Commission des affaires européennes

Réunion du mercredi 29 mars 2023 à 13h35

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 29 mars 2023

Présidence de M. Pieyre-Alexandre Anglade, Président de la Commission,

La séance est ouverte à 13 heures 37.

I. Nomination de rapporteurs

La Commission a nommé sur proposition de M. le Président Pieyre-Alexandre Anglade :

– M. Pieyre-Alexandre ANGLADE (RE), rapporteur sur la proposition de résolution européenne relative aux transferts massifs d'enfants ukrainiens par la Fédération de Russie ;

– M. Henri ALFANDARI (HOR), rapporteur sur la proposition de résolution européenne relative au nucléaire comme enjeu pour la décarbonation du mix énergétique européen.

II. Transferts forcés massifs d'enfants ukrainiens par la Fédération de Russie : examen de la proposition de résolution européenne

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Il y a maintenant un peu plus d'un an, le 24 février 2022, le gouvernement russe déclenchait une guerre de grande ampleur et à grande échelle contre l'Ukraine. Depuis cette date, les forces armées russes ont commis en Ukraine toutes formes de crimes de guerre, allant de bombardements de cibles civiles, à des massacres de masse de civils ukrainiens.

Nous avons tous en tête les cas de torture, les viols, la découverte de multiples fosses communes dans les territoires reconquis tels que Izioum, Boutcha, avec des corps laissés à l'abandon dans les rues. Je pense aussi aux bombardements de cibles civiles qui ont été perpétrés, notamment contre la gare de Kramatorsk, ou le théâtre de Marioupol où près de 600 civils ont trouvé la mort. Parmi eux, des enfants. Chacun a aussi en mémoire la destruction de nombreuses villes ukrainiennes : Roubijné, Popasna, Lyman, Sievierodonetsk, Soledar ou encore Bakhmout.

Force est de constater qu'avec une grande lâcheté, l'armée russe, qui connaît de grandes difficultés sur le champ de bataille, s'en prend avec une cruauté indicible à la population ukrainienne. Ce sont des pluies de missiles et de drones meurtriers qui se sont abattus tout l'hiver sur le pays. Rien n'a été épargné : ni les quartiers d'habitation, ni les immeubles résidentiels, ni les écoles, ni les maternités, ni les hôpitaux, selon une stratégie de terreur, conçue, planifiée, organisée par le Kremlin.

Terroriser la population civile pour que l'Ukraine cède aux velléités impérialistes, voilà le projet monstrueux, barbare, inacceptable de Vladimir Poutine. Ses crimes ne sont pas le fruit de dérapage de quelques soldats, ils sont commandités, intentionnels et voilà ce que nous voulons dénoncer aujourd'hui dans les termes les plus clairs : la guerre menée par Vladimir Poutine est une guerre terroriste.

À cette stratégie de terreur s'ajoute l'horreur des transferts, apparemment massifs, de populations vers le territoire russe. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés estimait qu'entre le 24 février et le 17 octobre 2022, 2,8 millions de réfugiés ukrainiens avaient été transférés vers la Russie. Si rien n'indique que ces déplacements soient tous involontaires, de nombreux témoignages indiquent qu'une partie d'entre eux l'ont été, en particulier ceux d'enfants, que cette proposition de résolution européenne dénonce. Ce sont déjà plus de 16 000 enfants ukrainiens qui ont été déportés par la Russie. Ce chiffre, déjà massif, est très inférieur à la réalité. Il ne regroupe que les enfants qui ont pu être formellement identifiés. Les autorités ukrainiennes estiment que ce sont plusieurs centaines de milliers d'enfants qui ont été subtilisés à leurs familles. À cela s'ajoute la rééducation à laquelle les enfants ukrainiens enlevés sont soumis. Dans les quelque 43 camps identifiés partout en Russie, ces victimes innocentes de la guerre subissent un véritablement lavage de cerveau, visant à exterminer toute conscience nationale.

Nous serions bien naïfs de croire que ce qui est à l'œuvre en Ukraine est un soubresaut malheureux de la guerre. Tout découle directement de la volonté du président russe : Vladimir Poutine a donné son blanc-seing à cette mécanique génocidaire, en signant le 30 mai 2022 un décret accélérant l'adoption d'enfants ukrainiens réputés orphelins en une journée seulement. Plus grave encore, le décret signé par Vladimir Poutine autorise la modification de l'état civil des enfants déportés pour en faire de parfaits citoyens russes. Derrière ces détails administratifs, se cache une volonté de nier leur identité nationale mais aussi de travestir leur mémoire personnelle pour qu'elle disparaisse.

Face à la barbarie russe qui se déchaîne contre les enfants ukrainiens, la communauté internationale n'est pas restée inerte : le 17 mars 2023, la Cour pénale internationale a émis deux mandats d'arrêts internationaux, l'un à l'encontre de Vladimir Poutine, l'autre à l'encontre de Maria Lvova-Belova, pour le crime de guerre de déportation illégale d'enfants ukrainiens depuis le début de l'invasion russe, fin février 2022.

Voyons les choses telles qu'elles sont : la déportation d'enfants ukrainiens vers la Russie s'inscrit dans une logique génocidaire, comme il est défini aux termes de l'article 2 de la Convention des Nations unies du 9 décembre 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide, ainsi que dans l'article 6 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, qui qualifie de génocide le transfert forcé d'enfants d'un groupe à un autre groupe, « commis dans l'intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ».

Tout, dans nos valeurs européennes, fondées sur les droits de l'homme et notamment ceux de l'enfant, rejette les exactions de Vladimir Poutine. Avec cette proposition de résolution, je propose que nous soutenions les efforts faits pour retrouver ces enfants et à les rapprocher de leurs familles. Avec cette proposition de résolution européenne, je vous propose également que nous alertions les autorités européennes pour qu'elles sanctionnent les coupables de ces déportations, et mettre en échec ce projet.

Les valeurs européennes, fondées sur les droits de l'homme et notamment ceux de l'enfant, nous engagent aujourd'hui à dénoncer cela dans les termes les plus clairs. Avec cette résolution, je souhaite que nous condamnions formellement, et avec la plus grande force, les transferts d'enfants ukrainiens perpétrés par la Fédération de Russie, et que soient mis en œuvre tous les moyens humains et matériels requis pour venir en aide à ces enfants. Voilà ce que nous demandons avec clarté dans ce texte aujourd'hui.

Il viendra immanquablement ce jour où les responsables de ces crimes et leurs complices devront rendre des comptes devant la justice internationale. Devant l'horreur de ce conflit, qui n'hésite pas à faire planer sur le monde entier des menaces nucléaires, économiques, de famine, et qui systématiquement utilise la terreur contre les civils et contre les plus vulnérables. J'ai la conviction que nous devons, de concert avec la communauté internationale, travailler afin que la justice soit rendue vite, haut et fort, conformément aux valeurs universelles dont notre pays est le flambeau, et que porte aussi l'Union européenne. Nous le devons à l'Ukraine, aux Ukrainiens et à leurs enfants.

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En tant que président du groupe d'amitié France-Ukraine, je tiens à vous remercier d'avoir pris l'initiative de cette proposition de résolution européenne, qui pointe une des nombreuses horreurs de cette guerre en Ukraine et qui nous touche : celle des transferts forcés massifs d'enfants ukrainiens par la Fédération de Russie.

Pourquoi ce sujet nous touche tout particulièrement et que c'est notre responsabilité de nous en emparer ? Hier, nous avons adopté en séance la proposition de résolution de notre collègue Madame Anne Genetet, reconnaissant comme génocide l'Holodomor, cette grande famine organisée par la Russie de Staline contre les Ukrainiens.

Ce que l'on voit dans cette guerre contre l'Ukraine, ce n'est pas seulement des bombardements, des immeubles détruits, des occupations de territoires, mais une volonté d'effacer l'identité nationale, d'effacer l'existence même de l'Ukraine. De l'effacer par la mémoire, en niant la spécificité de sa mémoire, et c'est pour cela que c'était important pour notre groupe de rappeler l'importance, l'existence, du génocide de l'Holodomor. En revanche, effacer l'identité ukrainienne c'est aussi effacer son avenir. Effacer son avenir, c'est ce que l'on voit à travers ces déportations d'enfants, à travers ces rapts organisés, et à travers la négation même de la mémoire individuelle de chacun de ces enfants, comme rappelé dans la résolution.

