Intervention de Marlène Schiappa

Réunion du mardi 12 octobre 2021 à 21h20
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'Intérieur, chargée de la citoyenneté :

Les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » sont au service d'une politique migratoire que nous souhaitons équilibrée. Cet équilibre, dans la droite ligne de la volonté du Président de la République et de l'action conduite depuis 2017, allie l'humanité dans l'accueil et l'intégration des réfugiés et des étrangers admis à séjourner en France – la Semaine de l'intégration a commencé hier, nous pourrons y revenir – à la clarté vis‑à-vis de celles et ceux qui entrent irrégulièrement sur le territoire national ou s'y maintiennent sans droit ni titre et à la fermeté envers celles et ceux qui se montrent indignes de la confiance de la République, par exemple les personnes condamnées pour violences conjugales, qui ont vocation à être reconduites à la frontière.

Parce que les questions d'immigration, d'asile et d'intégration sont l'une des grandes priorités du ministère de l'Intérieur, le projet de loi de finances pour 2022 autorise une hausse de 58,4 millions d'euros des crédits qui leur sont consacrés, soit une augmentation de 3,2 % par rapport à 2021. Si l'on y ajoute les 16 millions de crédits de paiement alloués dans le cadre du plan de relance, cela porte les crédits de la mission à 1,92 milliard d'euros, en hausse de 3,9 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2021. Cet effort budgétaire important vise à nous donner les moyens d'agir plus et mieux par le biais des programmes 303, « Immigration et asile », et 104, « Intégration et accès à la nationalité française ».

Le programme 303 illustre la volonté résolue du Gouvernement de mieux accueillir, mais aussi de lutter contre l'immigration irrégulière.

Sur le premier point, les principales dépenses portent sur l'accueil et l'hébergement des demandeurs d'asile. Concrètement, l'allocation pour demandeur d'asile, l'ADA, bénéficie d'une hausse significative de 18,2 millions d'euros par rapport à la LFI pour 2021, ce qui porte son budget à 473 millions. Cette augmentation témoigne de l'effort de la nation pour accueillir les demandeurs d'asile et de la sincérité de notre construction budgétaire – nous pourrons y revenir.

En 2019, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'OFPRA, a reçu plus de 132 800 demandes, ce qui fait de la France le deuxième pays d'accueil en Europe, juste après l'Allemagne. La réduction conjoncturelle du nombre de demandes d'asile en 2020, de 27 %, qui a porté ce nombre à près de 96 500 demandes, ne remet pas en cause cette dynamique, a fortiori compte tenu de l'évolution géopolitique en Afghanistan et des effets économiques de la crise sanitaire, notamment dans les pays de l'hémisphère Sud.

L'effort budgétaire se traduit également par l'extension du parc d'hébergement, qui pourrait être de plus de 5 700 places en 2022 si l'évolution des dépenses concernant l'ADA, dont le niveau est toujours soumis à des aléas, n'excède pas les prévisions. Le parc d'hébergement pour les demandeurs d'asile et les réfugiés serait ainsi de 118 087 places, dont 6 341 en centre d'accueil et d'examen des situations (CAES) – ce sont 1 500 places de plus –, 50 032 en centre d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) – plus 3 400 places –, 51 796 places d'hébergement d'urgence – le chiffre est stable – et 9 968 en centre provisoire d'hébergement (CPH) – plus 800 places.

Concernant l'amélioration des délais de traitement de la demande d'asile, une grande priorité de l'action du ministère, nous observons une tendance encourageante eu égard aux objectifs que le Parlement a souhaité nous fixer en la matière. S'agissant de l'enregistrement des dossiers en préfecture, auprès des guichets uniques de demande d'asile (GUDA), le délai actuel est en deçà de l'objectif cible de 3 jours : il est de 2,4 jours. S'agissant de l'instruction de la demande par l'OFPRA, les mesures prises commencent à porter leurs fruits, en particulier le recrutement et la formation de 150 officiers de protection, désormais tous opérationnels, ainsi que la dématérialisation d'une grande partie des procédures. L'OFPRA a ainsi ramené le nombre de dossiers en cours d'instruction de 88 000 en octobre 2020 à 53 000 en septembre 2021.

L'amélioration des délais de traitement de la demande d'asile permet d'accueillir dignement celles et ceux qui ont droit à la protection en France et d'apporter une réponse rapide aux personnes qui n'ont pas vocation à rester sur le territoire. Cette évolution aura un effet sur le montant de l'ADA, mais aussi, mécaniquement, sur la fluidité du parc d'hébergement. Cela passe par un effort en matière de moyens, notamment vis-à-vis de l'OFPRA : la subvention qui lui est accordée pour 2022 s'élève à 93,2 millions, en hausse de 0,4 million, et nous maintenons le plafond d'emploi à 1 003 ETPT (équivalents temps plein travaillé).

Nous souhaitons également mieux lutter contre l'immigration irrégulière. L'investissement immobilier dans les centres de rétention administrative (CRA) témoigne de la volonté du Gouvernement d'éloigner les personnes qui n'ont pas vocation à rester sur le territoire national : trop souvent, le manque de places en CRA fait obstacle à l'éloignement dans des conditions acceptables. Ce sont 143,9 millions d'euros, soit une hausse de 12,5 %, qui vont à la lutte contre l'immigration irrégulière, principalement pour financer les investissements dans les CRA et les coûts de fonctionnement liés à l'ouverture de nouvelles places en leur sein.

