité de la concurrence du 4 juillet 2019 concernant le fonctionnement de la concurrence en outre-mer. L'Autorité a mené en amont des travaux de synthèse et elle souligne que la quantité de sujets abordant l'outre-mer se situe dans une bonne proportion. Manifestement, elle ne néglige pas les enjeux ultramarins et pointe parfois un certain nombre de faits. Pour parler plus globalement, il n'y a pas de pathologies caricaturales, faciles à résumer. Nous sommes dans une situation plus fine et subtile.

Si la situation était si généreuse et facile, nous pourrions imaginer que d'autres acteurs viendraient. Il est rare, dans le marché de la grande distribution par exemple, que plus de 30 % de parts de marché soient détenus par un seul groupe au sein des territoires ultramarins. Il existe une pluralité d'acteurs. Les territoires ne sont manifestement pas aussi attractifs pour un nombre supplémentaire d'acteurs. Il y a aussi des enjeux de patriotisme local, que je respecte, qui ne vont pas nécessairement dans le sens de la concurrence. Parfois, un nouvel acteur peut être un acteur important connu dans d'autres départements. C'est celui qui, au final, a été retenu selon des processus juridiquement très encadrés.

En ce qui concerne les marges, je comprends, lorsqu'on fait une comparaison avec la métropole, que la situation peut ne pas être homogène d'une entreprise à l'autre. La Fedom n'est pas nécessairement l'endroit où les entreprises viennent se confesser sur leurs marges, produit par produit et territoire par territoire.

La question de l'octroi de mer a été évoquée par le président et je n'y ai pas répondu complètement. J'aurais dû ajouter que nos adhérents ne sont pas exactement sur la même ligne. J'exprime la synthèse que nous arrivons à dégager. Dans le fonctionnement d'une économie, les intérêts ne sont pas tous alignés.

Pour répondre à M. Califer, je pense que nous pouvons trouver des pistes de progrès dans le domaine de la production. Nous avons évoqué la question de la digitalisation de l'industrie. Je pense aussi aux nouvelles activités, en particulier dans le domaine des services et dans les activités digitales. Nous y trouvons moins d'obstacles liés à la distance, sauf celui de l'attractivité des compétences. Chaque territoire peut faire valoir un certain nombre d'arguments et d'atouts.

L'enjeu de l'augmentation des salaires est d'abord de faire en sorte que davantage de personnes perçoivent un salaire. Nous insistons beaucoup sur ce sujet. Le niveau de chômage, dont celui des jeunes, n'est pas satisfaisant.

Je réponds au député M. Philippe Naillet sur l'inflation. La Fedom s'est beaucoup mobilisée sur la question du prix de l'énergie, en faisant en sorte d'attirer l'attention du gouvernement sur la distribution des marchés de l'énergie dans les territoires. Nous nous sommes mobilisés, toute comme la représentation nationale.

Des augmentations de salaire ont été accordées. Nous avons discuté récemment des négociations annuelles obligatoires dans les entreprises du BTP à La Réunion. La vie économique et sociale mène son train, avec des inquiétudes liées à l'inflation. Il peut y avoir un effet retard en raison du stockage ou d'autres considérations.

Nous pensons que l'amélioration des fonds propres est un élément essentiel, y compris de confort des entreprises et de baisse de la prime de risque. Les fonds propres ont-ils un effet immédiat sur le coût de la vie ? La réponse est non. Une amélioration de la situation des fonds propres peut-elle avoir un effet à moyen et long terme sur la courbe du coût de la vie ? La réponse est oui. Je pense qu'il existe un enjeu de prime de risque important dans nos économies ultramarines. Nous avons mis ce point en avant dans la contribution portée par la Fedom au gouvernement lors de la préparation du comité interministériel pour l'outre-mer (Ciom). Nous devons être capables d'exprimer des idées plus précises dans un proche avenir. Il nous reste des marges de progrès sur ce terrain.