16.226 : c'est le nombre d'enfants ukrainiens qui ont d'ores et déjà été identifiés, enlevés, déportés, par la Russie. En revanche, ce nombre est dérisoire par rapport à la réalité. Entre les facilités administratives qui ont été consenties par Vladimir Poutine, permettant d'adopter un enfant ukrainien en une journée par le décret du 30 mai 2022, deux mois après le début de la guerre et les modifications de leurs documents pour les faire passer pour des enfants russes, la négation de l'identité ukrainienne ne s'arrête pas là. Ces enfants sont arrachés à leurs familles, ils sont parfois orphelins de parents qui ont été assassinés lors d'exactions russes, et sont envoyés dans des camps de rééducation en Russie où ils sont victimes de la propagande du Kremlin, et sont obligés de parler uniquement russe et d'apprendre à manier les armes. Une logique génocidaire est à l'œuvre contre l'Ukraine et ses enfants.

La Cour pénale internationale a réagi en émettant deux mandats d'arrêts en raison de ces faits, contre de Vladimir Poutine et contre Maria Lvova Belova. Il faut se réjouir que la France, par la voie de la Ministre des Affaires Etrangères, Madame Catherine Colonna, ait appuyé cette procédure et l'a soutenue.

En tant qu'Européens, nous ne pouvons pas, nous ne devons pas, abandonner ces enfants aux mains de Vladimir Poutine et du régime russe. Il est de notre devoir de soutenir tous les efforts des pouvoirs publics pour leur permettre de retrouver leurs familles, leurs proches, leur pays, leur culture, mais aussi de faire traduire en justice les responsables de toutes ces horreurs perpétrées à l'encontre du peuple ukrainien.

C'est un enjeu de justice et de paix : il ne pourra y avoir de paix possible sans que tous ces enfants retrouvent leurs familles en Ukraine. Le groupe Renaissance soutient sans réserve cette proposition de résolution.

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Ce conflit a trop duré : avec plus de 300 000 morts, des enfants enlevés, des milliers de déplacés et de réfugiés de guerre. Notre groupe condamne fermement ces transferts massifs d'enfants ukrainiens par la Fédération de Russie. Par conséquent, nous voterons en faveur de cette proposition de résolution.

Nous pensons qu'une réponse à l'échelle internationale est nécessaire, notamment par le biais des Nations unies. Nous continuerons de condamner l'invasion du territoire souverain de l'Ukraine et à appeler au rétablissement des principes de droit international le plus rapidement possible.

La sortie rapide de ce conflit passera par le retrait des troupes russes en Ukraine mais aussi par un jugement de crime. Il est légitime de s'interroger sur toute poursuite de l'escalade. C'est pourquoi nous continuerons de soutenir toute action diplomatique du gouvernement qui favoriserait une sortie pacifique et rapide de ce conflit, par exemple en organisant une conférence mondiale pour la paix, en France, et donc à notre initiative. L'issue du conflit passera par l'organisation de cette conférence, réunissant plusieurs pays d'Europe comme l'Allemagne, le Royaume-Uni, les États-Unis ainsi que plusieurs États frontaliers de l'Ukraine comme la Pologne, la Roumanie, la Hongrie et la Slovaquie.

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Le 18 mars 2023, la Cour pénale internationale a émis un mandat d'arrêt à l'encontre de Vladimir Poutine. Ce mandat fait suite aux nombreuses preuves obtenues par des organisations non-gouvernementales (ONG) et des études indépendantes, indiquant le transfert forcé massif d'enfants ukrainiens vers la Fédération de Russie. Le groupe Horizons ne peut qu'approuver la décision de la Cour, qui prouve que notre justice internationale fonctionne.

Cette décision doit permettre de briser l'ambiguïté de certains États vis-à-vis du régime de Vladimir Poutine. Le chef d'accusation est extrêmement grave et doit nous mobiliser de toute urgence pour permettre aux autorités ukrainiennes de garder la trace de ces enfants transférés de force, de pouvoir les rapatrier, et d'engager les mesures d'aide et de secours aux victimes.

Les institutions européennes doivent se saisir clairement de ce problème : c‘est tout le sens de la proposition de résolution européenne qui nous est présentée. Aux sanctions qui touchent déjà les dirigeants russes depuis le début de l'invasion de l'Ukraine doivent s'ajouter des mesures visant spécifiquement les personnes responsables de ces faits terribles. Nous devons par ailleurs, avec nos partenaires européens, engager une action humanitaire coordonnée.

C'est un sujet d'importance qui est traitée par ce texte, j'espère que nous saurons unanimement l'adopter pour condamner ces agissements. Le groupe Horizons votera en faveur de cette proposition de résolution.

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J'apporte mon soutien à cette proposition de résolution européenne. Toutefois, je veux attirer votre attention sur deux points. En premier lieu, l'alinéa 47 invite la CPI à étendre la procédure de mandats d'arrêts à l'ensemble des auteurs ayant pris part aux crimes contre l'humanité. Il me semble que cette formulation peut poser problème car il revient au parquet de la CPI de lancer des poursuites et je ne voudrais pas que des élus semblent émettre des injonctions à l'égard de juges indépendants. En second lieu, l'alinéa 45 de la proposition de résolution évoque un crime contre l'humanité au singulier alors même que dans d'autres points du texte il est fait mention de « crimes » au pluriel, je pense donc qu'il faudrait également mettre au pluriel le mot crime dans l'alinéa 45.

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Les deux modifications que vous proposez me semblent tout à fait pertinentes. Je vous propose que l'on passe à présent à l'examen des amendements.

Amendements n° 1, 2 et 3 de Mme Brigitte Klinkert (discussion commune).

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Le premier amendement concerne l'alinéa 3. Il substitue à la mention du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) celle du Traité sur l'Union européenne (TUE). En effet, dans la mesure où la PPRE fait référence aux valeurs de l'Union, il semble plus adéquat de faire référence au TUE. Le deuxième amendement porte l'alinéa 10 et a pour objet de compléter les articles du Statut de Rome qui sont visés dans la résolution en ajoutant l'article 7.i du Statut, lequel définit les disparitions forcées comme des crimes contre l'humanité. Le troisième et dernier amendement que je propose concerne l'alinéa 11. Il propose de compléter cet alinéa en le complétant par « notamment son article 25 ». Il s'agit ainsi de mentionner l'article 25 de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées qui porte en particulier sur les disparitions d'enfants. Je voudrais souligner que c'est aujourd'hui la dissimulation des documents attestant l'identité des enfants ukrainiens qui constitue un obstacle majeur à leur retour dans leur pays.

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J'apporte le soutien du groupe Renaissance à ces trois amendements. Je voudrais également mentionner que la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a annoncé, à l'issue du conseil européen du 23 mars dernier, l'organisation d'une conférence à l'initiative de l'UE pour aider à localiser les enfants ukrainiens et permettre leur retour. Le président Macron a approuvé au nom de la France l'organisation d'une telle conférence.

Les amendements n° 1, 2 et 3 sont successivement adoptés.

Amendement n° 4 du rapporteur.

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Sur la suggestion de M. Jean-Luc Warsmann, cet amendement vise à faire mention de « crimes » au pluriel à l'alinéa 45.

L'amendement n° 4 est adopté.

Amendement n° 5 du rapporteur.

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Sur la suggestion de M. Jean-Luc Warsmann, cet amendement vise à préciser que c'est le procureur de la Cour pénale internationale qui doit être saisi afin d'étendre la procédure à l'ensemble des responsables ayant pris une part active aux déportations d'enfants ukrainiens.

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Je voudrais apporter une précision rédactionnelle à cet amendement. En effet, il me semble que le procureur pouvant lancer des poursuites est le procureur de l'État dans lequel le crime a été commis. On ne peut pas saisir directement le procureur de la CPI.

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Il y a trois mécanismes de saisine de la CPI. Elle peut être saisie par un État membre du Statut de Rome, par le conseil de sécurité des nations unies et le procureur de la CPI peut lui-même s'autosaisir.

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Je vous propose de retenir la formulation suivante « invite les autorités compétentes à saisir la procureur de la CPI ».

L'amendement n° 5 rectifié est adopté.

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La parole est à Frédéric Petit pour une explication de vote.

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Le groupe Démocrate soutient cette proposition de résolution européenne. Je veux souligner que l'entreprise de la Russie de déculturation des enfants ukrainiens a également lieu sur le territoire ukrainien. Par exemple, à Kherson, des nouveaux manuels en langue russe ont été envoyés dont le titre était « Donbass, cœur de la Russie ».

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Je mets aux voix l'article unique de la proposition de résolution ainsi modifié.

La commission adopte l'article unique modifié.

La proposition de résolution européenne ainsi modifiée est donc adoptée.

III. L'énergie nucléaire comme enjeu pour la décarbonation du mix énergétique européen : examen de la proposition de résolution européenne

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Un nouveau chapitre de la stratégie énergétique de l'Union Européenne s'est ouvert ces derniers mois sous la pression des crises internationales. L'ampleur des risques est énorme mais recèle d'opportunités formidables pour constituer à long terme une véritable souveraineté énergétique. Dans celle-ci, nous devons bâtir une véritable industrie nucléaire européenne.

