La réunion

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La séance est ouverte à 9 heures.

Présidence de M. Sacha Houlié, président.

La commission procède à l'examen de la proposition de loi, visant à renforcer le contrôle des déclarations de minorité des étrangers (n° 1261) (Mme Alexandra Masson, rapporteure).

Lien vidéo : https://assnat.fr/6cyXjZ

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Nous examinons d'abord la proposition de loi visant à renforcer le contrôle des déclarations de minorité des étrangers, qui est inscrite, en septième et dernière position, à l'ordre du jour de la séance réservée du groupe Rassemblement national (RN), le 12 octobre prochain.

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Je vous remercie de m'accueillir dans votre commission en tant que rapporteure de cette proposition de loi, qui est un texte d'importance. Elle vise en effet à renforcer le contrôle des déclarations de minorité des étrangers, dans un triple contexte.

Tout d'abord, notre pays enregistre des arrivées toujours plus importantes de mineurs isolés étrangers, dits mineurs non accompagnés (MNA). De quelques centaines en France au cours des années 1990, leur nombre est passé à 4 000 en 2010 et à 28 000 en 2018. Selon les projections, les « flux » de MNA confiés aux départements, sur décision judiciaire, se seraient élevés à 17 000 entre janvier et août 2023, contre 9 500 pour toute l'année 2021. Dans les seules Alpes-Maritimes, 4 736 MNA ont été pris en charge durant cette période, contre 4 808 pendant la totalité de l'année 2022. Pour rappel, 95 % de ces MNA sont des garçons et 60 % d'entre eux ont entre 16 et 18 ans.

En second lieu, de nombreux rapports ont pointé du doigt le lien entre la présence de MNA sur notre sol et la problématique de la délinquance. D'après un rapport de 2021 de nos anciens collègues Antoine Savignat et Jean-François Eliaou, les MNA représenteraient 30 % des mis en cause dans les vols par effraction à Paris, 44 % dans les vols à la tire et 32 % dans les vols avec violence.

Enfin, le dispositif actuel d'évaluation de la minorité des étrangers se déclarant MNA est défaillant. La détermination de l'âge s'appuie, en l'état du droit, sur un faisceau d'indices qui résulte d'une procédure faisant appel à une expertise documentaire, à une évaluation sociale et, subsidiairement, à des examens radiologiques des os, les fameux « tests osseux ». L'évaluation sociale est un dispositif pertinent, qui repose sur une série d'entretiens pluridisciplinaires visant à comparer l'âge allégué du migrant avec son apparence physique, son comportement ou encore sa capacité de raisonnement, mais cette évaluation est trop subjective et ne saurait donc se substituer aux examens scientifiques que sont les examens radiologiques. Ceux-ci, hélas, sont assez rarement utilisés – j'y reviendrai.

Avant de préciser en quoi le dispositif juridique encadrant le recours aux examens radiologiques osseux doit être repensé, je rappelle que l'évaluation de la minorité du migrant se déclarant MNA joue un rôle primordial. En effet, elle trace une ligne de partage entre deux régimes juridiques diamétralement opposés.

En matière de droit des étrangers, alors qu'un individu majeur peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement, le migrant déclaré MNA ne peut se voir appliquer ni une obligation de quitter le territoire français (OQTF), ni une mesure d'expulsion. Le MNA bénéficie, en outre, de conditions facilitant l'obtention d'un titre de séjour lorsqu'il atteint la majorité. En d'autres termes, il s'installe durablement, pour ne pas dire définitivement, sur notre territoire.

De surcroît, le migrant déclaré MNA est pris en charge par le service départemental de l'aide sociale à l'enfance (ASE). Il est ainsi hébergé et il bénéficie d'un accès aux soins et à l'éducation et éventuellement d'un soutien psychologique ou d'une formation professionnelle. Dans le département des Alpes-Maritimes notamment, le coût moyen de prise en charge d'un MNA est de 50 000 euros par an pour le contribuable.

Enfin, le MNA bénéficie de l'application de dispositions moins sévères dans le cadre de la justice pénale des mineurs, ce qui n'est pas un aspect anodin compte tenu des liens entre la présence de MNA sur notre sol et les problèmes de délinquance.

Il résulte de ces différences entre les régimes juridiques applicables que l'évaluation de l'âge doit être la plus précise et la plus fiable possible. Or, le recours aux examens radiologiques, déclaré conforme à la Constitution par une décision du Conseil constitutionnel datant de 2019, est entouré de conditions bien trop strictes.

Celles-ci, qui doivent toutes être réunies, sont au nombre de quatre : l'intéressé doit être dépourvu de documents d'identité valables, l'âge qu'il allègue ne doit pas être vraisemblable, seule l'autorité judiciaire peut autoriser le recours à ces examens, et la personne concernée doit donner son consentement. En conséquence, ce dispositif est largement sous-utilisé. Le ministère de la justice n'a pas été en mesure de nous communiquer les chiffres exacts, malgré différentes demandes, mais la faiblesse du recours aux examens radiologiques a été unanimement soulignée lors des auditions.

Il nous apparaît dès lors indispensable de rénover le dispositif juridique actuel de deux manières : d'abord, en réduisant de moitié le nombre de conditions, par la suppression de l'intervention de l'autorité judiciaire et de la mention selon laquelle l'intéressé doit être consentant ; ensuite et surtout, en prévoyant que tout refus d'un tel examen entraînera une présomption de majorité. Cet ajout est indispensable pour assurer l'efficacité du dispositif. Sinon, le migrant se sachant majeur n'aura qu'à refuser les examens radiologiques et pourra indûment être déclaré mineur si l'évaluation sociale va en ce sens. Il ne s'agira pas de procéder à des examens radiologiques osseux sous contrainte, mais de considérer, sauf démonstration du contraire, que le migrant refusant l'examen est majeur.

Je précise, pour la bonne information de chacun, qu'un « test osseux », comme nous l'avons écrit dans l'exposé des motifs, n'est en réalité qu'une radiographie ou un scanner – de trop nombreuses confusions ont lieu en la matière.

Par ailleurs j'ai constaté qu'il était indiqué, dans de multiples amendements, qu'un examen radiologique osseux présentait une marge d'erreur trop importante. Les auteurs de ces amendements se sont fondés sur des rapports surannés, alors que la science évolue, et vite.

J'ai ainsi auditionné, lors de mes travaux préparatoires, le docteur Bernard Marc, chef du service des urgences médico-légales du Grand Hôpital de l'Est francilien, qui nous a présenté une étude clinique visant à évaluer l'âge à partir d'un scanner de la clavicule. Depuis la crise sanitaire, les services hospitaliers disposent d'une base de données de plusieurs centaines de scanners réalisés sur de jeunes personnes réunissant tous les critères des migrants se déclarant MNA – une population jeune, ethniquement variée et originaire d'Afrique. Deux juridictions sollicitent déjà le Grand Hôpital de l'Est francilien : le tribunal de Meaux, en Seine-et-Marne, et celui de Paris, territoire où la délinquance des MNA est la plus importante. Cinq à six demandes d'examen sont ainsi reçues chaque semaine par l'hôpital.

J'aurai l'occasion d'y revenir plus précisément lors de l'examen des amendements, mais la marge d'erreur a été ramenée de vingt-quatre mois à seulement deux à six mois en passant des examens radiologiques de la main et du poignet gauche au scanner de la clavicule – c'est une avancée très importante – et la marge d'erreur pourrait encore être réduite. Le recours à l'intelligence artificielle, envisageable prochainement, pourrait permettre de la rendre quasi nulle.

Dans ces conditions, le dispositif que nous présentons semble pertinent et souhaitable à plusieurs égards.

Il est dans l'intérêt supérieur des enfants confiés à l'ASE que l'on ne fasse pas cohabiter dans un même espace de vie des mineurs et des majeurs indûment déclarés mineurs. L'article 2 prévoit ainsi que, pour que l'intéressé soit pris en charge par l'ASE, sa minorité devra avoir été vérifiée dans les conditions fixées par l'article 388 du code civil tel qu'il est réécrit par l'article 1er de la proposition de loi.

L'intégrité de nos frontières requiert, par ailleurs, que l'on puisse identifier les étrangers majeurs sans titre de séjour, afin de procéder à leur éloignement.

Ensuite, la protection de la sécurité des Français demande, de façon impérieuse, que les migrants délinquants et majeurs soient jugés par la justice des majeurs.

La préservation du budget de nos départements suppose, enfin, de réserver nos généreux et coûteux dispositifs d'aide sociale à l'enfance aux seuls véritables mineurs.

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Cette proposition de loi témoigne de l'approche simpliste et néfaste pour l'État de droit qui caractérise les projets du Rassemblement national.

L'article 1er tend à réécrire l'article 388 du code civil, en particulier ses alinéas relatifs à la détermination de l'âge d'un mineur qui n'est pas en mesure de prouver son âge par un document d'identité valable. Par ailleurs, l'article 2 vise à compléter l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles, en précisant qu'un mineur qui n'a pas la nationalité française ne peut être pris en charge dans les conditions prévues par cet article s'il n'a pas été procédé à une vérification préalable de la réalité de son état de minorité. Pour faire simple, sans test osseux, le mineur ne pourra pas bénéficier de la protection de l'aide sociale à l'enfance.

Par ces deux articles, le Rassemblement national va à l'encontre de la Constitution française, de la Charte européenne des droits de l'enfant, du Comité des droits de l'enfant de l'ONU, du Haut Conseil de la santé publique, du Défenseur des droits, de l'Académie nationale de médecine et j'en passe. Partout en Europe, les associations de pédiatres sont catégoriques sur un point : la maturité de la dentition et du squelette ne permet pas de déterminer l'âge exact d'un enfant, mais uniquement de procéder à une estimation, avec une marge d'erreur de deux à trois ans.

En 2005, déjà, le Comité national consultatif d'éthique (CCNE) avait confirmé « l'inadaptation des techniques médicales utilisées actuellement aux fins de fixation d'un âge chronologique ». Dans son avis, le CCNE « ne récuse pas a priori leur emploi, mais suggère que celui-ci soit relativisé de façon telle que le statut de mineur ne puisse en dépendre exclusivement. […] L'important est de protéger les enfants, non de les discriminer, ce qui renforce le rôle d'écoute du corps médical, même requis aux fins d'expertise ». Le CCNE avait révélé, par ailleurs, l'existence d'« un risque d'erreur majeur à l'égard des enfants non caucasiens, originaires d'Afrique ou d'Asie, dont le développement osseux peut être tout à fait hétérogène par rapport aux références anglo-saxonnes ».

Dans un rapport de 2007, l'Académie nationale de médecine a confirmé que la lecture de l'âge osseux permet d'apprécier avec une bonne approximation l'âge de développement d'un adolescent en dessous de 16 ans. En revanche, cette méthode ne permet pas de distinction nette entre 16 et 18 ans.

S'agissant du cas spécifique de l'évaluation de la minorité d'un jeune étranger isolé, le Haut Conseil de la santé publique a estimé que le consentement de la personne concernée est nécessaire, que l'examen médical ne doit intervenir qu'en dernier ressort, après une évaluation sociale et l'examen des documents d'état civil, que l'estimation d'un âge osseux ne permet pas de déterminer l'âge exact du jeune lorsqu'il est proche de la majorité légale et que la détermination d'un âge physiologique sur le seul fondement d'un cliché radiologique est à proscrire.

De plus, dans une décision du 21 mars 2019, le Conseil constitutionnel a consacré l'existence d'une exigence constitutionnelle de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant et rappelé les garanties applicables en cas d'examen radiologique osseux pour déterminer l'âge d'une personne.

La Cour européenne des droits de l'homme s'est également prononcée sur la question. Dans une décision du 21 juillet 2022, elle a confirmé à la fois la nécessité de prendre en compte l'intérêt supérieur de l'enfant et l'existence d'une présomption de minorité – et non de majorité –, pour les personnes non accompagnées, ce qui entre en contradiction avec les dispositions de la présente proposition de loi.

Enfin, il ressort des travaux menés par différentes autorités, à la fois médicales et éthiques, que les résultats de ces tests sont d'une grande incertitude quant à la détermination de l'âge, surtout pour les mineurs de plus de 15 ans. Il a été établi, en outre, que les interprétations des résultats sont sujettes à des écarts importants selon les praticiens, en l'absence de protocole unique. Aucune méthode de détermination de l'âge, qu'elle soit utilisée isolément ou de façon combinée, ne fournit actuellement des informations scientifiques suffisamment fiables et précises pour déterminer l'âge biologique du mineur évalué.

Cette proposition de loi est ainsi inconstitutionnelle et antieuropéenne, contraire aux droits des enfants, contraire à la nécessité d'un consentement préalable et d'un examen médical, contraire à l'État de droit, contraire au code civil, contraire au code de l'action sociale et des familles, contraire aux droits de la défense, contraire aux décisions de la Cour européenne des droits de l'homme, contraire à la science et immorale. Aussi comprendrez-vous que nous votions contre ce texte.

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Saturation, embolie, appel à l'aide : voilà comment de nombreux départements français, rejoints par l'Assemblée des départements de France, caractérisent la situation de l'aide sociale à l'enfance depuis l'arrivée massive de mineurs non accompagnés sur notre territoire. De 2 500 en 2005, leur nombre est passé à près de 40 000. Il s'agit donc, comme l'a indiqué Mme la rapporteure, d'un phénomène à prendre avec beaucoup de sérieux.

La protection de l'enfance, que personne ne remet en cause, offre de nombreux avantages à ceux qui en bénéficient : l'inexpulsabilité du mineur, la quasi-automaticité de la délivrance d'un titre de séjour à sa majorité et la clémence du droit pénal à son égard, qui n'est pas un élément à négliger. Selon la préfecture de la Gironde, 42 % de la délinquance des mineurs à Bordeaux étaient le fait de MNA en 2020. À Paris, ils représentent 80 % des défèrements de mineurs, et on ne compte plus les articles de presse qui décrivent une justice débordée par la violence des MNA.

Un autre avantage lié à leur statut est la prise en charge matérielle, scolaire et sanitaire de l'enfant, pour un coût évalué à environ 50 000 euros par an et par mineur, soit une facture de près de 2 milliards d'euros réglée par le contribuable français. Parce que ce système est particulièrement généreux, il ne faut pas être dupe des tentatives de dévoiement dont il pourrait faire l'objet. Nous avons toutes les raisons de ne pas faire preuve de naïveté quand on entend Mme la directrice de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne estimer qu'« il n'est pas exagéré d'imaginer qu' a minima la moitié des MNA qui se prétendent âgés de 16 ou 17 ans dans l'agglomération parisienne sont en réalité âgés d'au moins 18 ans et mentent sur leur âge », ou lorsque Sud Ouest nous apprend, dans un article d'octobre 2021, qu'il résulte des cinquante évaluations de la minorité et de l'isolement réalisés chaque mois en Gironde que plus des deux tiers des demandeurs ne sont pas considérés comme mineurs par le département. De même, un rapport de la cour régionale des comptes de Nouvelle-Aquitaine indiquait, en 2018, que le département de la Charente avait émis 83 avis négatifs sur 219 étrangers s'étant présentés comme mineurs.

Dans l'état actuel du droit, à partir du moment où un étranger a déclaré qu'il était mineur, il est très compliqué de prouver le contraire. L'examen radiologique évoqué par cette proposition de loi est le meilleur moyen de s'assurer qu'il n'y a pas d'abus systémiques. Le dispositif de radiologie de la clavicule présenté par Mme la rapporteure nous paraît tout à fait pertinent et efficace pour trancher dans les nombreux cas où on se situe dans la marge d'erreur.

Ne nous trompons pas de débat : cet examen radiologique ne sera ni invasif, ni systématique. Certains députés se sont emportés durant les auditions et ne manqueront pas de caricaturer à nouveau le débat, mais il n'est nullement question de pratiquer un quelconque examen sur un enfant de 3 ans. En revanche, si un doute subsiste sur l'âge d'une personne et que celle-ci refuse de coopérer, elle sera considérée comme majeure. La réalisation d'un tel examen et l'application des décisions de justice permettront de préserver de détournements le dispositif existant, d'assurer une meilleure garantie des droits des mineurs et d'améliorer le consentement des Français au financement de la politique de l'aide sociale à l'enfance dont bénéficient les MNA.

Contrairement aux macronistes, qui enchaînent les contorsions pour essayer de nous faire croire qu'il n'est pas possible de changer notre droit et in fine font la démonstration de leur manque de courage, et contrairement aussi à la NUPES, car ce texte va à l'encontre de son idéologie immigrationniste, nous voterons en faveur de la proposition de loi.

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Les niches parlementaires sont des moments particuliers puisqu'ils permettent aux groupes de s'exprimer sur leurs priorités. Lorsque la NUPES fait le choix d'investiguer sur la question du blocage des prix ou sur celle du retour à une retraite décente pour tous, vous choisissez, au Rassemblement national, de vous attaquer aux mineurs étrangers isolés.

J'emploie ce verbe, car vous travestissez la réalité. Vos chiffres sont un mélange d'éléments plus ou moins sourcés et de propos vagues, voire d'anecdotes, pour ne pas dire de faits divers. À cela nous opposons d'autres éléments, qui prouvent une chose : lorsqu'un jeune mineur isolé, non accompagné, est effectivement pris en charge sur le plan éducatif, il ne pose strictement aucun problème. Les 5 à 10 % d'entre eux qui font l'objet de mesures pénales de toute nature sont en errance, c'est-à-dire qu'ils sont totalement livrés à eux-mêmes et totalement vulnérables.

