Commission d'enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la constitution

Réunion du jeudi 11 mai 2023 à 9h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Jeudi 11 mai 2023

La séance est ouverte à neuf heures.

(Présidence de M. Johnny Hajjar, rapporteur de la commission)

La commission auditionne M. Pierre Girard, sous-directeur des études, des statistiques et de la prospective à la direction du transport aérien, et M. Emmanuel Vivet, sous-directeur des transports et services aériens à la direction du transport aérien au sein de la direction générale de l'aviation civile (DGAC).

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Nous reprenons les auditions de la commission d'enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la Constitution. Nous allons entendre la direction générale de l'aviation civile (DGAC), représentée par M. Pierre Girard, sous-directeur des études, des statistiques et de la prospective au sein de la direction des transports aériens ainsi que M. Emmanuel Vivet, sous-directeur des transports et services aériens au sein de la même direction des transports aériens.

Je vous remercie de nous déclarer tout autre intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations et vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment, de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite, messieurs, à lever la main droite et à dire « je le jure ».

(MM. Pierre Girard et Emmanuel Vivet prêtent successivement serment.)

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Je tiens à préciser que je suis rapporteur de la commission d'enquête et qu'en l'absence de son président, j'assure également la présidence de cette audition.

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Emmanuel Vivet, sous-directeur des transports et services aériens à la direction du transport aérien

Je dresserai en premier lieu une introduction rapide du fonctionnement des services aériens entre la métropole française et les outre-mer au sens large ; je me concentrerai un peu plus sur les départements d'outre-mer. Il est bien évident que les sujets néo-calédoniens et polynésiens sont également concernés, nous pourrons les aborder si vous souhaitez que nous approfondissions cette question.

La question des tarifs aériens entre la métropole et les outre-mer, ou entre les outre-mer et la métropole, s'analyse dans un contexte du fonctionnement général du marché entre ces différents points. Soulignons tout d'abord les règles du jeu pour les opérateurs sur ces liaisons avant de détailler les conséquences économiques et d'entrer davantage dans les questions que vous vous posez.

La nature européenne de nos départements d'outre-mer a des conséquences juridiques très concrètes sur les opérations aériennes. S'agissant de nos six départements d'outre-mer, qui sont des départements européens, tous les textes européens relatifs à l'aviation s'appliquent entièrement, et notamment le fameux règlement qui régit le marché intérieur de l'aviation en Europe numéroté 1008-2008, adopté en 2008, et qui n'est que la reprise, sur ce point, d'un texte qui date de 1997. Ces textes stipulent que les services aériens entre tous points d'Europe et tous points des départements d'outre-mer (DOM) voient s'appliquer un régime libéralisé : n'importe quelle compagnie ayant une licence de transporteur aérien européenne peut exploiter librement des services, aussi librement qu'entre Paris et Rome ou qu'entre Strasbourg et Nantes. Aucune autorisation de l'aviation civile, par exemple, n'est requise pour exploiter des services. Dans cette optique, toute compagnie peut exploiter à tout moment sur simple notification, à sa guise, des services entre Paris et la Martinique ou entre Nantes et La Réunion etc.

Cette liberté de mise en œuvre de services, liberté de capacité aérienne, est totale et s'accompagne d'une liberté tarifaire, autre composante importante de ce régime libéralisé. C'est ainsi que le nombre de compagnies aériennes sur le marché est nettement plus élevé que ce que nous observons sur des liaisons de distance comparables au départ de la France. Le nombre de compagnies aériennes par liaison est le maximum observé au départ de la métropole, comparé à n'importe quel autre faisceau et à n'importe quel autre continent nord-américain, africain, au Maghreb ou à l'Asie. Ce régime libéral permet à tout un chacun d'opérer des services. Si la compagnie aérienne Lufthansa voulait opérer des services entre Paris et la Guadeloupe, elle pourrait le faire. Une filiale de British Airways, qui s'appelait OpenSkies – Level, a opéré entre l'aéroport d'Orly et les deux îles des Antilles. Il est de fait légitime de s'interroger quant au lancement sur ce type de marché d'autres entreprises européennes au prix avantageux, low cost de longs courriers qui apparaissent actuellement dans le nord de l'Europe.

Dans le cas particulier des territoires polynésiens et néo-calédoniens, le régime est différent, ces territoires n'étant pas européens. La distance à parcourir est d'ailleurs également différente et nécessite presque tout le temps un point d'escale, excepté dans certains cas très particuliers. Les besoins du public ne sont pas les mêmes. Soulignons du reste une capacité de concurrence différente au regard du point d'escale qui s'exprime de façon différente sur chacun des deux segments. Je prends l'exemple de la Polynésie où le lien se fait d'une part entre la métropole et San Francisco ou Los Angeles, et d'autre part, entre Los Angeles et San Francisco et Papeete. Chacun des segments mériterait d'être analysé en détail.

Par ailleurs, du point de vue économique, précisons que la France compte une centaine de compagnies aériennes, dont 18 de grande taille. Sept d'entre elles opèrent en long-courrier vers les outre-mer françaises, ce qui est un chiffre important. Au-delà d'Air France, nous retrouvons Corsair, Air Caraïbes, French Bee, Air Austral et dans les territoires polynésiens, Air Calédonie International et Air Tahiti-Nui qui fait des liaisons long-courriers. Pour les Antilles, trois compagnies aériennes opèrent entre la métropole et chacune des deux îles, et quatre compagnies vers la Réunion. Il y en a eu jusqu'à cinq, ce qui représente un chiffre considérable en long-courrier. Pour Mayotte, deux compagnies sont à dénombrer, de même que pour la Guyane.

