Intervention de Gilles Savary

Réunion du 19 octobre 2016 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Savary, corapporteur :

Je ne vous suis pas sur ce point : vos deux réformes étaient incompatibles avec la réglementation européenne, ce qui a rendu nécessaire cette troisième réforme. Il faut avoir l'honnêteté de se remettre en cause, ce que je fais avec ma propre majorité, et l'exercice n'est pas facile. Puisque vous sollicitez l'histoire, je vous la rappelle : la confusion, c'était vous ; la séparation, c'est nous, même si nous avons voulu préserver l'intégrité du groupe.

S'agissant de la règle d'or, je conçois qu'elle pose un problème, mais elle est simplement faite pour éviter que des choix inconsidérés continuent de pénaliser le système ferroviaire lui-même, qui a besoin d'être stabilisé sur le plan financier, car c'est lui qui devra « aller à la bagarre » – ce qui n'empêche pas les élus et les pouvoirs publics de prendre d'autres décisions, mais à condition d'avoir le courage de les faire financer par le contribuable.

Il est parfaitement légitime de décider que certains trains non rentables – et il faut qu'il y en ait – constituent une priorité nationale. Mais, pour ce faire, il convient de soulager le système ferroviaire, et la règle d'or, en théorie, est faite pour que le système ferroviaire emprunte jusqu'au moment où la dette devient « maastrichtienne », c'est-à-dire sans retour. Cela signifie que certains investissements n'ont pas de retour prévisible, de façon à ne pas peser sur l'usager.

Il faut éviter que les finances du groupe SNCF soient totalement « plombées ». Aujourd'hui, nous distribuons 1,5 milliard d'euros par an aux prêteurs, soit plus que le budget de régénération au moment où M. Alain Vidalies est arrivé, alors même que le réseau s'affaissait !

Vous auriez mauvaise grâce à nous reprocher que la dette ait augmenté, car si tel a été le cas, c'était uniquement pour faire face au coût des quatre LGV nouvelles. De même que vous affirmez, lorsque la sécurité sociale va mieux, que c'est grâce à vos réformes, vous omettez de dire, lorsque la dette se dégrade, que c'est à cause du tout-TGV que vous avez fait prospérer.

Je précise que je ne suis pas hostile au TGV : je ne partage simplement pas votre optimisme car, pour avoir beaucoup voyagé en Europe centrale, je sais qu'il n'y aura pas d'achats de TGV en Europe. Aucun train ne sera lancé à 340 kilomètres à l'heure entre Prague, Budapest et Vienne, et les Allemands ont porté leur choix sur des lignes où les trains roulent à 250 kilomètres à l'heure. Ces trains sont d'ailleurs appelés « à grande vitesse » dans les pays où ils circulent, et ils sont infiniment moins chers que nos TGV, car le rapport coût-avantage a un effet multiplicateur.

Il me semble, pour autant, que nous devons persévérer dans la technologie de la grande vitesse afin de compléter notre offre, car le marché international ne manquera pas d'offrir des occasions en la matière. Curieusement, le monde entier admire notre technologie TGV, mais de la même façon qu'on peut admirer une Lamborghini, c'est-à-dire sans jamais l'acheter. Or, dans le domaine industriel, les admirateurs ne suffisent pas, il faut aussi des acheteurs ; le président des États-Unis, par exemple, admire nos trains, mais achète un Pendolino, tandis que nous surchargeons la SNCF de rames TGV sous-utilisées pour faire tourner nos usines.

Je ne suis pas persuadé que cette situation soit rationnelle, et ce n'est pas nous déshonorer que de signifier à notre industrie ferroviaire qu'il serait bon qu'elle produise une nouvelle gamme de trains. De façon étrange, le Pendolino est disponible, mais pas en France, et d'autres trains existent comme le Railjet en Europe centrale, qui fonctionne avec des locomotives traditionnelles Taurus. Nous pourrions trouver intérêt à fabriquer de telles locomotives à Belfort ! Ce train circule à 250 kilomètres à l'heure, il dispose de trois classes dont une classe affaires, il est très confortable et coûte 11 millions d'euros par rame, à comparer avec les 30 millions d'euros d'une rame TGV.

Pour certaines grandes lignes, ce choix serait beaucoup plus rationnel, et n'entraînerait pas de surinvestissement. Or, la SNCF est soumise à des injonctions contradictoires : on lui demande d'un côté de surinvestir, de l'autre de limiter sa dette. C'est pourquoi nous plaidons pour une programmation pluriannuelle.

La programmation constitue en effet le moment de vérité, et doit être associée à des contrats d'objectifs et de performance — c'est la première fois que la loi prévoit des contrats de performance – qui ne soient pas indexés sur les priorités de l'État. Il faut un découplage : on ne peut à la fois dire à la SNCF que l'on observe la façon dont elle réduit sa dette et améliore sa productivité, et la charger par ailleurs d'engagements déconnectés de ses objectifs. Le programme pluriannuel doit en outre comporter des indicateurs socio-économiques pour les investissements.

Ce qui ne signifie pas que l'on doive se prive d'investir dans un TET dont le rendement socio-économique est faible. On peut et on a le droit de desservir par le train des régions faiblement peuplées : c'est une mission de service public. Il faut simplement de la clarté.

Le rapport apporte par ailleurs bien des réponses à vos questions, au sujet des régions par exemple. Car nous sommes favorables à l'expérimentation : nous demandons que les régions puissent choisir leurs opérateurs, qu'elles deviennent autorités organisatrices de plein exercice, et qu'éventuellement une part du réseau leur soit attribuée. Mais cela suppose une recette dédiée, un dispositif proche, à mes yeux, de l'écotaxe — bien que je ne sois pas ministre et ne pense pas avoir vocation à l'être. (Sourires.)

Il me semble qu'il faut faire simple, ce qui suppose l'institution d'une fiscalité écologique des transports, assise sur l'ensemble du parc et du réseau routiers, et pas seulement sur les poids lourds et sur un réseau baroque. Le calcul de répercussion des coûts de l'écotaxe était absolument incompréhensible…

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