Cependant, ce n'est pas le sujet. Vous nous dites que pour profiter de l'aide sociale à l'enfance, laquelle est mise en œuvre d'une façon très imparfaite par les départements – réalité que vous faites semblant d'ignorer –, ces jeunes mentiraient sur leur âge et que les tests osseux seraient le moyen d'y mettre fin. Examinons donc la fiabilité de ces tests. Leur marge d'erreur se situe entre dix-huit mois et trois ans. Autant dire que l'établissement de la majorité d'une personne relève de la loterie.

On pourrait aussi évoquer la genèse de ce dispositif, qui date en gros des années cinquante. Il est fondé sur un atlas de radiographies d'enfants blancs de la classe moyenne, qui permet de mesurer si ces derniers pourraient avoir un retard de croissance : cela n'a rien à voir avec la fixation de tel ou tel âge. Le Haut Conseil de la santé publique a d'ailleurs indiqué, dans un avis de 2014, que l'on ne pouvait utiliser ces tests osseux pour déterminer l'âge d'une personne.

Vous nous dites que la science avance et qu'une nouvelle technique permet de fixer l'âge avec certitude en combinant un scanner de la clavicule, une radio de la main gauche et un examen panoramique dentaire. Or, il n'en est rien : aucune étude ne prouve que c'est fiable, et vous le savez, bien sûr. Alors pourquoi avancez-vous ces arguments et cette proposition de loi ? Tout simplement parce que vous criminalisez les migrants : qui dit migrant dit délinquant, ce qui tombe bien, parce qu'on parle ainsi d'autre chose que de l'inflation qui explose ou du dérèglement climatique, et qu'on fait porter à l'autre la responsabilité de tous les maux. Ces pratiques démagogiques sont votre fonds de commerce et l'apanage des pouvoirs autoritaires que vous incarnez, en tout cas du point de vue de votre philosophie.

Vous dites respecter l'intérêt supérieur de l'enfant, mais il n'en est rien. Comme l'ont montré des éléments déjà cités, votre texte est tout à fait anticonstitutionnel, et vous le savez. Dès que le vernis craque, on voit le fond xénophobe et raciste de votre organisation politique.

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Cette réunion est très particulière puisqu'elle coïncide avec la niche parlementaire de nos collègues du RN. Tous les sujets, évidemment, sont possibles, et chacun essaie de faire le buzz dans ce cadre, une fois par an.

Les mineurs non accompagnés sont une vraie question. Le nombre des arrivées et des demandes explose depuis plusieurs mois, ce qui coûte 500 millions de plus aux départements – ce n'est pas une paille. Par ailleurs, l'accueil devient de plus en plus difficile, y compris celui de vrais mineurs, qui n'ont donc pas toujours la chance d'avoir un encadrement sérieux.

Les tests osseux sont traités comme un repoussoir. Ils font l'objet de certaines oppositions pratiques et idéologiques, mais il faut quand même rappeler que la loi du 14 mars 2016 comportait une reconnaissance de ces tests et que le Conseil constitutionnel a lui-même réaffirmé en 2019 leur constitutionnalité.

Pour Les Républicains, il ne s'agit pas de faire reposer la totalité de la preuve sur les tests osseux – il n'en a jamais été question. Je partage ce qui a été dit au sujet de la marge d'erreur, même si elle n'est pas de dix-huit mois à trois ans, mais plutôt de douze à dix-huit mois, selon le consensus. Cela vaut en particulier pour les jeunes qui sont à la limite des 18 ou 19 ans, mais il y a aussi, et vous le savez, un nombre important de personnes qui se prétendent mineures, alors qu'elles ont en réalité 22 ou 23 ans : même avec une marge d'erreur de douze à dix-huit mois, elles ne peuvent être mineures. Je rappelle aussi qu'on utilise un faisceau d'indices : il n'y a pas que le test osseux, celui-ci ne constitue pas une réponse absolue.

Cela fait plusieurs années que nous nous sommes positionnés pour un renforcement de ces tests. Ils font, je l'ai dit, l'objet d'une bataille assez compliquée sur le plan idéologique et sur le plan pratique, et je sais bien, par ailleurs, quelle interprétation sera retenue. J'ai ainsi lu ce matin dans la presse que les LR couraient après le RN… Or ce n'est pas du tout le cas : nous revendiquons l'antériorité de nos propositions. Éric Ciotti avait déposé des amendements à ce sujet en 2018, lors de l'examen d'un projet de loi sur l'immigration, et l'UDI avait aussi déposé, il y a quelques années, une proposition de loi qui allait exactement dans le même sens.

Si vous faites un petit sondage auprès de nos concitoyens, vous verrez que, par empathie pour des personnes qui ont souvent subi beaucoup de difficultés, qui sont venues chez nous à pied, généralement après avoir quitté leur famille, beaucoup souhaitent qu'on assure, dans l'intérêt de ces personnes, un encadrement sérieux des vrais mineurs, des gamins laissés à l'abandon, et qu'on se donne des moyens de le faire. Sinon il se produit, d'une certaine façon, un détournement de fonds publics et de l'esprit de l'accueil. En matière de solidarité, il faut aussi fixer certains critères. Voilà pourquoi nous nous associons à ce texte.

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Je trouve cette proposition de loi intéressante et même d'utilité publique.

Il faut dire que vous avez le sens des priorités et du timing : alors que certains, aux frontières de l'Europe, sont plongés dans le malheur et vivent des situations dramatiques qui appelleraient plutôt à faire preuve de solidarité et d'humanité, vous proposez de suivre une logique froide et comptable. Priorité nationale, d'abord, et considérations conventionnelles et constitutionnelles après, pour ne pas dire jamais. Vous répondrez peut-être que gouverner, c'est prévoir, mais que prévoyez-vous pour les présumés non mineurs non accompagnés qui auraient le malheur de franchir nos frontières à leurs risques et péril ? Vous semblez avoir choisi, comme vous le faites bien souvent, de ne regarder la question que par le petit bout de la lorgnette et en faisant fi des principes fondamentaux de notre droit. L'exposé des motifs de votre proposition de loi aurait pu être le suivant : cachez cette Constitution et ces accords européens que nous ne saurions voir !

Les Français, nombreux, qui nous suivent en ce moment sont des témoins privilégiés de la qualité des propositions que vous faites en réponse à la crise migratoire. Le dernier rapport d'activité de la mission mineurs non accompagnés souligne que nos territoires rencontrent quatre difficultés principales : augmentation de l'arrivée de très jeunes ; recrudescence de suspicions de cas de traite des êtres humains ; déserts médicaux ; situations d'errance. Vous proposez, pour y répondre, de « rationaliser » les garanties constitutionnelles fixées en 2019 s'agissant du régime de détermination de la minorité, en consacrant une présomption de majorité. Après tout, en effet, l'irrégularité du séjour ne conduit-elle pas à retenir une présomption de fraude ?

Quant à l'intervention de l'autorité judiciaire, gardienne des libertés fondamentales de tout individu, fût-il étranger, pourquoi s'en encombrer ? L'exercice, d'office, d'un pouvoir discrétionnaire pourrait bien suffire et serait bien plus efficace. Quant à la condition de n'utiliser qu'en dernier recours les tests osseux, dont le caractère faillible est confirmé par toute la littérature scientifique, pourquoi devrions-nous nous en embarrasser ? Et pour quelles raisons devrait-on rechercher un consentement libre et éclairé lors d'un examen médical ? Cela ne vaut, peut-être, que lorsqu'on impose une expertise psychiatrique – vous n'êtes pas à une contradiction près. En ce qui concerne le renversement de la présomption de minorité au profit d'une présomption de majorité, là aussi pourquoi s'embêter avec le principe de la protection de l'intérêt supérieur de l'enfant ? Pour ce qui est de la suppression de l'interdiction de l'examen du développement pubertaire il est heureux, en revanche, qu'un petit moment de lucidité ait conduit au dépôt, hier, à la dernière minute, d'un amendement tendant à la rétablir. S'agissant enfin du deuxième volet de la proposition de loi, qui met sous conditions la protection dans le cadre de l'ASE, nos débats démontreront votre cynisme.

Si nous avions un doute sur votre capacité à gouverner avec pragmatisme et dans le respect des principes conventionnels et constitutionnels, vous nous permettez fort heureusement, une énième fois, de le dissiper. Chers collègues du Rassemblement national, sachez que vous nous trouverez nombreux sur votre chemin lorsqu'il s'agira de garantir l'effectivité des droits et des libertés de tout individu, majeur, mineur, français ou étranger. Si ce texte, en l'état, recueille l'adhésion de collègues siégeant sur d'autres bancs, nous nous y opposons fermement, comme nous nous opposerons à toutes vos attaques contre nos valeurs républicaines, démocratiques et humanistes.

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Ce texte, pour nous, ne propose qu'un mirage en réponse à une question sérieuse et légitime que l'on ne doit pas ignorer. Il systématise, sans le consentement de l'intéressé, le recours aux tests osseux en l'absence de documents d'identité valables et lorsque l'âge allégué n'est pas vraisemblable. L'utilisation, d'office, de ces tests est pourtant contraire à l'analyse du Conseil constitutionnel, qui a fait du consentement à un tel geste invasif une garantie permettant de protéger les droits individuels et a précisé, dans une décision de 2019, qu'il appartient à l'autorité judiciaire de s'assurer du respect du caractère subsidiaire de cet examen. Seule l'autorité judiciaire – et non l'administration, comme le prévoit l'article 1er de la proposition de loi – peut décider de la légalité d'un test. On voit bien, en effet, le conflit d'intérêts qui se produirait si l'on confiait à une administration supportant la charge de l'accueil le soin de faire réaliser des tests dans un objectif bien déterminé. L'autorité judiciaire est la garante des droits de la personne.

Bien que ces seuls motifs suffisent à nous faire rejeter cette proposition de loi, je rappelle en outre que la fiabilité du procédé en question n'est pas avérée, comme l'ont souligné de nombreuses instances – l'Académie de médecine dès 2007, le Haut Conseil de la santé publique en 2014, le Défenseur des droits, le Comité consultatif national d'éthique, le Comité des droits de l'enfant de l'ONU et de nombreuses ONG. Vous annoncez l'apparition d'une nouvelle technique à la suite de la crise sanitaire de 2020, mais nous n'en avons pas trouvé la trace.

La présomption de majorité que vous souhaitez instaurer méconnaît la Convention internationale des droits de l'enfant, tout comme elle méconnaît notre Constitution. Le Conseil constitutionnel a précisé, dans sa décision de 2019, que la majorité d'une personne ne saurait être déduite de son seul refus de se soumettre à un examen osseux. Vous méconnaissez également la jurisprudence constante du Conseil d'État, qui établit une présomption de minorité. En somme, rien ne va dans ce texte.

La question est complexe, mais cela ne nous oblige pas à faire preuve de démagogie, en donnant à penser qu'une solution facile et simple serait possible. Au lieu de céder aux sirènes de la simplification, cherchons la justice et l'efficacité, dans l'humanité et l'État de droit.

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Le texte que nous examinons aborde un sujet important, celui des mineurs non accompagnés, auxquels nos concitoyens sont attentifs.

Rappelons quelques principes. Tout d'abord, notre philosophie générale envers les mineurs – accueillir et protéger des enfants qui arrivent seuls sur notre territoire – relève d'une évidence qui doit être manifeste sur tous les bancs. Nous avons en la matière, bien sûr, des engagements internationaux, européens et constitutionnels que nous devons respecter, mais aussi, en premier lieu, un devoir humanitaire. Un mineur non accompagné est, avant tout, un enfant.

Au cours des dernières années, nous avons renouvelé les modalités d'évaluation de la minorité par un arrêté de 2019, nous avons codifié la justice pénale des mineurs, grâce notamment à M. Jean Terlier et à Mme Cécile Untermaier, et nous avons adopté la loi du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, qui autorise dans certains cas la prise d'empreintes sans consentement. Le rapport d'information de nos prédécesseurs Jean-François Eliaou et Antoine Savignat, sur les problématiques de sécurité associées à la présence sur le territoire de mineurs non accompagnés, expose la double nécessité de remplir notre devoir humanitaire et de nous doter de moyens d'identification et, éventuellement, de répression des jeunes isolés, afin de s'assurer que seuls les mineurs bénéficient de la protection qui leur est due. Il évoque ainsi l'entrée en vigueur en 2019 d'un fichier d'appui à l'évaluation de la minorité, créé en application de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, dite asile et immigration. Ce fichier national, mis à la disposition des départements, répertorie toutes les personnes ayant sollicité une prise en charge de l'ASE ; il contient notamment les empreintes digitales et permet donc d'identifier les personnes et de connaître la durée séparant deux demandes d'évaluation.

Le recours aux tests osseux intervient donc à la fin de l'enquête sociale, sur autorisation des services de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Depuis de nombreuses années ils font l'objet de débats : non seulement ils posent la question du respect de l'intégrité physique, que nous défendons, mais tous les acteurs médico-sociaux s'accordent aussi sur leur peu de fiabilité. Or, au regard des conséquences induites, il est indispensable d'établir scientifiquement un résultat certain. Pourtant, quel que soit le référentiel utilisé, les mesures d'ossification du cartilage de croissance connaissent une marge d'erreur particulièrement élevée entre 16 ans et 18 ans. Déjà peu fiables sur un public européen, les tests osseux le sont encore moins s'agissant de jeunes non caucasiens arrivés dans notre territoire après des mois ou des années d'errance et de souffrance. L'Académie de médecine et le CCNE ont plusieurs fois souligné le manque de fiabilité médicale de ces tests chez les jeunes de plus de 15 ans, en particulier les garçons, et le risque d'erreur juridique qu'entraînent les fausses déclarations de majorité.

La proposition de loi du groupe Rassemblement national vise à placer les tests osseux au cœur du processus d'estimation de l'âge et à conditionner la prise en charge des jeunes concernés à leur réalisation, ainsi qu'à instituer une présomption de majorité pour ceux qui refuseraient de s'y soumettre. Le groupe Horizons et apparentés y est fermement opposé. D'une part, l'enjeu de l'évaluation est potentiellement la protection d'un enfant seul dans un pays qu'il ne connaît pas et dont il ne parle pas la langue. Il serait surprenant que des parlementaires établissent comme seul moyen de preuve un test dont la fiabilité scientifique est contestée. D'autre part, le Conseil constitutionnel a expressément rappelé le caractère fondamental de certains droits que ce texte méconnaît, comme l'intervention d'un juge.

Le groupe Horizon et apparentés est convaincu que la présence de mineurs non accompagnés, ou de jeunes qui se présentent comme tels, mérite une réponse ferme mais juste. Elle doit être élaborée, efficace et respectueuse de nos droits fondamentaux et ne peut donc reposer sur des tests peu fiables. Nous voterons donc contre cette proposition de loi.

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La bête immonde se réveille quand l'homme s'endort. La présente proposition de loi l'illustre parfaitement. Contraire à nos valeurs fondamentales d'humanité et de solidarité, elle remet en cause notre devoir moral envers les enfants les plus vulnérables.

Les mineurs étrangers non accompagnés ne sont pas responsables des conflits, des persécutions ou des crises économiques qui les ont poussés à quitter leur pays d'origine. Ils sont les victimes innocentes de circonstances tragiques ; comme nation humaniste, nous avons le devoir de leur offrir protection et assistance. L'application de ce texte entraverait la prise en charge des enfants, avec des conséquences humanitaires désastreuses : où iront ces jeunes privés de ressources et de protection, ou, pire, renvoyés dans le pays qu'ils ont souvent fui pour survivre ? Vous ne cherchez pas à protéger des enfants ni nos concitoyens ; vous cherchez à renvoyer des enfants à la violence, à l'exploitation, à la traite d'êtres humains – à des conditions de vie inhumaines. La patrie des droits de l'homme, de la protection des plus vulnérables et du droit d'asile doit fermement s'opposer à votre proposition de loi mortifère, qui renvoie dos à dos les clairs de peau et les foncés. En effet, madame Masson, nous ne sommes pas dupes de votre grossière manœuvre : en défendant ce texte, vous alimentez des fantasmes désuets, vides de sens et morbides, pour choyer la frange la plus extrémiste de votre électorat : Jean-Marie Le Pen, qui parlait de « bicots » et de « sidaïques » ; votre collègue Grégoire de Fournas, qui a dit dans notre hémicycle : « Qu'il retourne en Afrique ! » ; Anne-Sophie Leclère, candidate aux élections municipales sous votre bannière, qui aurait préféré voir Christiane Taubira « dans un arbre » ; Jean-Francis Étienne, candidats aux départementales, qui affirmait qu'il suffirait peut-être de « couler un ou deux bateaux poubelles » – c'est ainsi qu'il désignait les bateaux de migrants – avec « quelques mines bien placées ».

Votre proposition de loi méconnaît nos obligations internationales, issues notamment de la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE), qui précise que dans toutes les décisions qui le concernent, « l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ». Votre dispositif d'obligation de test irradiant et invasif est contraire aux conventions internationales les plus largement ratifiées au monde.