Pour ce qui concerne le Pacifique, les schémas sont plus complexes. Cette concurrence est un atout pour les territoires, un bienfait pour les consommateurs. Je sais que nous sommes là pour parler de la hausse des tarifs, mais je tiens à rappeler ce phénomène important qui est le bénéfice que les consommateurs retirent de cette concurrence, qui bénéficient de tarifs au kilomètre par passager plus bas que sur des liaisons internationales de distance comparable au départ de la France. Avant la crise sanitaire, d'après les mesures que nous parvenons à faire et sous le contrôle de mon collègue, ce prix au kilomètre parpassagers transporté était de l'ordre de 33 % plus bas que la moyenne de toute autre liaison internationale de distance comparable, que ce soit l'Asie, l'Afrique, l'Amérique. Post-Covid-19, à la fin de l'année 2022, nous étions encore à moins 41 % en moyenne par rapport à la moyenne mondiale. Ces chiffres peuvent paraître surprenants dans un contexte où nos compatriotes peuvent ressentir une hausse des tarifs élevés, mais je tiens à le déclarer sincèrement, car il est important d'avoir cet élément en tête, d'autant plus lorsque nous analyserons les hausses.

Le premier bienfait se retrouve probablement avec l'importante concurrence que les transporteurs se livrent. Des hausses sont certes à considérer, je vais aborder le point. Il est toutefois possible de regarder le sujet d'une autre manière et de constater que le trafic continue d'augmenter entre la métropole et les DOM, parce que la demande est bien présente et parce que les passagers trouvent leur compte à acheter un billet sur des liaisons. Il est également possible de le regarder d'une autre manière et se demander si ce marché attirerait de nouveaux transporteurs si les tarifs étaient élevés et les marges importantes.

Nous pourrions imaginer Lufthansa se lancer sur la liaison ou de grandes compagnies low cost européennes très célèbres acheter des appareils long-courriers pour se lancer sur ce marché lucratif ou pour faire baisser les prix. Or, ce n'est pas le cas. Nous n'avons pas de Lufthansa, nous n'avons pas d'EasyJet ni de Ryanair parce que la marge n'est sans doute pas jugée suffisante pour eux, ou encore parce que ce n'est pas leur modèle économique ou business model, mais nous n'avons pas de nouvel entrant. L'acteur européen que nous avions, qui était OpenSkies – Level a finalement été liquidé.

Une troisième manière d'examiner cette question microéconomique de la concurrence revient à constater qu'au contraire, des transporteurs ont régulièrement fait faillite sur ces liaisons. Je pense à AOM Air Liberté dans les années 2000 ou à XL Airways qui a fait faillite en 2019 et, comme je viens de le citer, à OpenSkies – Level qui a été liquidée, tout à fait régulièrement et conformément à toutes les règles, fin 2020début 2021.

Il est vrai cependant que les tarifs ont évolué. La crise sanitaire a engendré un sérieux choc au fonctionnement du marché. Le prix du kérosène et le prix du dollar ont beaucoup bougé. Entre septembre 2021 et septembre 2022, le prix du kérosène en euros avait augmenté de 94 % pour un poste de coût qui est de l'ordre du tiers de celui d'une compagnie aérienne. Sur une période un peu plus longue de deux ans, de mars 2021 à mars 2023, il a augmenté de 80 %. Du reste, il était prévisible que les transporteurs reportent tout ou partie de cette augmentation sur leurs tarifs. Cette augmentation de 94 % représente environ 120 euros sur un aller-retour Paris – Antilles pour un passager.

Dans un contexte extrêmement concurrentiel, les transporteurs cherchent à gagner de l'argent et fixent leurs tarifs en fonction de la demande. Entre dix et vingt tarifs différents existent dans un avion. Dans les entreprises, les cadres, que l'on appelle les pricers, fixent toutes les heures les tarifs en modifiant le nombre de places disponibles sur chacune de ces places de réservation. Ils ne modifient pas le tarif lui-même, mais la quantité de billets disponibles dans chacune des classes de tarifs. Ils adaptent la disponibilité des billets et donc les tarifs reçus par le passager à la demande. Il me semble qu'ils comparent le remplissage de l'avion à la même date que l'année précédente, afin de s'assurer qu'il soit normal que l'avion soit rempli, peu rempli, moyennement rempli. Compte tenu du profil de passagers que nous avons dans ces avions vers les outre-mer, nous constatons un phénomène de cyclicité assez prononcé. C'est peut-être la nuance que je mettrais à cette dimension de concurrence : à la DGAC, nous observons de façon traditionnelle que la volatilité du marché est un peu supérieure à celle des autres lignes : en période de pointe, les tarifs augmentent un peu plus que leur augmentation sur une liaison américaine par exemple, ou sud-américaine ou africaine, et descendent un peu plus en période de basse saison. Cette saisonnalité ou volatilité a eu tendance à augmenter après la crise de la Covid-19. Pourquoi ? Dans ces avions, les voyageurs sont principalement des voyageurs que nous appelons affinitaires, VFR (Visiting friends and relatives). Ce sont des familles, des jeunes, des étudiants. Il existe un fort trafic familial, relationnel et intense avec la métropole. Ces voyageurs sont accompagnés d'autres voyageurs qui sont des touristes. Toute cette population a tendance à voyager au même moment, bien plus que sur une liaison nord-américaine ou sud-américaine, ce qui explique la volatilité des tarifs.

Je répondrai par la suite à d'éventuelles questions concernant les moyens sur ce qu'il est possible d'entreprendre ou non.

