Intervention de Jeanine Dubié

Séance en hémicycle du 13 février 2014 à 9h30
Consommation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJeanine Dubié :

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, après plus de neuf mois d’examen, nous arrivons ce matin au terme de la procédure parlementaire, avec un dernier examen du projet de loi relatif à la consommation, dans sa version issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Au cours des examens successifs, à l’Assemblée comme au Sénat, vous avez pu constater, monsieur le ministre, l’intérêt de nombreux parlementaires pour votre texte. Alors que notre pays connaît un contexte économique fortement dégradé par la baisse du pouvoir d’achat, la baisse de la consommation, la stagnation du chômage et la nécessité absolue de maîtriser les dépenses publiques, vous avez eu le courage de nous présenter un projet de loi à la fois ambitieux et pragmatique. Votre texte, monsieur le ministre, permettra de réduire les poches d’inefficacité économique, d’améliorer la régulation des rapports économiques entres les agents et de favoriser une consommation plus durable, plus équitable et plus respectueuse des droits des consommateurs.

Globalement, le projet de loi issu de la CMP est équilibré. Au total, il comporte aujourd’hui 171 articles, et une majorité d’entre eux aura des répercussions concrètes sur la vie quotidienne de nos concitoyens. Pour la commission des affaires économiques, ce sera probablement l’un des textes importants de cette législature. Nos séances parfois tardives, en commission et dans l’hémicycle, ont donné lieu à des échanges nourris, passionnés, parfois un peu heurtés, mais toujours courtois et sereins. Le travail des parlementaires de tous les bancs de notre hémicycle a permis d’intégrer des améliorations significatives. Au nom du groupe RRDP, je tiens à saluer la participation constructive de tous les députés qui se sont emparés du texte : leur contribution a été utile. Je remercie également les deux rapporteurs pour leur ouverture et leur écoute.

Le renforcement de l’information et de la protection des consommateurs est donc l’un des volets majeurs de ce projet de loi. Parmi les principales mesures qui étaient attendues depuis longtemps et qui feront date, la procédure d’action de groupe est certainement la plus emblématique. Avec les modalités que vous avez choisies, monsieur le ministre, et que l’examen parlementaire a enrichies – je pense en particulier à la procédure d’action de groupe simplifiée adoptée par le biais d’un amendement du rapporteur Razzy Hammadi –, l’introduction de l’action de groupe dans le droit français apporte la possibilité d’une réparation des préjudices économiques, tout en échappant au risque de tomber dans les dérives de la judiciarisation de la vie des affaires.

Deuxième mesure emblématique qui fera date, car elle a été proposée par de nombreux députés et sénateurs de tous bords depuis plusieurs années : la mise en place du registre national des crédits aux particuliers, le fameux fichier positif auquel vous tenez tant, monsieur le ministre. Vous connaissez les doutes et les réserves des députés comme des sénateurs radicaux de gauche quant à l’efficacité de ce fichier positif. Certes, il permettra peut-être d’éviter le crédit de trop, il responsabilisera les prêteurs, et il permettra de mettre fin aux comportements irrationnels et souvent médiatisés de ceux qui, plongés dans une situation de détresse, souscrivent dix, quinze ou vingt crédits. Avec ce fichier, des cas minoritaires de surendettement liés à l’excès de crédits seront sûrement évités : ce seront autant de drames humains en moins. Mais ne pouvions-nous pas répondre à ces problématiques par d’autres moyens, plus adaptés ? Les députés radicaux sont convaincus que les mêmes réponses et les mêmes avancées positives auraient pu être apportées par des moyens plus simples, moins coûteux et surtout plus proportionnés.

Ce fichier sera lourd, complexe, long à mettre en place et potentiellement attentatoire aux libertés publiques. Pour vérifier la solvabilité réelle de l’emprunteur, nous avions proposé des amendements visant à conditionner l’octroi de crédits à la consommation à la présentation des derniers extraits bancaires ; cela aurait permis d’appréhender véritablement le reste à vivre, par l’examen de la différence entre les revenus et les dépenses contraintes récurrentes. Nous aurions également pu encadrer plus durement les conditions d’acceptation du crédit, par des mesures comme la déliaison entre carte de crédit et carte de fidélité, la limitation du crédit renouvelable ou l’interdiction du crédit sur le lieu de vente. Beaucoup de mesures de ce type auraient sûrement constitué des réponses plus simples, moins attentatoires aux libertés publiques et moins coûteuses.