Nous croyons à une société qui protège les plus vulnérables, qui respecte la dignité de chaque individu, qui garantit l'égalité des droits de toutes et tous, qu'importent la nationalité, la provenance, la couleur de peau, la religion. Il est inhumain d'imposer des tests osseux à des mineurs qui ont déjà souvent connu un parcours traumatique. Plutôt que leur offrir soutien et protection, vous les soumettez à la suspicion et à la matraque. Rassurez-vous, madame Masson, quinze mineurs qui traversent la frontière franco-italienne n'arrêteront pas la fête du citron de Menton ; pas plus que quinze mineurs traversant le col de Tende l'hiver n'arrêteront la fête médiévale de Breil-sur-Roya. Comme je vous sais attachée aux traditions et aux institutions, je vous propose de demander que Cédric Herrou figure à la prochaine promotion de la Légion d'honneur, pour humanité et service rendu à la nation.

Jean Cocteau, amoureux de Menton, disait que l'enfance est un rêve dont on se réveille trop tôt. En défendant cette proposition de loi, vous proposez de transformer ce rêve en cauchemar.

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En me rendant ce matin en commission, je savais que nous examinerions en premier lieu une proposition de loi abjecte, mais je ne m'attendais pas à entendre certains collègues justifier par l'empathie leur volonté de traîner des jeunes à l'institut médico-légal pour pratiquer un scanner de leur clavicule.

Ce texte est dangereux ; il nie les difficiles conditions de vie, passées et présentes, des enfants que sont les jeunes mineurs isolés. Ils ont quitté seuls leur pays d'origine et affronté un parcours migratoire ardu ; souvent exposés à la maladie, ils ont été traumatisés à toutes les étapes, parfois exploités par des réseaux de traite d'êtres humains. De tout cela, votre texte ne dit rien.

À leur arrivée, plus de la moitié nécessitent une prise en charge sanitaire urgente ; tous ont besoin de protection. Les opérateurs de l'État leur opposent le plus souvent la suspicion. Leur identité est mise en doute par la police, qui se croit compétente pour évaluer leur âge ; certains sont illégalement refoulés, enfermés dans des centres de rétention administrative ou en zone d'attente. De tout cela, votre texte ne dit rien non plus. Vous choisissez d'ignorer les besoins fondamentaux d'enfants, et même de renforcer le soupçon en évoquant des estimations sorties du chapeau, qui visent à entretenir la panique morale en nourrissant la représentation des personnes migrantes en fauteurs de trouble à l'ordre public, en délinquants en devenir –dans la continuité des propos, condamnables et condamnés, d'Éric Zemmour.

Lorsque le département a rendu un avis négatif s'agissant d'une demande de prise en charge, il est possible de déposer un recours judiciaire. Dans la réalité, entre 50 et 80 % des recours déposés contre un déni de minorité trouvent grâce auprès des juges des enfants, qui d'ailleurs pratiquent déjà des tests osseux, dans des conditions assez éloignées de celles que prévoit la loi. En effet, cet examen doit intervenir en dernier recours, or les juges de nombreuses juridictions le demandent d'emblée. Le parcours de ces enfants est si long qu'ils en viennent à demander ce test eux-mêmes, parce que sûrs de leur minorité, ils veulent en finir pour être enfin pris en charge – c'est terrible. Toutes les embûches que vous disposez, nous le savons, visent à leur faire atteindre la majorité, pour que l'aide sociale à l'enfance ne les prenne pas en charge.

Vous dénoncez la délinquance de ces jeunes, mais elle est le résultat de leur abandon ; vous faites tant durer la clandestinité et la vulnérabilité que les réseaux de délinquance vont puiser ces jeunes en mal d'accompagnement et de protection. Le dispositif d'obligation des tests osseux révèle votre idéologie, que vous justifiez et légitimez à l'aide d'un argument faussement scientifique, puisque cet examen radiologique n'est ni fiable, ni éthique, ni souhaitable ; il est intrusif, violent et instrumentalisé à des fins judiciaires : pour un tiers des tests pratiqués, l'écart moyen entre les interprétations atteint dix-huit mois.

Le groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES s'opposera donc à votre texte et, surtout, à votre idéologie.

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La présente proposition de loi tend à généraliser une méthode qui n'a pas fait ses preuves et qui n'a plus sa place dans le code civil. Plus inquiétant, les conditions d'application du dispositif sont de nature à porter une atteinte grave à l'intérêt supérieur de l'enfant. En 2022, 15 000 mineurs non accompagnés sont arrivés en France. Souvent, leur parcours est chaotique et traumatique ; ils ont connu des sévices et des privations. Avant tout, ce sont des enfants : nous avons intérêt à nous occuper d'eux et à les protéger, plutôt qu'à les laisser aux mains de la pègre.

Notre groupe reconnaît les difficultés, mais nous estimons que la généralisation des tests osseux ne constitue pas une réponse pertinente ou efficace. D'abord, l'adoption de ce dispositif, contraire à la Constitution, serait un recul grave. Le Conseil constitutionnel a validé en 2019 le recours aux tests osseux parce que pour protéger l'intérêt supérieur de l'enfant, le législateur l'a assorti de nombreuses garanties, que votre texte vise à supprimer une à une.

À l'encontre des fondements de notre droit, le texte prévoit que l'examen peut être pratiqué sur simple décision de l'administration. Le juge doit seul avoir la prérogative d'autoriser un examen aussi intrusif, en particulier sur un enfant. Par ailleurs, nous ne comprenons pas le choix de mettre fin à l'interdiction constante de procéder à un examen du développement pubertaire des caractères sexuels, qui porte directement atteinte à la dignité humaine des enfants.

J'ajoute que le recours systématique aux tests osseux serait inefficace. Dans votre exposé des motifs, vous prétendez qu'il s'agit de la méthode d'évaluation la plus fiable. Il n'en est rien : aucune institution scientifique sérieuse n'a jamais affirmé leur fiabilité ; le risque d'erreur est très élevé, en particulier entre 16 et 20 ans, comme c'est le cas de la majorité des jeunes pour qui le doute existe.

Vous souhaitez une vérification préalable de minorité avant toute prise en charge par l'aide sociale à l'enfance. Cette mesure, contre-productive, conduirait à laisser les jeunes concernés aux mains de la pègre. J'ajoute que les services de l'ASE peuvent prendre en charge des jeunes majeurs, de moins de 21 ans, privés de soutien familial. Pourquoi exclure les jeunes étrangers ?

Il existe d'autres pistes pour lutter contre les faux mineurs délinquants sans pénaliser tous les enfants étrangers. En ce sens, le rapport d'information sur les problématiques de sécurité associées à la présence sur le territoire de mineurs non accompagnés, déposé en 2021 par notre commission, recommande sans surprise de proscrire tout recours supplémentaire aux tests osseux, de renforcer l'accompagnement des mineurs et de créer un registre des MNA délinquants – tout le contraire de ce que vous proposez.

Le groupe LIOT votera contre cette proposition de loi inefficace, contraire à la Constitution, à nos engagements internationaux et à la morale.

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Entre 2016 et juin 2023, le Royaume-Uni a connu 11 275 litiges relatifs à l'âge des demandeurs d'asile ; dans près de la moitié des cas, les personnes concernées ont finalement été considérées comme adultes ; le 12 septembre, il a annoncé qu'il recourrait désormais aux tests osseux pour déterminer l'âge des migrants qui se prétendent mineurs. Or il ne s'agit pas d'un régime fasciste.

François Sauvadet, président de l'Assemblée des départements de France, explique : « Nous sommes face à une situation explosive. Nous enregistrons des arrivées massives à nos frontières, notamment dans les Alpes-Maritimes où près de 2 000 MNA ont été accueillis depuis le début de l'année, soit près de 5 000 au niveau national. Nous retrouvons les niveaux intenables des années 2017-2018 ! »

Les MNA sont devenus une importante filière d'immigration illégale et une source de délinquance inquiétante. C'est logique : le régime d'accueil leur est très favorable, grâce notamment à une solide prise en charge matérielle – il aurait été étonnant que les filières des passeurs ne s'engouffrent pas dans cette voie. Michel Aubouin, ancien préfet de l'Essonne, décrit ainsi le parcours type d'un mineur isolé qui débarque à Orly : « Placé dans un foyer, scolarisé, soigné, accompagné, sa situation se trouve régularisée le jour de sa majorité présumée. Et c'est ce jour-là qu'il retrouve ses papiers et que ses parents se font connaître. »

La fraude porte également sur l'âge – c'est ce qui nous occupe aujourd'hui. De nombreux majeurs demandent le statut de MNA, si bien que l'aide sociale à l'enfance rejette 60 % des demandes. Ainsi, une filière de faux MNA venus de Côte d'Ivoire a été démantelée il y a quelques années : ils avaient en moyenne 25 ans. Il serait évidemment plus simple de ne rien faire, mais cela conduirait dans le mur. Je défendrai donc plusieurs amendements sur cette proposition de loi, pour trouver de vraies solutions. J'espère que nous pourrons débattre sereinement et que nous ne cacherons pas, une fois de plus, la poussière sous le tapis.

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Je tâcherai de dépasser les caricatures abjectes et ignobles qui ont été faites de cette proposition de loi. Soyons sérieux, pour travailler sereinement. Il est minable de stigmatiser la population de Menton et celle de la vallée de la Roya, en première ligne face à la vague migratoire, car elle souffre. Quand on vit loin de ces problèmes et qu'ils ne nous affectent pas, on en a certainement une vision déformée, mais si ces habitants nous écoutent, ils trouvent certainement très désagréable d'entendre semblables propos.

Il est vrai que nous avons le sens des priorités : les Alpes-Maritimes connaissent une importante vague migratoire de mineurs isolés. Fin août, leur nombre se montait à 4 808, soit une augmentation de 132 % par rapport à 2022. D'autres conseils départementaux rencontrent le même problème : nous ne savons plus où mettre les mineurs isolés. Il est donc important de pouvoir distinguer les vrais mineurs des faux. C'est l'unique objectif que nous visons en défendant cette proposition de loi.

Ce texte concerne essentiellement les jeunes âgés de 16 à 20 ans, puisque le dispositif vise les personnes dont l'âge allégué n'est pas vraisemblable. Soyons pragmatiques. Vous citez l'étude de 2014. J'ai auditionné le docteur Bernard Marc, et je tiens son étude clinique à votre disposition. Il a effectué un travail exceptionnel, d'une grande précision, sur les tests osseux de la clavicule. Vous dénoncez des examens très invasifs, mais pour la énième fois, je le répète, il s'agit de radiographies et de scanners ; banals, ils n'ont rien d'invasif et peuvent être pratiqués partout en France, de manière rapide et fiable.

S'agissant de la constitutionnalité, il est vrai que le dispositif proposé réduit le nombre des garanties. Toutefois, l'examen ne pourra être réalisé qu'en l'absence de document d'identité valable, lorsque l'âge allégué n'est pas vraisemblable et les conclusions des examens devront préciser la marge d'erreur. Avec les critères du docteur Bernard Marc, elle est de deux à six mois ; en réalité, au niveau 4, elle est nulle : nous sommes désormais capables d'identifier sans erreur une personne âgée de 18 ans au moins. Ainsi, le risque d'inconstitutionnalité n'est pas si élevé. Ce dispositif constitue le meilleur moyen de protéger les mineurs : lorsqu'ils seront pris en charge dans les centres, comme la loi nous y oblige, ils seront entre eux, et non en compagnie de majeurs avec des risques d'émeute et de violence.

Enfin, de nombreuses études montrent que les risques d'irradiation liés aux examens par scanner ou radiographie sont presque nuls.

Article 1er (article 388 du code civil) : Assouplir le recours aux examens médicaux aux fins de détermination de l'âge et instaurer une présomption de majorité en cas de refus , par l'intéressé, de l'examen radiologique osseux

Amendements de suppression CL9 de Mme Élisa Martin, CL12 de Mme Sabrina Sebaihi, CL18 de M. Ludovic Mendes et CL19 de Mme Elsa Faucillon

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Sans revenir sur les dispositions de protection des mineurs que ce texte du groupe Rassemblement national enfreint de plein fouet, il nous faut examiner l'esprit de l'article 1er : il vise à convertir la présomption de minorité en présomption de majorité et à imposer un examen biométrique.

L'exposé des motifs établit une corrélation fallacieuse entre les mineurs non accompagnés d'origine étrangère et la délinquance, afin de donner corps aux fantasmes xénophobes qui servent de colonne vertébrale au programme d'extrême droite, et à ce texte en particulier. On est d'ailleurs passé près de la demande de supprimer l'interdiction d'examiner les parties génitales ; seule une honte trop difficile à assumer médiatiquement a fait renoncer le parti lepéniste à cette abomination.

Substituer des décisions administratives à l'autorité judiciaire est caractéristique des régimes autoritaires ; pour votre parti, la justice fait obstacle à l'arbitraire de la répression.

Nous le répétons : les tests osseux ne sont pas fiables. En l'état du droit, on ne peut les imposer à l'intéressé.

Enfin, on nous inflige l'examen d'un texte qui tend à séparer l'humanité en deux catégories : les humains qui bénéficieraient de la circonstance atténuante d'être âgés de moins de 18 ans et les étrangers qui auraient commis le crime d'avoir dépassé la date administrative de péremption, que vous aimeriez voir déchus de leurs droits humains.

Nous espérons donc que l'article 1er, comme le reste du texte, retournera dans le cerveau cruel de ses géniteurs.

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Nous avons déjà entendu beaucoup d'arguments relatifs aux problèmes constitutionnels, éthiques et pragmatiques que pose le texte. Nous sommes opposés au texte, toutefois nous partageons l'intention de modifier la rédaction de l'article 388 du code civil, afin d'interdire les tests osseux. Il s'agit d'un examen médical qui a été transformé en outil d'expertise judiciaire, dans le cadre d'une démarche administrative, ce qui est problématique. La communauté médicale et la communauté judiciaire s'accordent à dénoncer leur efficacité. Des méthodes alternatives d'évaluation de la minorité existent. Je me suis entretenu avec des mineurs qui ont subi toutes ces démarches d'évaluation : elles sont bien invasives. Beaucoup finissent par demander le test pour sortir de ce parcours violent.

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Si nous adoptions l'article 1er, la justice n'aurait plus son mot à dire ; la personne concernée devrait subir l'examen médical sans y consentir ; le caractère accessoire du test disparaîtrait. Surtout, si l'on se réfère à la décision du Conseil constitutionnel, cet article est inconstitutionnel. Nous voulons le supprimer rapidement.

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Nous sommes attachés à la protection de tous les enfants. Nous avons d'ailleurs déposé une autre proposition de loi visant notamment à instaurer une présomption de minorité. Lorsque les jeunes arrivent dans notre territoire, celle-ci fait trop souvent défaut ; les conditions d'accueil sont indignes pour des enfants. Il faut que l'évaluation psycho-sociale respecte les libertés et les droits fondamentaux. L'État et les départements doivent consentir les moyens nécessaires pour satisfaire leurs besoins, en particulier dans le domaine de la santé physique et psychique. Ces jeunes doivent recevoir un accueil digne et protecteur, pour leur offrir un répit.

Évidemment, nous n'espérions pas que le groupe Rassemblement national s'attacherait à protéger ces enfants, puisqu'il trie entre ceux qui doivent l'être et les autres. Nous voulons que l'État soit à la hauteur des besoins des départements, dont certains au moins veulent accueillir et protéger les mineurs non accompagnés. Pour cela, nous nous battrons toujours.

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Vous nous reprochez de vouloir « trier » les personnes. Le mot est très péjoratif. Nous voulons seulement que la loi soit strictement appliquée, or elle distingue les mineurs des majeurs. Nous voulons d'autant plus éviter que des majeurs bénéficient du statut réservé aux mineurs sur le sol français, qu'il ne s'agit pas de Français – ce sont des migrants. Le droit n'est pas le même pour les majeurs, qui peuvent déposer une demande d'asile, et pour les mineurs, que nous devons évidemment protéger. Personne ne remet en cause cette nécessité ; nous en faire le reproche est absurde et montre votre ignorance du texte.

La marge d'erreur des tests osseux pratiqués sur les clavicules est très faible. Les tribunaux de Meaux et de Paris font appel six fois par semaine au service du docteur Bernard Marc pour recourir à cet examen, qui est le plus précis dont nous disposions.

Avis défavorable.

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Je voterai contre ces amendements de suppression. Je suis cohérent : j'ai moi-même défendu des dispositifs similaires dès 2018, je soutiens donc cette proposition de loi. Il faut analyser le sujet abstraction faite de toute idéologie. Vous riez, mais l'idéologie que vous-mêmes défendez est dangereuse pour le pays.

Nous sommes tous attachés à la protection de l'enfance. J'ai été président de conseil départemental et je suis conseiller départemental des Alpes-Maritimes : je connais bien le sujet. Les services de l'aide à l'enfance sont débordés par un afflux considérable de mineurs non accompagnés. Le terme est d'ailleurs bien pudique pour désigner des personnes entrées clandestinement dans notre pays, de manière irrégulière. Pour faire face à la situation, l'ASE doit renoncer à accomplir certaines missions.