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Pierre Girard, sous-directeur des études, des statistiques et de la prospective à la direction du transport aérien

J'ajouterai qu'en matière de coût, les différents critères et les modèles économiques sont très liés au fonctionnement de l'espace communautaire. Dans les composantes, en matière de fiscalité, deux types de taxes existent : concernant les voyages de passagers, une taxe d'aviation civile et une taxe de solidarité. Nous pourrons vous transmettre les détails ainsi que les compléments par la suite. Là encore, nous sommes dans le même régime que l'espace communautaire.

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Dans un premier temps, pourriez-vous énoncer les missions de la DGAC ?

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Emmanuel Vivet, sous-directeur des transports et services aériens à la direction du transport aérien

La mission de la DGAC est triple. La première est d'assurer la navigation dans le ciel, autrement dit le fonctionnement de la circulation aérienne minute par minute dans le ciel géré par la France qui est plus large que le ciel du territoire français, les tours de contrôle, les centres de navigation route, tout le personnel composé de plusieurs milliers de contrôleurs, dits des contrôleurs du ciel, qui exercent ce beau métier.

Le deuxième travail porte sur la sécurité des aéronefs, des opérations aériennes, ce qui va bien plus loin que l'avion lui-même, puisqu'il s'agit de vérifier la formation des pilotes, la formation des formateurs, la navigabilité des appareils eux-mêmes, le fonctionnement des entreprises de sorte que la sécurité soit bien assurée. Nous retrouvons là une culture de la sécurité. Près de 2 000 fonctionnaires vérifient au quotidien que le transport public soit contrôlé en permanence par l'administration et qu'il n'y ait pas d'accident – je ne parle pas du transport de loisirs privé.

La troisième mission est davantage la nôtre à de M. Girard et moi, avec la direction du transport aérien sous l'autorité du directeur des transports aériens, et porte sur la surveillance du marché, qu'il s'agisse de la construction aéronautique, des aéroports, de la sûreté, de la défense, de la protection des opérations. En matière économique, notre mission consiste à donner des licences aux transporteurs afin qu'ils aient le droit de rentrer sur le marché européen. Nous dénombrons 105 transporteurs en France. Une fois que le transporteur a sa licence, nous nous assurons que le respect de toutes les autres règles économiques est suffisant pour que la concurrence soit équitable entre les acteurs. Ce point est majeur car le niveau de concurrence est intense dans l'aviation et il est très important que chacun bénéficie des mêmes chances que les autres.

Par ailleurs, nous avons d'autres missions de gestion, d'organisation des travaux, de lignes d'aménagement du territoire, en métropole par exemple ou à l'intérieur de la Guyane, à Saint-Pierre-et-Miquelon. Nous avons également une mission de négociation internationale quand il s'agit de relations entre la France, ou des territoires français quels qu'ils soient, et des pays étrangers : nous négocions les traités qui nous relient à ces pays.

Enfin, en matière de surveillance économique, avec des outils qu'elle a élaborés au fil des années et grâce à un robot tarifaire qui interroge internet tous les jours, la DGAC surveille un certain nombre de réservations telles que nous pouvons les voir sans être exhaustifs au jour le jour. Celle-ci n'est toutefois n'est pas tenue de le faire, mais s'attèle à cette tâche.

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Je suis assez marqué par les indicateurs que vous avez considérés parce que j'ai l'impression que le modèle tel qu'il est construit est le meilleur qui soit en matière de concurrence et finalement de réalité économique sur le marché aérien. Or, dans les indicateurs que vous avez évoqués, et vous avez notamment soulevé la question du prix au kilomètre parcouru, je ne vois pas à quel moment vous considérez l'exiguïté du marché intérieur de ces territoires qui fait peser une supportabilité de prix qui n'est pas acceptable pour nos populations alors qu'ainsi que vous venez de l'énoncer, vous effectuez la surveillance des marchés. Je soulignerai du reste la question du niveau de concurrence équitable.

Les indicateurs que vous prenez aujourd'hui ne correspondent pas à la réalité économique des modèles qui permettraient une supportabilité pour les usagers, sachant que ce sont des territoires enclavés. Le seul moyen de désenclavement de ces territoires est l'aérien ou le maritime. Pour ce qui concerne le transport de passagers, le seul moyen est l'aérien car en matière de délai, le maritime n'est pas envisageable.

Avez-vous pensé à revoir vos indicateurs ou considérez-vous que vos indicateurs sont les seuls possibles ?

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Emmanuel Vivet, sous-directeur des transports et services aériens à la direction du transport aérien

Vous avez raison d'aborder la notion de supportabilité des prix. Il existe une différence entre la façon dont le marché fonctionne, comme je l'ai expliqué, de façon concurrentielle, les transporteurs vous le diront, c'est très concurrentiel, et le ressenti des personnes. Nous pouvons entendre qu'une personne qui réserve un billet 15 jours avant les vacances, que ledit billet est élevé parce que nous sommes dans une période de pointe où il n'y a plus de place disponible et où les dernières places sont chères, ressente cette notion d'insupportabilité, comme vous l'indiquez, et que ce ressenti soit beaucoup plus fortement perçu que pour tous les autres billets qui auront été vendus beaucoup moins cher durant le reste de l'année.

