Intervention de Pascale Bordes

Réunion du mercredi 27 mars 2024 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascale Bordes :

L'auteur de la proposition de loi fait état d'un encadrement excessif des prérogatives du Parlement par la Constitution et souligne qu'il en résulte un déséquilibre flagrant qui se traduit par un pouvoir exécutif structurellement organisé pour décider seul. Par les deux articles de sa proposition, il a pour ambition de revenir sur deux points totalement distincts de l'article 49 de la Constitution : le principe de la confiance présumée et le mécanisme de la légalisation forcée.

L'article 1er de la proposition de loi tend à rendre obligatoire l'engagement de responsabilité du Gouvernement, à l'initiative du Premier ministre, sur son programme ou une déclaration de politique générale. Or, le Gouvernement tire sa légitimité de l'élection même du Président de la République, puisque ce dernier procède à la nomination du Premier ministre et qu'il met fin à ses fonctions. Il n'y a donc pas lieu de rendre obligatoire le vote de confiance.

L'article 2 vise à supprimer l'avant-dernier alinéa de l'article 49 de la Constitution, symbole pour les rédacteurs de la proposition de « brutalité à l'encontre de la représentation nationale ». Le 49.3 suscite depuis longtemps passions et critiques. Ses pourfendeurs dénoncent à l'envi le « déni de démocratie », « l'abattoir de la démocratie », « l'abaissement du Parlement ». De grands mots qui claquent aux oreilles des citoyens, mais à l'effet nul et à la justification brumeuse. Effet nul, car dénoncer haut et fort une procédure et un texte n'égalera jamais des actes politiques en cohérence avec les mots, à savoir le dépôt et le vote d'une motion de censure portant sur un texte combattu et décrié. Or, les calculs politiques de certains les conduisent, par idéologie, à ne pas voter les motions de censure déposées par d'autres groupes.

Par ailleurs, en dépit des critiques multiples, l'article 49, alinéa 3, n'a jamais été supprimé, car ses opposants d'aujourd'hui n'ont pas manqué d'y recourir lorsqu'ils gouvernaient. « Le 49.3 est une brutalité, le 49.3 est un déni de démocratie, le 49.3 est une manière de freiner ou d'empêcher le débat parlementaire », déclarait François Hollande en 2006, alors que Dominique de Villepin faisait adopter le contrat première embauche (CPE) au moyen du 49.3. Or, une fois au pouvoir, sa majorité l'utilisa à six reprises.

L'article 49 est le garant d'un nécessaire équilibre entre les différents pouvoirs. Si le troisième alinéa était retiré, il ne resterait plus qu'un pouvoir unilatéral de l'Assemblée sur le Gouvernement, sans aucune contrepartie, une capacité de l'Assemblée de retarder, voire de bloquer, toute action du pouvoir exécutif pour des motifs potentiellement contestables et que ce dernier ne pourrait contrebalancer.

La supposée dialectique du discours au sein de l'Assemblée, censée justifier l'aptitude du Parlement à faire émerger de « bonnes lois », ne résiste pas à l'épreuve du réel. D'aucuns, pour de mauvaises raisons qui n'ont que peu à voir avec le débat, ont choisi de faire de l'obstruction systématique en déposant des milliers d'amendements et de sous-amendements, en multipliant les rappels au règlement qui n'en sont pas et en contrevenant ainsi eux-mêmes à l'expression du fait démocratique, dont ils se prétendent pourtant les ardents défenseurs.

Le 49.3 n'est pas antidémocratique, il est un outil constitutionnel au service de la démocratie. En revanche, certains personnages politiques contemporains ne sont peut-être pas à la hauteur de notre Constitution. C'est peut-être pourquoi ils cherchent, pour certains, à la remplacer.

Je ferai miens les mots de Jean-Louis Debré, selon qui ce n'est pas le 49.3 en lui-même qui pose problème, car il est la résultante de notre Constitution de 1958 approuvée par référendum – à l'époque c'était possible –, mais l'image renvoyée par l'exécutif recourant de façon abusive au 49.3. Dès lors, ce n'est pas parce que le Gouvernement s'est livré ces derniers mois à une utilisation dévoyée de ce mécanisme, en y recourant de façon excessive, que cet article ne conserve pas pour autant son utilité pour l'équilibre des institutions, en évitant des situations de blocage prolongé.

Le groupe Rassemblement national votera contre ce texte.

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