Nous devons trouver des solutions. Il faut s'attaquer aux filières de traite des êtres humains, qui envoient des majeurs susceptibles de passer pour des mineurs en Europe, où ils resteront définitivement, grâce à la naïveté de nos systèmes. Nous devons être efficaces et évaluer précisément l'âge des demandeurs. La loi prévoit déjà le recours à des examens radiologiques osseux, mais les conditions sont si restrictives que le dispositif est très peu appliqué ; il faut le systématiser.

Il n'est pas normal que la France assume la protection de l'enfance de mineurs qui viennent de pays démocratiques, comme la Côte d'Ivoire : ceux-là devraient être ramenés chez eux.

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La situation est ubuesque. La fraude au statut de mineur non accompagné est massive et documentée, notamment dans des rapports d'information de l'Assemblée nationale, parfois signés par des députés macronistes. Nous savons que 60 % des migrants prétendument mineurs sont majeurs, que chaque MNA coûte 50 000 euros par an à l'aide sociale à l'enfance et que cette fraude dans son ensemble coûte 1,2 milliard par an aux départements.

Mme Alexandra Masson défend une proposition de loi visant à recourir davantage aux examens radiographiques, test scientifique que le Conseil constitutionnel a validé et que le Royaume-Uni, par exemple, utilise pour lutter efficacement contre la fraude.

La réaction de la gauche est caricaturale, mais on n'en attendait pas moins : elle trouve toutes les excuses pour voter contre le texte parce qu'elle refuse de lutter contre la fraude et contre l'immigration illégale ; elle souhaite que nous continuions à prendre en charge des migrants de 20, 25 ou 30 ans, que l'aide sociale à l'enfance nourrit, loge et blanchit aux frais du contribuable.

La position de la Macronie est surprenante. L'équipe gouvernementale est peut-être celle qui a le plus endetté le pays de l'histoire de la Ve République ; elle cherche partout de l'argent pour équilibrer les budgets ; elle fait peser de lourdes taxes sur les Français, en particulier sur les plus modestes. Nous lui offrons sur un plateau une solution pratique, à même de lutter contre une filière d'immigration illégale et d'économiser 1,2 milliard d'euros par an en faisant cesser un détournement de fonds publics.

Chers collègues de la Macronie et de la gauche, vous êtes déconnectés de la réalité. Vous ignorez les aspirations des Français ; ils se souviendront de votre vote. Vous ne voulez lutter ni contre la fraude, ni contre l'immigration illégale ; vous voulez que les Français paient 1,2 milliard par an pour l'escroquerie des faux mineurs non accompagnés.

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Ni les conventions internationales ni la Constitution ne sont monnayables, monsieur Houssin.

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Jamais la fin ne justifie les moyens. On ne peut pas s'asseoir à la fois sur le respect de l'humanité et sur l'État de droit. Dans notre pays, la loi respecte des normes comme la Constitution, la Convention internationale des droits de l'enfant et la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH). Le problème est réel, et nous sommes soucieux de combattre les filières qui exploitent des mineurs ou des jeunes majeurs et les font souffrir. Mais vous ne pouvez mentir aux citoyens en faisant croire que vous disposez d'une solution, car la justice, qui est un pilier de la démocratie, ne peut admettre comme preuve irréfutable un dispositif qui ne garantit pas un résultat parfaitement fiable. Ce texte est de mauvais augure pour l'orientation que vous voulez donner à la politique française.

Les sujets sont complexes, mais il faut toujours faire la pédagogie de la complexité et refuser la démagogie de la simplification. La solution est bien plus compliquée que ce que vous proposez, et il faut avoir le courage de le dire aux Français. Nous devons être les garants d'un État de droit où l'on est heureux de séjourner.

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Mesdames et messieurs les députés du groupe Rassemblement national, vous êtes une nouvelle fois à côté de vos pompes !

Si vous vouliez parler d'immigration, vous parleriez de capitalisme et de votre ami Bolloré, qui a exploité l'Afrique pendant des années et a, lui, poussé des gens à migrer. Mais comme vous n'êtes pas anticapitalistes, vous ne pouvez rien dire de cet aspect-là de ce phénomène et des souffrances que l'immigration provoque. Vous avez l'impression que l'immigration est belle, facile, légère, et que les gens viendraient en France parce qu'ils feraient du droit social comparé depuis le bout du monde. Mais non ! L'immigration est une souffrance.

Vous ne connaissez pas la France : savez-vous combien d'Italiens, au cours des dernières décennies, ont traversé la frontière à Menton ? C'est l'histoire de ma famille, et ces gens venus d'ailleurs deviennent ensuite français, car la République ne trie pas en fonction des origines, de la couleur de peau ou de la religion. La République, c'est une idée simple : on peut faire des Français avec n'importe qui, dès lors que l'on défend ses valeurs : la liberté, l'égalité, la fraternité. En vous en prenant aux enfants, vous faites tout l'inverse : vous faites honte à la République et à la façon dont elle a été conçue au moment où se créaient le drapeau tricolore et La Marseillaise.

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Mes amendements, qui tomberont si ces amendements de suppression sont votés, visaient à préciser les modalités du contrôle de la minorité. Mon amendement CL4, en particulier, réécrit l'article 1er en précisant que ces examens « sont réalisés au sein d'une unité médico-judiciaire » et que « l'intéressé est informé des modalités et des conséquences de son accord ou de son refus d'effectuer ces examens ».

Je regrette qu'une discussion raisonnable sur ces sujets soit impossible. De vraies solutions doivent être apportées aux départements, qui sont débordés, et à l'ASE. Ce sont les vrais mineurs isolés qui sont pénalisés par cette situation.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l'article 1er est supprimé et les autres amendements à cet article tombent.

Après l'article 1er

Amendement CL3 de Mme Emmanuelle Ménard

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Il s'agit de créer un fichier national biométrique des personnes déclarées majeures à l'issue de leur évaluation par un département, afin que ces personnes ne puissent pas solliciter dans un autre département des aides destinées aux mineurs.

Ce fichier existe, mais mon amendement est plus complet et en précise les modalités d'application.

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Avis favorable. L'esprit de cette proposition de loi est bien de s'en prendre aux majeurs qui se font passer pour des mineurs – rien de plus, rien de moins.

La commission rejette l'amendement.

Article 2 (art. L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles) : Préciser que le mineur n'ayant pas la nationalité française ne peut être pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance (ASE) sans la vérification préalable de sa minorité dans les conditions fixées par l'article 388 du code civil

Amendements de suppression CL10 de M. Jean-François Coulomme, CL13 de Mme Sabrina Sebaihi, CL17 de M. Ludovic Mendes et CL20 de Mme Elsa Faucillon

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Vous avez parlé d'aborder le sujet avec sérieux et évoqué votre sens des priorités, madame la rapporteure : votre priorité est donc bien de vous attaquer aux droits des mineurs isolés en France, et plus largement à l'aide sociale à l'enfance.

Nous avons des chiffres : 5 % à 10 % des mineurs isolés seraient majeurs, et non 60 % comme l'a prétendu l'un de vos anciens élus dans un conseil régional. Vous vous fondez aussi sur le rapport d'un scientifique qui conteste l'intégralité des autres rapports.

En ce qui concerne l'aide sociale à l'enfance, la priorité, ce ne sont pas les quelques majeurs qui seraient en réalité mineurs ; pour préserver les droits des enfants, je veux bien les accepter. Parlons plutôt de la réalité du démantèlement de l'ASE ! Les départements ont été abandonnés. Il faut une réétatisation.

Vous préférez, comme d'habitude, chercher un bouc émissaire. C'est votre droit, mais cela montre que votre priorité n'est pas le droit à l'enfance.

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Différents travaux parlementaires ont porté sur l'ASE et ses graves dysfonctionnements. Des anciens enfants placés sont venus en témoigner ici même. Au moment où ils étaient pris en charge, le nombre de mineurs étrangers était très faible : résumer en permanence les problèmes des services publics à la présence d'étrangers, c'est votre fonds de commerce, mais c'est une idée simpliste et xénophobe. Vous vous revendiquez en permanence de l'histoire de France, mais il faut rappeler aux citoyens de ce pays à quel point vous bafouez les principes sur lesquels sont fondées la nation et la République.

Nous souhaitons la création d'un véritable service public de l'enfance, au niveau national. Il ne faut ni laisser tomber les départements, ni les laisser faire n'importe quoi, notamment lorsqu'ils valident les pratiques des polices aux frontières qui continuent de refouler des mineurs, à l'encontre de tous les traités que nous avons signés – et qui non seulement sont contraignants, mais sont aussi à notre honneur.

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Ce que j'entends est contradictoire. Vous dites que la situation de l'aide sociale à l'enfance n'est pas optimale, et c'est la réalité, en particulier dans les Alpes-Maritimes : vous devriez alors accepter ma proposition de loi, qui en évitant la présence de majeurs dans ces centres permettrait d'offrir des conditions convenables aux mineurs isolés. Arrêtez de ne penser que de façon idéologique.

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Nous voulons que l'aide sociale à l'enfance s'adresse uniquement à des mineurs avérés. Vous faites semblant de ne pas comprendre cet enjeu, et vous voulez protéger tous les mineurs et majeurs non accompagnés : en fermant les yeux sur ceux qui fraudent ou qui refusent d'apporter des preuves de leur minorité lorsque c'est nécessaire, vous refusez le contrôle de l'immigration. En refusant de procéder aux tests osseux, vous refusez même de faire confiance à la science. En refusant de traiter la question de l'explosion du nombre de mineurs étrangers depuis 2005, vous envoyez un message de laxisme et vous maintenez un appel d'air migratoire.

Ce texte protégera le budget destiné aux vrais mineurs isolés et évitera que des majeurs n'en profitent. Il faut envoyer un message de fermeté : refuser de se soumettre à des règles ne peut faire de vous un mineur de fait. L'immigration doit être contrôlée, c'est un enjeu politique essentiel.

Quant à la sécurité, en refusant la fermeté, vous laissez la délinquance exploser : selon Le Point, rien qu'à Paris en 2020, plus de 40 % des vols à la tire, 30 % des vols avec violence et 30 % des cambriolages étaient le fait de mineurs non accompagnés. Comprenez qu'il est important de contrôler leur minorité, leur statut et donc leurs droits !

Nous devons lutter contre les faux mineurs isolés et inverser la charge de la preuve. Cette proposition de loi est une première étape. Lorsqu'un mineur comprend qu'il peut refuser un test, il en conclut que nos règles sont faibles, que notre pays est laxiste. Si vous restez au pouvoir, cela continuera. La seule chose qui nous rassure, c'est le soutien des Français : ils sont majoritairement d'accord avec nous, et c'est bien là l'essentiel.

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La différence entre nous sur la question des personnes migrantes est extrême. Nous voulons un accueil digne ; vous voulez supprimer la présomption de minorité pour couper l'accès à l'aide sociale à l'enfance. En empêchant celle-ci de mettre à l'abri, de loger, de nourrir, vous nuiriez à l'ensemble de la société. Vous voudriez jeter des gens dans la misère sous le prétexte qu'ils ont passé 18 ans : mais s'ils ont besoin d'être soignés et qu'ils ne le sont pas, c'est toute la société qui est en danger. Il est de notre intérêt à tous que toutes les personnes migrantes soient prises en charge quel que soit leur âge. Sur quel fondement restreindre la protection aux mineurs ?

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Monsieur Guitton, nous avons très bien compris le texte qui nous est proposé. À force de voir des étrangers partout et de les accuser de tous les maux de notre société, vous finissez même par oublier qu'il y a parmi eux des enfants ; vous n'avez même plus de compassion pour ceux qui sont plus vulnérables et que nous avons pour mission de protéger quelle que soit leur couleur de peau et quel que soit leur pays d'origine.

Madame la rapporteure, il n'y a aucune contradiction dans notre position, seulement un peu de complexité : nous pensons que l'aide sociale à l'enfance doit recevoir les moyens nécessaires pour remplir sa mission, qui est de protéger tous les enfants. Vous proposez d'en limiter l'accès ; imaginez-vous formuler une telle proposition pour des enfants blancs et nés en France pour que les départements ne soient pas débordés ? Dans quel monde serions-nous ? Aujourd'hui, il y a des ordonnances rendues par la justice pour sortir des enfants de leur foyer où ils sont en danger qui restent sur la table pendant un mois et demi : nous nous battons pour que tous les enfants soient protégés.

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Il n'y a pire sourd que celui qui ne veut entendre ! Vous êtes tout à fait hors sujet. Personne ici ne remet en cause l'aide sociale à l'enfance. Vous le dites vous-même, il y a des enfants qui ne sont pas accueillis dans des conditions convenables ; nous voulons libérer des places occupées par des majeurs pour que les mineurs, quelle que soit leur origine, bénéficient des services de l'ASE dans des conditions correctes, comme les Français.

En refusant ma proposition de loi, vous faites un choix idéologique.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l'article 2 est supprimé et l'amendement CL16 de Mme Sabrina Sebaihi tombe.

Après l'article 2

Amendement CL5 de Mme Emmanuelle Ménard

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Cet amendement pragmatique vise à remédier à la réticence de certains départements vis-à-vis du fichier d'appui à l'évaluation de la minorité (AEM). Il prévoit une transmission systématique aux départements des informations très utiles contenues dans ce fichier, mais aussi un transfert systématique des évaluations effectuées par le département vers le fichier AEM.

La commission rejette l'amendement.

Article 3 : Gage de charge

La commission rejette l'article 3.

La commission ayant rejeté tous les articles de la proposition de loi, l' ensemble de celle-ci est rejeté.

La commission procède à l'examen, en nouvelle lecture, de la proposition de loi, modifiée par le Sénat, visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants (n° 1229) (M. Bruno Studer, rapporteur).

Lien vidéo : https://assnat.fr/6cyXjZ

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Pour cette nouvelle lecture, cette proposition de loi sera examinée en séance publique selon la procédure de législation en commission.

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Nous avons voté cette proposition de loi à l'unanimité, tout comme le Sénat, mais nous n'avons pas réussi à nous entendre en commission mixte paritaire. J'étais prêt à accepter le début du texte tel qu'il a été voté par le Sénat, et celui-ci était d'accord pour accepter l'article 4 tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale. Nos discussions ont achoppé sur l'article 3 : selon la rédaction adoptée par le Sénat, toute diffusion d'image d'enfant devenait un acte non usuel ; or il faut, je crois, réserver l'intervention du juge aux cas les plus compliqués. Une telle disposition aurait aussi été très lourde pour les écoles et les associations qui auraient dû obtenir l'accord systématique des deux parents pour la diffusion d'images des enfants dans le cadre scolaire ou périscolaire. Des cas graves il y en a, vous l'avez certainement vu dans la presse ou à la télévision, dans le documentaire « Enfants sous influence » par exemple : on peut s'interroger sur la capacité de certains parents à protéger l'image de leurs enfants.

Cette loi vise à rappeler aux parents qu'ils ne sont ni les propriétaires, ni les exploitants de l'image de leurs enfants, mais bien ses protecteurs.

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Cette proposition de loi modifie les règles du code civil relatives à l'autorité parentale pour y intégrer le respect de la vie privée et le droit à l'image de l'enfant. En outre, l'accord des deux parents sera nécessaire pour diffuser au public des photos ou des vidéos.

Il s'agit de sensibiliser les parents à cette nouvelle dimension de l'autorité parentale. Depuis quelques années, il est courant de partager sur les réseaux sociaux des photos ou des vidéos de ses enfants : plus de 53 % des parents le font régulièrement, et certains enfants ont même leur propre compte, géré par les parents. On estime qu'avant l'âge de 13 ans, un enfant apparaît en moyenne sur 1 300 photos publiées en ligne, souvent par de jeunes parents qui souhaitent partager avec leur entourage les événements de leur vie familiale. Mais les conséquences peuvent être graves : atteinte à la réputation, identification du domicile, harcèlement scolaire et jusqu'à l'usurpation d'identité et l'utilisation des images par des pédocriminels – la moitié des photographies qui s'échangent sur les forums pédopornographiques ont initialement été publiées par des parents sur les réseaux sociaux. Une fois en ligne, les images deviennent impossibles à contrôler et peuvent ressortir plusieurs années plus tard. Cette exposition des enfants et la course aux likes peuvent entraîner des problèmes psychologiques. Sans en avoir conscience, ces parents fragilisent leurs enfants alors qu'ils sont responsables de leur droit à l'image.

Nous aurions bien sûr préféré que le Gouvernement présente une grande politique nationale de prévention de ces dangers. La portée de cette proposition de loi est essentiellement pédagogique : il s'agit de responsabiliser les parents et de les sensibiliser au respect du droit à l'image avant toute intervention de la puissance publique. Le groupe Rassemblement national soutiendra ce texte.

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Ce texte s'inscrit dans un corpus législatif en construction, auquel notre rapporteur a déjà largement contribué. Il s'agit de protéger et de réglementer la présence des enfants en ligne, en particulier sur les réseaux sociaux.