L'armement des CRA existants et futurs pourra en outre être réduit grâce à l'externalisation des fonctions dites non régaliennes exercées par les fonctionnaires actifs dans les CRA. Cette externalisation est prévue pour cinq missions : la conduite de véhicules pour les escortes et transferts ; la gestion des visiteurs, en dehors des palpations ; le gardiennage des abords, y compris extérieurs, dans le cadre d'arrêtés préfectoraux ; la sécurité incendie, dont l'externalisation ne libérerait pas d'agents mais allégerait la charge de travail des policiers ; la bagagerie. Le coût des marchés d'externalisation pour les CRA actuels et futurs peut être évalué à 12,2 millions en année pleine, alors que la masse salariale correspondant aux policiers exerçant ces missions est estimée à 10,7 millions : le coût net annuel serait d'environ 1,5 million. Toutefois, l'externalisation de ces cinq missions permettra à terme, après 2023, un gain d'effectifs de l'ordre de 140 policiers. En 2022, grâce au déploiement de l'externalisation dans les CRA de Marseille, Nîmes, Toulouse et Lyon – y compris dans le nouveau CRA livrable mi-janvier –, 39 policiers seront libérés de ces tâches.

Concernant le programme 104, « Intégration et accès à la nationalité française », depuis 2018, à la demande du Président de la République, le Gouvernement a engagé une véritable refonte de notre politique d'intégration. L'État se donne désormais les moyens de mener une politique ambitieuse par les différentes mesures du comité interministériel à l'intégration de 2018 et du comité interministériel sur l'immigration et l'intégration de 2019, grâce à un budget spécifique qui reste à un niveau élevé, progressant même de 1,8 %.

Parmi les actions prioritaires, je veux d'abord citer celle qui concerne la maîtrise de la langue française, qui tient à cœur à l'ensemble des députés, puis la formation civique pour le partage des valeurs de la République, et enfin l'accès à l'emploi et la prise en charge de certaines situations particulières comme celle des réfugiés. Ces actions sont essentiellement menées par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, l'OFII, mais aussi par des porteurs de projet et des opérateurs dont je salue le travail fondamental, notamment depuis la chute de Kaboul, en août dernier, lors de laquelle ils ont fait preuve d'une réactivité exceptionnelle.

Les effectifs de l'OFII vont augmenter de 19 ETPT par rapport à la LFI pour 2021, ce qui les portera à 1 187 ETPT. En outre, ses subventions pour charges de service public vont connaître une hausse considérable. Compte tenu des 11 millions d'euros de crédits d'intervention, soit le même montant qu'en 2021, les crédits de l'OFII s'élèvent à 256,8 millions pour 2022.

S'agissant des actions d'intégration des étrangers en situation régulière, la hausse de 37 % des crédits résulte d'un transfert de l'activité d'intégration des réfugiés de l'action 15 vers l'action 12, qui ne regroupait l'an dernier que les actions d'intégration des primo-arrivants. Cela explique la baisse apparente de 19 % des crédits alloués à l'accompagnement des réfugiés par rapport à la LFI pour 2021.

L'une des meilleures illustrations de notre action pour l'intégration des réfugiés est le programme d'accompagnement global et individualisé des réfugiés (AGIR) que nous lançons à l'occasion de la Semaine de l'intégration. Fondé sur l'observation des programmes d'accompagnement global existants, comme HOPE (hébergement orientation parcours vers l'emploi), AGIR a pour ambition d'offrir à environ 8 000 réfugiés dans 27 départements, à partir de 2022, la possibilité de bénéficier auprès d'un guichet unique départemental, mandaté par l'État, d'un accompagnement global et individualisé vers le logement et l'emploi, articulé au contrat d'intégration républicaine (CIR). AGIR reposera sur trois piliers : l'accompagnement global des réfugiés grâce à un binôme de référents sociaux pour l'emploi et la formation d'une part, l'accès aux droits et le logement d'autre part ; la coordination de tous les acteurs locaux de l'intégration ; les partenariats locaux, pour garantir l'accès effectif et concret aux droits dans tout le territoire. Déployé au niveau interministériel pour mieux tenir compte des différents volets de l'intégration, AGIR sera financé par les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » par redéploiements et ajouts.

Je terminerai en réaffirmant la volonté qui nous anime, Gérald Darmanin et moi-même, d'être justes dans notre action en faveur de celles et ceux qui rejoignent notre pays. Je ne peux conclure sans mentionner la récente naturalisation de plus de 12 000 travailleurs de nationalité étrangère en première ligne pendant la crise du covid. La République a voulu tendre la main à ces personnes qui ont tenu le pays pendant le confinement en exerçant des métiers difficiles – soins médicaux ou paramédicaux, nettoyage, sécurité, garde d'enfants. Il était fondamental de leur reconnaître la qualité de citoyens français ; je me réjouis que nous l'ayons fait.

Le présent projet de loi de finances consacre la refonte de nos politiques d'immigration et d'intégration au cours du quinquennat, qui trouvent une traduction budgétaire concrète. Les crédits de la mission sont passés de 1,056 milliard en 2017 à 1,92 milliard en 2022 : cela permet la mise en œuvre ambitieuse des différentes réformes que je viens de vous présenter.

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