La proposition de résolution européenne que je présente part du constat posé dans mon précédent rapport portant observations sur le projet de loi dit « Nucléaire » : l'atome est un atout indispensable pour répondre aux différents défis posés à notre continent.

Le nucléaire est, tout d'abord, l'une des réponses au défi climatique et doit nous permettre de remplir les engagements du continent : la neutralité carbone à l'horizon 2050. Le nucléaire est, ensuite, une garantie de la souveraineté pour notre continent, avec des moyens de production d'énergie maîtrisés et localisés sur notre continent. Le nucléaire offre aussi un avantage compétitif à nos entreprises européennes, avec la fourniture d'électricité à bas coût et, demain, avec de nouveaux débouchés autour de l'hydrogène.

Pour nous permettre de répondre efficacement à ces défis, il est de notre devoir de redonner à l'écosystème des entreprises énergétiques du continent - dont notre champion français EDF est l'une des pièces maîtresses - la visibilité dont ils ont besoin en matière d'investissements pour engager massivement des financements dans l'industrie nucléaire. Nous devons arrêter notre politique de stop and go empêchant toute visibilité de long terme.

Nous sommes à un moment inédit pour la stratégie énergétique européenne. Le nucléaire est au fondement de la construction européenne, avec le traité Euratom signé en 1957. Or, depuis une dizaine d'années, le nucléaire était systématiquement exclu de l'ensemble des textes négociés par le Parlement européen et le Conseil. En 2010, l'Union européenne, au nom de l'impératif de concurrence, a imposé la création du dispositif de l'accès régulé à l'énergie nucléaire historique (ARENH), qui a lourdement dégradé les finances de l'opérateur historique EDF. En 2019, la Commission ne mentionnait pas une seule fois le nucléaire dans son Pacte Vert pour l'Europe. Pourtant, les années 2022 et 2023 marquent l'amorce d'une évolution, avec l'inclusion du nucléaire dans la taxonomie verte et la reconnaissance de l'hydrogène bas carbone.

Nos partenaires européens, jadis opposés, cheminent progressivement dans la bonne direction. Mais tout reste encore à faire. Je m'inscris en faux contre toute démarche consistant à opposer l'énergie nucléaire aux énergies renouvelables : nous avons besoin d'une politique énergétique qui marche sur deux jambes « décarbonées ». Nous ne pourrons atteindre l'ensemble de nos objectifs en nous appuyant uniquement sur l'intermittence des énergies renouvelables. N'oublions pas que l'augmentation nécessaire de la part des énergies renouvelables va de pair avec l'augmentation d'une énergie pilotable et décarbonée. C'est pourquoi le nucléaire est incontournable dans notre stratégie énergétique européenne.

Ne restons pas au milieu du gué : il convient de faire évoluer la législation européenne. La proposition de résolution européenne a pour objectif de brosser à grands traits quelques pistes et une méthode pour construire une véritable filière nucléaire européenne à court, moyen et long terme.

Le premier pas, dans les semaines à venir, est de poursuivre l'intense travail de négociations mené au sein du Conseil, débuté il y a quelques mois, pour garantir le même traitement au nucléaire dans tous les textes européens. L'idée que je défends est celle de la cohérence du droit de l'Union. Or, si la Commission européenne intègre pleinement le nucléaire dans sa proposition de refonte du marché européen de l'électricité, elle l'exclut de la réponse européenne à l' Inflation Reduction Act (IRA). Il en va de même pour l'hydrogène bas-carbone : la Commission l'a reconnu, mais aucun débouché industriel n'est prévu à ce stade, par exemple dans le paquet gazier. La proposition de résolution plaide donc pour une inclusion pleine et entière du nucléaire dans l'ensemble des dispositifs de politique énergétique du continent, au même titre que les énergies renouvelables.

La deuxième avancée, à moyen terme, est de pouvoir faire la démonstration qu'une filière nucléaire à l'échelle du continent fonctionnerait techniquement, serait rentable économiquement et utile socialement. Lançons dans les prochains mois un projet important d'intérêt européen commun - les fameux PIIEC – pour assembler des briques technologiques issues de plusieurs États membres et construire de petits réacteurs dits « small modular reactor » (SMR) et « advanced modular reactor » (AMR). Nous pouvons également jeter les fondements d'une filière européenne de traitement des déchets par la constitution d'un PIIEC sur le sujet. Servons-nous de ces succès technologiques pour lever les doutes de nos partenaires de l'Union les plus rétifs au nucléaire.

À long terme, nous pourrons parachever cette évolution par la généralisation d'une réelle filière nucléaire européenne, appuyée sur un traité Euratom revigoré. Le financement de cette filière et de ses progrès technologiques, qui doit naturellement faire l'objet de débats entre les États membres, peut être soutenu par un dispositif commun d'export de matériel nucléaire civil dans les pays tiers.

Mes chers collègues, vous l'avez compris, nous sommes à un moment de vérité dans la politique énergétique du continent, qui a été tristement amené par la crise climatique et la guerre en Ukraine. Dans ce contexte, je plaide résolument pour une « méthode des petits pas à grandes enjambées » : démontrons l'intérêt d'une filière commune au niveau européen. Ne tardons pas à établir rapidement les fondements d'une Union du nucléaire, qui nous sera si précieuse face aux défis de notre siècle : c'est là tout l'objectif du texte qui vous est soumis.

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Notre groupe soutiendra naturellement cette proposition de résolution, qui constitue la suite logique du travail présenté par le rapporteur sur le sujet de la loi dite « Nucléaire » que nous avons adoptée le 21 mars 2023.

Ce texte est d'autant plus utile que l'on peut s'inquiéter des récents propos de la Commission européenne, estimant que le nucléaire ne constituait pas une énergie stratégique et, ce faisant, ne bénéficierait pas de toutes les mesures de soutien de la proposition de règlement pour une industrie « zéro émission nette ». Nous ne pouvons que déplorer ce positionnement et souhaiter que la Commission européenne évolue sur ce point. L'impératif européen de neutralité climatique à l'horizon 2050 – sujet sur lequel j'avais rendu un rapport au cours de la quinzième législature, au sein de cette commission – doit tous nous mobiliser et n'est envisageable qu'en usant de tous les moyens à notre disposition.

Dans cette perspective, le nucléaire, énergie décarbonée et stable, sera essentielle aussi bien comme part du mix énergétique européen, que pour produire un hydrogène bas-carbone. À ce propos, j'inaugurais récemment la première plateforme de production d'hydrogène vert dans ma circonscription en Bretagne.

Cette position du nucléaire en complément – et nullement en opposition – des énergies renouvelables est d'ailleurs partagée par plus d'une dizaine d'États membres, qui l'ont à nouveau réaffirmée le 28 mars 2023 au travers d'un communiqué conjoint. Cette coopération industrielle européenne dans le développement des capacités de production d'énergie nucléaire doit se poursuivre et se renforcer. Il en va de la sécurité de la transition écologique, mais aussi de notre indépendance énergétique.

Comment dès lors consolider l'engagement d'une transition vertueuse, commune, responsable et, surtout, pérenne ?

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Monsieur le rapporteur, nous soutiendrons sans faille, sur la forme comme sur le fond, votre proposition. Ce soutien ne constitue pas un cadeau politique empoisonné, mais traduit notre satisfaction de constater que nos points de vue – développés depuis fort longtemps – sont enfin rejoints par le plus grand nombre.

Pour rappel, au nom de mon groupe au Parlement européen, j'avais été à l'initiative d'une objection au texte de la Commission européenne qui prévoyait de n'inclure ni le nucléaire, ni le gaz, dans la taxonomie verte. Nous assistons aujourd'hui à une forme de revirement, du fait notamment des événements récents. Je signalerai en passant que seuls les membres du groupe Les Républicains nous avaient à l'époque soutenus. C'est pourquoi je suis aujourd'hui heureuse de constater l'ampleur du soutien, qu'illustre la déclaration des ministres de l'Énergie de onze États membres le 27 février 2023 en faveur du renforcement de la coopération européenne dans le domaine du nucléaire.

Les considérants, éléments et propositions que vous formulez nous conviennent, tout particulièrement l'accent sur l'hydrogène bas carbone, qui faisait partie de nos propositions depuis bientôt quinze ans, et la demande d'un soutien renforcé pour la recherche sur le nucléaire, notamment pour la source d'énergie de demain qu'est la fusion (grâce au projet ITER) mais aussi pour la filière au thorium qui mérite d'être développée très largement, comme nous le demandions là encore depuis près de 15 ans.