Cette occurrence invite d'ailleurs les passagers à réserver très à l'avance, il est alors possible d'obtenir des rabais considérables à la fois en allant en arrière dans le temps par rapport à la date du voyage et en prenant les prix d'appel ou les prix les plus bas. Toute proportion gardée, c'est un peu comme une lettre à la poste : 100 lettres parviennent correctement à destination, mais vous parlerez à tous vos amis et à tous vos cousins de la lettre qui n'est pas arrivée et qui a été perdue. Le ressenti est fort. A contrario, personne n'a évoqué le prix des billets qui était peu élevé en 2019, et il est vrai que peu de vols ont eu lieu en 2020, et qui a baissé en 2021 dans les outre-mer. Ce prix est remonté en 2022 et tout le monde en parle. C'est important parce que c'est ressenti. Je comprends complètement ce que vous voulez dire : le ressenti est différent. Je n'ai pas de réponse à cette question. Nous sommes capables de suivre le trafic, nous essayons de suivre les tarifs, bien que ce soit très difficile. Cette conduite n'était pas possible il y a dix ans et la DGAC a mis en œuvre des moyens pour essayer de suivre ce phénomène.

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Pierre Girard, sous-directeur des études, des statistiques et de la prospective à la direction du transport aérien

Nous établissons en effet des mesures les plus objectives possible en matière d'indice des prix. Il existe un indice des prix du transport aérien de passagers qui nous indique que les prix ont augmenté d'environ 40 % entre 2019 et les dernières données dont nous disposons, tout dépend du reste des destinations.

Ces hausses de prix sont d'une ampleur comparable à ce que nous observons ailleurs en France, mais avec des variations plus importantes, des hausses notamment plus importantes dans les Antilles, et un peu moins importantes à La Réunion ou ailleurs. Nous disposons ainsi d'un certain nombre d'indicateurs statistiques. Ce faisant, nous avons des outils qui permettent d'avoir des mesures objectives sur lesquelles nous avons fait un grand nombre d'efforts pour avoir des méthodes harmonisées qui ont d'ailleurs été labellisées par le système statistique public français. Je viens moi-même de l'Insee, je précise que nous récupérions précédemment ces indices qui ont été vus et labellisés.

Votre question portait sur la supportabilité qui pose des questions et des ressentis, mais éventuellement des comparaisons avec d'autres indicateurs qui pourraient être mis à profit de votre commission, tels que le niveau de vie, c'est-à-dire la capacité à financer des billets d'avion à des tarifs qui pourraient être ressentis comme supportables. Objectivement, d'autres indicateurs sont à mettre en regard. De ce point de vue, les questions qui s'attardent sur les possibilités d'accéder à des billets méritent probablement des approfondissements statistiques sur des points que nous ne gérons pas directement à la DGAC. Au demeurant, concernant la question des indices de prix des tarifs, je précise que nous avons les mesures les plus objectives possible.

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Ma question était double, la supportabilité vient derrière et était la suivante : avez-vous pensé à changer d'indicateurs ? Ces indicateurs donnent certes un niveau d'objectivité, mais ne sont pas liés à la réalité économique des territoires en liaison avec la France hexagonale. Or, en l'absence de prise en compte des moyens budgétaires des territoires et de la taille du marché, je ne vois pas de quelle manière ces indicateurs peuvent être réalistes. Vous avez parlé de ressenti ; c'est plus qu'un ressenti. Pour une personne qui perçoit 1 500 euros mensuellement, qui a deux enfants et qui doit voyager une seule fois – et je ne vous demande même pas de regarder 2019, mais à partir de 2022 –, les prix des billets d'avion sont insupportables parce qu'ils ont plus que doublé entre 30 % et 50 %, voire presque 57 % d'augmentation. Sur un budget de 1 500 euros, au niveau le plus bas de l'année, le prix s'élève à 1 000 euros sans bagages. Vous ne voyagez pas sans bagages ; ce n'est pas un ressenti. Nous sommes donc enfermés sur un territoire au vu de l'impossibilité de voyager.

Je pense qu'il serait nécessaire de changer d'indicateurs. Vos indicateurs ont certes peut-être fonctionné dans un modèle d'une situation avant crise. À mon sens, la crise modifie la manière de percevoir la question du transport aérien dans des territoires enclavés comme le nôtre. En tant que structure d'État, vous avez ce regard d'autorisation, de licence, de contrôle et de sécurité, mais aussi de fiabilité. Je vous ai entendu affirmer que c'était le meilleur marché concurrentiel, mais ce n'est pas le cas ; nous comptions davantage de compagnies aériennes auparavant, le marché étant certainement exigu. Cependant, si les compagnies et les marchés étaient plus nombreux avant, c'est bien que le modèle pouvait être intéressant. Ce modèle n'est pas donc pas le meilleur contrairement à ce que vous affirmez.

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Emmanuel Vivet, sous-directeur des transports et services aériens à la direction du transport aérien

C'est bien noté pour ce qui concerne les indicateurs. Je tiens à corriger le mot « meilleur » ; je ne pense pas avoir dit que c'était le meilleur marché. Je n'affirme pas que la concurrence est le meilleur système. Je dis que le système est un système concurrentiel, je tenais à corriger ce point. La notion de « meilleur » est une appréciation que je ne porterai pas. J'ai apporté une explication sur le fonctionnement du marché qui est un système concurrentiel. De fait, pour un budget public égal à zéro, celui-ci permet d'avoir une offre élevée et en hausse ainsi que des tarifs objectivement relativement bas.

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Concurrentiel, en effet, c'est très objectif. Or, si je suis votre raisonnement, être à deux revient à être concurrentiel. Or, de cinq acteurs nous sommes passés à trois acteurs en considérant les Antilles. Nous sommes moins concurrentiels si nous regardons la situation objectivement. Il serait pertinent de le préciser.

Avez-vous dressé une analyse sur les raisons de l'augmentation exponentielle des coûts des billets d'avion ?

