Taxe sur les services numériques — Texte n° 1737

Amendement N° CF9 (Rejeté)

Publié le 2 avril 2019 par : M. Brun.

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Rédiger ainsi cet article :

« Le chapitre III du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts est ainsi modifié :
« 1° La section XXII du chapitre III du titre Ier de la première partie est complétée par un article 235ter ZG ainsi rédigé :
« Art. 235ter ZG. –I. – 1. – Une taxe s’applique sur les revenus réalisés par une personne morale domiciliée ou établie hors de France, lorsqu’une entreprise ou entité juridique, établie ou non en France, y conduit une activité consistant en la vente ou la fourniture de produits ou de services appartenant à cette personne morale ou que celle-ci a le droit d’utiliser, et que :
« 1° Soit cette personne morale détient, directement ou indirectement, plus de 50 % des actions, parts, droits financiers ou droits de vote de l’entreprise ou de l’entité juridique ;
« 2° Soit l’entreprise ou l’entité juridique est placée sous le contrôle de la personne morale, au sens de l’article L. 233‑3 du code de commerce ;
« 3° Soit l’entreprise ou l’entité juridique et la personne morale sont détenues, directement ou indirectement, à plus de 50 % des actions, parts, droits financiers ou droits de vote par une même personne morale ou physique.
« 2. – Le présent article s’applique si une personne morale ou physique, domiciliée ou non en France, y conduit une activité en lien avec la vente de biens ou la fourniture de services par la personne morale domiciliée ou établie hors de France mentionnée au 1 et qu’il existe des raisons sérieuses de considérer que l’activité de cette personne morale ou physique a pour principal objectif et principal effet d’échapper à l’impôt qui serait dû en France ou d’atténuer son montant en application du même 1.
« Relève, lorsque la condition mentionnée au premier alinéa du présent 2 est remplie, du champ défini au présent 2 :
« 1° Toute personne agissant pour le compte de la personne morale domiciliée ou établie hors de France et qui, à ce titre et de façon habituelle, conclut des contrats ou intervient à titre principal dans le processus menant à la conclusion de contrats :
« a) Conclus au nom de la personne morale précédemment mentionnée ;
« b) ou portant sur le transfert de la propriété de biens, la concession du droit d’utilisation de biens appartenant à cette personne morale ou sur lesquels cette dernière possède une licence d’exploitation ;
« c) ou portant sur la vente ou la fourniture de biens ou de services par la personne morale précédemment mentionnée.
« Le c ne s’applique pas si la personne exerce son activité à titre indépendant et que l’activité réalisée avec la personne morale domiciliée ou établie hors de France relève du cadre ordinaire de cette activité. L’activité n’est pas considérée comme exercée à titre indépendant :
« – si la personne agit exclusivement pour la personne morale domiciliée ou établie hors de France ;
« – si la personne agit exclusivement pour des entreprises ou entités juridiques placées sous le contrôle ou la dépendance de la personne morale domiciliée hors de France au sens du 1 du présent I ;
« 2° Toute personne ayant une présence digitale significative en France. Un site internet, une application, ou tout autre support digital est qualifié de présence digitale significative en France dès lors que l’une des conditions suivantes est remplie :
« a) un nombre significatif de contrats pour la mise à disposition, directe ou indirecte, des services proposés est signé avec des résidents français ;
« b) un nombre important de clients français utilisent les services proposés à titre gratuit ou à titre onéreux ;
« c) les services proposés sont adaptés pour une utilisation en France ;
« d) la bande de trafic utilisée par des clients français est importante ;
« e) une corrélation existe entre les montants payés par la société étrangère propriétaire du support à une autre société et le niveau d’utilisation en France.
« Pour l’application du 2°, lorsque le site numérique n’est pas exclusivement lié à une personne morale domiciliée ou établie hors de France ou à une ou plusieurs personnes placées sous le contrôle de celle-ci, au sens du 1 du présent I, seule l’activité réalisée pour la personne morale domiciliée ou établie hors de France définie au 1 est prise en compte pour l’application du présent article.