En somme, nous soutenons pleinement cette proposition et espérons l'émergence d'une politique de mix énergétique de qualité, portée de manière transpartisane.

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C'est sans surprise que le groupe Les Républicains soutiendra cette proposition de résolution européenne, qui correspond à ce à quoi nous croyons. Nous croyons en effet à l'énergie nucléaire. Et nous sommes heureux de voir que ceux qui, hier, n'y croyaient pas ou plus, rejoignent aujourd'hui notre position.

Je note, Monsieur le rapporteur, que vous êtes membre d'un groupe politique dont le Président a décidé de la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim. Le fait que vous défendiez aujourd'hui cette proposition de résolution constitue donc un pas en avant. De même, la majorité a fait un pas en avant en revenant sur la funeste loi votée 2018, qui visait à fermer 14 réacteurs nucléaires, outre les deux réacteurs de Fessenheim. Le travail de conviction mené par les députés Les Républicains – autrefois vilipendés par les ministres de l'Environnement successifs tels que M. Nicolas Hulot et Mme Barbara Pompili, et accusés d'être des arriérés de la politique énergétique – a porté ses fruits. Votre proposition de résolution prouve que cette page est définitivement tournée, et nous vous en félicitons.

Cependant, il est difficile de blâmer la Commission européenne lorsque celle-ci déclare que le nucléaire ne constitue pas une énergie stratégique, alors même que les signaux envoyés par la France depuis plus de dix ans ont été fluctuants. Comment reprocher à la Commission européenne et à nos partenaires européens de ne pas croire à l'énergie nucléaire, alors même que la France – pourtant forte d'un parc nucléaire étoffé – a parfois laissé entendre que le nucléaire était une énergie dépassée ?

Un travail de conviction débute donc aujourd'hui. Le groupe Les Républicains y apportera tout son appui et ses compétences. Nous avons à cette fin déposé un amendement à votre proposition de résolution, qui, j'espère retiendra votre attention. Vous pourrez toujours compter sur nous – conformément à notre position constante au fil des années – pour défendre et valoriser l'énergie nucléaire au niveau européen, et sortir in fine des dogmatismes que nous retrouvons au demeurant dans certains des amendements de la liasse qui nous a été transmise.

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Je vous remercie. Il est toujours réjouissant d'entendre que nous pouvons compter sur le soutien du groupe Les Républicains !

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Depuis l'annonce d'un Pacte vert pour l'Europe, l'Union européenne a redoublé d'ambition pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et parvenir à la neutralité carbone à l'horizon 2050.

Des initiatives majeures ont été engagées à cette fin, y compris la révision de la directive européenne sur les énergies renouvelables, la révision du système d'échanges de quotas d'émission de GES, la taxonomie européenne sur les activités durables, ou encore la mise en place d'un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières de l'Union européenne.

L'ensemble de ces initiatives est nécessaire pour entamer une véritable transition énergétique et pour tourner la page d'une économie européenne trop dépendante des énergies fossiles. La France est quant à elle au rendez-vous de ces changements. Nous avons adopté, en ce début d'année 2023, un texte qui nous permettra d'accélérer la production d'énergie renouvelable.

Rappelons toutefois que notre production d'électricité est déjà largement décarbonée du fait de la place importante qu'y occupe l'énergie nucléaire. Aucun mix énergétique n'est actuellement envisageable et soutenable dans notre pays sans le nucléaire. Le nucléaire doit donc également devenir un levier incontournable de la décarbonation du mix énergétique au niveau européen.

Cela est d'autant plus vrai du fait du développement de réacteurs de nouvelle génération et de réacteurs modulaires, qui peuvent considérablement augmenter la compétitivité et réduire les coûts de production de cette énergie. Pour autant, les discussions tenues au Conseil européen au cours de la semaine du 20 mars 2023 prouvent à nouveau que l'Union européenne manque d'une véritable stratégie sur le développement du nucléaire.

L'énergie nucléaire est classée comme une énergie de transition dans la taxonomie européenne. Elle occupe une place assez secondaire dans les dernières propositions d'actes européens sur l'industrie verte. Je crains que cette situation mette en péril nos objectifs de décarbonation à l'horizon 2050. Je partage donc les constats de notre collègue rapporteur et les objectifs de cette proposition de résolution européenne. Le groupe Horizon votera donc en faveur de ce texte.

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En 2021, le Haut-commissaire au Plan a publié un rapport intitulé « Électricité, le devoir de lucidité ». Ainsi, je dirai aux membres du groupe Les Républicains qu'il ne s'agit pas seulement de « croire en » l'énergie nucléaire, puisque son efficience est un fait scientifique.

Loin des croyances erronées, le nucléaire rime bien avec « zéro émission nette ». Ainsi, cette énergie doit être pleinement intégrée à la proposition de règlement associée à cette ambition.

Au sein de l'Assemblée parlementaire franco-allemande (APFA), avec mon collègue allemand Andreas Jung (CDU/CSU), je suis chargé de coordonner les travaux du groupe de travail sur la souveraineté énergétique. J'ai bon espoir que ce travail – qui débute certes en partant de positions divergentes – soit fructueux. Je crois beaucoup en la capacité de mon collègue Andreas Jung – que je connais depuis longtemps – à faire avancer ce sujet et mener un travail parlementaire approfondi.

Je souhaite ajouter deux éléments techniques. Le premier pourrait faire l'objet d'un amendement en séance, pour rappeler que les réseaux communs de transport électrique constituent l'aspect fondamental à développer pour la politique énergétique européenne. Cet enjeu est à mon sens beaucoup plus important que le développement du thorium.

Un second amendement, qui sera présenté en séance et que je souhaiterais travailler en amont avec le rapporteur, concerne la filière des déchets. Je crois que nous devrions aller plus en avant sur ce point en parlant de la territorialisation du cycle. En effet, il ne s'agit pas uniquement de créer une filière de retraitement, mais il importe de s'engager à ce que l'ensemble du cycle soit localisé sur le territoire. Cette précision relève de la moralité environnementale, et permettrait aussi de prévenir des conflits entre les États membres.

Surtout, la territorialisation du cycle favoriserait les technologies françaises qui permettent de réutiliser – en particulier via les nouveaux petits réacteurs – les déchets des grands réacteurs nucléaires. Nous sommes à ce jour les seuls à disposer de ce savoir-faire et à pouvoir l'industrialiser. Cet amendement me semble donc fondamental.

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Défendre le climat est une priorité partagée à la fois par la population et par les discours des chefs d'État en Europe. Pourtant, les tenants de l'industrie nucléaire font valoir les bienfaits d'une telle énergie pour faire état des grandes avancées de certains pays. La France est sur la touche industrielle, alors que de nouveaux modèles de développement économique et de création d'emplois pourraient être les leviers de l'activité de demain.

L'industrie nucléaire a besoin d'eau pour fonctionner, à l'heure où nous vivons les étés et les hivers les plus doux en même temps que des sécheresses historiques prévisibles depuis plus d'une dizaine d'années, comme cela a été rappelé par la Cour des comptes, le GIEC, mais également par l'ensemble de la littérature scientifique. Malgré cela, l'inaction des gouvernements de droite comme de gauche est constante.

L'Europe a été créée sur la question de l'énergie et sur la mise en commun de cette dernière. Elle a également été créée pour bâtir des possibilités d'indépendance. Or, nous le voyons, la France continue à faire affaire avec la Russie en ce qui concerne la gestion de ses déchets et l'import de l'uranium. Elle continue à faire affaire avec le Kazakhstan, qui en dehors de toutes notions du champ démocratique, et a maintenu des troupes au Mali afin de préserver l'accès aux mines d'uranium du Niger. Il est donc question de la dépendance au nucléaire de toute la géopolitique et de toute notre diplomatie, une fois encore au détriment de la démocratie.

Dans le contexte de l'agression russe en Ukraine, les centrales nucléaires seraient susceptibles d'exploser et de causer l'une des pires catastrophes de cette guerre. Telle est la réalité du nucléaire et ce que, en France ou à travers ces propositions de résolution, vous souhaitez encourager. L'Europe s'est construite sur l'énergie et a la capacité de construire les énergies de demain, propres, créatrices d'emplois et décentralisées et pourtant, vous continuez à restreindre l'emploi, à empêcher l'innovation technologique et à empêcher la progression.

Le groupe écologiste votera contre cette proposition de résolution.

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Nous en passons maintenant à l'examen de l'article unique de la proposition de résolution européenne et des amendements déposés.

Article unique

Amendement n° 4 de Mme Sandra Regol.

