Accords entre l'union européenne et le canada — Texte n° 2124

Amendement N° 27 (Rejeté)

(30 amendements identiques : 1 2 3 4 5 6 7 10 11 14 16 18 19 21 22 23 25 26 29 30 31 32 47 49 50 52 55 56 58 60 )

Publié le 16 juillet 2019 par : Mme Laurence Dumont, M. Hutin, M. Jérôme Lambert.

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Supprimer cet article.

Exposé sommaire :

Cet amendement vise à supprimer l’article 1 portant ratification du Traité CETA.

Ce traité, « accord de nouvelle génération » constitue une première. Il ne s’agit plus seulement d’un accord tarifaire et douanier, il s’agit d’un accord tarifaire qui comporte en plus d’autres volets portant notamment sur les normes environnementales, sur les investissements et sur les marchés publics. Ces volets soulèvent de nombreuses questions pour lesquelles le Gouvernement français et l’UE n’ont pas été en mesure de donner des garanties suffisantes.

Concernant l’agriculture, le CETA formalise la remise en cause d’un certain modèle de production et d’élevage français. Le modèle des systèmes herbagers et prairies qui fournissent un service écologique et permettent un élevage extensif des bovins, est mis en danger par les quotas de viande bovine canadienne. Il suffit d’un écart de quelques centimes sur un kilo de viande bovine pour remettre en cause le revenu des éleveurs et par extension ces systèmes d’élevage extensifs dont la disparition aurait des conséquences dramatiques sur le climat et les écosystèmes de notre territoire. Les risques sont réels. Ce n’est pas pour rien que le Commissaire européen à l’agriculture a prévu une enveloppe de 1 milliards d’euros pour pallier les difficultés de la filière suite à l’accord sur le Mercosur. Mais au lieu de prévoir des mesures d’adaptation aux conséquences des accords commerciaux, il vaut bien mieux éviter que les dégâts ne surviennent en amont.

Concernant des produits phytosanitaires, il y a 46 pesticides interdits en Europe qui sont autorisés au Canada. Le Canada a déposé le 4 juillet un recours dans le cadre de l’OMC contre l’UE pour contester ces interdictions au sein de l’UE. Ainsi, les normes sanitaires et phytosanitaires sont déjà attaquées comme des barrières à l’entrée du marché européen parce que considérées comme discriminatoires aux échanges. Comment ne pas voir dès lors dans les processus de coopération règlementaire des dispositifs mettant en danger le choix des consommateurs et les préférences collectives des français et des européens ?

Concernant l’harmonisation des normes, le CETA prévoit un certain nombre de dispositions mais ne lève pas toutes les ambiguïtés. Le fait que le principe de précaution ne soit pas mentionné explicitement dans le CETA fait courir un risque non négligeable. Certes, « le fait que le CETA ne fasse pas expressément mention du principe de précaution ne signifie pas qu’il n’est pas pris en compte dans le traité [1] ». Cependant, « on ne peut exclure que les imprécisions du CETA conduisent à l’arrivée sur le marché européen de produits autorisés en vertu d’une règlementation ne prenant pas en compte le principe de précaution.[2] » Le Canada ne prévoit par ailleurs aucune obligation d’information du consommateur sur les modes de production. En l’absence de toute obligation d’étiquetage des produits OGM au Canada, du saumon transgénique élevé au Canada pourrait, en l’état actuel du traité, être potentiellement importé vers l’UE.

Concernant le risque de limitation du droit à légiférer, le CETA contient un principe de « coopération règlementaire ». Concrètement, avant qu’une législation européenne soit examinée par le Parlement européen, il y a la possibilité que cette proposition de législation soit d’abord soumise aux comités réglementaires prévus par le traité. Comme le précise le rapport au Premier Ministre rédigé par la commission Schubert, « c’est probablement ce type d’activité qui est le plus préjudiciable à l’autonomie des parties contractantes dans l’élaboration de leur législation. [3] » On peut se demander dans quelle mesure ces instances limiteront effectivement la capacité de décision des pouvoirs publics nationaux et européens démocratiquement élus.

Concernant la limitation du droit des parlements à ratifier les accords de libre-échange, nous sommes en présence d’une nouvelle donne. Outre le caractère novateur du CETA en terme de périmètre concerné, il existe, même si ce dernier n’en est pas à l’origine, un nouveau mode de ratification des Traités qui réduit le pouvoir des parlements nationaux. Suite à l’avis de la CJUE du 16 mai 2017 sur l’accord de libre-échange (ALE) avec Singapour, la commission européenne a décidé d’adopter une nouvelle doctrine de politique commerciale. En pratique, cela aboutira à conclure concomitamment deux séries d’accords : des accords de libre-échange très complets de la compétence exclusive de l’UE qui n’auront besoin que de la ratification du Parlement européen ; et des accords d’investissement où pourront être également contenus les dispositions relatives au règlement des différends qui resteront de la compétence partagée entre l’UE et les États membres et soumis à ce titre à ratification par les parlements nationaux. Le CETA est ainsi un des derniers accords de libre-échange européen à passer dans le format actuel par l’étape de la ratification par les parlements nationaux.

Concernant notre conception des services publics. Tous les services publics qui n’auront pas été explicitement exclus dans l’accord pourront être libéralisés à l’avenir. Cette décision représente donc une menace directe pour nos services publics, puisqu’elle permet de faire de la libéralisation des services publics la règle, et non l’exception comme c’était le cas jusqu’à présent.

Concernant les tribunaux d’arbitrage prévus par le traité. Avec le CETA, les entreprises étrangères auront la possibilité d’attaquer la France devant un tribunal d’arbitrage, sorte de système juridique parallèle aux juridictions nationales, dont la décision s’imposerait aux États. Cela pose évidemment de graves questions en termes de souveraineté nationale.

Enfin, concernant le changement climatique, le Canada se félicite d’une croissance de 63 % de l’exportation des sables bitumineux vers l’Europe. Or ce n’est pas compatible avec le changement climatique. L’étude d’impact du Gouvernement reconnaît par ailleurs que les échanges faits dans le cadre du CETA produiront une croissance des gaz à effet de serre. De même l’absence de caractère contraignant du chapitre sur le développement durable, l’absence de véritable « véto climatique [4] » de même que le fait que l’environnement soit exclu des principes juridiques obligatoires que devra faire respecter la future Cour d’arbitrage ne sont pas acceptables compte-tenu des enjeux en la matière.

[1] Rapport au Premier ministre, Commission Schubert, 7 septembre 2017, p 21. [2] Idem, p 22. [3] Idem, p 37.

[4] Par « véto climatique » on entend le fait que soit interdit que les politiques publiques visant à limiter le dérèglement climatique puissent être contestées par un investisseur privé devant la Cour d’arbitrage instituée par le CETA.

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