Pour les fonds propres et d'autres domaines, la question est de savoir dans quelle mesure nous voulons ouvrir et nous ouvrir à des acteurs extérieurs. La réponse n'est pas facile. Le patriotisme local est parfaitement légitime. Lorsqu'un acteur économique extérieur arrive, y compris en matière d'investissement pour concourir à des fonds propres, de quelle manière son arrivée est-elle perçue ? Nous n'avons pas de réponse absolue. La Fedom reste fondamentalement au service de ses adhérents. Nous avons la responsabilité d'ajouter des idées dans le débat, mais nous ne tranchons pas.

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Laurent Renouf, délégué général de la Fedom

L'article 73 de la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer a introduit le fameux dispositif relatif aux petites entreprises dit small business act, un dispositif expérimental et exceptionnel. Nous avons fortement soutenu ce dispositif à l'époque, en considérant qu'il existe un vrai sujet de commande publique et de nécessité pour les entreprises et sous-traitants locaux de profiter d'un dispositif de cette nature. Il prévoyait que les acheteurs publics des collectivités ultramarines pouvaient réserver jusqu'à un tiers de leur marché aux PME locales, avec une règle de plafond qui indiquait que le montant total des marchés conclus au cours d'une année ne pouvait pas excéder 15 % du montant annuel moyen des marchés des secteurs économiques concernés conclus au trois des années précédentes.

Par ailleurs, le dispositif prévoyait que pour les marchés dont le montant était supérieur à 500 000 euros, un sous-missionnaire devait présenter un plan de sous-traitance prévoyant le montant et les modalités de participation des PME locales. Ce dispositif permettait vraiment, pour les marchés à 500 000 euros, de garantir la pleine intégration des sous-traitants locaux.

Plusieurs années après le vote de la loi, nous avons constaté que ce dispositif n'a pas fonctionné et n'a donné aucun résultat. Le décret mettant en œuvre ce dispositif prévoyait que le gouvernement remette un rapport au Parlement pour justement évaluer cette expérimentation et essayer d'identifier les éventuelles raisons de son dysfonctionnement. C'est un vrai sujet, nous l'avons signalé, nous l'avons soulevé auprès du gouvernement. Il est important de procéder à cette évaluation pour bien comprendre les raisons, qui sont peut-être juridiques, notamment au regard du droit communautaire. In fine, le dispositif n'a pas fonctionné. Le gouvernement doit faire son rapport pour essayer d'identifier les raisons de cet échec et essayer de repositionner un dispositif, intéressant dans sa conception.

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Trouvez-vous normal que les grands groupes ne déposent pas leurs comptes alors que la transparence doit être de mise et que cela alimente la réalité des questions de marges d'un bout à l'autre de la chaîne ? Si je comprends que l'intérêt est de défendre les entreprises, en tout cas les entreprises adhérentes, je pense que votre intérêt est aussi de défendre le pouvoir d'achat des consommateurs. Les entreprises existent grâce à la clientèle et aux consommateurs.

Les charges d'entreprises sont certainement un élément important de vos analyses et même si vous dites que vous n'êtes pas un institut statistique, je suppose bien que si vous orientez votre raisonnement, c'est à partir d'éléments factuels et donc d'études faites certainement par les entreprises adhérentes si vous ne les faites pas vous-mêmes. Vous avez en tout cas des éléments de connaissance et d'information.

Pouvez-vous nous fournir les informations et les études récentes qui vous permettent d'assoir les préconisations que vous faites ? Que pensez-vous de l'équation qu'il faut résoudre pour régler la problématique du coût structurel et conjoncturel de la vie dans nos territoires ? C'est de faire en sorte que les entreprises puissent continuer à avoir un modèle de développement dans un espace exigu. Vous avez dit qu'il faut créer de l'emploi, mais pour réer de l'emploi, il faut créer de l'activité, l'espace est exigu et donc, il n'y a pas de place pour tout le monde. La concurrence est réduite. Vous dites que personne ne viendrait, mais encore faudrait-il qu'il y ait de la place pour que d'autres puissent se positionner, dans la grande distribution ou ailleurs, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

J'ai l'impression que le modèle économique que vous préconisez est à bout de souffle. Comment voyez-vous une revitalisation économique sans concurrence, ou en tout cas avec une moindre concurrence, sans augmentation des niveaux de salaire qui permettrait le pouvoir d'achat des consommateurs, qui sont de toute façon captifs dans les territoires insulaires ? C'est aussi la possibilité de continuer à ce que les entreprises puissent ne pas licencier et continuer à vivre. Quelles sont les prospectives que vous proposez en matière de modèle économique, même si c'est dans la défense des intérêts de vos entreprises, qui ne peuvent pas être en contradiction avec le pouvoir d'achat des consommateurs qui, lui, a considérablement chuté.