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Pierre Girard, sous-directeur des études, des statistiques et de la prospective à la direction du transport aérien

Nous avons préparé un certain nombre de documents que nous proposons de vous transmettre après l'audition afin d'avoir à disposition tous les éléments objectifs sur ces questions (nombre de lignes). Du reste, parmi les éléments dont nous disposons, notez que le coût de desserte des territoires respecte globalement un certain nombre de critères. J'ignore cependant si l'augmentation est exponentielle. J'ai effectivement indiqué que la hausse de l'indice des prix de transport passagers était d'environ 40 %. Nous ne maîtrisons pas tous les segments, mais nous disposons d'un certain nombre d'éléments qui expliquent ces coûts, ces critères, le nombre de transporteurs, qui peuvent exister et influencer les coûts, les motifs. Il existe en effet plusieurs types de motifs de voyage selon qu'il y ait un voyage d'affaires ou non, la saisonnalité de la demande qui peut être plus forte et qui a également une incidence importante en période de forte fréquence touristique, le volume de passagers à transporter, ce qui est lié, et selon que la compagnie soit traditionnelle à bas coût. Nous pourrions ainsi vous fournir des éléments chiffrés après l'audition.

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Évaluez-vous les marges des différentes compagnies aériennes lorsqu'elles effectuent un vol entre l'Hexagone et les territoires ultramarins ? Pensez-vous qu'il existe des positions monopolistiques ou non dans ces liaisons ? Existe-t-il enfin des abus de position dominante selon vous ?

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Emmanuel Vivet, sous-directeur des transports et services aériens à la direction du transport aérien

D'après nous, les marges des transporteurs vers les outre-mer sont relativement faibles. Elles répercutent tout ou partie de la hausse du prix du kérosène en euros qui est un déterminant important du coût d'un vol sur le prix du billet. Nos indices ne calculent pas la marge des transporteurs, cette marge relève qui plus est du secret des affaires. Nous n'avons pas non plus la capacité de la demander ni de la connaître.

Par ailleurs, nous n'avons pas connaissance de situations d'abus de position dominante. Nous n'avons pas de situation de monopole. Il conviendrait d'examiner cet aspect. En France métropolitaine, des dizaines de liaisons sont en monopole sur des axes fins. En outre, dans les îles qui sont des marchés étroits, spécifiques, particuliers, il existe un certain nombre de liaisons où un seul transporteur opère. C'est le cas de Cayenne – Fort-de-France – Point-à-Pitre, par exemple. Ce n'est pas isolé, d'autres exemples existent en France et dans le monde. Nous pourrions vous transmettre des statistiques sur ce point, si vous le souhaitez.

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L'Autorité de la concurrence a récemment notifié des griefs à trois entreprises dans le secteur du transport aérien régional intra-caribéen. Qui a signalé cette situation ? Quelles sont les compagnies aériennes concernées ? Aviez-vous connaissance de ces pratiques d'entente sur les prix ? Qu'avez-vous entrepris de votre côté ? Pouvez-vous me dire si ces pratiques ont cessé ?

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Emmanuel Vivet, sous-directeur des transports et services aériens à la direction du transport aérien

Nous n'avons pas de commentaire à faire sur une enquête qui est en cours par l'Autorité de la concurrence.

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Vous êtes sous serment. N'avez-vous pas d'éléments ou n'avez-vous pas de commentaire à faire ?

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Emmanuel Vivet, sous-directeur des transports et services aériens à la direction du transport aérien

Nous n'avons pas non plus d'éléments.

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Il conviendrait de nous communiquer les éléments dont vous disposeriez.

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Emmanuel Vivet, sous-directeur des transports et services aériens à la direction du transport aérien

Je vous confirme que nous n'avons pas d'éléments sur ces enquêtes.

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Vous avez quand même connaissance des compagnies qui sont concernées.

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Emmanuel Vivet, sous-directeur des transports et services aériens à la direction du transport aérien

Non, monsieur le président.

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Je ne comprends pas ; vous êtes censés mesurer la concurrence, la libéralité du fonctionnement des transports, et vous n'avez aucun moyen de contrôle du modèle des compagnies aériennes et donc des marges. Vous n'avez pas l'autorité de contrôle. Par conséquent, comment pouvez-vous assurer une mission objective de mesure de la concurrence sans connaître ni les éléments de marge ni les éléments économiques des compagnies aériennes ?

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Emmanuel Vivet, sous-directeur des transports et services aériens à la direction du transport aérien

Je vous demande un instant pour réfléchir à votre question, monsieur le président.

Je répondrais en cinq points. Le premier rôle sur le fonctionnement du marché est d'accorder une licence de transporteur aérien aux compagnies aériennes françaises qui le demandent. La règle est européenne et la décision est française. La DGAC accorde cette licence en fonction d'un certain nombre de critères comportant, par exemple, des vérifications sur les garanties financières, sur la capacité financière de l'entreprise à opérer, et ce, afin qu'elle bénéficie de fonds suffisants pour avoir une exploitation stable et pérenne et qu'elle ne cesse pas ses opérations en cours de route avec des billets qui seraient déjà vendus. La première action vise ainsi à accorder ou non une licence à des acteurs qui veulent rentrer sur le marché.

Dans une deuxième mission, nous vérifions le respect de l'équité entre les transporteurs. Par exemple, il est important que tous les transporteurs paient leurs taxes et redevances de façon normale et régulière. Si l'un d'entre eux venait à ne pas payer ses taxes et redevances de manière régulière, il serait avantagé par rapport à ceux qui la paient.

