Intervention de Margarida Romero

Réunion du mercredi 23 septembre 2020 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Margarida Romero, directrice du Laboratoire d'innovation et numérique pour l'éducation (LINE), Unité de recherche de l'Institut national supérieur du professorat et de l'éducation (Inspé) de l'Académie de Nice et de l'Université Nice Sophia Antipolis :

. S'agissant de votre question sur l'ENT, monsieur Studer, du point de vue de l'utilisateur final, c'est-à-dire de l'élève et sa famille, il faudrait que nous soyons courageux et que nous nous dotions d'une vraie solution.

Nous avons jusqu'à présent observé ce qu'il s'est passé dans chaque territoire et les résultats sont plus ou moins heureux, avec des ENT qui fonctionnent plus ou moins. Je pense qu'il faut le courage, à un moment donné, de se doter d'outils de haute qualité au niveau national. Ces outils doivent assurer la politique de qualité des données. Puisque ces données sont une mine d'or comme Mme Sonnac le soulignait, qu'elles peuvent nous donner un retour sur les politiques éducatives, sur les différences entre les territoires, il faut qu'elles soient centralisées. Cela demande du courage et un partenariat avec les secteurs EdTech. De mon point de vue, nous avons été jusqu'à présent un peu trop « distribués » et nous devons constater que cela n'a pas fonctionné partout, qu'il a fallu aller chercher des solutions complémentaires. Comme je viens du monde de l'enseignement et de la recherche et que je ne suis plus liée à des entreprises, je peux faire ce constat.

Les inégalités territoriales sont très fréquentes et c'est un des éléments sur lesquels je m'interroge beaucoup. Je travaille depuis trois ans à l'Université Côte d'Azur à Nice. Quand nous allons dans les écoles, nous trouvons des univers totalement différents à seulement 700 mètres de distance. Certaines écoles sont des petits lieux privilégiés dans lesquels l'équipe-école fonctionne à merveille, où les parents sont impliqués et où tout se passe bien. À 700 mètres de là, c'est une catastrophe, le niveau des élèves est beaucoup plus bas, bien que les équipes des écoles dans ces milieux soient extraordinaires. Nous constatons, au sein même d'une commune, des fractures et des inégalités extraordinaires.

Anne Chiardola, qui prépare une très belle thèse sur l'école rurale et a été recrutée à la DNE comme experte du premier degré, analyse la ruralité et le numérique. Dans le contexte rural en France, lorsque l'équipe-école et la commune fonctionnent en bonne synergie, l'école fonctionne de façon extraordinaire parce que les décisions sont prises à une échelle humaine. L'école rurale est une chance et, très souvent, ces écoles sont mieux équipées que les écoles des quartiers défavorisés de certaines villes.

Dans les Alpes-Maritimes, les communes qui ont des plans éducatifs de grande qualité et ambitieux sont de petites communes. Ce sont des communes qui se sont emparées du numérique éducatif. Elles ont trouvé les talents et les compétences – qui sont rares – pour mettre en place des politiques éducatives numériques ambitieuses. Elles arrivent à très bien faire, à bien réunir les différents acteurs : antennes du réseau Canopé, enseignants référents pour les usages du numérique (ERUN), formateurs des Inspé. Les difficultés se trouvent plutôt dans les villes et dans certains quartiers qui sont en extrême difficulté. Même si ce ne sont pas forcément des ruralités « standard ».

La formation des enseignants est un dossier qui me touche particulièrement. Je suis enseignante du premier degré et j'ai commencé ma carrière à Barcelone, à la faculté des Sciences de l'éducation. J'ai ensuite travaillé à l'Université de Laval à Québec et je suis maintenant à l'Inspé de Nice où je forme les enseignants au numérique.

Il faut absolument plus de stabilité dans les maquettes de programme pour travailler correctement sur le long terme. Les pays nordiques se donnent parfois sept ans pour gérer les changements tandis que nous sommes en permanence en train de changer. C'est très fatigant pour les équipes qui travaillent à la formation des enseignants. Il faut aller au-delà des calendriers politiques et se donner une visée qui permette aux acteurs éducatifs de travailler dans la durée.

Il faut par ailleurs équiper les Inspé. Lorsque les enseignants viennent en formation continue chez nous, certains nous disent : « Cela n'a pas changé depuis trente ans ! » Certains Inspé sont parvenus à mettre en place quelques innovations, quelques expérimentations, mais, globalement, il faut soutenir les Inspé. Les enquêtes internationales le disent : le seul élément clé en formation est constitué des facteurs enseignants. Tout euro investi dans la formation des enseignants se répercute dans le système éducatif. Nous avons moins besoin de cadres éducatifs et d'inspecteurs lorsque les enseignants sont des professionnels hautement autonomes et responsables.

J'insiste sur ce que j'ai dit en propos liminaire : l'enseignement doit devenir une filière d'excellence et nous devons parvenir à recruter comme enseignants les meilleurs étudiants. Ce n'est pas tout à fait le cas actuellement et il faut que nous arrivions à faire rêver de devenir enseignant.

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