Je n'attends pas des réponses immédiates, mais des réponses écrites.

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Hervé Mariton, ancien ministre de l'outre-mer, président de la Fédération des entreprises des outre-mer (Fedom)

Je n'ai pas répondu à la question de M. Califer sur les délais de paiement. Des travaux ont été menés ces dernières années, sans beaucoup de conséquences. Nous pourrons quand même rappeler ces références. Le délai moyen de paiement du bloc communal en Guadeloupe est de deux ans et demi, un délai assez long.

S'agissant du dépôt des comptes, je partage ce que vous dites. Certaines entreprises ne déposent pas leurs comptes et je crois qu'on ne peut que le regretter. Cela arrive aussi en métropole. La fréquence est supérieure en outre-mer. D'après ce que je comprends, la situation est en voie d'amélioration, du fait, entre autres, de l'amélioration du fonctionnement des greffes. Je pense qu'il y a là un sujet qui concerne la France entière. Je ne suis pas un spécialiste, mais il existe cette obligation de dépôt, qui n'est pas respectée de manière assez ample. Le sujet se pose donc, nous ne pouvons pas nous satisfaire de cette situation.

Nous vous apporterons des éléments qui contribuent à notre réflexion et nos propositions.

En ce qui concerne le modèle économique, notre sentiment est qu'il doit être en progrès continu. En tant que président de la Fedom, je suis plus adepte du progrès continu que de la révolution. Il y a des champs importants. Au-delà des mots et des sujets du moment, je pense que la transition énergétique ou écologique, avec l'approche des économies circulaires, est particulièrement importante dans les économies insulaires. Nous avons ici des sujets qui peuvent faire bouger, des enjeux qui peuvent attirer des compétences.

Vous appelez la revitalisation de vos vœux. La réussite des outre-mer sur la transformation numérique, la transformation écologique et la transformation énergétique est tout à fait essentielle. Le numérique réduit le surcoût structurel. La concurrence est nécessaire. Il faut que le gendarme fonctionne, ce qui est le cas. La concurrence ne se décrète pas. Quand des acteurs décident de se retirer, ils le font parce que, manifestement, ils ne trouvent pas leur compte. Quand un acteur se retire, que ce soit dans le commerce ou les marchés publics, la concurrence ne s'en trouve pas améliorée, pas plus que le coût de la vie. C'est une donnée multifactorielle, y compris sur les primes de risques que j'évoquais.

S'agissant du pouvoir d'achat, la discussion sur les salaires doit être menée dans les entreprises. La Fedom ne s'en mêle pas. Le pouvoir d'achat est aussi de faire en sorte que les gens qui ne travaillent pas soient davantage incités à travailler par le développement des activités, y compris dans les secteurs que j'ai indiqués, et par une autre croissance sur ces territoires.

Nous pensons qu'il n'y a pas de recette simple pour résoudre le modèle économique et la question du coût de la vie. C'est un ensemble de mesures, qui vont de l'efficacité des circuits de transport à l'évolution de l'industrie ou le renforcement de la concurrence.

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Je vous remercie et nous concluons cette audition. Je vous propose de compléter nos échanges en nous envoyant les documents que vous jugerez utiles à la commission d'enquête et en répondant au questionnaire qui vous a été transmis.

La séance s'achève à douze heures vingt.

Membres présents ou excusés

Présents. – M. Johnny Hajjar, M. Frédéric Maillot, Mme Joëlle Mélin, M. Philippe Naillet, M. Guillaume Vuilletet.

Excusé. – Mme Estelle Youssouffa.

Assistait également à la réunion. – M. Elie Califer.