« 3. Les revenus réputés soumis à la taxe au titre du 1 du présent I correspondent au bénéfice qui aurait résulté des activités réalisées en France en l’absence de montage artificiel destiné à détourner des bénéfices dans des pays étrangers aux fins de contourner la législation fiscale. Pour la détermination des charges déductibles du résultat fiscal, l’article 238 A est applicable.
« 4. L’impôt acquitté localement par la personne morale domiciliée ou établie hors de France est imputable sur la taxe établie en France, à condition d’être comparable à l’impôt sur les sociétés et, s’il s’agit d’une entité juridique, dans la proportion des actions, parts ou droits financiers détenus par la personne morale domiciliée ou établie hors de France.
« 5. Lorsque la personne morale domiciliée ou établie hors de France mentionnée au 1 du présent I est soumise à un régime fiscal privilégié, au sens du deuxième alinéa de l’article 238 A, ou qu’elle se trouve dans un territoire non coopératif, au sens de l’article 238‑0 A, la condition de dépendance ou de contrôle prévue aux 1, 2 et 3 du présent I n’est pas exigée.
« II. – Le I ne s’applique pas :
« 1° Si la personne morale domiciliée ou établie hors de France démontre que les activités mentionnées aux1 et 2 du même I ont principalement un objet et un effet autres que celui de se soustraire à tout ou partie de l’imposition en France, en apportant la preuve du caractère réel, normal, non exagéré et non dépourvu de substance économique des opérations réalisées ;
« 2° Si la personne morale est établie ou constituée dans un État membre de l’Union européenne et si les activités mentionnées aux 1 et 2 dudit I ne peuvent être regardées comme constitutives d’un montage artificiel dont le but est de contourner la législation fiscale française.
« III. – Lorsqu’il est fait application du I du présent article, le bénéfice défini au 3 du même I est imposé au taux de 35 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2018 et au taux de 30 % à partir du 1er janvier 2020.
« IV. – Le présent article ne fait pas obstacle à l’application de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales et du b de l’article 1729 du présent code.
« V. – Les dispositions du présent article sont applicables dans les mêmes conditions aux entreprises mentionnées au I de l’article 242bis lorsque le vendeur ou le fournisseur du bien ou de la prestation est domicilié en France.
« VI. – La mise en œuvre de la taxe définie au présent article relève de la procédure de taxation d’office prévue aux articles L. 65 et suivants du livre des procédures fiscales. »
« 2° Après l’article 235ter ZG, il est inséré un article 235ter ZGbis ainsi rédigé :
« Art. 235ter ZGbis. – I. – 1. La taxe mentionnée à l’article 235ter ZG du présent code s’applique aux revenus qui ont été déduits de l’assiette de l’impôt sur les sociétés par des transactions de toute nature sans qu’elles ne puissent être justifiées par l’existence d’une substance économique et dès lors que ces transactions ont eu principalement pour objet et effet d’obtenir un avantage fiscal.
« 2. Les revenus réputés soumis à la taxe au titre du 1 du présent I correspondent à la différence entre le profit qui aurait été réalisé sans la déduction mentionnée au présent 1 et le profit réellement déclaré au titre de l’impôt sur les sociétés.
« II. – Le I ne s’applique pas :
« 1° Si la personne morale domiciliée ou établie hors de France démontre que les transactions mentionnées aux 1 du I ont principalement un objet et un effet autres que celui de se soustraire à tout ou partie de l’imposition en France, en apportant la preuve du caractère réel, normal, non exagéré et non dépourvu de substance économique des opérations réalisées ;
« 2° Si la personne morale est établie ou constituée dans un État membre de l’Union européenne et si les transactions mentionnées au 1 dudit I ne peuvent être regardées comme constitutives d’un montage artificiel dont le but est de contourner la législation fiscale française.
« III. – Lorsqu’il est fait application du I du présent article, le bénéfice défini au 2 du même I est imposé au taux de 35 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2018 et au taux de 30 % à partir du 1er janvier 2020. »
« VI. – La mise en œuvre de la taxe définie au présent article relève de la procédure de taxation d’office prévue aux articles L. 65 et suivants du livre des procédures fiscales. »
« 3° L’article L. 66 du livre des procédures fiscales est complété par un 6° ainsi rédigé :
« 6° À la taxe prévue aux articles 235ter ZG et 235ter ZGbis. »

