Intervention de Naïma Moutchou

Réunion du mercredi 4 octobre 2023 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNaïma Moutchou :

Pour de nombreux parents, publier des images de son enfant sur les réseaux sociaux est un geste naturel et anodin : pas moins de 43 % des parents publient des photos de leurs enfants, et 39 % des très jeunes ont déjà une empreinte numérique, parfois même avant leur naissance. Cette empreinte peut représenter un poids embarrassant pour l'adulte en devenir, dont les parents n'auront pas respecté le besoin d'intimité en diffusant parfois aux yeux de tous des images qui ne franchissaient pas autrefois le seuil du premier cercle familial.

Le droit à l'image fait intimement partie du droit au respect de la vie privée, consacré par l'article 9 du code civil mais, au regard de la loi, les parents ne sont pas tenus de rechercher le consentement de leur enfant. Ils sont responsables, dans le cadre de l'exercice de l'autorité parentale, de ce droit à l'image et, en réaction aux abus de certains parents, la jurisprudence s'est prononcée en faveur de la double autorisation parentale en matière de publication d'images, considérée comme un acte non usuel. Toute personne est en droit de demander le retrait de certains contenus au titre du droit à l'oubli en ligne, d'ailleurs renforcé pour les mineurs dans le cadre du règlement général sur la protection des données (RGPD). Dans d'autres pays, en Italie notamment, des plaintes ont été déposées par des enfants à l'encontre de leurs parents pour non-respect de leur droit à l'image.

La protection de la vie privée des enfants dans l'espace numérique est un sujet sérieux et d'une grande actualité à l'heure des réseaux sociaux. Je veux remercier Bruno Studer, qui a fait un travail remarquable pour renforcer le niveau de protection que notre société offre aux enfants face à l'attitude naïve, irresponsable, voire intentionnellement dangereuse de certains parents. Le numérique a changé nos vies, mais il diminue aussi notre niveau de vigilance. Nous sommes encore loin de mesurer pleinement les effets de cette révolution sur nos modes de vie et, à plus forte raison, sur le développement de nos enfants, qui sont à la fois fascinés et fragilisés par les écrans. De plus en plus d'études établissent un lien entre la surconsommation des réseaux sociaux et les risques pour la santé psychique. Mais l'autre danger d'une telle exposition sur les réseaux sociaux, c'est aussi de voir ces photos récupérées et détournées par des réseaux pédocriminels.

Nous avons la responsabilité d'établir une législation plus rigoureuse pour encadrer le droit à la vie privée des enfants et les protéger de certaines dérives. C'est précisément ce que propose ce texte, qui a été adopté à l'unanimité en première lecture par notre assemblée, avant d'être largement modifié par le Sénat. C'est donc sans surprise que la commission mixte paritaire a échoué. Les sénateurs avaient supprimé les articles 2 et 4, estimant que le respect de la vie privée de l'enfant était déjà intégré à la mission exercée par les parents. Les sénateurs s'opposaient également à élargir la délégation forcée de l'exercice de l'autorité parentale en cas d'exposition indigne de l'image de l'enfant, comme nous l'avions voté à l'article 4.

Le rapporteur propose de rétablir ces articles et de renforcer la portée de l'article 1er en mentionnant de façon explicite le droit à la vie privée des enfants dans la définition même de l'autorité parentale. Le groupe Horizons a toujours soutenu les avancées législatives qui visaient à mieux protéger les enfants et à garantir l'effectivité de leurs droits : je pense notamment au texte du président Marcangeli sur la majorité numérique. Concernant l'article 3, le Sénat est allé plus loin en exigeant l'accord des deux parents pour toute diffusion d'un contenu relatif à la vie privée de l'enfant. Cette rédaction est certes conforme à la jurisprudence, mais le mécanisme proposé par le rapporteur apporte davantage de souplesse, puisqu'il prévoit que le juge n'intervient qu'en cas de désaccord entre les deux parents.

Nous partageons tous l'objectif de mieux protéger les enfants des nombreuses dérives d'internet et, pour avancer sans attendre dans cette direction, le groupe Horizons renouvelle son soutien au texte.

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