Nous avons par ailleurs une action au niveau du droit des passagers. Nous surveillons les retards, les annulations de vols, les refus d'embarquement qui font l'objet d'un règlement européen numéroté 261-2004, et nous assurons que les règles qui concernent tous ces phénomènes soient bien respectées par les transporteurs. Lorsque ce n'est pas le cas, nous le notons et convoquons les compagnies. Nous pouvons aller jusqu'à les convoquer devant la commission administrative de l'aviation civile qui recommande au ministre de prendre des sanctions.

Quatrièmement, et j'aurais peut-être dû le signaler plus tôt, une action importante est menée par l'État avec le concours actif de la DGAC pour sauver les compagnies aériennes en difficulté. Vous savez que Corsair a fait l'objet d'un plan de sauvetage en décembre 2020. Nous n'ignorons pas qu'Air France a fait l'objet d'un prêt important pour survivre en 2020, puis d'un apport de capital du contribuable en 2021. Vous savez également qu'Air Austral a fait l'objet d'un effacement de dettes très significatif récemment. Une autre action, moins visible, a été mise en place en 2021 pour sauver Air Saint-Pierre, qui dessert Saint-Pierre-et-Miquelon. L'acteur principal est généralement le comité interministériel de restructuration industrielle à Bercy qui orchestre ces plans de sauvetage avec les banques, les acteurs privés et publics, et la DGAC participe activement à ces travaux sans transporteur. Il s'agit également d'une action du contribuable français, de l'État visant à agir pour que les bonnes sommes soient déposées aux bons endroits, auprès des bonnes personnes et des bons transporteurs, au bon moment, pour que ces transporteurs survivent malgré les crises. Cette action est majeure. Le sauvetage des compagnies est le sauvetage du transporteur et vise la préservation d'une forme de concurrence.

Enfin, nous avons une action de suivi économique. La DGAC n'est pas un juge et n'a pas de rôle de sanction. Elle n'est pas une autorité de régulation de la concurrence, des agences étant payées pour exercer ce rôle. Le suivi économique est pour nous une manière de connaître le marché et donne lieu à des indicateurs publiés de façon assez transparente. En effet, le bulletin statistique est publié sur internet, de même que l'indice du suivi des tarifs et du transport aérien de passagers.

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Pierre Girard, sous-directeur des études, des statistiques et de la prospective à la direction du transport aérien

Au demeurant, même si nous n'avons pas tous les éléments pour calculer les marges et un certain nombre d'éléments sur les coûts, et donc d'une certaine façon pour avoir des éléments de contexte sur les marges, notez que le prix moyen au kilomètre pour les vols long-courriers vers l'outre-mer s'élève à 4,8 centimes d'euros par kilomètre et à 7,9 centimes pour les autres vols long-courriers. Nous obtenons ainsi un indicateur donnant des éléments de coût pour les passagers. Ces ratios sont bien inférieurs à ce qu'il est possible d'observer par ailleurs. Nous détenons un certain nombre d'éléments quantitatifs. Ces données ne répondent pas complètement à votre question puisque nous évoquons la question des coûts. Nous sommes cependant en mesure d'observer indirectement un certain nombre d'éléments et d'indications.

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Je suis inquiet de constater que vos indicateurs sont extrêmement segmentés. Un transporteur aérien effectue également du transport de marchandises. Nous sommes donc face à un modèle économique global qu'il doit être possible de lisser. Or, dans vos indicateurs, je ne relève pas cette prise en compte, que j'estime de fait très parcellaire, du modèle global de la compagnie qui fait du transport de passagers et du transport de marchandises et qui doit certainement pouvoir faire des économies d'échelle en fonction du type de ligne par rapport au coût, ce qui au demeurant apparaît dans tous les modèles économiques existants. Je suis encore plus inquiet à vous entendre évoquer des plans de sauvetage. Eu égard à une augmentation de 40 % sur un billet qui coûte 1 000 euros, nous obtenons 400 euros de plus, soit 1 400 euros. Si ce n'est pas exponentiel, je me pose des questions : 1 400 euros, simplement l'augmentation du prix du billet et sans bagages. C'est une réalité. En plus d'augmenter considérablement les prix, ces compagnies perçoivent de l'argent public, c'est-à-dire de l'argent du contribuable.

Nous avons besoin d'éléments précis. Pouvez-vous nous communiquer concrètement le montant perçu par Corsair, par Air France, et par toutes les compagnies qui sont liées, afin d'avoir une connaissance précise du volume, et peut-être des exonérations, qui font partie de la réduction des charges des entreprises ? En sus de l'augmentation du coût, de l'argent public est perçu de l'autre côté, certes, pour maintenir des compagnies. L'équation devient cependant extrêmement paradoxale parce que tout est supporté par le citoyen in fine : l'argent des impôts, du citoyen, assure le service de transport.

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Je reviens sur le terme « exponentiel » : si 40 % ne représentent pas une augmentation exponentielle au regard de l'exemple que vous avez pris et que j'allais citer, 40 % de 200 euros et 40 % de 1 000 euros ne donnent pas le même résultat en valeur absolue. Or, je considère que 40 % d'augmentation représentent une hausse exponentielle.

J'entends que ces données sont finalement assez supportables. Considérons cependant des populations qui sont pauvres, et je pense à Mayotte que je connais. Lorsque l'on part de Dzaoudzi pour aller à Paris, on part vers l'ouest. Quand on part de Saint-Denis de La Réunion vers Paris, on part vers l'ouest. Or, il y a déjà une heure trente de vol d'écart. Comment expliquer que le billet au départ de Dzaoudzi en direction de Paris est plus cher que lorsque l'on part de La Réunion en direction de Paris ? On me dit que le carburant est en cause. L'avion qui fait Dzaoudzi – Paris ne prend pas de carburant à Dzaoudzi, mais à Nairobi. S'agissant de Mayotte, le carburant ne joue donc pas.