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Cet amendement vise à récuser l'idée selon laquelle l'énergie nucléaire est une énergie nécessaire pour atteindre les objectifs de réduction d'émissions de gaz à effet de serre de l'Union européenne. Au vu des dizaines d'années que nécessitent la construction et la mise en service de nouveaux réacteurs, voire beaucoup plus si l'on prend l'exemple de l'EPR de Flamanville qui ne sera, d'ailleurs, jamais fonctionnel, cette énergie n'apparaît pas en capacité d'atteindre l'objectif de 55 % de réduction des gaz à effet de serre d'ici 2030. Aussi, des montants considérables sont investis à perte, au détriment de l'école ou du secteur hospitalier.

L'énergie nucléaire est un frein, elle est donc inutile.

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Nous avons récemment adopté une loi sur l'accélération des énergies renouvelables et une seconde sur le nucléaire. À cette occasion, un consensus avait été fait selon lequel il faudra œuvrer en faveur d'un déploiement massif des ENR dans les quinze prochaines années. Il ne s'agit donc pas d'opposer les énergies renouvelables et le nucléaire.

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L'énergie soulève également la question de la puissance. Le bon fonctionnement de notre pays ne peut être assuré si les énergies dont on dispose, comme l'électricité, ne sont pas puissantes. Je vous rappelle que cela implique, de surcroît, de gérer et de piloter un réseau électrique. EDF considère, dans ses tableaux de suivi quotidiens, que le solaire n'a pas de puissance. Il n'est donc pas question d'opposer mais de savoir comment faire fonctionner un réseau électrique pour les quarante prochaines années.

Par ailleurs, vous évoquez l'enjeu de la gestion de l'eau en même temps que vous prônez l'hydrogène. Je vous rappelle qu'une tonne d'hydrogène exige vingt tonnes d'eau. De cette sorte, si l'on fabrique 20 millions de tonnes d'hydrogène ainsi que cela est prévu dans certains projets, cela engagera 400 millions de tonnes d'eau.

Enfin, le budget qui construit le nucléaire et l'énergie n'est pas le budget de l'État mais bien un budget consacré à des investissements industriels.

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Je voudrais mettre en garde contre cet amendement qui, sous couvert de rédactionnel, dénature complètement le propos de ce que nous sommes en train de porter. Cette résolution est effectivement très importante, plus particulièrement encore dans le contexte actuel. L'énergie nucléaire est fondamentale, non seulement afin d'assurer une énergie décarbonée et la transition environnementale aux côtés des énergies renouvelables, mais également pour garantir l'indépendance stratégique de notre continent. L'agression contre l'Ukraine nous a démontré à quel point les relations en matière de gaz ont été utilisées par la Russie comme un levier d'influence sur nos démocraties, l'Allemagne notamment. La Commission européenne ne peut être l'otage de dogmes contre l'énergie nucléaire.

Enfin, s'agissant des troupes déployées au Mali, veillons à ne pas mélanger les questions de ressources naturelles et des théories du complot.

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Un an est nécessaire pour la mise en fonction d'un parc éolien. La durée de construction est portée à une dizaine d'années pour le nucléaire. Aussi, je vous renvoie à l'été que nous venons de passer, lors duquel les centrales nucléaires n'ont pu fonctionner du fait de leur rénovation et de l'élévation des températures. Il y a donc effectivement, M. Petit, une question de puissance. Plus on centralise la gestion du réseau, moins celui-ci est pilotable. C'est la raison pour laquelle le mix énergétique doit privilégier l'approvisionnement de ressources produites par les courants marins, le soleil, et le vent.

Enfin, si vous notez ma constance, je note pour ma part l'inconstance des soutiens du gouvernement qui, il y a quelques mois, étaient très largement favorables aux énergies renouvelables et qui aujourd'hui les désignent comme n'étant pas suffisantes. Vous constaterez que le dogme n'est pas du côté des écologistes mais du côté de la France, seul pays à tout miser sur le nucléaire à l'heure où tous les autres pays développent des secteurs entiers de nouvelles technologies, de production, d'emplois et d'exportation. Nous restons sur la touche, concentrés sur le nucléaire au détriment de tout le reste.

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L'amendement dont il est question est évidemment un amendement de non-sens des écologistes. Le nucléaire est, à l'évidence, l'énergie la plus décarbonée et source de notre indépendance énergétique et de notre souveraineté. Contrairement à ce qu'avait pu déclarer à plusieurs reprises votre ministre, Madame Voynet, qui a participé à la déconstruction de notre indépendance, votre amendement ne présente aucune proposition alternative et souhaite dénaturer le projet.

Vous ignorez probablement que les batteries durables sont composées à 80 % de cobalt et que le cobalt que nous importons en France vient à 80 % du Congo, quatrième pays le plus pauvre au monde. Aussi, 40 000 enfants travaillent pour cela. Il faut également du lithium, dont la production d'une tonne requiert un million de mètres cube d'eau. Voilà la cohérence du projet que vous proposez. Nous rejetterons cet amendement et l'ensemble des amendements totalement lunaires que vous avez déposés.

L'amendement n° 4 est rejeté.

Amendement n° 5 de Mme Sandra Regol.

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Il est écrit, dans votre proposition de résolution, que le développement de l'énergie nucléaire ne porte pas atteinte aux objectifs européens de déploiement des énergies renouvelables. Or, il existe un budget unique de déploiement des énergies. Vous conviendrez que si l'on engage l'essentiel de ce montant dans le nucléraire, il ne pourra être investi dans des programmes de développement des énergies renouvelables. Le coût des 6 EPR, demandés par le président de la République, est estimé entre 60 et 100 milliards d'euros. 100 milliards d'euros, c'est ce que la France dilapide chaque année en inaction sur la pollution de l'air et, par conséquent, en coûts de santé pour nos concitoyens et en couts de réparation.

Cet amendement propose donc de préciser que le développement de l'énergie nucléaire porte atteinte aux objectifs européens de déploiement des énergies renouvelables en privant ces dernières des sommes dont elles ont besoin pour être massivement déployées. Elles demeurent, en effet, bien plus efficaces pour décarboner l'énergie et atteindre les objectifs de 55 % de baisse des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030, et peuvent être mises en service bien plus rapidement.

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Je vous rappelle que, si vos objectifs sont les mêmes que les nôtres, il s'agit de décarboner l'ensemble de notre mix énergétique et surtout l'ensemble de nos consommations. Si la France, grâce à son parc nucléaire, est l'un des pays les moins émetteurs, nous consommons néanmoins deux tiers d'énergies fossiles pour tous nos autres usages. En outre, si l'on entend préserver notre indépendance et réaliser nos objectifs, il importera de procéder à une électrification de nos usages, sans obérer une éventuelle baisse de consommation générale. Le nucléaire est, à cet égard, une pièce essentielle.

J'émets donc un avis défavorable.

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Dire que la France a tout misé sur le nucléaire est faux, comme en témoigne la position particulièrement ambiguë des écologistes sur la loi sur l'accélération des énergies renouvelables.

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J'aimerais entendre l'opinion de Mme Regol sur les usines à charbon. Vous avez en effet soutenu M. Macron au second tour de l'élection présidentielle. C'est la raison pour laquelle j'aimerais entendre votre avis sur l'ouverture par M. Macron de centrales à charbon.

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Quand on parle de cobalt ou d'uranium pour faire fonctionner les centrales, j'aimerais que l'on s'intéresse aux chiffres. Il faut très peu d'uranium pour que la France puisse bénéficier longtemps d'énergie, par rapport à la quantité de charbon nécessaire. On n'a pas besoin d'aller protéger des mines : on est capable, logistiquement, d'importer très vite ce dont on a besoin.

L'électrification de notre pays doit être développée. Deux tiers de l'énergie que nous consommons ne sont pas produits par de l'électricité : il faudra investir pour renverser le rapport de force. Le pilotage de ce réseau électrique doit être centralisé.

Madame Regol, je pense que vous avez un dogme de l'affrontement entre des supposés gentils et des supposés méchants. Il n'y a pas d'affrontement. Le terme de « mix » est précisément employé parce que, parfois on a besoin de générer de la puissance, parfois non. Prenons l'exemple de l'Albanie qui s'appuie énormément sur l'énergie hydraulique mais sur deux types d'énergie hydraulique : celle produite au fil de l'eau et celle qui permet à l'Albanie de monter en puissance lorsque c'est nécessaire. C'est ce travail que nous devons mener : un travail de lucidité et d'équilibre. Si vous commencez à faire un partage entre les différents types d'énergie, vous ne ferez jamais tourner un réseau au niveau dont nous avons besoin.

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Sur la question du lithium, je propose à mes collègues du Rassemblement national, si la question des dépenses en eau les inquiète, de se départir de leurs ordinateurs et téléphones portables : cela permettra d'en économiser une partie.