Je ne peux m’empêcher de penser à tout ce que nous pourrions faire, avec les 500 à 700 millions d’euros que coûtera ce fichier, pour toutes les personnes en situation précaire ou surendettées. Je reste convaincue que cet argent aurait été plus utile à développer des actions d’accompagnement auprès de ces personnes en très grande difficulté. Je pense notamment aux actions déjà conduites par les associations qui accompagnent les personnes en situation de précarité : elles en auraient bien besoin, car elles sont de plus en plus sollicitées. Je pense aussi à la désignation d’un réfèrent social en cas de dépôt d’un deuxième dossier de surendettement auprès de la Banque de France, afin de ne pas laisser ces personnes dans le désarroi, ou encore à l’ouverture de l’accès aux prêts à taux zéro.

Dans leur immense majorité, les personnes surendettées sont d’abord victimes d’un manque de ressources. Elles ont avant tout besoin d’aide, de pédagogie et d’accompagnement personnalisé. Cela dit, nous n’en faisons pas une question de principe, et nous prenons acte de votre choix et de votre détermination à mettre en place ce fichier, monsieur le ministre, en espérant que ledit fichier se révélera aussi efficace que vous le prétendez ou que vous le souhaitez.

Au-delà de ces mesures, dont l’histoire retiendra qu’elles ont été introduites dans notre droit par la loi Hamon, ce texte comprend de multiples dispositions très utiles dans de nombreux domaines. Il instaure l’extension du délai de rétractation et un allongement important de la durée de présomption d’antériorité du défaut de conformité. Il améliore la qualité et la transparence de l’information sur les plats servis dans la restauration, avec la mention « fait maison » – à ce sujet, je tiens à vous dire notre satisfaction que la CMP soit parvenue à un accord. En outre, le régime des appellations géographiques protégées est étendu aux biens non alimentaires, et la traçabilité des ingrédients des plats cuisinés est imposée. Ce projet de loi rééquilibre en partie les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, en revisitant notamment l’encadrement législatif des délais de paiement. Il améliore également le régime des clauses abusives et ouvre un nouveau droit de résiliation infra-annuelle des contrats d’assurance.

Enfin, ce texte accroît le champ d’action et les pouvoirs de sanction de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Cependant, monsieur le ministre, je veux exprimer ici l’inquiétude de vos directions départementales, car on peut se demander si elles seront en état de procéder à tous les contrôles nouveaux instaurés par ce projet de loi, tant leurs moyens sont aujourd’hui limités. Aujourd’hui, la DGCCRF n’est déjà pas en mesure d’assurer la mise en oeuvre des missions qui lui sont conférées par le législateur ; c’est d’ailleurs un point soulevé dans le rapport annuel de la Cour des comptes pour 2014, qui dénonce l’insuffisance des contrôles sanitaires. On ne peut s’empêcher de faire une relation de cause à effet, et de s’interroger quant à l’effet de la fusion de la direction des services vétérinaires avec la DGCCRF sur cette insuffisance des contrôles sanitaires. C’est, en tout cas, une question que je pose.

Nous n’avons cessé de vous le répéter : le groupe RRDP ne réclame pas une sanctuarisation des crédits de la DGCCRF, mais une véritable augmentation de ceux-ci à la hauteur des enjeux, sans quoi les missions de protection économique des consommateurs ne pourront plus être assurées de manière efficace et pérenne. Au cours des cinq dernières années, la DGCCRF est passée de 3 500 à 3 000 agents ; 350 postes de terrain ont notamment été supprimés. Dans certains départements ruraux, notamment dans les Hautes-Pyrénées, les agents de la DDCCRF ne sont qu’une poignée pour une charge de travail qui ne cesse d’augmenter. Ainsi, dans les Hautes-Pyrénées, les effectifs sont passés de quinze agents en 2009 à huit aujourd’hui. Même si cela relève de la loi de finances, je profite de ce débat pour vous dire que nous devons augmenter et redéployer les effectifs là où ils sont nécessaires.

Pour conclure, en dépit de quelques points précis sur lesquels nous avons des divergences d’opinion, je tiens à vous dire que je crois à la réussite de votre projet de loi, monsieur le ministre. Il s’agit bien d’une réforme structurelle de l’économie française, visant à rééquilibrer et à rendre plus équitables les relations économiques – je sais combien notre collègue Annick Le Loch y a participé. Cette nouvelle régulation économique renforcera la confiance et stimulera la croissance. Une régulation économique efficace et un cadre juridique clair et protecteur sont utiles pour apporter des réponses aux difficultés quotidiennes de nos concitoyens, en particulier des plus fragiles. Les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste sont convaincus que ce projet de loi y parviendra ; pour cette raison, et malgré les quelques réserves évoquées, nous le soutiendrons.

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