Par ailleurs, j'ai entendu dans votre exposé que vous vous intéressiez aux constructions des aéroports et qu'il n'existait pas de monopole de transport. Dans les quelques exemples que vous avez cités, je n'ai pas entendu Mayotte. Je souhaiterais savoir si Mayotte était une situation de monopole qui, à mes yeux, est délibérément organisée par la DGAC.

Un problème d'infrastructures aéroportuaires ressort en effet. La question de la piste de Dzaoudzi est posée depuis 1985. Des études de faisabilité ont été menées, et à chaque fois, le sujet a été reporté. Il semblerait désormais que le site qui avait été choisi ne soit plus correct en raison des territoires ; on trouve toujours le moyen de ne pas engager le projet. Les contrôleurs aériens sont ailleurs. À plusieurs reprises, les avions n'ont pas pu partir de Paris pour aller à Dzaoudzi en l'absence de contrôleur à l'arrivée et en l'absence de sécurité. Des accords ont été signés par la DGAC à Dzaoudzi sur le plan diplomatique, avancée considérable en raison notamment des revendications territoriales que nous connaissons, nous avons tous applaudi, notamment avec des pays africains. Or, aucun impact n'a été constaté sur le territoire. Nous n'avons qu'une compagnie.

Est-ce en raison de la capacité financière de la France que vous avez bloqué la volonté de venir à Mayotte ? Nous avons besoin que la DGAC nous éclaire sur tous ces sujets. Cette description que je viens de dresser participe très largement à l'enchérissement du transport en commun, parce que nous n'avons qu'un opérateur. Vous considérez cependant qu'il ne s'agit toujours pas de monopole.

Lors de la dernière mandature, avec mes collègues, j'ai eu l'occasion de rencontrer les dirigeants d'Air Austral. Nous les avons interrogés sur les raisons de l'importance du coût du trajet Dzaoudzi – Paris par rapport à celui de La Réunion à Paris. L'argument d'une rude concurrence a alors été mis en avant. Autrement dit, nous sommes soumis à une rude concurrence à La Réunion, et nous utilisons en quelque sorte la situation à notre avantage à Mayotte, c'est-à-dire sur les territoires où les populations sont les plus pauvres.

Quelle ambition avez-vous pour avoir très rapidement une piste longue, pour libérer l'espace aérien à Mayotte et pour que les compagnies, y compris étrangères, qui veulent venir servir à moindre coût puissent le faire ? Vous avez bloqué la situation. Seule une compagnie vient, ce qui est mis en relief au nom du service public, mais en réalité, les Mahorais sont soumis aux offres d'une seule compagnie. Pour nous, il n'y a pas concurrence.

Je souhaiterais que vous vous exprimiez auprès de notre rapporteur sur l'existence d'une piste longue et sur l'ouverture des lignes afin qu'il soit au fait de la situation de Mayotte.

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Vous n'aurez pas le temps de répondre à tous les thèmes soulevés, mais vous pourrez apporter des réponses plus précises par écrit. Nous attendons en effet votre contribution pour répondre aux questions de M. Kamardine. Du reste, il serait pertinent que vous puissiez nous transmettre les propositions de solutions que vous envisagez pour diminuer les coûts, si vous en avez et si vous avez réfléchi à cette question. Par ailleurs, avez-vous un avis sur le rapprochement de Corsair, d'Air Caraïbes et d'Air Austral ? Cette démarche entraînera une diminution du nombre de compagnies et donc un risque d'augmentation des coûts.

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Emmanuel Vivet, sous-directeur des transports et services aériens à la direction du transport aérien

Je ne répondrai malheureusement pas sur les études en cours sur la piste longue, je ne suis pas sous-directeur des aéroports, mais sous-directeur des services. Cette question est complexe au vu notamment de l'existence d'un lagon avec des espèces protégées. Des études de coûts possibles et de travaux sont en cours, de même concernant l'arasement des monts afin d'alimenter le terrassement. Contrairement à mes collègues, je ne suis pas capable de répondre à ces questions. Nous nous tenons de fait à votre disposition pour y répondre, ou à celle de la direction du transport aérien. Je peux cependant vous garantir que des personnes travaillent sur ces sujets.

S'agissant des liaisons internationales au départ de Mayotte, je suis honoré que vous saluiez la négociation avec la Tanzanie, s'il s'agit bien de ce que vous évoquiez, que j'ai menée en juillet dernier sur le Rocher. Cet accord permet à toute compagnie tanzanienne de desservir Mayotte une fois par jour et à toute compagnie française de servir une fois par jour la Tanzanie au départ de Mayotte. Nous pouvons dresser un panorama juridique dans lequel les transporteurs s'inscrivent ou non, mais nous ne pouvons pas forcer les transporteurs à opérer des services. En conséquence, au bout d'un moment, notre rôle de l'État s'arrête. Nous créons une prévisibilité juridique, des possibilités ; nous avons vraiment trouvé un bon accord avec les Tanzaniens avec qui les discussions intégraient des dimensions environnementales. Mon prédécesseur avait agi de même avec le Kenya en 2013 ou en 2014. D'une manière générale, nous cherchons à offrir des possibilités maximales aux transporteurs pour que la prévisibilité juridique, l'encadrement international des textes, des arrangements administratifs ou des traités qui sont ratifiés par le Parlement, soient aussi faciles et bons que possible et que le fonctionnement soit correct. Nous engageons d'ailleurs de nouvelles opérations en ce sens dans les Antilles.