En ce qui concerne le rapport au charbon, les écologistes sont les premiers à avoir dénoncé le recours au charbon. Je rejoins le rapporteur sur une chose : la nécessité de sortir des énergies fossiles. C'est l'une des raisons qui font que les écologistes ont été particulièrement mobilisés contre une réforme des retraites qui viserait à capitaliser une partie des retraites et donc à financer les fonds qui sont dédiés aux énergies carbonées. Je suis prête à envoyer à cette commission la littérature qu'il convient de lire pour comprendre pourquoi.

J'ajoute en aparté, que les réflexions ad hominem, ne sont pas du domaine de ce que nous sommes censés exprimer dans cette commission. Nous nous battons sur du fond, ne nous battons pas sur des personnes. J'alerte M. le Président sur le fait que ce type d'attaques se reproduit avec des références qui sont problématiques.

Enfin, M. Petit, il ne s'agit pas de déterminer des gentils et des méchants : il s'agit de faire un choix politique. Oui, les émissions de gaz à effet de serre émis générées par les énergies renouvelables et le nucléaire sont à peu près équivalentes (à nuancer, si on prend en compte le circuit global de création, de transformation, d'exploitation). Toutefois, choisit-on de miser sur des secteurs d'emplois, d'indépendance et d'avenir ou pas ?

L'amendement n° 5 est rejeté.

Amendement n° 6 de Mme Sandra Regol.

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Dans cet amendement, nous proposons de supprimer l'expression « objectif ambitieux » pour qualifier les programmes de relance du nucléaire dans certains pays européens. Il nous semble que les programmes ambitieux sont ceux qui accélèrent de façon massive le déploiement d'énergies de demain, d'énergies renouvelables, en particulier d'énergies qui nous permettent de ne pas dépendre d'autres zones de la terre. Il nous faut éviter les systèmes qui nous enferment dans une énergie coûteuse et dangereuse, j'inclus ici l'énergie nucléaire. Ce sont vingt milliards d'euros qui auraient été bien mieux utilisés dans notre système de santé que nous coûte actuellement l'EPR de Flamanville, et ce n'est malheureusement pas fini.

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Vous évoquez l'emploi et les choix politiques pour justifier les recours aux énergies renouvelables. Le nucléaire est pourvoyeur d'emplois. Je vous invite à aller auditionner l'ensemble des PME qui travaillent dans ce domaine, qui exportent, qui travaillent en Pologne pour essayer de construire une filière dans ce pays. Le potentiel d'emploi est énorme dans cette filière et dans toutes les filières qui se développeront grâce à elle.

Nous avons un travail à mener pour développer des éoliennes en mer, sur terre, la géothermie. Plus le mix sera divers, plus nous serons solides parce que nous maîtriserons des technologies nombreuses et surtout parce que nous développerons et nous exporterons notre très grande compétence de gestionnaire de réseau.

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En ce qui concerne votre invitation à auditionner les acteurs du secteur, les écologistes ont siégé au sein de la commission d'enquête sur le nucléaire, dont le Gouvernement n'a pas souhaité attendre les conclusions pour faire voter le projet de loi sur le nucléaire. J'ai aussi auditionné les experts du recyclage des batteries, par exemple. L'électrification est importante mais elle passe surtout par des batteries or la France n'est pas à la pointe en la matière.

Par ailleurs, un sujet omis par ce texte est la sobriété. Jusqu'à récemment, la sobriété était le maître mot du gouvernement qui nous répétait que « la bonne énergie est celle que l'on n'utilise pas ». Le facteur premier doit être de réfléchir aux façons d'arrêter de gaspiller l'énergie. Les écologistes proposent, notamment, dans la niche du 6 avril de supprimer les écrans lumineux qui consomment énormément au détriment du besoin des ménages. Il me semble que vos groupes parlementaires ont fait tomber l'intégralité de ce que contenait cette proposition de loi au moment de son examen en commission.

L'amendement n° 6 est rejeté.

Amendement n° 7 de Mme Sandra Regol

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Dans cet amendement, nous proposons de rappeler que certains États membres ont fait le choix courageux de miser sur les énergies renouvelables afin de sortir des énergies sales et carbonées. C'est le cas de l'Allemagne, mais aussi de l'Espagne qui produit déjà 45 % de son électricité à partir des énergies renouvelables. L'Espagne est sortie du charbon dans un silence absolu. Elle a su réaliser sa transition, former les personnels qui perdaient leur emploi et leur trouver un travail dans la zone géographique dans laquelle ils vivaient. L'Allemagne, malgré toutes les contre-vérités qui circulent, a fermé une vingtaine de centrales à charbon et s'est lancée, comme aucun autre pays en matière de rythme, dans le développement des énergies renouvelables qui lui permettront de pouvoir affronter l'avenir. Elle a aujourd'hui un mix électrique dominé à 50 % par les énergies renouvelables et une sortie prévue des énergies carbonées. D'autres chemins possibles pour se passer des énergies fossiles et du nucléaire ont été développés par RTE : tout est une question de choix politiques. Notre choix politique consiste à arrêter de mettre la poussière nucléaire sous le tapis : je parle évidemment des déchets. C'est un sujet que nous n'avons pas abordé alors que les déchets nucléaires créent une dépendance supplémentaire envers certains pays. Je rappelle que ces déchets ont une durée de vie équivalente à celle qui nous sépare de la construction des pyramides. Je vous laisse imaginer ce qui pourrait se passer dans quelques centaines d'années lorsque nous découvrirons ces déchets.

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La PPRE évoque clairement la question des déchets et de la filière des combustibles.

Par ailleurs, ce n'est pas parce que des pays ont opéré des mauvais choix, que nous devons les confirmer. On a assisté, au sein de cette commission, à une présentation sur les ingérences étrangères : l'Allemagne s'est placée dans un état de dépendance qui met notre sécurité à tous en danger.

Nous parlions de puissance, le corollaire de ce qu'a fait l'Allemagne c'est la nécessité de mettre des centrales au gaz sur lesquelles les prix de l'énergie sont indexés car, forcément, ce sont ces centrales qui sont mises en service pour pouvoir soutenir le réseau quand il y a un besoin de monter en charge (ce que les énergies renouvelables ne peuvent pas faire). Vous vous trompez d'un point de vue stratégique, technique, financier.

Je donne donc un avis défavorable.

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Le groupe LR est contre cet amendement. J'ai cru à une blague : présenter l'Allemagne comme étant le modèle le plus vertueux de décarbonation de l'énergie est risible. Quand on regarde les tonnes d'émissions par habitant comparé à l'ensemble des autres pays européens, votre argument est au-delà de de ce que l'on peut entendre scientifiquement. Vous faites un choix politique. Vous défendez l'anti-nucléaire. Mais ne dites pas que c'est un choix vertueux : l'Allemagne, à cause d'accords électoraux, a dû fermer des centrales nucléaires, a rouvert des centrales au charbon et a créé le gazoduc Nord-Stream pour pouvoir importer du gaz russe sans le faire transiter par voie terrestre, mettant en danger l'Ukraine au niveau de ses liquidités. Vouloir engager la France et l'ensemble des pays européens dans cette voie en faisant de l'Allemagne un modèle de vertu est quelque chose qui au regard du contexte international et des émissions de CO2 est risible.

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Je rappelle que ce n'est pas le contribuable qui finance les investissements en énergie, c'est l'utilisateur final de l'énergie.

Vous avez parlé des batteries : elles consomment de l'énergie électrique. Pour faire des batteries, on stocke de l'électricité qu'il faut bien produire avant, et cela n'a rien à voir avec l'électrification. Selon un scénario de RTE, si c'est le réseau qui gère l'alimentation des voitures la nuit, il y a alors moins besoin de batteries.

L'Allemagne a rasé un village pour agrandir sa mine de lignite il y a quelques mois à proximité de la frontière avec la France. Si vous voulez faire du renouvelable, il faut avoir dans le même réseau une production turbinée. Il faut donc du gaz, du charbon, du nucléaire ou de l'hydraulique de puissance. C'est parce que l'Allemagne a beaucoup d'éolien qu'elle a dû rouvrir des mines de charbon.

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Nous sommes en train d'avoir cette conversation au moment où des parlements de Hollande ou du Mecklembourg-Poméranie-Occidentale ont des commissions d'enquête sur des financements par la Russie d'organisations, de fondations écologistes anti-nucléaire qui ont fait campagne dans l'opinion publique allemande depuis des années. Notre collègue Pierre-Henri Dumont l'a rappelé au sujet du projet NordStream de pipeline avec la Russie qui était un projet à visée géopolitique et qui a été soutenu par toute une partie de la gauche avec les écologistes allemands en grande partie au nom de la fermeture des centrales nucléaires.