Les parents ont, là comme ailleurs, le devoir de protéger leurs enfants. Cette proposition de loi le rappelle : le respect de la vie privée est un élément essentiel de la dignité des enfants. Il ne s'agit ni d'interdire de partager des moments de vie de famille, ni de culpabiliser les parents, mais de sensibiliser et de responsabiliser. Les parents sont les plus aptes à juger de ce qui est bon pour leurs enfants ; mais, parfois, par méconnaissance et avec une certaine légèreté, ils les mettent en danger en les exposant. Les enfants constituent un public particulièrement vulnérable ; il faut marteler les chiffres : la moitié des images et des vidéos d'enfants que l'on trouve sur les sites pédopornographiques ont d'abord été partagées volontairement par des proches, et 40 % des adolescents considèrent que leurs parents les exposent trop sur les réseaux. C'est pourquoi cette proposition de loi rappelle aux parents qu'ils doivent protéger l'image de leurs enfants et exercer en commun leur droit à l'image, en les associant aux décisions, en fonction de leur âge et de leur maturité.

Parfois les parents ont un intérêt direct, voire commercial, à utiliser l'image de leurs enfants ; la course aux likes et aux abonnés pour accroître les tarifs des partenariats rémunérés est pour certains une motivation plus forte que l'intérêt de leur enfant. Cela n'a rien d'une généralité, heureusement ; mais les conséquences pour les enfants concernés sont graves. Les premiers témoignages de jeunes adultes surexposés dans leur enfance le confirment : certains doivent changer de nom et d'identité, n'arrivent plus à mener une vie sociale, souffrent d'un syndrome de persécution ou du syndrome de Truman. La trahison par ceux que l'on aime le plus et qui avaient le devoir de nous protéger est grave.

Il apparaît donc nécessaire de revenir à la proposition de loi adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale, qui prévoyait un dispositif efficace et équilibré pour adapter notre législation aux enjeux du numérique au XXIe siècle.

C'est dans des cas très spécifiques, où la dignité et l'intégrité morale des enfants sont mises en danger, que le juge doit intervenir et confier à un tiers le droit à l'image de l'enfant, sans remise en cause des autres composantes de l'autorité parentale

Le groupe Renaissance partage donc la volonté du rapporteur de rétablir les dispositions vidées de leur substance au Sénat. J'espère que nous saurons tous nous réunir pour défendre l'intérêt supérieur de l'enfant.

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Lors de son premier passage en commission nous avions déjà félicité le rapporteur pour son travail transpartisan et apporté nos voix à ce texte, qui vient combler un vide juridique et protéger le droit à l'image en ligne des plus jeunes.

Nous approuvons les modifications apportées par le Sénat. Nous saluons la suppression de l'article 4, que nous avions également demandée, car il nous paraît disproportionné et confus de retirer l'autorité parentale pour des faits de gravité très variable. Nous en remettre au cas par cas au juge des enfants, c'est faire confiance à la justice et respecter le principe de proportionnalité des peines. Nous approuvons également le nouvel article 5, qui permet de saisir la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) : nous avions déposé un amendement similaire, mais il avait été considéré comme un cavalier législatif. Je constate que le Sénat ne fait pas la même lecture de l'article 45 de la Constitution.

Nous votons ce texte, mais nous ne sautons pas au plafond de joie. Sur un sujet aussi précis, trouver un accord est possible mais, le projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique le montre, nos approches de la régulation numérique diffèrent : nous préférons préserver la liberté des utilisateurs, vous, celle des entreprises ; vous préférez sanctionner les comportements individuels, nous les plateformes qui les rendent possibles.

Cette proposition de loi peine à faire oublier la dégradation des droits des enfants en France. Oui, ce texte, qui se veut avant tout pédagogique, permet une avancée. Mais, en matière de droit des enfants, le Gouvernement a des marges de progression ! Alors que Macron a annoncé que la protection de l'enfant serait l'autre grande cause de son quinquennat, la situation est inquiétante : comme pour les droits des femmes, vous préférez le paraître aux mesures concrètes.

Qui reste-t-il alors pour protéger et faire de la pédagogie ? Les professionnels des crèches sont à bout de souffle. À l'école, la pénurie de professeurs reste sans solution – les syndicats estiment qu'il manque au moins un enseignant dans 48 % des collèges et lycées. Comment des enseignants pourraient-ils alors trouver le temps de sensibiliser leurs élèves et déceler les cas de harcèlement toujours plus grave ? Les professionnels de la protection de l'enfance sont en sous-effectif et leurs revendications sur le nombre de places dans les structures d'accueil et sur les postes vacants restent, là aussi, sans réponse. La crise de la pédiatrie et des services périnataux continue, et la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) risque de voir ses travaux clos dès le mois de décembre.

Je vous alerte : une approche plurielle est plus que jamais nécessaire pour garantir aux enfants l'intégralité de leurs droits, à commencer par les plus fondamentaux. Trois millions d'enfants vivent dans notre pays sous le seuil de pauvreté, soit un sur cinq. Le droit à une vie digne pour nos petits devrait nous unir autant que le droit à la protection de leur image. Mais lutter contre les inégalités sociales vous refroidit, car il faut sortir le carnet de chèques ; vous protégez toujours avec plus d'ardeur la hiérarchie sociale que les droits humains. Les travaux de la Ciivise, qui a permis une libération de la parole, doivent être prolongés.

Vous nous permettez de voter pour protéger l'image des enfants et c'est une bonne nouvelle. Mais je vous promets qu'en 2027, quand la NUPES sera au Gouvernement, nous protégerons les enfants, tout simplement.

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Le Sénat n'a en effet pas la même appréciation de l'article 45. Mais lorsqu'il omet le contrôle de recevabilité, l'article finit par être censuré par le Conseil constitutionnel. Cela ne nous arrive pas.

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Le respect de la vie privée des enfants s'impose : c'est une condition de leur sécurité, de leur bien-être et de leur épanouissement. Il est de notre devoir de l'assurer. Face à la multiplication des outils numériques et à la complexité de leur usage, il faut renforcer notre arsenal législatif, car les pratiques évoluent. Il nous incombe de trouver les meilleurs moyens de responsabiliser les parents quant à l'exercice du droit à l'image de leurs enfants.

Le texte consacre la participation de l'enfant à l'exercice de son droit à l'image. Il nous reviendra, par la suite, de réfléchir aux moyens de renforcer l'autonomie du mineur non émancipé qui, en tout état de cause, se retrouve dans une dépendance procédurale vis-à-vis de ses parents et ne peut agir à titre individuel que dans des conditions restrictives. Comme le recommande le Conseil de l'Europe, il est nécessaire de mettre en place une justice adaptée aux mineurs, afin d'améliorer leur accès aux procédures judiciaires, condition essentielle de l'efficacité du texte.

La navette parlementaire et la commission mixte paritaire n'ayant pas abouti à l'adoption de cette proposition de loi dans les mêmes termes à l'Assemblée nationale et au Sénat, il est de notre responsabilité de nous accorder sur un texte qui soit à la fois opérant et proportionnel, afin de garantir à tous les mineurs une protection suffisante sur internet. Notre groupe votera ce texte.

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En première lecture j'ai déjà indiqué que cette proposition de loi me semblait intéressante, mais insuffisante. Elle est intéressante, parce qu'elle vise à garantir le respect du droit à l'image des enfants et qu'elle répond à des préoccupations identifiées à la fois par les spécialistes et par les familles. Nous regrettons toutefois qu'elle ne fasse que préciser certains points de droit, déjà largement acquis, sans proposer une véritable politique publique visant à sensibiliser et informer les familles et les jeunes sur l'utilisation rationnelle et raisonnable des réseaux sociaux.

Le texte ne parle pas explicitement du droit au corps, seulement du droit à l'image. Pourtant, l'image étant le prolongement non physique du corps, la question de la protection du corps des enfants pourrait être posée comme telle. Il importe de travailler à la formation, à l'éducation aux droits des enfants et à un internet plus sûr. Or, quand j'ai interrogé le ministre de l'éducation nationale sur ce thème hier, il m'a répondu en substance : « On verra. »

Le Sénat a supprimé les articles 2 et 4, dont j'avais indiqué, en première lecture, qu'ils ne me semblaient pas nécessaires. L'article 2, qui disposait que les parents exercent en commun le droit à l'image de leur enfant mineur n'était pas utile, de mon point de vue, dans la mesure où l'article 372 du code civil prévoit déjà que les père et mère exercent en commun l'autorité parentale. Quant à l'article 4, qui prévoyait d'étendre la délégation de l'autorité parentale aux cas dans lesquels la diffusion de l'image de l'enfant par ses parents porte gravement atteinte à sa dignité, il ne me semblait rien apporter de plus que l'article 377 du code civil.

L'article 5, ajouté par le Sénat, permet au président de la Cnil, par voie de référé, d'ordonner aux juridictions compétentes toute mesure nécessaire à la sauvegarde de la vie privée d'un mineur sans que soient requis des critères de gravité ou d'immédiateté, comme c'est le cas actuellement. Il me semble plutôt bienvenu.

Cette proposition de loi a le mérite d'aborder une question importante, mais sans l'inscrire dans une réelle politique publique transversale. Nous regrettons notamment que le droit à la protection du corps des enfants ne soit pas envisagé comme une priorité éducative et que ne soit pas prévu, en direction des jeunes, des familles et des éducateurs, le lancement d'une grande campagne médiatique en ce sens.

Nous voterons ce texte, mais nous pensons qu'il faut aller plus loin.

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Pour de nombreux parents, publier des images de son enfant sur les réseaux sociaux est un geste naturel et anodin : pas moins de 43 % des parents publient des photos de leurs enfants, et 39 % des très jeunes ont déjà une empreinte numérique, parfois même avant leur naissance. Cette empreinte peut représenter un poids embarrassant pour l'adulte en devenir, dont les parents n'auront pas respecté le besoin d'intimité en diffusant parfois aux yeux de tous des images qui ne franchissaient pas autrefois le seuil du premier cercle familial.

Le droit à l'image fait intimement partie du droit au respect de la vie privée, consacré par l'article 9 du code civil mais, au regard de la loi, les parents ne sont pas tenus de rechercher le consentement de leur enfant. Ils sont responsables, dans le cadre de l'exercice de l'autorité parentale, de ce droit à l'image et, en réaction aux abus de certains parents, la jurisprudence s'est prononcée en faveur de la double autorisation parentale en matière de publication d'images, considérée comme un acte non usuel. Toute personne est en droit de demander le retrait de certains contenus au titre du droit à l'oubli en ligne, d'ailleurs renforcé pour les mineurs dans le cadre du règlement général sur la protection des données (RGPD). Dans d'autres pays, en Italie notamment, des plaintes ont été déposées par des enfants à l'encontre de leurs parents pour non-respect de leur droit à l'image.

La protection de la vie privée des enfants dans l'espace numérique est un sujet sérieux et d'une grande actualité à l'heure des réseaux sociaux. Je veux remercier Bruno Studer, qui a fait un travail remarquable pour renforcer le niveau de protection que notre société offre aux enfants face à l'attitude naïve, irresponsable, voire intentionnellement dangereuse de certains parents. Le numérique a changé nos vies, mais il diminue aussi notre niveau de vigilance. Nous sommes encore loin de mesurer pleinement les effets de cette révolution sur nos modes de vie et, à plus forte raison, sur le développement de nos enfants, qui sont à la fois fascinés et fragilisés par les écrans. De plus en plus d'études établissent un lien entre la surconsommation des réseaux sociaux et les risques pour la santé psychique. Mais l'autre danger d'une telle exposition sur les réseaux sociaux, c'est aussi de voir ces photos récupérées et détournées par des réseaux pédocriminels.

Nous avons la responsabilité d'établir une législation plus rigoureuse pour encadrer le droit à la vie privée des enfants et les protéger de certaines dérives. C'est précisément ce que propose ce texte, qui a été adopté à l'unanimité en première lecture par notre assemblée, avant d'être largement modifié par le Sénat. C'est donc sans surprise que la commission mixte paritaire a échoué. Les sénateurs avaient supprimé les articles 2 et 4, estimant que le respect de la vie privée de l'enfant était déjà intégré à la mission exercée par les parents. Les sénateurs s'opposaient également à élargir la délégation forcée de l'exercice de l'autorité parentale en cas d'exposition indigne de l'image de l'enfant, comme nous l'avions voté à l'article 4.

Le rapporteur propose de rétablir ces articles et de renforcer la portée de l'article 1er en mentionnant de façon explicite le droit à la vie privée des enfants dans la définition même de l'autorité parentale. Le groupe Horizons a toujours soutenu les avancées législatives qui visaient à mieux protéger les enfants et à garantir l'effectivité de leurs droits : je pense notamment au texte du président Marcangeli sur la majorité numérique. Concernant l'article 3, le Sénat est allé plus loin en exigeant l'accord des deux parents pour toute diffusion d'un contenu relatif à la vie privée de l'enfant. Cette rédaction est certes conforme à la jurisprudence, mais le mécanisme proposé par le rapporteur apporte davantage de souplesse, puisqu'il prévoit que le juge n'intervient qu'en cas de désaccord entre les deux parents.

Nous partageons tous l'objectif de mieux protéger les enfants des nombreuses dérives d'internet et, pour avancer sans attendre dans cette direction, le groupe Horizons renouvelle son soutien au texte.

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Nous partageons évidemment l'objectif de cette proposition de loi et nous la voterons, car le respect du droit à l'image des enfants est essentiel. Toutefois, comme en première lecture, nous avons quelques réserves sur le texte, auquel il manque, de notre point de vue, un volet relatif à la sensibilisation, à l'information et à la formation.

L'article 5, ajouté par le Sénat, étend les pouvoirs de la Cnil pour protéger la vie privée des mineurs. Il nous semble tout à fait utile et nous nous opposerons à sa suppression. La nouvelle rédaction de l'article 1er, qui a le mérite de ne pas confondre la finalité et la limite de l'autorité parentale, nous semble meilleure que la rédaction initiale. Nous estimons, comme le Sénat, que l'article 2 n'apportait rien et qu'il peut être supprimé. Nous n'avons pas d'objection à la réécriture de l'article 3. S'agissant de l'article 4, nous ne nous opposerons pas à ce qu'il soit rétabli, même si cette délégation forcée de l'autorité parentale nous semble difficile à appliquer.

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Il importe, pour notre bien-être et celui de nos enfants, que la loi encadre l'utilisation massive des images et des photographies. Leur omniprésence dans nos vies peut mettre en danger les plus vulnérables d'entre nous, nos enfants.

S'il faut accueillir le temps numérique comme une chance, il faut aussi l'aborder avec prudence. Le numérique n'est plus seulement un moyen de communiquer, mais aussi un moyen de véhiculer une image de bonheur, d'épanouissement et de fierté. Or ce sont souvent nos enfants qui incarnent notre bonheur, notre épanouissement et notre fierté.

Cette situation pose pourtant la question du respect de la vie privée et celle du danger que peut représenter, pour la santé psychique de nos enfants, une telle surexposition. Le suicide du jeune Nicolas est la preuve que le numérique peut contribuer à tuer. Les alertes croissantes de nombreuses ONG montrent aussi que le numérique peut contribuer à alimenter l'exploitation sexuelle et la pédocriminalité.

La protection de l'enfant est fondamentale, mais ces quelques rappels nous montrent que la législation n'est qu'un outil parmi d'autres. Les moyens sont le nerf de la guerre et doivent être démultipliés. Cette proposition de loi tente de combler un angle mort de notre rapport au numérique, mais elle est surtout un texte d'interpellation. Qui peut le moins peut le plus et nous l'envisageons comme un premier pas dans la bonne direction.

Tout le monde n'a pas des intentions malveillantes, mais il faut nous préparer à l'explosion des usages numériques. Il faut prendre le taureau par les cornes et moderniser notre législation, en réfléchissant notamment à de nouvelles incriminations, tout en protégeant la vie privée des familles et la liberté d'éduquer des parents.

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Nous sommes tous confrontés à des phénomènes qui parfois nous dépassent. Les enfants, eux, sont de plus en plus exposés au monde numérique et à ses dangers – intrusion dans la vie privée, détournement d'images, etc. Le législateur a beau multiplier les textes, il a du mal à tenir le rythme de cette course à l'utilisation des réseaux. La célérité de la diffusion des usages ne coïncide pas avec le temps long et prudent de la loi. Notre groupe regrette que la commission mixte paritaire ait échoué, car cela retarde l'entrée en vigueur du texte.

Notre groupe votera cette proposition de loi, comme en première lecture. Ce texte est certes modeste mais il aura le mérite de responsabiliser les parents sur le respect de la vie privée de leurs enfants mineurs. Nous saluons le maintien de l'article 1er qui, s'il ne bouleverse pas l'état du droit, a le mérite d'avoir une visée pédagogique. C'est une sorte de rappel que le législateur adresse aux parents pour protéger l'intimité de leurs enfants. A contrario, nous sommes plus réservés sur la nouvelle rédaction de l'article 3, issue du Sénat. Initialement, cet article prévoyait l'intervention du juge aux affaires familiales, avec la possibilité, en cas de désaccord entre les parents sur des actes non usuels relatifs au droit à l'image de l'enfant, d'interdire à un parent de publier ou de diffuser tout contenu sans l'autorisation de l'autre parent. Sans être parfaite, cette disposition avait le mérite d'être équilibrée en ne ciblant que les actes non usuels.

Or la nouvelle rédaction du Sénat prévoit désormais l'accord obligatoire des deux parents pour la diffusion de tout contenu lié à la vie privée de l'enfant. Notre groupe est plus que réservé sur ce choix de transformer tous ces actes en actes non usuels. Le dispositif paraît excessif et difficile à mettre en œuvre. Nous voterons donc l'amendement du rapporteur visant à rétablir la rédaction initiale, afin que l'autorité parentale soit un véritable instrument de dialogue au sein du cercle familial, s'agissant de la publication d'une image de l'enfant.