D'autre part, vous avez raison, un seul transporteur effectue la liaison en vol direct entre Mayotte et Paris, avec escale ou non, au Kenya selon le vent. Lorsque le vent est bon, le Boeing 787-900 d'Air Austral permet d'y accéder en direct. Dans le cas contraire, il convient de s'arrêter. En outre, Corsair offre également des billets entre Mayotte et la métropole, certes avec un arrêt à La Réunion. Nous observons là un transporteur qui propose la liaison.

Vous nous avez interrogés par ailleurs sur les montants d'aides donnés à Corsair, à Air Austral et à Air France. Compte tenu du temps disponible, je vous propose de vous communiquer les éléments par écrit. Au demeurant, je confirme que le fret est transporté à plus de 60 % au niveau mondial dans les soutes des avions passagers, avec des fréquences sur les Antilles qui sont de l'ordre de 20 à 40 fréquences par semaine et sur La Réunion, de 32 à 50 allers-retours par semaine. Nous avons beaucoup de soutes dans lesquelles le fret est transporté, ce qui explique d'ailleurs l'absence d'avions tout cargo. Nous avons pu observer l'effet contraire pendant la crise sanitaire : alors que les avions passagers ne circulaient plus, des problèmes de cargo ressortaient.

Dans les éléments écrits, et je vais insister, monsieur le président, nous transmettrons un chiffre concernant le prix moyen au kilomètre pour les vols long-courriers vers l'outre-mer qui est de 4,8 centimes d'euros par kilomètre en 2022 pour une moyenne de 7,9 centimes par kilomètre pour les autres vols long-courriers au départ de France. Je citerai par exemple l'Afrique subsaharienne avec 9 centimes par kilomètre ou l'Amérique du Nord avec 7 centimes. L'Amérique du Nord est somme toute concurrentielle. Enfin, 6 centimes pour les vols vers l'Amérique du Sud. Je n'affirme pas que c'est supportable. Je conçois que le coût puisse être élevé lorsque l'on a des besoins familiaux dans une situation inflationniste vécue par les familles. Nous sommes des spécialistes de l'aviation ; nous ne sommes pas des spécialistes du niveau de vie en général. Nous ne sommes pas des parlementaires qui ont une vue globale comme vous. Nous vous communiquerons cependant les éléments chiffrés sur ces points.

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Vous ne m'avez pas répondu sur la perspective de desserte de Mayotte par Air France.

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Emmanuel Vivet, sous-directeur des transports et services aériens à la direction du transport aérien

Je n'ai pas d'information à ce sujet. Nous vous répondrons s'il est possible d'interroger nos collègues de Bercy qui sont les actionnaires d'Air France sur ce point.

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Nous allons auditionner Air France, il sera possible de les interroger directement. En outre, je vais également insister : l'indicateur que vous considérez n'est pas un indicateur économique parce qu'il ne prend pas en compte la taille du marché de liaison. Il n'est pas économiquement viable de continuer avec ce type d'indicateur qui est partiel et ne prend pas en compte les éléments économiques du territoire. Les impacts ne sont conséquemment pas les mêmes. Si vous ne changez pas ces indicateurs, vous resterez dans une situation sans prise en compte des réalités du territoire.

Je citerai l'exemple de l'augmentation des prix des billets d'avion pour les usagers. Je suis certain que si vous habitiez l'un de ces territoires et que vous perceviez 1 500 euros, même avec un seul enfant, vous trouveriez insupportable de ne jamais pouvoir sortir du territoire au regard de l'importance du coût.

Je vous invite à changer de paradigme puisqu'en tant que direction de l'aviation civile, votre rôle est d'aider les territoires à appréhender des réalités et des contraintes qui doivent être réduites dans les solutions que vous avancez pour améliorer le quotidien, en tout cas de désenclavement de ces territoires pour le plus grand nombre. Le désenclavement ne doit pas être l'affaire de ceux qui ont les moyens de voyager, mais de la plus grande majorité.

Votre rôle est de maintenir un important niveau de concurrence. Même si vous avez parlé de libéralités, j'ai bien conscience que vous décernez également des licences ; vous donnez ou ne donnez pas une autorisation aux nouvelles compagnies. Vous serez cependant d'accord sur un principe économique simple : plus il y a de concurrence, moins les prix sont élevés, ce qui paraît naturel. Il faut par conséquent aider à l'instauration de ces modèles puisque vous avez une mission de service public en ce sens.

Je poserai une dernière question, et vous pourrez répondre par écrit, concernant vos relations avec l'Autorité de la concurrence. Vous avez évoqué la tâche de suivi économique. Il serait judicieux de préciser ce suivi économique puisque vous n'avez pas d'éléments de connaissance comptable des compagnies. Comment réaliser du suivi économique sans connaître véritablement les éléments de comptabilité ou les éléments de marge ? Avez-vous déjà saisi l'Autorité de la concurrence ?

Vous avez affirmé qu'il semblerait qu'il n'y ait pas de monopole ni de position dominante. Je suppose donc que ce n'est pas le cas. Je vous interroge toutefois concrètement en vue d'obtenir une réponse écrite. Nous pourrions ainsi connaître la marge de manœuvre dans laquelle nous nous trouvons et la réalité de vos connaissances.

L'audition s'achève à dix heures cinq.

Membres présents ou excusés

Présents. – M. Johnny Hajjar, M. Mansour Kamardine, Mme Joëlle Mélin, M. Philippe Naillet

Assistaient également à la réunion. – M. Jean-Victor Castor, Mme Karine Lebon.