Aujourd'hui l'Allemagne consomme dix fois plus de carbone par kilowattheure que la France : nous sommes à 50 kilowattheures alors que les Allemands se situent entre 400 et 600. Cela est lié au fait que nous avons le nucléaire dans notre mix énergétique

Cette résolution se concentre sur la question d'un mix équilibré entre le nucléaire et le renouvelable pour la France et pour l'Europe, alors qu'à l'inverse les Allemands ont fait le choix du charbon et du gaz et sont de très loin les premiers émetteurs de CO2 à la fois pour des raisons environnementales et d'indépendance stratégique. Ce débat n'a pas de sens.

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J'ai entendu pendant huit ans ce genre de propos au Parlement européen. Aujourd'hui je vois que les éléments de langage n'ont pas changé alors que la situation s'est éclaircie et que nous sommes sur le point d'adopter un texte soutenant le nucléaire à une très large majorité.

On n'est pas à une contre-vérité près dans votre camp, M. Dumont l'a rappelé tout à l'heure. De même, il y a une contre vérité qui me pose problème : pourquoi le dioxyde de carbone qui représente 0,003 % de l'air, et le méthane qui est encore un gaz beaucoup plus rare, sont devenus l'alpha et l'oméga de tout comportement économique et social du monde. Arrêtez de nous présenter la décarbonation comme l'alpha et l'oméga de toutes nos activités. M. Macron a fermé Fessenheim ce qui a été une erreur, n'en rajoutons pas.

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Quelques chiffres : l'Allemagne est passée sur le gaz de 55 % de son mix à 9 % sur les dernières années. Ce pays était dépendant au gaz mais est en train d'en sortir. Elle a diminué de deux et demi ses émissions de gaz à effet de serre et de polluants en décarbonant son mix énergétique. L'Allemagne a pour objectif de sortir du gaz et du charbon d'ici 2030, et d'atteindre la neutralité carbone en 2045. C'est bien au-delà de ce que nous faisons-nous. Je pense que si nous avions des objectifs aussi ambitieux, nous aurions de plus importants résultats.

Le texte de cette résolution propose de se baser, pour ce qui est des déchets, sur des réacteurs de quatrième génération qui ne sont pas encore en activité et dont on ne sait même pas quand ils le seront un jour. C'est un peu gênant de se fonder sur un rêve.

Concernant les batteries, cela rejoint la question du stockage. C'est un des enjeux auquel nous ne répondons pas aujourd'hui alors que cela nous permettrait d'être plus sobres en matière de production.

Je ne savais pas en venant ici que je devrais réexpliquer en quoi le réchauffement climatique est lié à l'activité humaine et à l'activité industrielle, fait largement documenté par toute la littérature scientifique. J'encourage ma collègue, qui se posait des questions sur les effets du dioxyde de carbone et du méthane, à se renseigner.

L'amendement n° 7 est rejeté.

Amendement n° 8 de Mme Sandra Regol.

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Cet amendement rappelle que les réacteurs de quatrième génération ne sont toujours pas en service et donc miser sur eux pour résoudre la question des déchets radioactifs revient à s'enfermer dans une forme de techno-solutionnisme qui est souvent la solution en matière de sécurité, en matière d'énergie. Le problème du techno-solutionnisme est qu'il met de côté le choix politique et donc la responsabilité que l'on doit endosser pour l'avenir. Nous ne faisons pas que donner une facture aux générations futures.

On est dans une dépendance encore accrue au nucléaire, cela est dommage. Il faut qu'on continue à utiliser les générateurs jusqu'à leur fin de vie, mais il n'est pas nécessaire de continuer à miser encore dessus. Cette dépendance au nucléaire produira in fine des déchets toujours plus dangereux et reste une énergie extrêmement fragile face au réchauffement climatique du fait de la chaleur, mais aussi face aux déstabilisations géopolitiques qui font malheureusement leur retour sur le sol européen.

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Il y a actuellement dans le monde trois réacteurs de quatrième génération en service, dont un qui va être raccordé au réseau électrique en Chine. Il est évident qu'il ne s'agit pas de mettre quoi que ce soit sous le tapis. Il n'y a pas d'idéal dans la marche humaine, il n'y a pas d'énergie idéale, chacune a ses inconvénients : le nucléaire a la maîtrise du cycle de production d'électricité mais il y a la question des déchets. C'est une question qui est essentielle, qui peut notamment être résolue par les réacteurs de quatrième génération. C'est pour cela qu'on vous propose de créer un PIIEC sur la filière du combustible et sur ses réacteurs de quatrième génération. Un amendement allant dans ce sens a été proposé par le groupe GDR, je vais le reprendre.

Monsieur Petit je vais déposer moi-même un amendement reprenant votre proposition.

J'émets un avis défavorable l'amendement n° 8.

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Je vais répondre à Mme Mélin. L'effet de serre n'est pas lié au pourcentage du dioxyde de carbone et de méthane présents dans l'atmosphère mais aux propriétés de ces deux gaz. L'effet de serre est prouvé scientifiquement. En se référant au tableau de Mendeleïev, la comparaison de ces gaz montre que le méthane est sept fois plus volatile et a sept fois plus d'effet de serre que le gaz carbonique. Il faut décarboner notre énergie.

L'amendement n° 8 est rejeté.

Amendement n° 12 de Mme Sandra Regol

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Cet amendement rappelle une réalité mathématique simple. Si l'Union européenne compte vingt-sept États membres et qu'onze d'entre eux ont signé la déclaration pour un renforcement de la coopération européenne en matière d'énergie nucléaire, cela signifie que seize d'entre eux ne l'ont pas signé : soit une majorité.

L'amendement n° 12 est rejeté.

Amendement n° 9 de Mme Sandra Regol

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Plutôt que de « regretter que la Commission européenne n'inclue que de manière partielle le nucléaire dans sa stratégie de développement des technologies propres », il faudrait regretter qu'elle puisse considérer le nucléaire même partiellement comme une technologie totalement propre. Les sommes de déchets radioactifs dangereux pour les êtres vivants et pour l'environnement en général, entassés dans la piscine nucléaire de la Hague et sous les sous-sols de Bure viennent quelque peu contredire l'idée que laisse transparaître cette formulation et cette inclusion. La formulation actuelle est donc problématique et constitue un déni de réalité concernant l'impossibilité de traiter des déchets hautement dangereux et toxiques.

L'amendement n° 9 est rejeté.

Amendement n° 3 de M. Pierre-Henri Dumont.

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Il s'agit d'un amendement visant à prendre en compte les derniers développements figurant dans la proposition de règlement présentée le 16 mars dernier par la Commission européenne. Nous proposons d'ajouter l'alinéa suivant après l'alinéa 34 : « Encourage le gouvernement à trouver par la négociation avec ses partenaires européens, les moyens d'inscrire « l'énergie nucléaire » à l'annexe de la proposition de règlement de la Commission du 16 mars 2023 « industrie à zéro émission nette » ».

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Je n'ai pas répondu aux commentaires politiques selon lesquels nous rejoindrions des points de vue déjà exprimés ou nous nous rendrions à la raison. Ce type de considération ne m'intéresse pas, seule m'importe la direction, et votre amendement va dans le bon sens. J'émets donc un avis favorable.

L'amendement n° 3 est adopté.

Amendement n° 10 de suppression de Mme Sandra Regol.

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Cet amendement vise à supprimer la mention d'une constitution d'une filière européenne du nucléaire civil à laquelle le groupe Écologiste est opposé. En effet, le déploiement d'une telle énergie ne permet pas de répondre à l'enjeu de l'urgence climatique. En cas de déstabilisation politique – comme en Ukraine – le danger est renforcé et l'Union européenne se trouverait à nouveau exposée.

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Concernant la sécurité nucléaire des pays partenaires, un certain nombre de leurs technologies sont russes. Leurs centrales risquent d'avoir un problème d'approvisionnement en combustible. Or, si l'Europe ne s'en occupe pas, la réponse sera apportée par des pays tiers. Dès lors, pour une énergie aussi importante que le nucléaire, nous pouvons nous accorder sur l'importance pour l'Europe de maîtriser l'ensemble de la filière.

J'émets donc un avis défavorable.

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Je partage votre point de vue – même si le groupe Écologiste est en faveur d'une sortie de l'énergie nucléaire – tant que cette énergie reste utilisée, sa sécurité demeure un enjeu national et une priorité pour notre groupe. Je tenais justement à rappeler que pour cette raison nous nous sommes battus contre la fusion de l'Institut de Radioprotection et de Sûreté nucléaire (IRSN) avec l'autorité de sûreté nucléaire (ASN).

