Intervention de Rémy Challe

Réunion du mercredi 23 septembre 2020 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Rémy Challe, directeur général d'EdTech France :

Je souhaite revenir sur la période de confinement que nous venons de vivre et que nous risquons de vivre de nouveau puisque les écoles et les universités ferment les unes après les autres, ce qui laisse à penser que la question de l'école à la maison reviendra d'ici quelques semaines.

En réalité, l'école à la maison n'existe pas. Il ne faut pas confondre le numérique éducatif et l'enseignement à distance. Il s'agit de l'une des modalités pédagogiques, mais une expérience d'apprentissage est d'abord collective et sociale, et doit avoir lieu dans les salles de classe. Faute de pouvoir assurer le présentiel, il convient de recourir à des supplétifs. Or nous avons constaté que le numérique a permis de garder un lien et d'assurer une forme de continuité pédagogique durant la période de confinement. Nul ne peut toutefois affirmer que le dispositif était parfait puisqu'il a mis en exergue un certain nombre d'inégalités d'accès au réseau et aux équipements, ainsi qu'en matière de formation des enseignants.

L'écosystème s'est mobilisé pendant cette période avec le lancement de la plateforme Solidarité EdTech France sur laquelle plus de 300 éditeurs de ressources et fournisseurs d'applications proposaient gratuitement tout ou partie de leurs services. Il s'agissait d'un engagement solidaire véritable dès lors que passer gratuitement de 50 000 à 500 000 utilisateurs n'est pas rémunérateur et nécessite même un renforcement des structures. Cet engagement a mis en péril un certain nombre d'entreprises EdTech fragiles, car jeunes et petites, et disposant parfois d'une trésorerie faible.

Les grands gagnants de ce confinement sont les GAFAM. Il est naturel que les enseignants aient eu recours aux outils qu'ils connaissaient comme Zoom, WhatsApp, voire Discord, qui est destiné aux gamers, avec toutes les failles liées à la protection des données. Vous aurez observé que l'augmentation considérable du nombre d'utilisateurs s'est opérée dans la plus grande discrétion de la part des GAFAM.

Le CNED n'est pas non plus exempt de tout reproche en proposant « Ma classe à la maison » qui est une solution américaine via Blackboard hébergée sur les serveurs d'Amazon web service (AWS). Le CNED a été crédité d'avoir sauvé la continuité pédagogique, ce qui n'est pas tout à fait le cas. En outre, il s'agit d'une solution 100 % américaine. Actuellement, les solutions françaises existantes se trouvent dans l'incapacité de remplir les missions que nous pourrions confier à Google ou autre faute d'être capables de passer à l'échelle. Nous utilisons donc des solutions que nous rejetons, considérant que le modèle économique repose sur la monétisation et l'utilisation des données, alors que des solutions françaises existent auxquelles nous ne faisons pas confiance bien que le modèle économique des entreprises françaises n'intègre pas l'utilisation des données personnelles. Le RGPD génère de nombreux fantasmes. Les entreprises françaises ne demandent qu'à en respecter les règles car leur modèle économique ne consiste pas à utiliser les données des enfants et des enseignants.

Pour garantir la souveraineté éducative, il convient de faire confiance aux entreprises françaises en fixant un cadre. La qualité des relations avec l'Éducation nationale n'est ni bonne ni mauvaise. Nous nous réunissons de manière extrêmement régulière et fréquente, notamment avec la DNE, mais nous ressentons une certaine frustration en constatant une forme d'inertie et la persistance de blocages, ce qui engendre parfois quelques frictions.

Nous avons évoqué les démonstrateurs numériques, notamment dans le Val-d'Oise et l'Aisne. Nous sommes attentifs à ces deux départements. Il est vrai que le Val-d'Oise est une terre d'innovation en matière éducative conformément à la volonté du Conseil départemental. L'AFINEF et EdTech France accompagnent le programme EDUCATE. Toutefois, ces démonstrateurs numériques, qui représentent environ 27 millions d'euros, se traduisent par l'achat de matériel, ce qui est important, mais l'expérience a montré que celui-ci ne suffit pas. La formation des enseignants a été confiée à Canopé, qui est un opérateur du ministère de l'Éducation, ce que nous appelons de nos vœux. Il est nécessaire de se doter de matériel, d'infrastructures et d'enseignants formés au numérique.

La troisième brique est l'acquisition de ressources pédagogiques et d'outils. Il existe pléthore de solutions françaises à destination des enfants dyslexiques, dysorthographiques, dyspraxiques et atteints de déficience visuelle, mais elles sont peu utilisées. Elles ont été développées par des fabricants français qui travaillent en collaboration étroite avec des chercheurs, des médecins et des laboratoires universitaires. Il ne s'agit pas de gadgets : une solution EdTech efficace améliore l'apprentissage. Les entreprises EdTech doivent démontrer la preuve de cette efficacité et de l'impact de la solution. Lorsqu'il s'agit de pénétrer la salle de classe, la plupart d'entre elles travaillent avec des laboratoires, des centres de recherche et des universitaires.

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