Nous regrettons que ce texte ne contienne pas un volet relatif à la prévention ou des mesures tendant à mieux aviser les parents. De telles mesures pourraient émaner du pouvoir réglementaire, afin de ne pas alourdir le code civil.

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De mon point de vue, la nouvelle rédaction de l'article 3, issue du Sénat, complexifie les choses. Dans la rédaction initiale, la proposition de loi laissait le juge intervenir dans les situations réellement problématiques. Le faire intervenir systématiquement va beaucoup compliquer la vie des familles, notamment de celles où les parents sont séparés et où tout peut devenir un objet de querelle. Ces querelles risquent d'être exportées à l'école ou dans les loisirs, s'il faut un accord systématique des deux parents pour diffuser des images de l'enfant en train de pratiquer une activité. Il me semble vraiment préférable de rétablir la rédaction initiale. Je reviendrai sur les autres articles au cours de leur examen.

Article 1er (art. 371-1 du code civil) : Introduction de la notion de vie privée dans la définition de l'autorité parentale

Amendement CL4 de M. Bruno Studer

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Je propose de rétablir l'article 1er dans la version adoptée par l'Assemblée nationale. Le Sénat a fait le choix de reprendre la rédaction initiale de la proposition de loi, mais je crois que la rédaction à laquelle nous avions collectivement abouti en première lecture est plus ambitieuse, car elle place la protection de la vie privée du mineur parmi les obligations parentales.

La commission adopte l'amendement et l'article 1er est ainsi rédigé.

Article 2 (supprimé) : Exercice en commun du droit à l'image de l'enfant par ses parents

Amendement CL5 de M. Bruno Studer

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Certains d'entre vous estiment que la première partie de cet article est superfétatoire mais j'estime pour ma part que, compte tenu de l'importance du sujet, il vaut mieux écrire les choses. Protéger la vie privée de son enfant, ce n'est plus du tout la même chose qu'il y a encore dix ou vingt ans et il me semble que l'inscrire dans la loi peut avoir une vertu pédagogique.

La deuxième partie de l'article lui donne une portée plus importante, puisqu'il complète la définition de l'atteinte à la vie privée des mineurs dans le code pénal.

Je vous propose donc de revenir à la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, qui reprend directement le contenu de la Convention internationale des droits de l'enfant.

La commission adopte l'amendement et l'article 2 est ainsi rétabli.

Article 3 (art. 372-2 du code civil) : Interdiction de publication ou de diffusion de l'image de l'enfant sans l'accord de l'autre parent

Amendement CL6 de M. Bruno Studer

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Le Sénat a réécrit cet article et prévu l'interdiction systématique de toute publication liée à la vie privée de l'enfant, dès lors que les deux parents ne sont pas d'accord. Cette disposition étendrait considérablement le champ d'application de l'article, y compris aux familles où les choses se passent bien et où il n'y a pas de conflit entre les parents. Cela pourrait également compliquer la vie des établissements scolaires et des associations. Je vous propose donc de rétablir l'article dans la version adoptée à l'Assemblée nationale, afin de ne viser que les situations problématiques.

La commission adopte l'amendement et l'article 3 est ainsi rédigé.

Article 4 (supprimé) : Délégation de l'autorité parentale en cas d'usage abusif de l'image de l'enfant

Amendements identiques CL7 de M. Bruno Studer et CL3 de Mme Sarah Tanzilli

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Je souhaite rétablir l'article 4, supprimé par le Sénat, car je crois qu'il pourrait être utile dans certains cas – que j'espère les moins nombreux possible. Un certain nombre de parents font n'importe quoi avec l'image de leurs enfants mais les aiment et leur assurent tout le confort possible : il ne s'agira pas de leur retirer l'exercice de l'autorité parentale, mais la délégation partielle de l'autorité parentale me semble pouvoir débloquer certaines situations. Le juge aux affaires familiales qui, par définition, cherche toujours à arranger les affaires de la famille, disposera pour ce faire d'un nouvel outil.

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Mon amendement vise également à rétablir l'article 4 dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale. Il constitue le dernier étage de la fusée de cette proposition de loi : en cas de manquement grave, portant gravement atteinte à la dignité ou à l'intégrité morale de l'enfant, il sera possible de prononcer une délégation partielle de l'autorité parentale, limitée au droit à l'image de celui-ci.

Ce dispositif me paraît à la fois pragmatique, efficace et équilibré et il est une impérieuse nécessité. Beaucoup trop d'enfants sont surexposés sur les réseaux sociaux d'une manière inacceptable : mise en scène de leur vie quotidienne, du lever au coucher ; exposition dans des situations intimes, voire humiliante ; situations, enfin, pouvant s'apparenter à de la pédopornographie.

Certains parents seraient prêts à tout pour quelques clics, quelques abonnés ou quelques contrats publicitaires supplémentaires. Ces enfants sont clairement mis en danger et les premiers témoignages d'adultes ayant subi cette surexposition le montrent. Les plus jeunes de ces enfants n'ont pas conscience d'être jetés en pâture à des millions d'abonnés sur les réseaux sociaux et notre responsabilité est de les protéger. Qui, parmi nous, accepterait d'être filmé en permanence, sans que son consentement soit recueilli ou pris en compte ? Personne ! Ce qui n'était qu'un film, The Truman Show, est finalement devenu la réalité pour certains enfants. Une réalité à laquelle nous ne devons pas nous résoudre.

Il est impératif de rétablir cet article. Il offrira au juge un mécanisme équilibré qui ne remet pas en cause les autres composantes de l'autorité parentale mais lui permet, en l'absence d'infraction pénale, de protéger le droit à l'image de l'enfant et de faire valoir son intérêt supérieur.

La commission adopte les amendements et l'article 4 est ainsi rétabli.

Article 5 (nouveau) (art. 21 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés) : Renforcement des pouvoirs de la Cnil en cas d'atteinte aux droits et libertés des mineurs

Amendement CL8 de M. Bruno Studer

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Cet article, introduit par le Sénat, vise à supprimer les conditions de gravité et d'immédiateté pour que la Cnil saisisse en référé la justice afin de faire cesser une atteinte aux droits et libertés d'un mineur tels qu'ils sont protégés par la loi « informatique et libertés ». Si la protection des mineurs peut justifier des mesures spécifiques, la disposition adoptée par le Sénat me paraît toutefois contraire à l'esprit du référé – qui implique une situation grave et urgente – et à l'exigence de proportionnalité des sanctions.

Je trouve l'idée intéressante, mais cette rédaction ne me paraît pas satisfaisante : peut-être les sénateurs pourront-ils la faire évoluer en nouvelle lecture. En l'état, je vous invite à supprimer cet article, dont la constitutionnalité m'apparaît incertaine.

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Cet article, qui donne des pouvoirs supplémentaires à la Cnil, me paraît important. Le fait même qu'il concerne des mineurs me semble justifier que l'on supprime les conditions de gravité et d'immédiateté.

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Je suis favorable au maintien de cet article. Il prévoit que la Cnil pourra désormais, par la voie du référé, demander à la juridiction compétente d'ordonner toute mesure nécessaire à la sauvegarde de la vie privée d'un mineur, sans que soient requis les critères de gravité ou d'immédiateté. Monsieur le rapporteur, si vous le souhaitez, nous pourrions, en vue de la séance, travailler à une meilleure rédaction, mais je crois vraiment qu'il faut maintenir ce principe.

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Je comprends votre point de vue, mais il faut songer aussi aux conséquences que pourrait avoir un tel dispositif : fermeture de sites, retrait de contenus, etc. En l'état, je ne souhaite pas le maintien d'un article dont je ne suis pas certain de la constitutionnalité, dans la limite où il pourrait remettre en cause la liberté d'expression, qui est l'une de nos libertés fondamentales.

Si vous souhaitez faire une nouvelle proposition de rédaction en séance, nous serons évidemment à l'écoute. Le Sénat, en nouvelle lecture, pourra également faire évoluer cette rédaction, comme je l'avais indiqué à Mme Valérie Boyer. Je n'ai pas d'opposition de principe et c'est donc presque à contrecœur que je maintiens ma proposition de suppression de l'article.

La commission adopte l'amendement.

En conséquence, l'article 5 est supprimé.

La commission adopte l'ensemble de la proposition de loi modifiée.

La réunion est suspendue de onze heures dix à onze heures vingt.

La commission procède à l'examen, en deuxième lecture, de la proposition de loi, modifiée par le Sénat, visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et co-victimes de violences intrafamiliales (n° 1001) (Mme Isabelle Santiago, rapporteure).

Lien vidéo : https://assnat.fr/6cyXjZ

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Je suis ravie de vous retrouver pour l'examen en deuxième lecture de cette proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes de violences intrafamiliales. Ce texte a été adopté à l'unanimité en première lecture à l'Assemblée nationale le 9 février, lors de la niche du groupe Socialistes. J'ai d'emblée souhaité qu'il fasse l'objet d'un travail transpartisan.

Protéger les enfants des violences intrafamiliales est un enjeu majeur, qui nécessite un changement de paradigme. Désormais, nul ne peut ignorer l'ampleur des violences sexuelles faites aux enfants, dont l'inceste. La Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) a montré que 160 000 enfants sont victimes chaque année de violences sexuelles. Il est donc urgent de légiférer pour mieux les protéger.

Cette proposition de loi doit permettre d'agir vite, lorsque l'enfant est en danger, pour limiter les relations, voire, dans les cas les plus graves, rompre le lien entre l'enfant et le parent violent ou agresseur.

Elle prévoit deux dispositifs principaux.

Le premier, c'est la suspension de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement dès le stade des poursuites, lorsque le parent est mis en cause pour les infractions les plus graves, c'est-à-dire un crime sur la personne de l'autre parent, une agression sexuelle incestueuse ou un crime commis sur la personne de son enfant, ou en cas de condamnation pour violences conjugales ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) de plus de huit jours lorsque l'enfant a assisté aux faits.

Je souhaite apporter une précision sur ce dernier point. La législation prévoit, depuis la loi du 3 août 2018, que la présence des enfants lors des violences conjugales constitue une circonstance aggravante de l'infraction. Assister aux faits ne se limite pas à être un témoin oculaire des violences mais comprend l'ensemble des situations dans lesquelles l'enfant est témoin des violences, qu'il soit témoin auditif ou oculaire, présent ou non dans la pièce au moment des faits. Le fait pour un enfant d'avoir été le témoin direct des conséquences de ces violences, même après qu'elles ont été commises, est également pris en compte.

L'autre dispositif majeur, c'est le retrait obligatoire de l'autorité parentale en cas de condamnation pour des faits de crime contre l'autre parent, agression sexuelle incestueuse ou crime contre l'enfant, sauf décision contraire spécialement motivée du juge.

Nous avons ajouté trois articles au texte initial lors de son examen en première lecture. L'article 2 bis crée un nouveau cas de délégation forcée de l'autorité parentale en cas de crime ou d'agression sexuelle incestueuse pour un parent seul titulaire de l'autorité parentale ; l'article 3 procède à diverses coordinations dans le code pénal ; l'article 4, enfin, à l'initiative de la délégation aux droits des enfants, demande la remise d'un rapport sur le repérage, la prise en charge, le suivi psychologique des enfants exposés aux violences conjugales et sur les modalités d'accompagnement parental.

Notre travail collectif a été modifié par le Sénat, qui a d'abord réécrit l'article 1er en supprimant tout dispositif de protection des enfants co-victimes de violences conjugales et en revenant sur la durée de la suspension de l'exercice de l'autorité parentale en cas de poursuites pour les infractions les plus graves. Je ne souhaite pas que cette suspension soit limitée à six mois maximum, sans garantie qu'un juge se soit prononcé sur le fond du dossier dans cet intervalle. Je vous présenterai donc un amendement visant à rétablir l'article 1er, tel qu'il a été adopté en première lecture à l'Assemblée nationale. Cet amendement prévoit d'une part que la suspension de plein droit en cas de crime ou d'agression sexuelle incestueuse court jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, jusqu'à la décision de non-lieu du juge d'instruction ou jusqu'à la décision du juge pénal. D'autre part, il rétablit l'alinéa prévoyant la suspension de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement du parent condamné pour des faits de violences.

L'article 2 a également été réécrit par le Sénat, qui a amélioré la rédaction de l'article 378 du code civil. Nous vous proposerons donc de repartir de cette version et de la modifier pour revenir strictement à l'esprit du texte que nous avions adopté en première lecture. Notre amendement prévoit ainsi que le juge pénal ordonne le retrait total de l'autorité parentale, sauf décision contraire spécialement motivée, du parent condamné pour un crime ou délit commis sur son enfant ou un crime commis sur l'autre parent. L'objectif est de rendre plus automatique le retrait total de l'autorité parentale lors des condamnations les plus graves, afin de protéger les enfants victimes ou co-victimes. L'amendement prévoit aussi l'obligation pour le juge pénal de se prononcer sur tous les aspects de l'autorité parentale s'il refuse en premier lieu de retirer totalement l'autorité parentale.

Le Sénat a aussi réécrit entièrement l'article 3 et procédé à une refonte d'une partie du code pénal qui ne correspond pas tout à fait à l'esprit initial de la proposition de loi. Nous proposerons donc de rétablir l'article 3 dans sa version adoptée par l'Assemblée nationale, en procédant à quelques coordinations nécessaires.

De plus, le Sénat a ajouté quatre nouveaux articles. L'article 2 ter A procède à une coordination rédactionnelle et ne pose pas de problème. L'article 2 ter prévoit qu'un parent ayant fait l'objet d'un retrait de l'exercice de l'autorité parentale ne peut pas en demander la restitution avant l'expiration d'un délai de six mois. Aux termes du droit actuel ce délai est d'un an en cas de retrait de l'autorité parentale et il semble pertinent de dissocier ces deux délais pour graduer la sanction. L'article 2 quater prévoit l'exonération, pour le parent bénéficiaire d'une ordonnance de protection et d'une autorisation de dissimuler son domicile, de toute obligation d'informer préalablement l'autre parent d'un changement de résidence. Cette disposition est tout à fait logique et je vous propose de la conserver dans la version adoptée par le Sénat. L'article 3 bis dispose que le juge doit motiver spécialement sa décision de ne pas suspendre les droits de visite et d'hébergement dans le cadre d'un contrôle judiciaire comprenant une interdiction d'entrer en contact ou une obligation de résider hors du domicile du couple. La suspension de ces droits devient donc le principe, ce qui est une mesure utile de protection des enfants.

Enfin, le Sénat a supprimé l'article 4, qui prévoyait la remise, par le Gouvernement, d'un rapport sur le repérage, la prise en charge, le suivi psychologique des enfants exposés aux violences conjugales et sur les modalités d'accompagnement parental. Je donnerai un avis favorable aux amendements qui proposent de rétablir cet article.

Pour conclure, je tiens à rappeler que cette proposition de loi se concentre sur les modifications à apporter au traitement judiciaire des violences intrafamiliales dont sont victimes les enfants, notamment l'inceste. Il importait de légiférer rapidement, mais ce texte devra être suivi d'un plan global de lutte contre les violences sexuelles sur mineurs. Je sais pouvoir compter sur vous tous pour travailler sur la question de l'enfance en danger.

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Cette proposition de loi vise à renforcer la protection et l'accompagnement des enfants exposés aux violences intrafamiliales dont, chaque année, des centaines de milliers d'enfants sont victimes. Face à cette sombre réalité, nous devons continuer d'agir. À la suite du Grenelle des violences conjugales, qui s'est tenu en 2019, deux lois ont été adoptées : celle du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille et celle du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales – dont l'initiative revient notamment à notre collègue Guillaume Gouffier Valente et à Bérangère Couillard, devenue ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.

Avec la création en mars 2021 de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), nous avons également agi pour faire connaître l'ampleur des violences sexuelles faites aux enfants et pour formuler des recommandations destinées à renforcer la culture de la prévention et de la protection dans les politiques publiques. Un an après la création de cette commission et à la suite de la publication de ses conclusions intermédiaires, le garde des sceaux Éric Dupond-Moretti et la secrétaire d'État chargé de l'enfance Charlotte Caubel ont effectué plusieurs annonces. Ils ont notamment fait part de leur souhait de modifier la loi pour permettre le retrait par principe de l'exercice de l'autorité parentale en cas de condamnation d'un parent pour violence sexuelle incestueuse sur son enfant.

La proposition de loi d'Isabelle Santiago s'inscrit dans la continuité de ces annonces. Je la remercie pour son travail, ainsi que notre ancienne collègue Marie Tamarelle-Verhaeghe – qui avait déposé une proposition sur le sujet lors de la précédente législature.

Adoptée par notre assemblée à l'unanimité en commission puis en séance, la proposition de la rapporteure a été réécrite au Sénat, ce qui nous conduit à l'examiner en deuxième lecture.

Le groupe Renaissance propose plusieurs amendements identiques à ceux de la rapporteure.

