Intervention de Sébastien Nadot

Réunion du mercredi 9 septembre 2020 à 15h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Nadot :

La communauté de la science et de la recherche françaises attendait avec impatience ce projet de loi de programmation, depuis longtemps promis. C'est donc avec satisfaction et intérêt que le groupe Écologie Démocratie Solidarité apporte sa contribution à son examen. Nous souhaitons saluer l'effort budgétaire considérable et la revalorisation de certains personnels de recherche, quand l'Union européenne semble prendre le chemin inverse. Cependant, la trajectoire budgétaire s'étend sur une période inhabituellement longue, sans rapport avec un exercice budgétaire sincère, les enjeux du secteur et nos réalités politiques. Il s'impose de la raccourcir, l'horizon de 2027 nous paraissant le maximum acceptable, comme le réclament les acteurs de la recherche et le laisse entendre l'avis du Conseil d'État.

L'effort budgétaire doit se concentrer en début de période. L'accélération de l'histoire géopolitique, climatique et sanitaire nous impose de réarmer notre outil de recherche sans plus attendre. Plus fondamentalement, à quoi bon une loi de programmation de la recherche réduite à son implication socio‑économique ? Tout se passe comme si recherche fondamentale, recherche appliquée et innovation avaient les mêmes objets, les mêmes temporalités et les mêmes exigences. On a beau lire le texte, on n'y trouve aucune vision ample et humaniste de la recherche. Tout aussi étonnant, le texte semble oublier les missions et les conditions d'exercice des principaux acteurs de la recherche en France, que sont les maîtres de conférences et les personnels administratifs. Rien sur l'articulation, si essentielle, entre la recherche et l'enseignement supérieur.

Sur les nouveaux dispositifs de recrutement, l'étude d'impact ne permet pas d'émettre un avis fondé. Ces nouveaux contrats sont‑ils vraiment adaptés aux spécificités françaises et européennes de la recherche ? Si nous ne sommes pas opposés par principe aux tenure tracks, ce modèle d'inspiration anglo‑saxonne semble fortement plaqué sur le système français sans réflexion sur la cohérence d'ensemble. Plus encore, la précarisation et la discrimination des femmes, que l'on constate dans les pays où ce système existe, ne sont pas prises en compte. La France, avec ses 28 % de femmes chercheuses, se situe sous la moyenne européenne de 33 %. Rien, pourtant, dans ce texte qui inviterait à une transformation vers l'égalité femme‑homme dans le monde de la recherche. Ce sujet n'apparaît pas dans le projet de loi, pas plus que la recherche participative, les questions éthiques ou le rapport des médias à la recherche, soit tout ce qui contribue à inscrire la recherche dans la société.

Que peut et que doit faire la recherche française face aux défis environnementaux pour remplir ses objectifs de développement durable ? Comment s'inscrira la recherche française dans la recherche européenne ? Quel doit être son rayonnement mondial ? Comment mieux inscrire les doctorants dans la société, avec des parcours professionnels moins laborieux ? Comment mettre à profit pour la société l'extraordinaire savoir que chercheuses et chercheurs construisent patiemment ? Tout autant de questions auxquelles nous aurions aimé trouver des réponses plus précises.

Avec Cédric Villani et mes autres collègues, nous considérons qu'un travail substantiel d'amélioration de ce texte est encore nécessaire. Nous comptons y contribuer.

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