Intervention de Charles de Courson

Réunion du vendredi 15 octobre 2021 à 9h35
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Le projet de loi vise à proroger, jusqu'au 31 juillet 2022, d'une part, le régime de sortie de l'état d'urgence, qui permet l'application du passe sanitaire, d'autre part, le cadre juridique qui permet d'activer l'état d'urgence sanitaire, donc de recourir à des confinements ou des couvre-feux.

Au cours des six dernières années, depuis les attentats islamistes de novembre 2015, notre pays a passé autant de temps, soit trois ans au total, dans un état d'exception que dans le droit commun. L'exception est ainsi devenue la norme, ce qui n'est pas sans poser certains problèmes démocratiques majeurs.

Nous devrions en effet être capables de traiter des phénomènes structurels tels que le terrorisme ou la pandémie sans recourir indéfiniment à des dispositions exceptionnelles. Dans son rapport, « Les états d'urgence : la démocratie sous contraintes », publié fin septembre, le Conseil d'État appelle à distinguer les circonstances pouvant conduire au déclenchement de l'état d'urgence et les menaces pérennes : « Destiné à répondre à un péril imminent, l'état d'urgence est utile et efficace pour faire face à un désordre momentané, lorsqu'aucun autre outil juridique ou opérationnel n'existe. Pourtant, la “crise” est aujourd'hui de plus en plus confondue avec les menaces pérennes qui fragilisent en profondeur la société et pour lesquelles l'état d'urgence n'est pas une solution pertinente. »

En effet, si le recours à l'état d'exception était justifié au plus fort de la crise – nous avons d'ailleurs voté pour –, nous ne sommes plus dans un contexte de crise aiguë en métropole. Nous avons désormais à gérer une pandémie qui risque de se poursuivre sur le long terme. Dès lors, il paraît disproportionné de maintenir un état d'exception, et plus encore de le prolonger pour une période de neuf mois. C'est pourquoi nous défendrons des amendements visant à supprimer la prolongation aussi bien du cadre juridique permettant l'activation de l'état d'urgence que du régime de sortie de l'état d'urgence.

Quant au passe sanitaire, nous rappelons que son utilisation devait initialement se limiter aux grands rassemblements. Lors des débats parlementaires sur la loi du 31 mai 2021, le Gouvernement s'était engagé à ce que jamais il ne s'applique aux actes de la vie quotidienne. Pourtant, quelques mois plus tard, il était étendu aux activités de la vie quotidienne par la loi du 5 août 2021. Ensuite, durant les débats parlementaires sur cette même loi, le Gouvernement s'était engagé à ce que le passe sanitaire soit strictement limité dans le temps et mobilisé uniquement lorsque les conditions sanitaires l'exigent. Pourtant, quelques mois plus tard, le présent projet de loi vise à étendre la possibilité d'y recourir jusqu'au 31 juillet 2022, soit après les élections présidentielle et législatives, alors que les indicateurs n'incitent pas à agir en ce sens. D'une part, les données épidémiologiques attestent de taux d'incidence beaucoup moins élevés actuellement qu'au plus fort de la crise – ils se situent sous le seuil d'alerte, qui est de 50 cas pour 100 000 habitants. D'autre part, et surtout, selon les dernières données disponibles, le taux de vaccination de la population éligible, c'est-à-dire les plus de 12 ans, est de 88 % ; les tranches d'âge les plus à risque sont quant à elles vaccinées à plus de 90 %.

L'application du passe sanitaire était justifiée par la nécessité d'inciter à la vaccination massive de la population. Cet objectif étant en passe d'être atteint, il ne paraît plus nécessaire de le maintenir. À tout le moins, une stratégie différenciée pourrait être proposée en fonction du taux de vaccination et du taux de circulation du virus dans chaque département. Nous proposerons d'ailleurs des amendements allant dans le sens d'une territorialisation du dispositif. Car nous demeurons convaincus que le maintien sans justification sanitaire majeure de ce dispositif incitant au contrôle systématique de tous par tous est attentatoire aux libertés fondamentales. En effet, le fait de devoir présenter un document de santé personnel pour chaque acte du quotidien n'est pas anodin.

Pour toutes ces raisons, en l'état du texte et sous réserve d'une éventuelle adoption de nos amendements, notre groupe s'y opposera, tant sur le fond que sur la forme.

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