Intervention de Hervé Saulignac

Réunion du lundi 29 juin 2020 à 20h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Saulignac, rapporteur sur le titre II :

Malgré le contexte sanitaire, il était important que nous puissions poursuivre l'examen de ce texte à l'Assemblée, en espérant que les droits qu'il créera puissent devenir réalité dès 2021. Moins médiatisé que le titre Ier et l'ouverture de la PMA à toutes les femmes, le don d'organes n'en est pas moins un sujet majeur. Chaque année, les nouveaux patients en attente de greffe, inscrits sur le registre national, sont plus nombreux. Soixante ans après les premières transplantations d'organes, seuls 6 105 patients ont pu être greffés en 2017 quand plus de 28 000 personnes étaient en attente d'un organe, dont près de 19 000, d'un rein.

Le texte modifié par le Sénat est tout à fait satisfaisant sur plusieurs points, même si des désaccords subsistent. À ce stade, j'insisterai d'abord sur les points positifs. Dans de nombreux articles, l'équilibre trouvé au Sénat s'inscrit dans le prolongement de celui que nous avions dessiné en première lecture. Le Sénat est allé plus loin que l'Assemblée sur de nouveaux sujets, en adoptant deux articles additionnels importants, l'un, qui étend le don du sang aux mineurs de 17 ans et à certains majeurs protégés, l'autre, qui est relatif au don du corps à la science. Celui-ci, issu d'un amendement gouvernemental, fait suite à un scandale macabre impliquant le centre du don des corps de l'université Paris Descartes voilà quelques mois.

Pour ces deux articles 7 bis et 7 ter, je souhaite que cette deuxième lecture soit l'occasion d'aller plus loin encore dans l'affirmation de nos valeurs fondamentales.

S'agissant du don du sang, je souhaite que la pratique rejoigne enfin le droit pour ce qui concerne les discriminations faites aux hommes homosexuels. Je rappelle qu'en 2016, la loi a adopté un principe très clair selon lequel « nul ne peut être exclu du don de sang en raison de son orientation sexuelle ». Dans la pratique, chacun le sait, un délai d'abstinence spécifique demeure, qui est aujourd'hui de quatre mois alors qu'il s'établissait à un an jusqu'à avril 2020. Ce progrès n'empêche pas qu'une discrimination injustifiée subsiste. Le temps est venu de la faire cesser.

Comment expliquer qu'un homme en couple avec un autre homme depuis de nombreuses années n'ait pas le droit de donner son sang s'il a eu un rapport sexuel avec son conjoint dans les quatre derniers mois ? Le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, qui avait fait la même analyse il y a quelques années, notait que « l'erreur consiste à se limiter à la sexualité, alors même que c'est le comportement sexuel qui peut être à risque, quelle que soit l'orientation sexuelle par ailleurs. »

Certains argueront peut-être que cette précision relève du niveau réglementaire, d'autres que cet alignement finira par arriver un jour. Rien ne doit conduire le législateur à se censurer devant une discrimination si évidente. Si la sécurité des receveurs doit naturellement être la priorité – il ne peut y avoir de droit à donner son sang –, cette décision doit s'appuyer sur des principes et sur des faits scientifiques. Une note publiée en avril par Santé publique France a estimé que l'alignement des critères des donneurs homosexuels sur ceux des donneurs hétérosexuels comporterait un risque supplémentaire d'infection tout à fait marginal. Il correspondrait à plus de 3 000 donneurs supplémentaires. Il est donc temps de mettre fin à cette discrimination, en adoptant l'amendement à l'article 7 bis que je défendrai avec de nombreux collègues.

L'article 7 ter, issu d'un amendement du Gouvernement, comble un vide juridique inquiétant. Alors que la loi encadre strictement le don d'organes, elle ne dit rien sur le don du corps à la science. Le Gouvernement propose de mieux encadrer et de mieux surveiller les centres du don des corps rattachés aux universités de médecine. Cela est évidemment une bonne chose, mais il faut aller au-delà de simples ajustements administratifs. Aujourd'hui, le droit ne prévoit aucune disposition pour le devenir des corps et le respect qui leur est dû, alors même que, selon l'article 16-1-1 du code civil, « le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort. » En particulier, j'ai découvert lors de mes travaux que tous les centres n'acceptent pas de rendre les cendres du défunt à la famille. Je proposerai un amendement allant dans le sens d'une clarification.

De nouveaux débats nous attendent. Ceux que nous avons eus en première lecture ont été intenses et nourris. Je souhaite évidemment que nos travaux se poursuivent avec le même enthousiasme et le même respect.

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