Intervention de Yves Censi

Réunion du 15 février 2017 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Censi, président de la mission d'information :

Nous avons mené plus d'une centaine d'auditions qui constituent aujourd'hui un matériau précieux au regard des actions qu'il nous faudra mener pour lutter contre le syndrome d'épuisement professionnel.

Gérard Sebaoun a fait une excellente présentation du rapport. C'était une gageure que de dresser l'état des lieux et de présenter en si peu de temps nos propositions, dont nous avons pu constater, lors de notre dernière réunion, qu'elles faisaient l'objet d'un consensus.

Nous avons commencé nos travaux sans aucun a priori. Je ne suis pas sûr que la traduction des termes « épuisement professionnel » par burn out soit parfaite. On nous reproche souvent d'utiliser trop d'anglicismes. Mais il faut rester très ouvert pour respecter la multidimensionnalité du burn out.

Une chose est certaine : il s'agit d'un phénomène sociétal incontestable et d'un sujet de société majeur. Si tout le monde en parle – journaux, entreprises, salariés –, c'est que ce phénomène, qui touche à la souffrance au travail, s'est accéléré et propagé, au point de devenir une caractéristique de nos sociétés contemporaines. Ce phénomène, dont le coût humain et financier pour la société est considérable, fait partie d'un sujet plus général, celui de la santé mentale au travail.

Nous nous sommes d'abord heurtés à un problème de définition. Nous sommes allés jusqu'à demander, notamment à l'Académie nationale de médecine, puisqu'il s'agit d'un problème de psychopathologie, si le burn out existait. Certes, il n'en existe pas de définition dans les tableaux nosographiques internationaux, comme le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM) de l'American Psychiatric Association (APA), ou la Classification internationale des maladies (CIM) de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), mais chacun s'accorde à dire que ce n'est pas parce qu'il n'existe pas de définition médicale communément reconnue que le phénomène n'existe pas.

Pour ce qui nous concerne, nous avons tenu compte de l'aspect multidimensionnel du burn out. Sa définition touche à la fois au champ médical et au champ juridique. Le burn out résulte d'une interaction entre la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale. Mais même s'il est exclusivement lié à une très forte pression dans la vie professionnelle, il influe obligatoirement sur la vie personnelle et psychique. C'est ce qui rend ce phénomène si complexe.

Il ne faut pas confondre le burn out avec d'autres troubles psychopathologiques bien connus. L'absence de définition précise du burn out fait qu'on utilise ce terme pour désigner d'autres pathologies. Je pense au surmenage, à l'anxiété, à la dépression. Le rapporteur a également parlé du stress et des conduites suicidaires. Il faudra être très précis pour mettre en application les propositions de ce rapport. S'agissant de la reconnaissance du burn out, il faudra faire preuve d'une grande vigilance.

Nous avons tenté de faire apparaître la multidimensionnalité du phénomène. Les auditions ont permis d'évoquer les dimensions scientifique, médicale, psychopathologique, mais aussi managériale et organisationnelle du burn out, sans oublier la dimension juridique. Mais est-il possible de légiférer sur un phénomène qui n'a pas encore trouvé de définition médicale ? D'où l'importance du travail qui nous attend.

Le rapporteur a également évoqué les dimensions sociale, politique, budgétaire et financière du burn out, avec toutes leurs conséquences en matière de gestion publique et de protection sociale. Pour terminer, j'insiste sur la dimension associative, comme dans tout processus qui produit des victimes.

Il est nécessaire de mettre en oeuvre les dispositions que nous proposons, car il existe incontestablement un immense besoin de reconnaissance individuelle et sociale. Personnellement, je me félicite que cette mission se soit déroulée hors de tout combat politique et idéologique. Le consensus qui existe sur ce sujet est à la mesure de l'importance de l'enjeu.

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