Intervention de Jérémie Iordanoff

Réunion du mercredi 27 mars 2024 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérémie Iordanoff, rapporteur :

Je remercie ma collègue Lisa Belluco de défendre avec force cette excellente proposition de loi.

Il ne faudrait pas revenir sur un texte adopté récemment, arguent certains. Or nous constatons que les effets de cette loi avaient été mal appréciés et qu'ils sont contraires à ceux qui avaient été escomptés : des propriétés deviennent infranchissables alors qu'il s'agissait de lutter contre l'engrillagement.

Dans ma circonscription, en Chartreuse, 750 hectares ont été fermés du jour au lendemain, ce qui a conduit au détournement ou à l'interdiction de deux itinéraires de randonnée pratiqués depuis toujours. Hormis l'application détournée de la loi du 2 février 2023, il n'y a aucune explication logique à cette fermeture : l'endroit n'est pas fréquenté à outrance et il ne subit pas de dégradations majeures.

Notre proposition est raisonnable : il s'agit de revenir au droit antérieur, à la coutume historique, une tolérance qui permet de se promener partout. Notre collègue Breton explique qu'il faut rechercher un équilibre entre le droit de la propriété privée et la liberté d'aller et venir. Or la loi de 2023 rompt cet équilibre en prévoyant une infraction pénale qui n'a rien à faire en la matière : une telle infraction sert à réparer un dommage créé à la société. Quand on se promène sur une propriété privée et que l'on ne crée aucun dommage à la société, il n'y a pas lieu d'encourir une infraction pénale.

Ce qui s'est passé en Chartreuse s'est produit à Villeneuve-Loubet et dans les Vosges. Le phénomène est appelé à s'étendre sous la pression des assureurs, des fédérations de chasse et autres. Quelque 75 % des forêts françaises sont privées, et le taux atteint même 90 % en Bretagne. Si des régions entières sont fermées à la randonnée, vous allez voir une pression très forte de nos concitoyens sur le terrain. À mon avis, le texte que nous proposons finira par être adopté d'une manière ou d'une autre, que ce soit cette fois-ci, l'année prochaine ou la suivante. C'est inéluctable, car on ne peut pas priver les Françaises et les Français d'aller se promener, d'exercer ce droit imprescriptible.

Pour clarifier la manière de concilier le droit de la propriété privée et celui d'aller et venir, je nous invite collectivement à réécrire le droit. Alors que nous vivions sur une coutume vivace, nous pourrions nous inspirer des législations des pays scandinaves. La Constitution suédoise consacre le droit d'aller et venir, ce qui n'est pas une violation de la propriété privée. Il ne faut d'ailleurs pas confondre terrain privé et domicile. La violation du domicile reste une infraction pénale : vous ne pouvez pas entrer dans la maison ou le jardin de quelqu'un, le déranger ou créer un trouble de voisinage. Cela vaut aussi en Suède, en Finlande, en Norvège et au Danemark, pays qui ne sont pas des dictatures communistes. Nous ne remettons pas en cause le droit de propriété. Il faut arrêter de raconter n'importe quoi et avancer sur ce sujet.

Nous sommes donc très favorables à cette proposition de loi.

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