L'amendement CL15 vise à rétablir l'article 1er dans la version adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture. Cet article permettra de suspendre de plein droit l'exercice de l'autorité parentale ainsi que les droits de visite et d'hébergement du parent poursuivi soit pour un crime sur la personne de l'autre parent, soit pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime sur la personne de son enfant. L'amendement permettra en outre d'appliquer ce même régime pour des violences volontaires sur l'autre parent ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) de plus de huit jours lorsque l'enfant a assisté aux faits. Ce régime est proportionné et vise à protéger l'intérêt de l'enfant, notamment en matière de droit de visite et d'hébergement.

Je tiens à rappeler que la présence de l'enfant constitue une circonstance aggravante de l'infraction, conformément à la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes et au décret du 23 novembre 2021. Assister aux faits ne se limite pas à être témoin oculaire des violences. Cela comprend l'ensemble des situations – dont l'appréciation revient au juge – dans lesquelles l'enfant est témoin des violences, que ce soit de manière oculaire ou auditive et qu'il soit ou non présent dans la pièce au moment de celles-ci. Le fait pour un enfant d'être témoin direct des conséquences de ces violences, même après leur commission, doit également être pris en compte.

L'amendement CL13 à l'article 2 vise à faire prononcer de manière plus systématique le retrait total de l'autorité parentale en cas de condamnation pour les faits les plus graves.

L'amendement CL14 vise à revenir à la rédaction de l'article 3 adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale, avec quelques adaptations rédactionnelles rendues nécessaires par la modification de l'article 2.

Enfin, l'amendement CL9 de Nicole Dubré-Chirat et des députés de la délégation aux droits des enfants propose de rétablir l'article 4, afin de permettre la remise d'un rapport faisant notamment l'état des lieux de la prise en charge des enfants exposés aux violences conjugales. Je remercie la rapporteure pour son avis favorable à cet amendement.

Cette proposition fait avancer concrètement la protection des enfants victimes et co-victimes de violences intrafamiliales. Le groupe Renaissance apporte sa contribution pour que ces travaux puissent aboutir, comme en première lecture, dans l'intérêt de l'enfant et avec le soutien de tous.

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Nous saluons le retour de ce sujet, car nous faisons face à l'urgence en matière de violences intrafamiliales. Les violences à l'encontre des mineurs ont augmenté de 90 % depuis 2016. C'est un drame dont nous devons nous emparer. La lutte contre ce phénomène en constante croissance doit compter parmi nos priorités. C'est la raison pour laquelle le groupe Rassemblement national ne s'oppose pas sur le fond à ce texte tissé de bonnes intentions.

Mais celles-ci ne suffisent pas lorsque l'on écrit la loi. Vous affichez votre fermeté en ne laissant pas au juge d'alternative au retrait total de l'autorité parentale. Cela soulève des questions de notre part. Même si cette disposition semble répondre à l'intérêt de l'enfant, elle méconnaît la complexité de certaines situations et empêche d'utiliser un éventail plus large de mesures. C'est pourquoi notre amendement CL4 à l'article 2 propose que le juge puisse aussi se prononcer sur le retrait de l'exercice de l'autorité parentale.

Nous nous interrogeons aussi sur la suppression par le Sénat de l'article 4, qui prévoyait la remise au Parlement d'un rapport sur le repérage, la prise en charge et le suivi psychologique des enfants exposés aux violences conjugales et sur les modalités d'accompagnement parental. La rapporteure du Sénat, Mme Marie Mercier, a encouragé cette suppression au motif que l'article serait sans lien avec les dispositions initiales de la proposition. Si l'on peut entendre cet argument du point de vue strictement juridique, le lien direct de ce rapport avec l'objet de la proposition ne nous semble pas à démontrer. L'objectif de ce texte est de rendre plus systématique le retrait de l'autorité parentale par les juridictions pénales en cas de condamnation pour crimes commis sur son enfant ou sur l'autre parent, ou en cas d'agression sexuelle incestueuse sur son enfant. Pourquoi donc s'opposer à la création d'un rapport qui dresserait un état des lieux des conséquences psychologiques de ces agissements sur les enfants et qui permettrait à terme de proposer des mesures pour permettre leur guérison ?

L'élargissement du mécanisme de suspension provisoire de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale dans le cadre des procédures pénales et la systématisation du retrait de l'autorité parentale – notamment en cas d'agression sexuelle incestueuse sur son enfant – nous paraissent être des mesures de bon sens. Le groupe Rassemblement national souscrira donc à ce texte dans sa globalité, mais il appelle à laisser davantage de souplesse d'appréciation au juge et dans les dispositions subsidiaires qui ont été introduites. La protection des mineurs est un sujet éminemment délicat qui doit nous inviter à la prudence. Le législateur ne doit en aucun cas se laisser guider par ses sentiments, si mauvais conseillers pour élaborer le droit. C'est la raison pour laquelle il importe de laisser au juge une marge de manœuvre afin de pouvoir remplir sa mission, qui consiste à se prononcer de manière équitable face aux situations qui lui sont soumises.

Notre rôle est bien entendu de remédier par tous les moyens à un phénomène alarmant et croissant. Mais nous devons aussi garder à l'esprit que notre mission est par nature de légiférer de manière strictement proportionnée, pour assurer le bien commun.

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En France, 400 000 enfants vivent dans un climat de violences intrafamiliales. Pas moins de 160 000 d'entre eux sont chaque année victimes de violences sexuelles – soit un enfant toutes les quatre minutes. Ces chiffres sont terrifiants. Mais plus terrifiante encore est notre difficulté à endiguer ce phénomène et à protéger correctement les enfants, malgré de nombreuses évolutions législatives.

Depuis la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, les juridictions sont tenues de se prononcer sur le retrait total ou partiel de l'autorité parentale en cas de condamnation d'un parent pour certains délits. La loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille prévoit que l'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement du parent poursuivi pour un crime commis contre l'autre parent sont suspendus de plein droit jusqu'à la décision du juge. Et depuis la loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales, le parent condamné pour un délit commis sur son enfant ou sur l'autre parent peut se voir retirer l'autorité parentale ou son exercice.

Pour le bien-être des enfants victimes de violences intrafamiliales, il peut s'avérer nécessaire de couper tout ou partie des liens avec le parent ou les parents auteurs de violence. Cela leur permettra de grandir dans un environnement sain et épanouissant, et de devenir les adultes de demain.

Le groupe Démocrate salue donc la volonté de la rapporteure de définir un nouveau cadre pour l'autorité parentale et son exercice. Nous sommes conscients des difficultés soulevées par un tel sujet et de l'absolue nécessité d'avoir pour guide l'intérêt supérieur des enfants. C'est ce dernier qui doit déterminer nos choix.

Nous ne pouvons néanmoins ignorer les principes fondamentaux du droit. À ce titre, nous avions émis quelques réserves lors de la première lecture de ce texte par notre assemblée – notamment au regard de l'automaticité du retrait de l'autorité parentale et de son exercice. Ces réserves ont pu être levées grâce au travail transpartisan mené à vos côtés, madame la rapporteure, ainsi qu'avec le Gouvernement.

Dans l'hémicycle, nous avions atteint une ligne de crête permettant de transmettre au Sénat un texte équilibré tenant compte de la protection de l'enfant, de la préservation des relations familiales et des liens d'attachement, ainsi que de la proportionnalité des peines et de la protection des droits de la défense.

Les sénateurs nous ont rejoints en ce qui concerne le retrait de l'autorité parentale et de son exercice en cas de crime incestueux. Mais certaines modifications ont restreint les conditions de retrait de l'autorité parentale dans les autres cas, ce qui risque de réduire la protection accordée à l'enfant victime de violences. Le groupe Démocrate considère donc qu'il serait préférable de revenir au texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture. Soyez assurée, madame la rapporteure, que notre groupe votera évidemment en faveur de la proposition de loi si cet équilibre est restauré.

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Nous avons évoqué à plusieurs reprises les chiffres tragiques des violences faites aux enfants : 400 000 vivent dans un foyer où ont lieu des violences intrafamiliales et 160 000 subissent chaque année des violences sexuelles. Dans ces affaires, il est nécessaire de mettre l'enfant en sécurité le plus rapidement possible, tout en tenant compte des droits des parents. Il faut également prévoir un accompagnement médico-social adapté.

La proposition de loi de notre collègue Isabelle Santiago s'attache donc à agir vite. Il faut conserver l'essence même de ce texte, qui consiste à introduire dans la loi une réactivité salvatrice, comme le réclament de nombreuses associations.

Le texte prévoit, d'une part, de suspendre de plein droit l'exercice de l'autorité parentale lorsque le parent est mis en cause pour les infractions les plus graves et, d'autre part, de retirer obligatoirement l'autorité parentale en cas de condamnation pour crime contre l'autre parent, d'agression sexuelle incestueuse ou de crime contre l'enfant lui-même.

La proposition de loi a été substantiellement modifiée par le Sénat, qui a d'abord réécrit l'article 1er en supprimant tout dispositif de protection des enfants co-victimes de violences conjugales et en revenant sur la durée de suspension de l'exercice de l'autorité parentale en cas de poursuite pour les infractions les plus graves. On peut discuter de tout, mais nous regrettons qu'aient été adoptées des modifications qui affaiblissent la portée du texte de manière générale. Vivre dans un milieu familial où sévit la violence conjugale est un traumatisme pour les enfants, qu'ils en soient ou non les témoins directs.

L'article 2 a également été réécrit par le Sénat et la rapporteure proposera de revenir strictement à l'esprit du texte adopté en première lecture, dont l'objectif est de rendre plus systématique le retrait total de l'autorité parentale à l'occasion des condamnations les plus graves.

S'agissant d'un sujet aussi difficile, nous avons la responsabilité morale de tout faire pour trouver de nouveau l'unanimité qui avait prévalu en première lecture. Je ne doute pas que nous y arriverons.

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Ce sont 160 000 enfants qui sont victimes d'inceste chaque année, et 400 000 vivent dans un foyer où des violences conjugales ont lieu. C'est glaçant. Je sais que le Gouvernement – et tout particulièrement Charlotte Caubel, secrétaire d'État chargée de l'enfance – est pleinement engagé dans la lutte contre les violences faites aux enfants, qu'ils en soient les victimes directes ou indirectes.

Depuis 2005, de nombreuses lois sont intervenues en faveur des victimes et elles ont permis de créer de nouveaux outils juridiques et pratiques, à la disposition des associations et des personnels judiciaires afin de protéger les enfants et souvent, il faut bien le dire, les femmes. Notre arsenal législatif s'est considérablement renforcé. Il permet notamment que l'exercice de l'autorité parentale soit suspendu de plein droit lorsque l'un des parents est poursuivi pour un crime commis sur l'autre parent. En outre, le juge pénal peut prononcer le retrait total ou partiel de l'autorité parentale ou de l'exercice de celle-ci en cas de condamnation pénale pour un crime ou un délit commis sur l'enfant ou sur l'autre parent. En cas d'inceste ou d'atteinte volontaire à la vie de l'autre parent, le juge est obligé de se prononcer sur cette question.

Hélas, force est de constater que ces dispositions sont insuffisantes. Nous devons aujourd'hui faire un pas de plus et je tiens à saluer votre implication sans faille pour cette cause, madame la rapporteure. Le travail transpartisan réalisé à l'Assemblée a été enrichi par nos collègues sénateurs, notamment grâce à l'ajout d'une disposition permettant d'exonérer le parent qui bénéficie d'une ordonnance de protection de l'obligation de communiquer à l'autre parent tout changement de résidence. Trop de femmes sont aujourd'hui contraintes d'informer leur ex-conjoint violent de ce changement, alors même que celui-ci ne doit pas se rendre dans cette résidence ni entrer en contact avec elle.

Le groupe Horizons et apparentés soutiendra le nouvel article 3 bis, qui prévoit que la décision de ne pas ordonner la suspension du droit de visite et d'hébergement de l'enfant mineur est spécialement motivée.

Cependant le Sénat a souhaité réécrire un certain nombre d'articles qui avaient fait l'objet d'un consensus au sein de notre assemblée. Ces dispositions étaient pertinentes, équilibrées et correspondaient à l'intérêt de l'enfant.

Il faut élargir les motifs de suspension de plein droit de l'autorité parentale lorsqu'il s'agit de poursuites pour agression sexuelle incestueuse, crime commis contre l'enfant ou encore pour des violences ayant entraîné une ITT de plus de huit jours avec la circonstance aggravante que l'enfant a assisté aux faits. Tel était l'objet de l'article 1er et nous soutiendrons le retour à la rédaction adoptée par l'Assemblée, car nul ne peut ignorer que les violences subies durant l'enfance créent des souffrances physiques et psychologiques durables.

Ces violences marquent à jamais celui qui est devenu adulte. Il est nécessaire d'aller plus loin, car nous savons que dans 98 % des cas les enfants sont témoins des violences, et que 36 % d'entre eux sont eux-mêmes maltraités.

Le groupe Horizons et apparentés votera donc en faveur de ce texte, qui va dans le bon sens.

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Lors de l'examen en première lecture de la proposition de loi, le groupe Écologiste avait rappelé qu'il était de notre devoir de protéger l'intérêt supérieur des enfants. Cela doit toujours être notre boussole. Avant que notre commission n'entame l'examen en nouvelle lecture de cette proposition, il est important de réaffirmer que la protection de l'intérêt supérieur de l'enfant est une exigence constitutionnelle.

L'esprit de cette proposition de loi est sans aucun doute de mieux protéger les enfants, et c'est la raison pour laquelle nous la soutenons.

Néanmoins nous regrettons que le Sénat soit revenu sur l'une des principales dispositions, qui tendait à protéger l'intérêt de l'enfant lorsqu'il est co-victime de violences intrafamiliales. En effet, la version transmise par le Sénat limite la suspension de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale aux cas de crime ou d'agression sexuelle incestueuse commis sur la personne de l'enfant. Or notre assemblée avait adopté à l'unanimité une rédaction plus ambitieuse, qui prenait également en compte les violences volontaires commises sur l'autre parent et ayant entraîné une ITT de plus de huit jours, à condition que l'enfant ait assisté aux faits. Nous aurons certainement un débat et serons amenés à voter sur ce point ce matin. Imaginez le traumatisme que cela représente pour un enfant d'être témoin de scènes de violence au sein de la cellule familiale et d'être sous la garde d'un agresseur. Il faut aussi se figurer le traumatisme du parent qui voit son enfant remis à son bourreau.

Contrairement au Sénat, nous pensons que la disposition votée par notre assemblée est opportune. Elle ne constitue toutefois qu'un premier pas et nous estimons qu'il est de notre devoir d'aller beaucoup plus loin pour protéger les enfants victimes de violences intrafamiliales.

Pour accompagner ce pas nécessaire, le groupe Écologiste soutiendra le retour à la rédaction de l'article 1er votée en première lecture par l'Assemblée. Nous avons à cet effet déposé un amendement identique à celui de la rapporteure.

En ce qui concerne les autres dispositions du texte, nous sommes en faveur du retour à la rédaction initiale de l'Assemblée en première lecture car il est impératif de protéger l'intérêt supérieur de l'enfant. Nous voterons donc pour les amendements déposés par la rapporteure.

Vous l'aurez compris, nous soutenons entièrement cette proposition de loi et partageons pleinement son objectif. Il incombe toutefois à notre commission de procéder à de nouvelles améliorations du texte pour qu'il retrouve sa pleine efficacité et sa portée. Face aux violences ignobles, nous l'avions voté à l'unanimité en première lecture. J'espère que nous parviendrons au même résultat au terme du présent examen. Nous le devons aux millions de victimes. Elles nous regardent et attendent que nous soyons à la hauteur

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On a coutume de dire que la loi est le reflet des valeurs de la société. Il fut une époque où l'exercice de l'autorité parentale était empreint d'une certaine violence, qu'on disait éducative sans que personne ne s'en offusque. Il fut une époque où l'on disait également d'un homme violent envers la mère de ses enfants qu'il pouvait être un mauvais mari mais un bon père. Cette époque est révolue.

La communauté scientifique et juridique s'accorde désormais à dire que la violence, de quelque nature qu'elle soit, n'a pas sa place au sein de la famille. L'éducation forme les enfants. La violence déforme les corps et les esprits. Il faut combattre avec force l'idée selon laquelle notre société serait de plus en plus violente parce que la violence sur les enfants ne serait plus tolérée. On ne peut pas construire une société non violente en fondant l'éducation sur la violence.

Or, malgré les évolutions législatives destinées à protéger les enfants, les violences intrafamiliales ne cessent d'augmenter. Comme plusieurs collègues l'ont rappelé, en 2019 l'Insee faisait état de 119 000 victimes majeures et de 41 000 victimes mineures – et ce seulement sur la base des plaintes enregistrées. Pour 60 % d'entre eux, les enfants victimes de violences intrafamiliales ont moins de 15 ans. En 2019, ces violences ont augmenté de 14 %. En 2020, la hausse s'est poursuivie, avec 10 %.

Et cette augmentation touche particulièrement certains territoires. À La Réunion les violences intrafamiliales (VIF) ont augmenté de 41 % entre 2015 et 2021. Cela résulte certainement pour partie d'une meilleure écoute et d'une meilleure prise en charge. Mais, malheureusement, celles-ci n'expliquent pas toute l'augmentation. On compte vingt et une interventions des forces de l'ordre pour des VIF en moyenne chaque jour. En février 2023, le collectif « STOP VIF Protégeons nos enfants » faisait état d'une augmentation de 30 % des violences intrafamiliales et des violences sur enfants à La Réunion. Ces chiffres nous imposent d'agir.