L'amendement n° 10 est rejeté.

Amendement n° 16 de M. André Chassaigne repris par le rapporteur.

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Cet amendement, présenté par le groupe GDR, vise à compenser la fermeture du site de combustibles au regard du développement de la filière de surgénérateur à neutrons rapides.

J'émets donc un avis favorable.

L'amendement n° 16 est adopté.

Amendement n° 11 de suppression de Mme Sandra Regol.

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Cet amendement vise à rappeler et soumettre au débat la question des SMR qui ne résolvent pas la question du réchauffement climatique, ne sont pas opérants car pas encore en service, et nécessitent une politique d'exportation vers des pays tiers dont les normes de sécurité ne sont pas identiques aux nôtres. L'exportation est nécessaire pour faire baisser les coûts de la filière, toutefois les investissements seront colossaux, des investissements à budget constant au détriment du financement des énergies renouvelables.

En outre, multiplier le nombre de réacteurs, c'est prendre le risque de multiplier le nombre d'accidents. Leur petitesse ne minimise pas le risque : il s'agit toujours d'énergie nucléaire avec des actes malveillants ou des attaques terroristes toujours possibles. Il ne s'agit pas d'un petit sujet : la question des déchets nucléaires et dangereux n'est pas non plus résolue. Si l'effort de décentraliser la production de l'énergie est louable, la non prise en compte de la question de la sobriété énergétique et des déchets reste un problème important pour le groupe Écologiste.

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Les normes des SMR et des AMR diffèrent tant en termes de sécurité que d'application. Par ailleurs, l'AMR est un réacteur de quatrième génération qui clôt le cycle du combustible. Surtout, il est essentiel de savoir investir dans une filière. Nous avons évoqué les téléphones portables : sans recherche fondamentale, nous n'aurions pas les électro-aimants qui permettent leur utilisation. Soutenir la recherche permet de trouver des applications utiles au quotidien, et je suis donc très favorable au développement de ces filières. J'émets un avis défavorable.

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Concernant les SMR et AMR, certaines choses ne peuvent être dites. Ces réacteurs fonctionnent à pression atmosphérique ou à base isotopes. Aujourd'hui, certains SMR sont déjà en fonction, et une énergie nucléaire qui fonctionne à pression atmosphérique éloigne le danger. Aucun terroriste ne pourra faire sauter une centrale qui fonctionne à pression atmosphérique ou à base isotope. Les SMR décentralisent. C'est là, à mon sens, que réside le problème : ils désorganisent le réseau certes mais il s'agit de solutions mobiles, modulaires permettant d'apporter une source d'énergie sur un gros chantier par exemple. Aussi dire que les SMR centralisent la production d'énergie nucléaire est une erreur. Quant aux AMR, ils réduisent la production de déchets car ils en utilisent. Je voterai donc contre cet amendement.

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Je vois bien votre cohérence M. Petit à évoquer une centralisation de la production d'énergie nucléaire puisque, pour reprendre vos mots, les EMR désorganisent le réseau. En effet, penser la décentralisation énergétique, c'est l'avenir. Or c'est justement ce que font les énergies renouvelables lorsqu'elles sont couplées entre elles. Quant à la loi relative aux énergies renouvelables, le groupe Écologiste ne l'a pas votée car elle opposait la protection de la biodiversité au développement des énergies renouvelables. Cette loi opposait des logiques qui n'ont pas à s'opposer. Concernant la recherche fondamentale, oui M. le rapporteur, elle est essentielle : alors pourquoi ne pas mettre les moyens en France pour la développer, pour subventionner le CNRS, les universités, voire l'école publique, puisque chiffres à l'appui, nous savons que les dotations aux écoles privées sont supérieures à celles des écoles publiques ?

L'amendement n° 11 est rejeté.

Amendement n° 15 de M. André Chassaigne repris par le rapporteur.

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Cet amendement vise à rendre les coûts de redéploiement des réacteurs nucléaires éligibles aux financements de la Banque européenne d'investissement. Nous souhaitons une massification des investissements. Nous espérons créer des PIIEC qui permettent de déroger à l'interdiction des aides d'État. Le financement par la Banque européenne d'investissement est un levier fort.

Je donne un avis favorable.

L'amendement n° 15 est adopté.

Amendements n° 13 et 14 de Mme Sandra Regol.

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Ces deux amendements proposent que la France se positionne contre l'export de matériel nucléaire civil hors de l'Union européenne. La multiplication des centrales dans le monde – rappelée à plusieurs reprises – constitue un danger, tous les États n'ayant pas le même niveau d'exigence en termes de sécurité nucléaire que l'Union européenne et plus précisément que la France. Je prendrai pour exemple la construction en Inde, avec l'aide d'EDF, de la plus grande centrale nucléaire du monde, à moins de 10 km d'une faille sismique avérée dont les dangers potentiels sont reconnus par l'Autorité nationale de gestion des catastrophes indienne. EDF prévoit dans son contrat de s'exonérer de toute responsabilité en cas d'accident ! Il est vrai que les déboires de Flamanville sont peut-être là pour rappeler la nécessité de se couvrir sur ses projets car avoir dépensé autant pendant tant d'années pour un projet qui ne fonctionne pas, cela fait beaucoup ! Comment accepter cette mise en danger d'autrui ? Même si cette centrale se trouve à l'étranger, le nucléaire n'a pas de frontières ! Pour rappel, le nuage de Tchernobyl ne s'est pas arrêté aux frontières de la France ! Comment accepter que ce qui n'est pas acceptable pour nous, le soit ailleurs, et puisse franchir nos frontières ? Nous ne l'acceptons pas.

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Tout d'abord, aucune installation nucléaire ne peut se faire sans des autorisations préalables de sûreté nucléaire, notamment pour les réacteurs EPR 2. Je serai défavorable à vos amendements car le fardeau de la transition énergétique ne peut pas être porté par la seule Europe : c'est une question planétaire et il va falloir décarboner l'ensemble des dix premières économies mondiales pour ne pas échouer. L'énergie nucléaire est une partie intégrante de la réponse pour atteindre cet objectif.

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L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) édictent des normes applicables à tous les pays. Pour rappel, c'est l'AEIA qui se trouve par rotation à Zaporijjia. Dire que les normes ne sont pas les mêmes est faux : elles sont les mêmes en Inde et en Europe.

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Je partage votre point de vue M. le rapporteur sur le fait qu'il s'agit d'une question planétaire. Toutefois, pour redevenir une grande nation à l'échelle internationale, un très grand collectif à l'échelle européenne, il faut avoir le courage de prendre ce problème à bras le corps et de faire de l'Europe le leader de la transition écologique dans le monde, avec la recherche que cela implique pour trouver les énergies de demain avec à la clef de nouveaux emplois créés. Il s'agit de passer d'un modèle tourné vers le passé à un modèle d'avenir supposant des investissements dans les emplois de demain. Dans d'autres pays, on se questionne moins : la Chine a inondé le marché avec ses panneaux solaires tandis que nous restions sur l'Aventin au lieu d'investir dans l'excellence en la matière. Alors, oui affrontons ce défi planétaire, osons faire de la France le leader de l'énergie de demain ! Je ne pense malheureusement pas que la politique du gouvernement actuel prenne cette direction au regard des condamnations par les tribunaux internationaux en matière d'inaction climatique.

Les amendements n° 13 et 14 sont successivement rejetés.

Amendement n° 17 du rapporteur

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Cet amendement porte un alinéa additionnel pour promouvoir la territorialisation sur le sol des États membres de la totalité du cycle du combustible, de sa production au retraitement des déchets nucléaires.

L'amendement n° 17 est adopté.

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Je mets aux voix l'article unique de la proposition de résolution du rapporteur ainsi modifié.

L'article unique modifié est adopté.

La proposition de résolution européenne ainsi modifiée est donc adoptée.

La séance est levée à 15 heures 20.

Membres présents ou excusés

Présents. – M. Henri Alfandari, M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Pierrick Berteloot, Mme Pascale Boyer, M. Stéphane Buchou, M. Pierre-Henri Dumont, M. Thibaut François, Mme Félicie Gérard, M. Benjamin Haddad, Mme Brigitte Klinkert, Mme Constance Le Grip, Mme Nicole Le Peih, Mme Joëlle Mélin, M. Frédéric Petit, M. Jean-Pierre Pont, Mme Sandra Regol, M. Vincent Seitlinger, Mme Liliana Tanguy

Excusés. – Mme Anne-Laure Blin, Mme Lysiane Métayer, Mme Nathalie Oziol, M. Charles Sitzenstuhl

Assistait également à la réunion. – M. Jean-Luc Warsmann