Exposé sommaire :

Les grandes entreprises du secteur numérique, Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft (GAFAM) utilisent les principes fiscaux internationaux développés par l’OCDE pour localiser arbitrairement leurs activités économiques dans des pays faiblement taxés.

Les principes du droit fiscal international, élaborés à l’OCDE à la fin des années 70 et 80, irriguent un ensemble de milliers de conventions fiscales bilatérales entre États. Élaborés pour éviter qu’une même activité économique ne soit taxée dans plusieurs états, plusieurs de ces principes ont mal vieilli.

Ils sont en particulier mal adaptés à l’émergence des activités numériques, dont les critères de localisation matérielle, liés à des indices tels que la présence territoriale de bureaux, permettent aux entreprises concernées de domicilier l’ensemble de leurs bénéfices dans des paradis fiscaux.

Une part significative du résultat réalisé par les « GAFAM » échappe ainsi à l’impôt, leur permettant d’attribuer ces sommes au seul bénéficie de leur activité.

À titre d’exemple, Airbnb a payé pour l'exercice 2016 un impôt de 96 944 euros seulement pour un chiffre d'affaires de plus de 5 milliards euros alors que son activité est en concurrence directe avec le secteur de l’hôtellerie-restauration française. Cette concurrence déloyale est inacceptable !

Selon le rapport de nos collègues députés européens Paul Tang et Alain Lamassoure, Google et Facebook ont ainsi économisé à l’échelle de l’Union Européenne près de 5,4 milliards d’euros d’impôts entre 2013 et 2015.

L’OCDE, avec le projet BEPS, et l’Union européenne, avec les deux projets de directives sur la présence numérique significative, développent de nouveaux critères prenant en compte le caractère immatériel de cette activité économique. Mais l’adoption de ces projets se heurte aux règles d’unanimité gouvernant ces instances, exploitées par les pays bénéficiaires de cette structuration fiscale.

Il convient dans cette perspective de taxer les géants du numérique en reprenant les règles envisagées dans le projet de directive européenne et de définir dans le droit national la notion d’établissement stable pour les entreprises numériques.

Il s’agit là d’une question de justice fiscale vis-à-vis des opérateurs économiques traditionnels dont les outils de production ou les surfaces de ventes implantés au cœur de nos territoires supportent notamment la cotisation foncière des entreprises (C.F.E.), la taxe sur le foncier bâti, la TVA et l’impôt sur les sociétés.

Selon la Commission européenne, le taux d'imposition effectif des entreprises numériques – telles que les entreprises du secteur des médias sociaux, les plateformes collaboratives et les fournisseurs de contenu en ligne – atteint au sein de l’Union Européenne 9,5 % seulement, contre 23,2 % pour les modèles d'affaires traditionnels.

Cette proposition se justifie également d’autant plus que ces géants du numérique ont une empreinte carbone et environnementale conséquente. Les « fermes de serveurs », qui tournent 24 heures sur 24 consomment en effet des quantités considérables d’énergie. En 2007, le seul Google consommait déjà à l’époque 2,1 térawattheures par an, soit l'équivalent, de la production de deux centrales nucléaires. Selon le rapport Clicking Clean de Greenpeace publié le 10 janvier 2017, le secteur informatique représente aujourd’hui environ 7 % de la consommation mondiale d’électricité.

En 2020, le trafic Internet mondial devrait avoir triplé. L’empreinte écologique du réseau sera ainsi encore plus importante, du fait notamment de l’augmentation de notre consommation personnelle de données et du nombre d’utilisateurs à l’échelle mondiale, qui devrait passer de trois milliards aujourd’hui à plus de quatre milliards d’ici à la fin de la décennie.

Selon certaines estimations, la pollution générée par l’industrie du net et son impact sur le climat sont équivalents à ceux du secteur de l’aviation.

En outre, les usages induits par l’activité de vente des GAFAM se traduit par une multiplication des divers trafics (aériens, maritimes et terrestres) liés aux transports et livraisons et donc par une augmentation de la consommation d’énergies fossiles, de la pollution et des émissions de CO².

Le produit d’une taxe sur les GAFFAM devrait être prioritairement affecté aux dépenses liées à la transition écologique.

Le gouvernement a préféré retenir une approche différente avec une taxe de 3 % sur le chiffre d’affaire dite « taxe GAFAM » applicable uniquement en France.

En contradiction totale avec les initiatives portées par la France au sein de l’OCDE, et avec l’objectif affiché la taxe prévue à l’article 1er risque de renforcer la distorsion de concurrence vis à vis des entreprises françaises car les GAFAM continueront à éviter l’impôt sur les sociétés alors que les entreprises françaises paieront toutes, à un moment donné de leur développement souhaitable et souhaité, et la taxe et l’impôt, quelques soient les « franchises » imaginées.

En outre, du fait de leur position les GAFAM pourront répercuter sans problèmes la taxe sur leur client final quand les entreprises européennes, elles, risqueront en le faisant de se faire distancer sur les prix et perdre des parts de marché.

Par ailleurs, la taxe GAFAM telle qu’elle est prévue par l’article 1er ne concerne ni la vente en ligne de biens matériels de type Amazon, ni la fourniture de services numériques de type Netflix et cible en réalité uniquement Google et Facebook.

C’est pourquoi, le présent amendement vise à réécrire l’article 1er et à créer une taxe visant à contrer les schémas de détournement des bénéfices mis en place par les sociétés étrangères afin de dissuader les opérateurs économiques de mettre en œuvre des montages juridiques et fiscaux à fin de sur-optimisation, voire d’évasion fiscale.

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