C'est pourquoi je salue votre proposition de loi, madame Santiago. Elle vient combler un vide juridique sur la question de l'autorité parentale. L'autorité parentale, c'est le droit des parents de prendre les décisions qui concernent leurs enfants. Quoi de plus banal que de discuter ensemble de l'inscription à l'école du petit dernier qui a 3 ans ou de l'opération des amygdales de la plus grande ? Mais quoi de plus terrible quand vous devez avoir cette discussion avec celui qui vous a violentée, agressée ou tenté de vous tuer ? Quoi de plus insupportable, quand celui qui décide de votre inscription à l'école est aussi celui qui vous a volé votre enfance ? Tel est l'état actuel de notre droit : les auteurs, ou auteurs présumés, restent investis de l'exercice de l'autorité parentale et n'en sont privés qu'en de très rares occasions. Votre proposition de loi vient corriger cette anomalie et accorder aux victimes une protection supplémentaire.

Je tiens à saluer votre travail, ainsi que notre travail collectif transpartisan. Notre commission a su trouver une position équilibrée pour concilier, d'une part, la nécessaire protection des victimes de violences intrafamiliales et la protection des enfants et, d'autre part, la présomption d'innocence et le droit au juge.

Le Sénat a quelque peu détricoté ce que nous avions mis beaucoup de temps à construire. Je suis certaine que notre assemblée arrivera à rétablir la version initiale. Nous voterons donc ce texte.

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Faire un pas de plus vers la protection des enfants victimes de violences intrafamiliales : tel est l'objectif très louable que notre commission s'est fixé avec cette proposition de loi. Notre groupe la soutiendra de manière indéfectible, comme en première lecture.

Lorsque la Ciivise a débuté ses travaux, elle a voulu dire aux 400 000 enfants victimes : « Je te crois. » Désormais, notre rôle de législateur est de dire à chacun d'eux : « Je te protège. »

En 2019 et en 2020, grâce à deux lois, notre assemblée avait permis d'accroître l'arsenal législatif contre les violences intrafamiliales, notamment en facilitant la suspension de l'autorité parentale en cas de poursuite. Comme la lenteur du système judiciaire ne doit pas pénaliser les victimes, il était nécessaire de pouvoir soustraire les enfants à l'emprise d'un parent violent en cas de poursuite pour crime contre l'autre parent, même avant toute condamnation pénale. Si notre groupe comprend la nécessité de limiter cette mesure aux cas les plus graves, il estime indispensable d'accroître son champ d'application.

Nous soutenons donc le choix de cette proposition consistant à suspendre l'autorité parentale en cas de crime ou violence sexuelle incestueuse contre l'enfant. L'intérêt supérieur de l'enfant doit primer dans un tel cas.

Nous avons cependant un regret. Si la rédaction issue du Sénat a le mérite d'être équilibrée, elle est aussi plus modeste. Ce dernier a choisi de supprimer la suspension de l'autorité parentale en cas de violences conjugales entraînant plus de huit jours d'ITT. Je salue donc l'amendement de la rapporteure qui la prévoit de nouveau. Les violences conjugales sont aussi des violences familiales qui touchent l'enfant.

Notre groupe a tout de même souhaité déposer un sous-amendement pour accroître la protection des enfants en cas de violences conjugales. En effet, l'amendement correspondant ne prévoit la suspension de l'autorité parentale lors d'une condamnation pour des violences entraînant une ITT de plus de huit jours que si elles ont eu lieu en présence de l'enfant, même si vous avez précisé cette notion. Rien ne justifie cette restriction, qui pourrait conduire à traiter différemment des dossiers similaires. Un enfant pourrait être tout aussi choqué de voir sa mère marquée par des blessures, même s'il n'a pas assisté directement aux faits. Nous parlons de violences conduisant à plus de huit jours d'ITT. Ce n'est pas rien. La gravité de ces violences devrait suffire pour les retenir dans le dispositif. En outre, c'est le flou juridique autour de la notion de présence de l'enfant qui a conduit la rapporteure du Sénat à proposer de supprimer purement et simplement ce cas de figure.

Enfin, s'agissant des cas plus graves conduisant au retrait de l'autorité parentale, notre groupe approuve le choix d'un dispositif qui devrait conduire le juge pénal à le prononcer de manière plus systématique. Nous saluons également le travail de coordination entre le code civil et le code pénal réalisé sur ce point au Sénat.

En première lecture, notre collègue Béatrice Descamps avait présenté un amendement pour mettre en garde sur certaines lacunes du volet pénal. En effet, de manière surprenante, il existe encore quelques infractions graves – comme la séquestration – pour lesquelles le juge n'a pas l'obligation de se prononcer sur le retrait de l'autorité parentale. Le garde des sceaux s'était engagé en séance à travailler sur ce point. Cela a été fait au Sénat et nous saluons cette avancée, qui devrait répondre aux recommandations de la Ciivise et aux attentes du milieu associatif.

Notre groupe votera de nouveau pour ce texte et appelle de ses vœux une entrée en vigueur rapide.

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Certains chiffres sont tristement éclairants. Comme cela a été rappelé, en France près de 400 000 enfants vivent au sein d'une famille où sévissent des violences intrafamiliales. Ils en sont les victimes directes dans 21,5 % des cas. Mais ils en sont toujours les témoins traumatisés.

Depuis l'adoption de cette proposition de loi en première lecture par notre assemblée, en février dernier, certaines mesures concrètes ont été prises et sont venues renforcer les mécanismes de protection des victimes de violences intrafamiliales. Il faut s'en féliciter. Je pense notamment à l'amélioration de l'information des victimes et à la mise en place de l'ordonnance de protection provisoire immédiate – avec l'éviction du conjoint violent du domicile, décidée dans les vingt-quatre heures par le juge aux affaires familiales sans audience contradictoire en cas d'urgence et de danger.

J'avais cependant eu l'occasion de faire part d'un regret durant la discussion générale dans l'hémicycle, il y a quelques mois. Si ce texte adopté à l'unanimité par notre assemblée va dans le bon sens, il aurait pu être encore amélioré en prévoyant par exemple que le parent dont le conjoint est poursuivi ou condamné pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur un enfant mineur puisse refuser de présenter ce dernier sans se rendre coupable d'un quelconque délit. Nous sommes nombreux à recevoir des parents mortifiés à l'idée de devoir, en cas de garde alternée, confier leur enfant à un conjoint suspecté de violence. Nous ne pouvons ni les ignorer, ni les laisser avec leurs craintes. Je répète qu'il aurait été important d'ajouter cette mesure dans le texte, même si elle nécessite d'être encadrée – il n'est évidemment pas question d'une interdiction à vie.

Article 1er (art. 378-2 du code civil) : Suspension provisoire de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale en cas de poursuites pour crime commis sur l'autre parent, crime ou agression sexuelle incestueuse commis sur l'enfant et en cas de condamnation pour violences conjugales

Amendements identiques CL12 de Mme Isabelle Santiago et CL15 de M. Éric Poulliat, sous-amendement CL19 de M. Jean-Félix Acquaviva, amendement CL16 de Mme Sandra Regol (discussion commune)

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Je vous remercie pour vos propos lors de la discussion générale.

Comme je l'ai indiqué dans mon exposé liminaire, je propose de revenir à la rédaction de cet article adoptée par notre assemblée en première lecture.

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Le sous-amendement vise à supprimer la condition liée à la présence de l'enfant au moment des violences conjugales. La condamnation pour violences conjugales ayant entraîné plus de huit jours d'ITT devrait suffire pour procéder à la suspension de l'autorité parentale.

L'enfant peut être tout aussi traumatisé, par exemple, de voir le visage tuméfié de sa mère le lendemain des faits.

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Notre groupe propose aussi de rétablir le texte dans la version adoptée par l'Assemblée en première lecture.

Monsieur Molac, dans le cas où les violences ont entraîné une ITT de plus de huit jours, le texte proposé pour l'article 1er indique que l'enfant doit avoir assisté aux faits. Cela constitue d'ailleurs une circonstance aggravante. Cette condition doit être entendue de manière large, de telle sorte que, dans l'exemple que vous avez cité, la vision par l'enfant du visage tuméfié de sa mère le lendemain sera bien prise en compte par le juge.

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Comme nombre de nos collègues, nous regrettons le recul entraîné par la réécriture du Sénat. Cette dernière ne retient que les crimes ou agressions sexuelles, ce qui laisse de côté tous les autres types de violences, qu'elles soient physiques ou psychologiques. La rédaction initialement retenue par l'Assemblée était beaucoup plus ambitieuse, puisque nous avions pour objectif de prévoir les outils pour protéger au mieux les enfants. Je ne reviens pas sur les chiffres et sur l'augmentation des violences intrafamiliales.

Avec l'amendement que nous proposons, il s'agit de rompre le cycle des violences – car les violentés d'hier peuvent devenir ceux qui violenteront demain. Nous devons agir avec des outils juridiques adaptés pour enrayer cela.

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Madame Regol, votre amendement est presque identique aux amendements CL12 et CL15. Mais ces derniers sont plus précis car ils mentionnent la « condamnation » et non plus la « décision pénale ». Demande de retrait.

J'entends vos arguments, monsieur Molac. Le point que vous évoquez a fait l'objet de nombreux débats. Depuis la loi du 3 août 2018, le code pénal considère comme une circonstance aggravante le fait qu'un mineur assiste à des violences commises par le conjoint qui entraînent une ITT de plus de huit jours. Comme je l'ai dit lors de mon propos liminaire, il est nécessaire d'avoir une acception large de la condition qui prévoit que l'enfant assiste aux faits. Cela ne se limite pas à être un témoin direct des violences mais comprend l'ensemble des situations dans lesquelles l'enfant est témoin auditif ou oculaire de violences, présent ou non dans la pièce au moment des faits. Le fait pour un enfant d'être témoin direct des conséquences de ces violences, même après qu'elles ont été commises, doit également être pris en compte.

Soyez assuré que nous recherchons la meilleure solution juridique, et celle que nous vous proposons semble être la plus adaptée pour ce texte.

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Compte tenu de vos assurances sur ce qui figure dans le code pénal, je retire le sous-amendement.

Le sous-amendement CL19 est retiré.

La commission adopte les amendements CL12 et CL15.

En conséquence, l'article 1er est ainsi rédigé et les amendements CL16 de Mme Sandra Regol et CL5 de Mme Béatrice Roullaud tombent.

Article 2 (art. 378 du code civil) : Établissement d'un principe de retrait total de l'autorité parentale en cas de condamnation pour crime commis sur l'autre parent, agression sexuelle incestueuse ou crime commis sur l'enfant

Amendements identiques CL10 de Mme Isabelle Santiago et CL13 de M. Éric Poulliat

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L'amendement CL10 tend à réécrire l'article 2 dans le sens du texte que notre assemblée avait adopté en première lecture.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l'article 2 est ainsi rédigé et les amendements CL1 de M. Dino Cinieri, CL2 de M. Pierre Cordier et CL4 de Mme Marie-France Lorho tombent.

Article 2 bis (art. 377 du code civil) : Création d'un nouveau cas de délégation forcée de l'autorité parentale en cas de crime ou agression sexuelle incestueuse commis sur un enfant par un parent seul titulaire de l'exercice de l'autorité parentale

La commission adopte l'article 2 bis non modifié.

Article 2 ter A (art. 380 du code civil) : Suppression de la référence au « droit de garde »

La commission adopte l'article 2 ter A non modifié.

Article 2 ter (art. 381 du code civil) : Condition de recevabilité de la saisine du JAF en cas de retrait de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement

Amendement CL8 de Mme Marianne Maximi.

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Cet amendement tend à porter de six mois à un an le délai minimal, après une décision définitive, pour formuler une demande auprès du juge des affaires familiales en matière de retrait de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement.

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Il semble judicieux de prévoir une graduation dans la sanction lorsque seul l'exercice de l'autorité parentale est retiré. Le délai de six mois me semble raisonnable. Je demande donc le retrait de l'amendement.

L'amendement est retiré.

La commission adopte l'article 2 ter non modifié.

Article 2 quater (art. 373-2 du code civil) : Exonération de toute obligation d'informer préalablement l'autre parent d'un changement de résidence en cas d'ordonnance de protection

La commission adopte l'article 2 quater non modifié.

Article 3 : Mise en cohérence du code pénal avec les dispositions de l'article 378 du code civil prévoyant le retrait de l'autorité parentale ou de l'exercice de cette autorité par les juridictions pénales

Amendements identiques CL11 de Mme Isabelle Santiago et CL14 de M. Éric Poulliat.

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L'amendement CL11 tend à rétablir la version adoptée en première lecture par notre assemblée et apporte quelques coordinations rédactionnelles.

La commission adopte les amendements et l'article 3 est ainsi rédigé.

Article 3 bis (art. 138 du code de procédure pénale) : Principe de suspension du droit de visite et d'hébergement de l'enfant dans le cadre d'un contrôle judiciaire avec interdiction d'entrer en contact ou obligation de résider séparément

La commission adopte l'article 3 bis non modifié.

Article 4 : Rapport du Gouvernement au Parlement sur le repérage et la prise en charge des enfants exposés aux violences conjugales, ainsi que sur l'accompagnement parental

Amendement CL7 de M. William Martinet, amendements identiques CL3 de Mme Marie-France Lorho et CL9 de Mme Nicole Dubré-Chirat (discussion commune)

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L'amendement CL3 tend à réintégrer dans le texte la demande d'un rapport sur le repérage, la prise en charge et le suivi psychologique des enfants exposés aux violences conjugales et intrafamiliales et sur les modalités d'accompagnement parental. Un état des lieux complet est en effet nécessaire pour concevoir des politiques publiques efficaces.

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L'amendement CL3 tend également à réintroduire la demande de rapport supprimée par le Sénat.

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Un tel rapport serait très important pour dresser un état des lieux de la situation physique et psychologique des enfants exposés à ces violences et des modalités de l'accompagnement parental. Un diagnostic plus précis permettra en effet une plus grande efficacité de la politique publique.

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Avis favorable à l'amendement CL7 qui élargit le champ du rapport et demande de retrait des amendements identiques CL3 et CL9.

La commission adopte l'amendement CL7.

En conséquence, l'article 4 est ainsi rédigé et les amendements CL3 et CL9 tombent.

Titre

Amendement CL18 de Mme Isabelle Santiago

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Cet amendement vise à rétablir le titre dans la rédaction initiale de l'Assemblée nationale.

La commission adopte l'amendement.

Elle adopte l'ensemble de la proposition de loi modifiée.

La séance est levée à 12 heures 10.

Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné :

Mme Caroline Yadan rapporteure sur les pétitions.

La Commission a créé :

– Une mission d'information sur la hausse du nombre de refus d'obtempérer et les conditions d'usage de leurs armes par les forces de l'ordre et a désigné MM. Thomas Rudigoz et Roger Vicot rapporteurs ;

– Une mission d'information visant à évaluer l'efficacité de la politique de lutte contre les trafics de stupéfiants et a désigné Mme Clara Chassaniol et M. Antoine Léaument rapporteurs.

Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 4 octobre 2023 à 9 heures

Présents. - M. Erwan Balanant, M. Romain Baubry, M. Ugo Bernalicis, Mme Pascale Bordes, M. Florent Boudié, M. Xavier Breton, Mme Blandine Brocard, Mme Émilie Chandler, Mme Clara Chassaniol, M. Éric Ciotti, M. Jean-François Coulomme, Mme Mathilde Desjonquères, Mme Edwige Diaz, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Philippe Dunoyer, Mme Elsa Faucillon, Mme Raquel Garrido, M. Yoann Gillet, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier Valente, M. Jordan Guitton, M. Sacha Houlié, M. Jérémie Iordanoff, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Emeline K/Bidi, M. Andy Kerbrat, M. Philippe Latombe, M. Gilles Le Gendre, M. Antoine Léaument, Mme Marie Lebec, Mme Marie-France Lorho, M. Emmanuel Mandon, Mme Élisa Martin, Mme Alexandra Masson, M. Thomas Ménagé, Mme Emmanuelle Ménard, M. Ludovic Mendes, Mme Laure Miller, M. Paul Molac, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, M. Didier Paris, M. Éric Pauget, M. Jean-Pierre Pont, M. Éric Poulliat, Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, M. Philippe Pradal, M. Stéphane Rambaud, M. Rémy Rebeyrotte, Mme Sandra Regol, M. Davy Rimane, Mme Béatrice Roullaud, M. Thomas Rudigoz, Mme Isabelle Santiago, M. Hervé Saulignac, M. Raphaël Schellenberger, M. Philippe Schreck, Mme Sabrina Sebaihi, M. Bruno Studer, Mme Sarah Tanzilli, Mme Andrée Taurinya, M. Jean Terlier, Mme Cécile Untermaier, M. Roger Vicot, M. Guillaume Vuilletet, Mme Caroline Yadan

Excusés. - M. Jean-Félix Acquaviva, M. Ian Boucard, M. Mansour Kamardine, M. Thomas Portes

Assistaient également à la réunion. - M. Fabien Di Filippo, Mme Sandrine Dogor-Such, M. Charles Fournier, M. Timothée Houssin, Mme Marietta Karamanli, Mme Francesca Pasquini